Skip to main content

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/6668/2024

DAS/128/2024 du 04.06.2024 ( CLAH ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6668/2024 DAS/128/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 4 JUIN 2024

 

Requête (C/6668/2024) en retour de l'enfant A______, né le ______ 2020, formée en date du 21 mars 2024 par Monsieur B______, domicilié ______, Portugal, représenté par Me Daniela LINHARES, avocate.

* * * * *

Arrêt communiqué anticipé par courriels et par plis recommandés du greffier du 5 juin 2024 à :

- Monsieur B______

c/o Me Daniela LINHARES, avocate

Galerie Jean-Malbuisson 15, Case postale 1648, 1211 Genève 1.

- Madame C______
c/o Me Karin ETTER, avocate
Boulevard Saint-Georges 72, 1205 Genève.

- Maître D______
______, ______ [GE].

- SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75, 1211 Genève 8.

- AUTORITÉ CENTRALE FÉDÉRALE
Office fédéral de la justice
Bundesrain 20, 3003 Berne.


EN FAIT

A.           a) B______, né le ______ 1985 à E______ (Portugal), de nationalité portugaise et C______, née le ______ 1990 à Genève, de nationalités portugaise et suisse, ont donné naissance, le ______ 2020 au Portugal, à l’enfant A______.

C______ est par ailleurs la mère de la mineure F______, née le ______ 2016 à E______, de sa relation hors mariage avec G______. La mère avait la garde exclusive de l’enfant, le père, également titulaire de l’autorité parentale, bénéficiant d’un droit de visite.

B______ et C______ ont contracté mariage le ______ 2022 à E______ et se sont séparés à la fin du mois de mars 2023.

Selon ce qui ressort des déclarations de B______, il a vécu chez sa mère pendant environ un mois après la séparation, puis a emménagé dans son propre logement, soit un bungalow muni, toujours selon ses allégations, du chauffage et de l’air conditionné. Les photographies qu’il a versées à la procédure montrent un logement meublé simplement, mais qui paraît rangé et comporte une chambre d’enfant.

b) A compter de leur séparation, les parties se sont mises d’accord pour pratiquer une garde alternée sur leur fils A______, tout d’abord à raison de deux jours chacun en alternance, puis d’une semaine à tour de rôle.

c) En janvier 2024, C______ a quitté le Portugal pour s’établir à Genève avec ses deux enfants, sans solliciter l’autorisation de leur père respectif avant de modifier leur lieu de résidence.

d) Le 1er mars 2024, G______ a requis le retour immédiat de l’enfant F______ au Portugal.

Par arrêt DAS/70/2024 du 20 mars 2024, la Cour de justice (ci-après : la Cour) a ordonné le retour immédiat de l’enfant F______ au Portugal. Cette décision a été exécutée et la mineure est rentrée dans ce pays.

e) Le 21 mars 2024, B______ a saisi la Cour d’une requête en retour de l’enfant.

Sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, il a conclu à ce qu’une interdiction de sortie du territoire suisse pour l’enfant A______ soit prononcée, à ce qu’il soit ordonné que le mineur soit remis au Service de protection des mineurs jusqu’à ce qu’il vienne le chercher, à ce que la mère soit condamnée à remettre à la Cour les cartes d’identité et les passeports portugais et suisses du mineur, à ce qu’il soit fait interdiction à la mère (et à H______, compagnon de celle-ci) d’emmener ou de faire emmener l’enfant hors du territoire suisse sans l’accord préalable de la Cour ou du père, ces interdictions devant être prononcées sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP, et à ce qu’il soit ordonné à la police d’inscrire l’enfant dans les systèmes RIPOL et SIS.

Sur le fond, B______ a conclu à ce que le retour du mineur A______ au Portugal soit ordonné, à ce qu’il soit autorisé à venir le chercher à Genève, l’inscription RIPOL et SIS devant être levée.

f) Par ordonnance DAS/71/2024 du 22 mars 2024, la Cour a ordonné la représentation de l’enfant A______ et lui a désigné en qualité de curatrice Me D______, avocate.

