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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/1296/2023

ACST/34/2023 du 12.10.2023 ( ABST ) , REJETE

Recours TF déposé le 16.11.2023, 2C_642/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1296/2023-ABST ACST/34/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 12 octobre 2023

 

dans la cause

 

COMMUNE A______
représentée par Me Antoine BERTHOUD, avocat recourante

contre

GRAND CONSEIL intimé


EN FAIT

A. a. La commune A______ (ci-après : la commune) est une commune à fort potentiel de ressources au sens de la loi sur le renforcement de la péréquation financière intercommunale et le développement de l’intercommunalité du 3 avril 2009 (LRPFI - B 6 08).

Selon le rapport administratif et financier 2021-2022, les comptes de la commune pour l’année 2021 faisaient état de disponibilités et de placements à court terme de CHF 71'143'903.- et de fonds propres de CHF 291'273'960.-, dont un excédent au budget de CHF 276'717'752.-. Pour la péréquation intercommunale et son augmentation anticipée, ils faisaient état de CHF 31'197'162.- correspondant à l’addition d’une provision à court terme de CHF 16'029'015.- et d’une provision à long terme de CHF 15'168'447.-.

Le rapport des comptes de l’exercice 2022 de la commune approuvé par le Conseil municipal le 11 mai 2023 fait état d'un bénéfice de CHF 17'277'958.- par rapport au bénéfice projeté de CHF 16'114.- provenant de rentrée fiscales supplémentaires liées à l’impôt sur les personnes physiques (CHF 13'002'064.-) et d’un reliquat d’impôts lié à la dissolution d’une provision trop importante (CHF 4'104'663.-). Les fonds propres excédentaires de la commune au bilan au 31 décembre 2022 étaient de CHF 293'953'274.-. En 2022, la commune a dissous la moitié d’une provision de CHF 30'000'000.- visant à permettre le paiement au régime péréquatif calculé sur la base des rentrées deux années avant l’année comptable, de sorte qu’au 31 décembre 2022, il lui restait une provision pour la péréquation financière non utilisée de CHF 15'000'000.- afin d’assumer les conséquences de la péréquation en 2023.

Dans son budget pour l’année 2023, la commune a fait état de revenus de CHF 64'189'605.- et d’un excédent final de CHF 17'378.-.

Les centimes additionnels communaux de la commune étaient de 31 en 2017, de 29 de 2018 à 2020 et de 27 de 2021 à 2023.

Entre 2017 et 2021, le service des affaires communales (ci‑après : SAFCO) a autorisé la commune à comptabiliser, à titre exceptionnel, des provisions annuelles pour la péréquation financière intercommunale, à payer respectivement annuellement entre 2019 et 2023.

b. La commune est membre de l’association des communes genevoises (ci‑après : ACG), une corporation de droit public dotée de la personnalité juridique instituée par les art. 77 ss de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05). L’ACG est dirigée par un comité, dont l’un des membres actuels est un représentant de la commune.

B. a. Le 3 septembre 2021, le Grand Conseil a adopté la loi sur l’aide aux personnes sans abri (LAPSA - J 4 11), entrée en vigueur le 6 novembre 2021, qui vise à garantir à toute personne sans abri la couverture de ses besoins vitaux (art. 1 LAPSA) et la collaboration du canton et des communes à cette fin (art. 2 LAPSA).

b. À la suite de la publication d’une étude mandatée par la Ville de Genève (ci‑après : la ville) sur les besoins en matière d’hébergement d’urgence, des discussions ont été initiées entre l’ACG et la ville concernant un mécanisme de co‑financement pérenne, la LAPSA ne fixant pas la contribution intercommunale. Pour l’année 2022, l’ACG avait ainsi alloué à la ville un montant de CHF 1'000'000.- prélevé sur le fonds intercommunal (ci-après : le fonds) instauré par l’art. 2 let. b LRPFI et régi par ses statuts du 3 avril 2009 (StFI - B 6 08.05), puis un montant supplémentaire de CHF 6'200'000.- voté par l’ACG en avril 2022 afin de permettre la réouverture en urgence de places d’accueil précédemment fermées faute de moyens financiers. Cette dépense a mis en lumière la faible marge de manœuvre dont disposait le fonds pour soutenir des projets intercommunaux d’envergure.

c. En juin 2022, l’assemblée générale de l’ACG a adopté une proposition de modification de la LRPFI qui visait à inscrire dans ladite loi les mécanismes de financement des prestations communales dédiées à l’aide aux personnes sans abri, mais tendant également à renforcer le financement du fonds afin d’éviter un découvert et de lui donner des ressources supplémentaires pour des projets intercommunaux, et enfin à renforcer la péréquation générale des ressources entre les communes pour leur permettre d’assurer le financement de tâches pouvant leur être transférées à l’avenir par le canton.