Par ordonnance DAS/72/2024 du 22 mars 2024, la Cour, statuant à titre superprovisionnel, a fait interdiction à C______ d’emmener ou de faire emmener par un tiers l’enfant A______ hors du territoire suisse, lui a ordonné de déposer tous les documents d’identité de son fils A______ auprès de sa curatrice, la décision étant prononcée sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP, dont la teneur a été rappelée ; la Cour a également ordonné à l’Office fédéral de la police (FEDPOL) d’inscrire dans les systèmes de recherches informatisées de la police (RIPOL) et d’information Schengen (SIS) l’interdiction de sortie du territoire suisse de l’enfant A______.

g) Dans sa réponse sur mesures provisionnelles, C______ a conclu à ce qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle ne s’opposait pas à ce qu’il lui soit fait interdiction d’emmener l’enfant A______ hors de Suisse, et à ce qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle avait d’ores et déjà remis les documents d’identité de l’enfant à sa curatrice, le requérant devant être débouté de toutes autres conclusions.

Sur le fond, C______ a conclu à ce que l’absence d’illicéité du déplacement du mineur A______ soit constatée, à ce qu’il soit constaté que son retour (au Portugal) mettrait l’enfant en danger et ne serait pas dans son intérêt, à ce que le retour du mineur au Portugal soit par conséquent refusé, le requérant devant être débouté de toutes ses conclusions.

En substance, C______ a allégué que la séparation des parties avait été provoquée par le comportement de B______, lequel consommait de l’alcool avec excès, se mettait en colère et se montrait violent. Dans un premier temps, les parties avaient envisagé de divorcer à l’amiable, mais le requérant avait finalement refusé de signer les documents nécessaires. La citée a confirmé qu’entre la séparation et janvier 2024, l’enfant passait une semaine sur deux chez son père, lequel vivait toutefois chez sa propre mère, de sorte que c’était elle surtout qui s’occupait du mineur. Pour le surplus, elle a exposé que depuis la séparation des parties, B______ avait commencé à la suivre dans la rue, à la harceler de messages pour des futilités, la traitant de mauvaise mère, d’incapable et se plaignant de la manière dont elle s’occupait de leur fils auprès du service de protection des mineurs portugais. Le 25 mai 2023, elle avait déposé plainte contre le requérant pour violences conjugales et menaces. Le Ministère public de E______ lui avait accordé une protection par téléassistance, au moyen d’un bouton d’appel d’urgence ; elle s’était en outre adressée au bureau d’aide aux victimes de E______, lequel avait rendu un rapport le 1er août 2023. Ces mesures n’avaient toutefois pas convaincu B______ de modifier son comportement. Celui-ci avait tenté de la violer après leur séparation et faisait peur à A______ en affirmant qu’au domicile de la citée il y avait des monstres qui allaient le manger. B______ s’était par ailleurs allié avec le père de F______, ainsi qu’avec le frère de la citée, pour la harceler et la surveiller. Ne supportant plus cette pression ininterrompue et voulant protéger tant elle-même que ses deux enfants, la citée n’avait eu d’autre solution que de quitter le Portugal pour venir se réfugier en Suisse avec les mineurs. Depuis lors, elle était suivie par un psychiatre. Le mineur A______ était perturbé depuis le renvoi au Portugal de sa demi-sœur F______, laquelle lui manquait beaucoup, contrairement à son père, qu’il ne réclamait pas. Il refusait d’ailleurs de s’entretenir avec son père par visioconférence hors la présence de la citée. Ainsi, si elle devait retourner au Portugal, elle serait à nouveau exposée aux persécutions de la part des pères de ses enfants, alors qu’à Genève elle était à l’abri, entourée de sa famille et de ses amis. Elle avait par ailleurs trouvé une activité lucrative en tant qu’interprète auprès de la police et du Pouvoir judiciaire et avait inscrit son fils à l’école pour la rentrée du mois d’août 2024. L’enfant était en bonne santé et très attaché à elle.