À terme, en plus du financement des prestations LAPSA, d’environ CHF 19'000'000.- par an dès 2023, du renforcement du fonds, de CHF 7'000'000.- par an dès 2023, la péréquation des ressources passerait dès 2025 de 2% du potentiel de ressources des communes à 3,5%, soit, si l’on appliquait les montants fondés sur les budgets 2023 des communes, près de CHF 70'000'000.- au lieu des quelque CHF 40'000'000.- actuellement. Plus précisément, il s’agissait d’augmenter le pourcentage lié à la contribution des communes à fort potentiel de ressources à hauteur de 3,5%, tout en rehaussant le facteur de multiplication de la valeur du centime de chaque commune servant à calculer l’attribution de l’ensemble des communes en faveur de la ville à concurrence de 0,75.

Selon le tableau « impacts chiffrés des modifications légales proposées » annexé, établi sur la base du budget 2023 des communes, la contribution de A______ pour 2023 serait de CHF 1'025'977.- pour l’hébergement d’urgence, de CHF 377'992.- pour l’augmentation de dotation du fonds, de CHF 4'155'555.- pour la péréquation des ressources de 2,5% et de CHF 116'777.- pour la contribution de ville-centre, soit au total un montant supplémentaire de CHF 5'676'301.- par rapport au budget LRPFI 2023. Les projections pour l’année 2024 sur la base du budget 2023 seraient, pour la commune, une contribution de CHF 1'025'977.- pour l’hébergement d’urgence, de CHF 377'992.- pour l’augmentation de dotation du fonds, de CHF 7'838'598.- pour la péréquation des ressources de 3% et de CHF 233'554.- pour la contribution de ville‑centre, soit au total un montant supplémentaire de CHF 9'476'121.- par rapport au budget LRPFI 2023. Les projections pour l’années 2025 sur la base du budget 2023 seraient, toujours pour la commune, une contribution de CHF 1'025'977.- pour l’hébergement d’urgence, de CHF 377'992.- pour l’augmentation de dotation du fonds, de CHF 11'154'495.- pour la péréquation des ressources de 3,5% et de CHF 350'331.- pour la contribution de ville-centre, soit au total un montant supplémentaire de CHF 12'908'796.- par rapport au budget LRPFI 2023.

d. Le 12 octobre 2022, le Conseil d’État a déposé au Grand Conseil un projet de loi (ci-après : PL) modifiant la LRPFI, qui reprenait les propositions de l’ACG sous réserve de deux exceptions, dont l’entrée en vigueur du texte, initialement prévue au 1er janvier 2023 malgré son adoption ultérieure. Selon le Conseil d’État, il s’agissait d’une rétroactivité impossible à mettre en œuvre en pratique puisque les charges et revenus visés par le PL devaient être versés mensuellement dès le 1er janvier 2023, sans garantie que la loi soit votée. Il convenait donc de remplacer cette disposition rétroactive par des dispositions transitoires, même s’il était compréhensible que les communes souhaitassent que les montants prévus pour 2023 soient versés en totalité. Par ailleurs, il était précisé que le PL augmentait la péréquation intercommunale sans la lier intrinsèquement à de nouvelles charges, les communes ayant manifesté le souhait d’anticiper, par ce biais, les charges que les transferts de compétence qui seraient décidés à l’avenir représenteraient.

e. Le PL 13'193 a été renvoyé sans débat à la commission parlementaire des affaires communales, régionales et internationales (ci-après : la commission parlementaire), qui a rendu son rapport le 9 janvier 2023. Au cours de ses travaux, la commission parlementaire a notamment procédé à l’audition des représentants de l’ACG ainsi qu’à celle des représentants de la commune.