A l’appui de ses allégations, la citée a produit les témoignages écrits de son père, de son oncle et de deux amies, rédigés en français (en portugais pour l’un d’eux), à l’ordinateur, non signés à la main et non accompagnés des documents d’identité de leurs auteurs. Lesdits témoignages, très longs et détaillés, viennent appuyer les allégations de la citée. Cette dernière a également versé à la procédure le témoignage de son compagnon actuel, H______, signé manuellement et accompagné d’une copie de sa carte d’identité. Celui-ci, qui indique partager la vie de la citée depuis l’été 2023, atteste qu’elle est une mère dévouée, A______ étant très heureux et en sécurité à ses côtés, alors qu’il était angoissé lorsqu’il rentrait de chez son père, qui lui racontait que des monstres se cachaient au domicile de la citée et qu’ils le mangeraient. A______ s’était mis à supplier sa mère afin qu’elle ne l’emmène pas chez son père. Depuis son arrivée en Suisse, A______ était un enfant épanoui et plein d’énergie, qui ne réclamait pas son père. La citée a également produit la copie d’un message d’une certaine I______, employée de la banque à laquelle les parties s’étaient adressées afin d’obtenir un prêt, lequel ne s’était, in fine, pas concrétisé. Selon le contenu dudit message, I______, qui avait vécu de près une situation pareille de séparation compliquée, a mis en garde la citée, ayant reconnu chez B______ tous les « symptômes d’une personne déséquilibrée qui a besoin d’aide ». Pour le surplus, la citée a produit le texte de plusieurs échanges par messagerie téléphonique intervenus avec le requérant concernant les vêtements ou la santé du mineur A______. Le bordereau de pièces de la citée contient également un document intitulé « rapport de soutien à la victime » du 1er août 2023, émanant d’une institution d’aide aux victimes de E______. Ledit rapport rapporte les déclarations de la citée concernant sa relation avec le requérant et conclut à l’existence d’un « risque important » sur la base des instruments d’évaluation du degré de risque utilisés par cette institution.

h) La curatrice de l’enfant a conclu, sur mesures provisionnelles, à la confirmation des mesures ordonnées à titre superprovisionnel, ainsi qu’à la fixation d’un droit aux relations personnelles entre le mineur A______ et son père pendant la durée de la procédure.

Sur le fond, la curatrice a conclu à ce que le retour immédiat au Portugal de l’enfant soit ordonné et à ce que soit révoquée, à cette fin, l’inscription dans le système de recherches RIPOL et SIS. Elle a relevé que le mineur n’avait plus eu aucun contact avec son père depuis son arrivée à Genève. De sa rencontre avec l’enfant, il était apparu que ce dernier avait immédiatement été intéressé à avoir des contacts avec son père ; il semblait cependant attaché à son nouveau lieu de vie actuel.

i) La Cour a tenu une audience le 29 mai 2024, au cours de laquelle les parties, ainsi que la curatrice de l’enfant, ont été entendues, chacune ayant persisté dans ses conclusions. Il n’a pas été possible de concilier les parties.

Le requérant a versé à la procédure des pièces complémentaires, soit notamment des photographies de son logement, ainsi que des documents attestant du classement de la procédure pénale pour violences conjugales initiée à son encontre, de même qu’une copie de son casier judiciaire vierge.

La citée a pour sa part notamment produit des pièces attestant de sa situation professionnelle actuelle.

Le requérant a contesté s’être montré violent à l’égard de la citée et a nié l’avoir harcelée ; il a également contesté consommer de l’alcool avec excès. Il a par ailleurs indiqué travailler à titre indépendant dans le domaine de l’entretien de jardins et de maisons. Il avait déposé une demande de divorce au Portugal et était disposé à retirer la plainte pénale qu’il avait déposée contre la citée pour enlèvement d’enfant si A______ était de retour au Portugal. Le conseil du requérant, par ailleurs également conseil du père de F______, a indiqué qu’il pourrait prendre contact avec ce dernier afin qu’il fasse de même.

La citée a affirmé qu’au Portugal A______ fréquentait la crèche ; elle l’accompagnait et allait le chercher, adaptant ses horaires de traductrice en fonction de ceux de ses enfants. Elle a confirmé avoir quitté le Portugal avec A______ sans avoir sollicité au préalable l’avis du requérant et a confirmé, pour le surplus, les explications fournies dans ses écritures. Elle se considérait en danger au Portugal, ainsi que ses enfants. Elle n’avait pas envisagé de s’installer ailleurs au Portugal, étant précisé qu’elle était née et avait grandi à Genève et s’y sentait en sécurité ; elle n’avait, au total, vécu que huit ans au Portugal. A sa connaissance, le requérant n’avait jamais été violent physiquement à l’égard de A______. La citée a affirmé que même si le retour du mineur au Portugal devait être ordonné, elle-même n’y retournerait pas. Elle ne pourrait plus y exercer d’activité lucrative en raison des plaintes pénales déposées à son encontre pour enlèvement par les pères de ses deux enfants. Si elle avait accepté la garde partagée de A______ avec le requérant, c’était parce qu’il était en réalité avec sa grand-mère paternelle ; elle voulait en outre se montrer conciliante, espérant que « les choses se calment ». Elle n’avait produit aucun certificat médical car le requérant se contentait de la bousculer lorsqu’il était pris de boisson et l’agressait verbalement.

La curatrice a décrit A______ comme un enfant très vif et très gai. Il lui avait parlé de sa sœur F______, qui était clairement une personne importante pour lui. En mars 2024, elle avait organisé un appel par Zoom entre A______ et son père. Lorsqu’il avait vu ce dernier à l’écran, l’enfant s’était exclamé « papa, papa ». La curatrice avait demandé à la citée de quitter la pièce, mais A______ s’était alors mis à pleurer et avait couru vers elle. Tous deux étaient ensuite revenus et l’entretien père-fils avait pu se poursuivre et avait duré trois-quarts d’heure. Selon la compréhension de la curatrice, A______ avait eu du plaisir à voir son père, mais il craignait que sa mère ne s’en aille. La curatrice avait trouvé le père très adéquat dans ses propos ; il avait essayé de distraire l’enfant et la curatrice avait eu l’impression d’une jolie relation.

C______ a expliqué que depuis le mois de mars, des entretiens par Whatsapp étaient organisés chaque semaine entre l’enfant et son père. A______ acceptait de parler avec le requérant, à condition que la citée reste dans la même pièce.

Selon B______, les derniers entretiens qu’il avait eus avec son fils avaient duré une heure, voire davantage. L’enfant avait dit à plusieurs reprises vouloir repartir chez lui, alors que selon sa mère, il ne pourrait le faire que durant les vacances. Le requérant a indiqué pouvoir organiser ses horaires, de sorte qu’il pourrait accompagner et aller chercher son fils à la crèche, comme il le faisait lorsque l’enfant était chez lui.

Au terme de l’audience, la citée a sollicité l’audition de son compagnon, afin qu’il puisse témoigner des liens l’unissant à son fils, ainsi que l’audition de sa tante, laquelle avait assisté à un entretien entre le père et l’enfant. Le requérant ainsi que la curatrice de l’enfant se sont opposés à ces auditions.

A l’issue de l’audience, la Cour a refusé les mesures d’instruction sollicitées, a invité les parties et la curatrice à plaider et a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles et sur le fond. La Cour a également refusé d’ordonner la production des pièces de la procédure pénale portugaise évoquées par les parties au début de l’audience.

EN DROIT

1.             1. Selon l'art. 7 de la Loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfant et les conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes (LF-EEA, RS 211.222.32), le Tribunal supérieur du canton où l'enfant résidait au moment du dépôt de la demande connaît en instance unique des demandes portant sur le retour d'enfant.

A Genève, le Tribunal supérieur du canton est la Cour de justice (art. 120 al. 1 LOJ).

Dans la mesure où l'enfant résidait, au moment du dépôt de la requête, et réside encore sur le territoire genevois, la requête déposée par-devant la Cour est recevable.

Le Tribunal compétent statue selon une procédure sommaire (art. 8 al. 2 LF‑EEA).

2.             2.1.1 Le Portugal et la Suisse ont tous deux ratifié la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfant (CLaH80; RS 0.211.230.02). A teneur de l'art. 4 de cette convention, celle-ci s'applique à tout enfant qui avait sa résidence habituelle dans un Etat contractant immédiatement avant l'atteinte au droit de garde ou de visite.

L'ordonnance du retour de l'enfant suppose que le déplacement ou le non-retour soit illicite. Selon l'art. 3 al. 1 let. a CLaH80, tel est le cas lorsque celui-ci a lieu en violation d'un droit de garde attribué à une personne, seule ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement. L'alinéa 2 de cette norme précise que le droit de garde peut notamment résulter d'une attribution de plein droit, d'une décision judiciaire ou administrative ou d'un accord en vigueur selon le droit de cet Etat. Pour déterminer le ou les parents titulaires du droit de garde, qui comprend en particulier celui de décider du lieu de résidence de l'enfant (art. 5 let. a CLaH80), il y a lieu de se référer à l'ordre juridique de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant immédiatement avant le déplacement. Ce moment est également déterminant pour juger de l'illicéité du déplacement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_884/2013 consid. 4.2.1 et la référence citée).