f. Le 27 janvier 2023, le Grand Conseil a adopté la loi 13'193 modifiant la LRPFI, qui contient notamment les dispositions suivantes :

Art. 1 Modifications

La loi sur le renforcement de la péréquation financière intercommunale et le développement de l’intercommunalité, du 3 avril 2009 (LRPFI – B 6 08), est modifiée comme suit :

 

Art. 5, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Les communes à fort potentiel de ressources, apprécié en regard de la moyenne des communes, versent aux communes à faible potentiel de ressources une allocation dont le montant total équivaut à 3,5% de la somme des potentiels de ressources de chacune des communes.

 

Art. 13 (nouvelle teneur)

La contribution à charge de chaque commune au sens de l’article 12 est calculée en multipliant par 0,75 la valeur du centime de la commune concernée.

 

Art. 30, al. 2 et 3 (nouvelle teneur)

2 Le montant des contributions des communes est calculé de manière à ce que le Fonds intercommunal encaisse annuellement un montant total de contributions de 30 millions de francs, réduit toutefois du montant total des contributions des communes pour le financement de la prise en charge des intérêts selon le chapitre III du titre II de la présente loi.

3 A cet effet, la contribution de chaque commune est calculée en multipliant :

a) la valeur de centime de chaque commune, au titre des centimes additionnels sur l’impôt cantonal sur le revenu et la fortune des personnes physiques et des centimes additionnels sur l’impôt cantonal sur le bénéfice net et le capital des personnes morales (compte tenu également des attributions à la commune concernée en provenance du fonds de péréquation intercommunale institué par l’article 295 de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887) ;

par

b) le quotient obtenu en divisant, par la somme des valeurs de centime de toutes les communes, le montant de 30 millions de francs réduit de la somme des contributions des communes pour le financement de la prise en charge des intérêts selon le chapitre III du titre II de la présente loi.

 

Art. 36, al. 3 à 8 (nouveaux)

Modifications du 27 janvier 2023

4 En 2023, le pourcentage déterminant le calcul de la contribution des communes à fort potentiel de ressources, selon l’article 5, alinéa 1, est de 2,5%. Le facteur de multiplication déterminant le taux des contributions des autres communes en faveur de la Ville de Genève, au sens de l’article 13, est de 0,65. En 2024, le pourcentage est porté à 3% et le facteur de multiplication à 0,7. Le pourcentage et le facteur de multiplication introduits par la modification du 27 janvier 2023 sont pleinement applicables dès 2025.

5 L’année de l’entrée en vigueur de la modification du 27 janvier 2023, les montants versés et perçus par chaque commune sont calculés pour une année complète, quelle que soit la date d’entrée en vigueur de ladite modification.

7 Les versements mensuels prévus à l’article 13 du règlement d’application de la présente loi, du 18 novembre 2009, sont adaptés, dès l’entrée en vigueur de la modification du 27 janvier 2023, de manière à couvrir sur les mois restants de l’exercice budgétaire la totalité des sommes dues ou à percevoir par chaque commune.

 

Art. 3 Entrée en vigueur

Le Conseil d’État fixe l’entrée en vigueur de la présente loi.

g. Par arrêté du 22 mars 2023, publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 24 mars 2023, le Conseil d’État a promulgué la loi 13'193 modifiant la LRPFI, laquelle est entrée en vigueur le lendemain de ladite publication.

C. a. Par acte expédié le 17 avril 2023, la commune a recouru auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci‑après : chambre constitutionnelle) contre la loi 13'193 modifiant la LRPFI, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif au recours et principalement à l’annulation de l’art. 5 al. 1, de l’art. 13, de l’art. 30 al. 2 et 3 ainsi que de l’art. 36 al. 4, 5 et 7 de ladite loi.