La procédure prévue par la CLaH80 a uniquement pour objet d'examiner les conditions auxquelles est subordonné le retour selon cette convention de façon à permettre une décision future sur l'attribution de la garde par le juge du fond (arrêt du Tribunal fédéral 5A_884/2013, op. cit.).

En principe, lorsqu'un enfant a été déplacé ou retenu illicitement, l'autorité saisie ordonne son retour immédiat (art. 1 let. a, 3 et 12 CLaH80) à moins qu'une exception prévue à l'art. 13 CLaH80 ne soit réalisée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_930/2014 consid. 6.1).

2.1.2 Selon le Code civil portugais, l’exercice des responsabilités parentales appartient aux deux parents (art. 1902 ch. 1). En règle générale, les parents exercent conjointement les responsabilités parentales. Si des divergences surviennent sur des questions importantes, chacun d’eux peut s’adresser au juge, qui tentera la conciliation (art. 1902 ch. 2).

2.2.1 En l’espèce, il est acquis que la résidence habituelle du mineur, avant son déplacement à Genève, se trouvait au Portugal, pays dont il a la nationalité, où il est né et dans lequel il a vécu jusqu’en janvier 2024. Il est également établi et non contesté que les deux parents, encore mariés, détiennent l’autorité parentale sur leur fils et qu’ils pratiquaient, d’accord entre eux, une garde partagée sur celui-ci.

Il est également établi et non contesté que la citée n’a sollicité l’accord ni du requérant ni de l’autorité judiciaire compétente avant de déplacer à Genève la résidence habituelle du mineur, de sorte que le déplacement doit être qualifié d’illicite au sens de la CLaH80.

Le requérant, ce qui n’est pas contesté, s’est opposé dans les délais utiles à ce déplacement, puisqu’il a, dans les trois mois qui ont suivi, déposé d’une part une plainte pénale au Portugal pour enlèvement d’enfant et saisi d’autre part la Cour de céans d’une requête en retour du mineur.

2.2.2 La citée a invoqué l’art. 1906-A du Code civil portugais pour contester l’illicéité du déplacement à Genève de la résidence habituelle du mineur A______.

Selon cette disposition, l’exercice en commun des responsabilités parentales peut être jugé contraire à l’intérêt de l’enfant en cas de violences domestiques. Or, la citée allègue avoir été victime de telles violences, commises devant l’enfant, lequel les avait également subies directement, son père n’ayant pas hésité à le traumatiser en soutenant qu’il y avait des monstres au domicile de sa mère.

Le contenu du dossier soumis à la Cour ne permet toutefois pas de retenir les allégations de la citée. Il est en effet établi que la plainte qu’elle a déposée au Portugal contre le requérant pour violences domestiques a été classée. Il convient par ailleurs de relativiser la portée des déclarations non signées versées à la procédure. Dans la mesure où elles émanent de proches de la citée, leur objectivité peut en effet être mise en doute. De plus, puisque les proches dont elles émanent prétendument ne faisaient pas ménage commun avec les parties, les nombreux détails qu’elles contiennent ne peuvent être que la reprise d’allégations tenues par la citée elle-même et non des constats directs des auteurs des attestations. La même remarque vaut également en ce qui concerne le rapport de l’organisme d’aide aux victimes de E______. Les messages échangés par les parties, que la citée a produits, ne contiennent par ailleurs aucune menace et ne sauraient être considérés comme constitutifs de harcèlement. Pour le surplus, la citée ne saurait tirer aucun élément utile de la remarque formulée par l’employée de banque concernant la prétendue dangerosité du requérant, dans la mesure où l’on ignore tout du contexte et des éléments qui ont induit ce commentaire. Enfin, il sera relevé que bien qu’accusant le requérant de maltraitance, y compris à l’égard de son fils, la citée n’a pas cru bon de saisir les tribunaux portugais afin d’obtenir la garde exclusive de celui-ci, mais a au contraire accepté, pendant plus de neuf mois, une garde partagée, ce qui atteste du fait qu’elle ne considérait pas que l’enfant était en danger auprès de son père.