Le financement de l’accueil d’urgence pour les personnes sans-abri, qui impliquait un supplément de charges annuelles estimé à CHF 1'025'977.-, n’était pas contesté, contrairement à la part qu’elle devait verser au titre d’augmentation de la dotation du fonds et à sa contribution en qualité de commune à fort potentiel de ressources en faveur des communes à faible potentiel de ressources. Dans ce cadre, elle invoquait une violation de l’autonomie communale, du principe de la proportionnalité, de l’art. 143 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst‑GE ‑ A 2 00) ainsi que du principe de l’interdiction de la rétroactivité.

b. Par décision du 26 mai 2023, la chambre constitutionnelle a refusé d’octroyer l’effet suspensif au recours et a réservé les frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

c. Le 8 juin 2023, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours.

d. Le 9 juin 2023, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 14 juillet 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

e. Le 19 juin 2023, le Grand Conseil a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires.

f. Le 14 juillet 2023, la commune a persisté dans ses conclusions.

Dans le cadre de son audition par la commission parlementaire, le président de l'ACG n'avait donné comme seul exemple de charge future qui serait attribuée aux communes et qui nécessiterait la mise en commun de ressources supplémentaires que celui de la Fondation genevoise pour l'animation socio-culturelle (ci-après : FASe). Dans sa séance du 3 mai 2023, le Conseil d'État avait expressément renoncé à transférer la FASe aux communes.

Le 7 juin 2023, le Conseil d'État avait publié un arrêté approuvant les montants de la péréquation financière intercommunale pour l'année 2023. La contribution de la commune avait été fixée à CHF 37'267'288.- sur un total de CHF 86'746'165.-, ce qui correspondait à près de 43% du total des contributions.

Le vote ayant eu lieu lors de l'assemblée générale extraordinaire de l'ACG portait uniquement sur le choix entre trois modèles. La commune avait voté pour le scénario 1 « léger », alors que le résultat de vote pondéré avait permis au scénario 3 « fort » d'arriver en tête à une faible majorité. Le Grand Conseil semblait reprocher à la commune de ne pas s'être opposée à la décision de l'ACG en se référant à l'art. 79 de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05), alors qu'il était pour le moins douteux que cette voie fût ouverte en l'espèce. Ce mécanisme devait impérativement passer par une modification de la loi, ce qui ouvrait le recours en contrôle abstrait des normes, étant rappelé qu'en Suisse, l'État de droit protégeait les minorités lorsque leurs droits constitutionnels étaient en jeu.

Le seul fait qu'il y ait eu une évolution moyenne du revenu fiscal par habitant entre 2012 et 2021 ne justifiait pas l'augmentation substantielle du taux de contribution au mécanisme péréquatif.

Forcer une commune à augmenter le taux de son centime additionnel pour financer des dépenses indéterminées et n'étant liées à aucun transfert de compétence constituait manifestement une violation de son autonomie.

Enfin, la violation du principe de la proportionnalité découlait de la mauvaise formule de calcul, qui n'avait pas été analysée en détail par le Grand Conseil. D'après ce dernier, le départ d'un seul contribuable aurait pour effet de faire passer la contribution communale à partir de 2024 de CHF 41'057103.- à CHF 22'408'253.-. Dans un mécanisme péréquatif censément fondé sur la base d'un indice de ressources par habitant, on ne pouvait raisonnablement soutenir que le départ d'une seule personne sur 5'931 aboutissait à une réduction de presque la moitié de la contribution due.

g. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 17 juillet 2023.

h. Le 5 octobre 2023, la commune a transmis à la chambre constitutionnelle un arrêté du Conseil d'État du 27 septembre 2023 approuvant les montants de la péréquation financière intercommunale pour l'année 2023, remplaçant celui du 7 juin 2023 et fixant la contribution de la commune à CHF 37'188'968.-.

i. Les arguments des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) 1.1 La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a Cst-GE). Selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

1.2 Le recours est formellement dirigé contre les art. 5 al. 1, 13, 30 al. 2 et 3 et 36 al. 4, 5 et 7 de la loi 13'193, à savoir une loi cantonale, et ce en l’absence de cas d’application (ACST/20/2023 du 9 mai 2023 consid. 1.2). Il a été interjeté dans le délai légal à compter de l’arrêté de promulgation de ladite loi, lequel a été publié dans la FAO du 24 mars 2023 (art. 62 al. 1 let. d et al. 3, art. 63 al. 1 let. a LPA), et satisfait également aux réquisits de forme et de contenu prévus aux art. 64 al. 1 et 65 LPA.

2) La recourante, qui est une collectivité publique, fonde sa qualité pour recourir sur l’art. 60 al. 1 let. d LPA, ce que l’autorité intimée conteste.

2.1 Selon cette disposition, ont qualité pour recourir les organes compétents des communes, établissements et corporations de droit public lorsqu’ils allèguent une violation de l’autonomie que leur garantit la loi et la Constitution. Cette disposition s’applique aussi au contrôle abstrait des normes (ACST/14/2018 du 28 juin 2018 consid. 3a).

Sont en particulier visés les cas où les communes peuvent invoquer la garantie de leur autonomie communale, ancrée au niveau fédéral à l’art. 50 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et, en droit genevois, à l’art. 132 al. 2 Cst-GE. Il suffit à cet égard que la commune, touchée dans ses prérogatives de puissance publique par l’acte attaqué, fasse valoir de manière défendable une violation de son autonomie, le point de savoir si l’autonomie qu’elle invoque existe réellement étant une question de fond et non de recevabilité (ATF 146 I 36 consid. 1 ; ACST/20/2023 précité consid. 2.1 et les références citées).

2.2 En l’espèce, la commune est touchée par la loi attaquée comme détentrice de la puissance publique et elle allègue de manière suffisamment vraisemblable une violation de son autonomie. Aussi faut-il lui reconnaître la qualité pour recourir contre la loi 13'193 pour se plaindre d’une violation de son autonomie, la question de savoir si elle est réellement autonome dans le domaine considéré relevant du fond du litige (ATF 143 I 272 consid. 2.3.2). Dans ce contexte, la recourante est également habilitée à se plaindre d’autres griefs en rapport suffisamment étroit avec celui de la violation de l’autonomie communale (ACST/14/2018 précité consid. 3b et les références citées).

La commune dispose également de la qualité pour recourir sur la base de la clause générale de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, interprétée à l’aune de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la disposition correspondante figurant à l’art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) et s’imposant sur le plan cantonal en vertu de l’art. 111 LTF, dès lors qu’elle se trouve affectée de manière qualifiée dans ses intérêts de puissance publique en présence d’un acte mettant en cause la péréquation intercommunale et des montants en question (ATF 140 I 90 consid. 1.2.2 et 1.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_878/2020 du 26 octobre 2020 consid. 3.2).

Le recours est donc recevable.

3) La chambre constitutionnelle, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée. Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – au droit supérieur. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 148 I 198 consid. 2.2 ; 147 I 308 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_810/2021 du 31 mars 2023 consid. 3.2 ; ACST/20/2023 du 9 mai 2023 consid. 3).

4) Le recours porte sur la contribution à verser par les communes à fort potentiel de ressources en faveur de celles à faible potentiel de ressources (art. 5 al. 1 LRPFI), sur le taux de la contribution à charge des communes en faveur de la Ville de Genève (art. 13 LRPFI) ainsi que sur le montant à verser au fonds (art. 30 al. 2 et 3 LRPFI) et les dispositions transitoires y relatives (art. 36 al. 3, 5 et 7 LRPFI).

5) La recourante fait grief aux dispositions contestées de violer son autonomie communale.

5.1 Selon l’art. 50 al. 1 Cst., l’autonomie communale est garantie dans les limites fixées par le droit cantonal. Une commune bénéficie ainsi de la protection de son autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de manière exhaustive, mais laisse en tout ou partie dans la sphère communale, lui accordant une liberté de décision importante. Le domaine d’autonomie protégé peut consister dans la faculté d’adopter ou d’appliquer des dispositions de droit communal ou encore dans une certaine liberté dans l’application du droit fédéral ou cantonal. Pour être protégée, l’autonomie ne doit pas nécessairement concerner l’ensemble d’une tâche communale, mais uniquement le domaine litigieux. L’existence et l’étendue de l’autonomie communale dans une matière concrète sont déterminées essentiellement par la Constitution et la législation cantonales (ATF 145 I 52 consid. 3.1 ; 143 II 553 consid. 6.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_84/2020 du 28 janvier 2021 consid. 3.2).