L’illicéité du changement de résidence du mineur ne saurait par conséquent être sérieusement contestée.

Il reste dès lors à déterminer si l’une ou l’autre des conditions de l’art. 13 CLaH80, qui permettrait de renoncer au prononcé du renvoi de l’enfant au Portugal, est remplie.

3.             3.1 Selon l’art. 13 CLaH80, l’autorité judiciaire ou administrative de l’Etat requis n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant lorsque la personne, l’institution ou l’organisme qui s’oppose à son retour établit : b. qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable.

Seuls des risques graves doivent être pris en considération, à l’exclusion de motifs liés aux capacités éducatives des parents, dès lors que la CLaH80 n’a pas pour but de statuer au fond sur le sort de l’enfant, notamment sur la question de savoir quel parent serait le plus apte à élever et à prendre soin de lui ; la décision à ce sujet revient au juge du fait de l’Etat de provenance et la procédure de retour tend uniquement à rendre possible une décision future à ce propos (arrêt du Tribunal fédéral 5A_827/2016 du 30 novembre 2016 et les références citées, étant précisé que cet arrêt a confirmé le retour immédiat en Pologne d’une enfant âgée de 4 ans).

L’art. 5 LF-EEA précise l’application de l’art. 13 al. 1 let. b CLaH80 en énumérant une série de cas dans lesquels le retour de l’enfant ne peut plus entrer en ligne de compte parce qu’il placerait celui-ci dans une situation manifestement intolérable. Ainsi, le retour de l’enfant ne doit pas être ordonné notamment lorsque : le placement auprès du parent requérant n’est manifestement pas dans l’intérêt de l’enfant (art. 5 let. a LF-EEA), le parent ravisseur, compte tenu des circonstances, n’est pas en mesure de prendre soin de l’enfant dans l’Etat dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle au moment de l’enlèvement ou que l’on ne peut manifestement pas l’exiger de lui (let. b), le placement auprès de tiers n’est manifestement pas dans l’intérêt de l’enfant (let. c).

Le critère du retour intolérable dans le pays d’origine concerne l’enfant lui-même et non les parents. Cela signifie que le retour peut entraîner, selon les circonstances, une séparation entre l’enfant et sa personne de référence, séparation qui ne constitue pas encore à elle seule une cause de refus du retour. Lorsque le parent ravisseur, dont l’enfant ne devrait pas être séparé de lui, crée lui-même une situation intolérable pour l’enfant en refusant de le raccompagner, alors qu’on peut l’exiger de lui, il ne peut pas invoquer la mise en danger de l’enfant à titre d’exception au retour ; à défaut, le parent ravisseur pourrait décider librement de l’issue de la procédure de retour (arrêt du Tribunal fédéral 5A_827/2016 du 30 novembre 2016 et les références citées). Un retour du parent ravisseur avec l’enfant, au sens de l’art. 5 let. b LF-EEA, ne peut, par exemple, pas être exigé si ce parent s’expose à une mise en détention, ou s’il a noué en Suisse des relations familiales très solides, notamment après un nouveau mariage. Il doit s’agir toutefois de situations exceptionnelles, dans lesquelles il ne peut être raisonnablement exigé du parent ravisseur qu’il retourne dans le pays de dernière résidence de l’enfant aux fins d’y attendre qu’il soit jugé définitivement sur les droits parentaux. Le caractère intolérable du retour de l’enfant doit, dans tous les cas, être établi clairement, à défaut de quoi le retour doit être ordonné (arrêt du Tribunal 5A_827/2016 du 30 novembre 2016 et les références citées).

3.2 En l’espèce, il n’est pas établi que le retour du mineur A______ au Portugal le placerait dans une situation intolérable et ce même si la citée devait persister dans son refus d’y retourner.

Le mineur est né au Portugal, pays dont il parle la langue. Il y fréquentait une crèche, dans laquelle il pourra retourner et il retrouvera, outre son père, d’autres membres de sa famille paternelle, en particulier sa grand-mère, qui s’occupait également de lui. Il pourra en outre revoir sa demi-sœur F______, à laquelle il semble très attaché. Par ailleurs et conformément à ce qui a été relevé ci-dessus, rien ne permet de retenir que le requérant se serait montré maltraitant ou inadéquat à l’égard de son fils, qu’il a pris en charge, en garde alternée, d’accord avec la citée, pendant de nombreux mois, étant relevé que le logement qu’il occupe, bien que simple, paraît adéquat pour y recevoir un enfant, qui dispose de sa propre chambre.

Le mineur est certes encore très jeune et, conformément à ce qu’a confirmé sa curatrice, est très attaché à sa mère. Il ne fait dès lors aucun doute que la séparation d’avec celle-ci sera difficile, ce qui ne suffit pas, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral citée ci-dessus, qui concernait une enfant du même âge que A______, pour renoncer à ordonner le renvoi. Au demeurant, le retour au Portugal de la citée elle-même ne la placerait pas dans une situation intolérable. Certes, les pères de ses deux enfants ont déposé contre elle une plainte pénale pour enlèvement d’enfant. Le requérant s’est toutefois d’ores et déjà déclaré prêt à la retirer ; quant au père de la mineure F______, son conseil se fait fort de le convaincre d’en faire de même. Il est au demeurant douteux – une telle hypothèse n’ayant pas été rendue suffisamment vraisemblable – qu’une procédure pénale fondée sur ce motif pourrait entraîner la mise en détention de la citée. Pour le surplus, il sera relevé que cette dernière n’est de retour en Suisse que depuis moins de cinq mois ; elle vit certes avec un compagnon, sans être mariée et le couple n’a pas d’enfant commun. Elle a trouvé du travail à Genève, mais exerçait la même profession lorsqu’elle vivait au Portugal et rien ne permet de retenir qu’elle ne pourrait pas reprendre une activité dans ce pays.

Au vu de ce qui précède, il sera non seulement retenu que le retour du mineur A______ au Portugal, seul ou accompagné de sa mère, ne le placerait pas dans une situation intolérable, mais qu’il en irait, quoiqu’il en soit de même pour cette dernière.

Dès lors, la requête doit être admise au fond et le retour de l’enfant A______ au Portugal ordonné.

4.             Au vu de l’issue de la procédure, les conclusions provisionnelles n’ont plus d’objet.

5.             Afin de permettre le retour du mineur au Portugal, les inscriptions RIPOL et SIS seront levées.

6.             Les art. 26 CLaH80 et 14 LF-EEA prévoient la gratuité de la procédure; toutefois conformément aux dispositions de l'art. 42 CLaH80 et par application de l'art. 26 al. 3 CLaH80, le Portugal a déclaré qu'il ne prendrait en charge les frais visés à l'al. 2 de l'art. 26 que dans la mesure où les coûts peuvent être couverts par son système d'assistance judiciaire. La Suisse applique dans ce cas le principe de la réciprocité (art. 21 al. 1 let. b de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111).

En l’espèce, les frais judiciaires seront arrêtés à 7'357 fr., correspondant aux frais et honoraires de la curatrice, en 7'117 fr., et aux frais de traducteur/interprète, en 240 fr. Les deux parties ayant été mises au bénéfice de l’assistance judiciaire, lesdits frais seront provisoirement laissés à la charge de l’Etat.

7.             Le présent arrêt sera notifié, outre aux parties, à l'Autorité centrale fédérale, conformément à l'art. 8 al. 3 LF-EEA, à charge pour celle-ci d'en informer les autorités portugaises compétentes.

* * * * *


8.       

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable la requête en retour de l'enfant A______, né le ______ 2020 au Portugal, de nationalité portugaise, formée par son père, B______.

Au fond :

Ordonne le retour immédiat au Portugal de l'enfant A______, né le ______ 2020, de nationalité portugaise.

Charge le Service de protection des mineurs, en collaboration avec la curatrice de représentation de l'enfant, de préparer et d'exécuter le retour ordonné, au besoin avec le concours de la force publique.

Ordonne en conséquence la levée de l’inscription du mineur A______, né le ______ 2020, dans les systèmes de recherches informatisées de la police (RIPOL) et d’information Schengen (SIS).

Ordonne la notification du présent arrêt à l'autorité centrale fédérale.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 7'357 fr. et les laisse provisoirement à la charge de l’Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à verser à D______, curatrice, la somme de 7'117 fr.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI, Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 2 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.