5.2 Selon l’art. 132 Cst-GE, les communes sont des collectivités publiques territoriales dotées de la personnalité juridique (al. 1), leur autonomie étant garantie dans les limites de la constitution et de la loi (al. 2). La loi fixe les tâches qui sont attribuées au canton et celles qui reviennent aux communes (art. 133 al. 2 Cst-GE).

L’art. 2 al. 1 LAC précise que l’autonomie communale s’exerce dans les limites de l’ordre juridique et plus particulièrement des compétences cantonales et fédérales, ainsi que du pouvoir de surveillance auquel la commune est soumise. En particulier en matière fiscale, le conseil municipal est compétent pour délibérer du nombre de centimes additionnels communaux à percevoir, cette décision étant soumise à l’approbation du Conseil d’État (art. 30 al. 1 let. b LAC).

En effet, en application de l’art. 291 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05), lorsque les recettes d’une commune, provenant de ses propres biens, des allocations ou des répartitions qui lui sont faites par l’État sur des taxes ou des impôts ou de ses autres ressources, ne lui permettent pas de subvenir à ses dépenses, elle est autorisée à percevoir des centimes additionnels et une taxe professionnelle. Le droit genevois ne permet ainsi pas aux communes d’introduire leurs propres impôts communaux mais seulement de prélever un supplément aux impôts cantonaux. Les communes disposent ainsi d’une compétence réduite, dès lors qu’elles sont dépendantes du droit cantonal, qui se concrétise par la perception de centimes additionnels en tant que multiples de l’impôt cantonal, et de la taxe professionnelle (ATA/920/2014 du 25 novembre 2014 consid. 7c et les références citées).

L’art. 295 LCP institue un fonds de péréquation intercommunale alimenté par la perception de centimes additionnels sur 20% de l’impôt cantonal sur le bénéfice et le capital des personnes morales et dont les recettes sont réparties entre les communes, compte tenu des charges qu’elles doivent assumer et de leur capacité financière.

La LRPFI complète ce régime de péréquation au moyen de mécanismes supplémentaires, à savoir une contribution générale des communes à fort potentiel de ressources en faveur des communes à faible potentiel de ressources (art. 2 let. a ch. 1 et art. 5 ss LRPFI), une contribution de « ville-centre » en faveur de la ville, à la charge des autres communes (art. 2 let. a ch. 2, art. 12 et art. 13 LRPFI), une contribution destinée à la prise en charge des intérêts des dettes contractées par les communes à faible indice de capacité financière pour leurs équipements publics (art. 2 let. a ch. 3 et art. 14 ss LRPFI), une contribution destinée au financement partiel des frais de fonctionnement des structures d’accueil à plein temps pour la petite enfance et des places d’accueil familial de jour (art. 2 let. a ch. 4 et art. 17 ss LRPFI) ainsi qu’une contribution destinée au financement de l’accueil d’urgence des personnes sans abri (art. 2 let. a ch. 4 LRPFI). La LRPFI instaure en outre un fonds intercommunal participant, au moyen de contribution des communes, au financement de certains investissements et dépenses de fonctionnement relatifs à des prestations de caractère intercommunal assumées par une entité intercommunale, des prestations assumées par une seule commune mais bénéficiant aux habitants d’autres communes ou des prestations incombant à l’ensemble des communes (art. 2 let. b et art. 27 ss LRPFI).

5.3 Les législations cantonales sur la péréquation financière intercommunale ne s’adressent en principe qu’aux communes. Toutefois, celles-ci ne sont normalement pas habilitées à prendre elles-mêmes les décisions fixant les contributions dues ou les prestations exigibles à ce titre, une telle compétence incombant exclusivement aux organes cantonaux. En ce sens, les communes n’ont donc aucun droit à déterminer librement la quotité de leurs propres contributions ou prestations. Au demeurant, soustraire de telles décisions du champ d’autonomie des communes n’est pas sans fondement. En effet, la péréquation financière intercommunale implique, à l’instar des questions de délimitation de souveraineté fiscale entre communes, un conflit d’intérêts entre des sujets de droit de même niveau, contestation que seul un organe de rang supérieur est apte à régler d’une manière contraignante pour les parties (ATF 119 Ia 214 consid. 3b). Certes, un canton peut attribuer expressément aux communes l’exécution de certains points du système de péréquation financière intercommunale, notamment en ce qui concerne l’utilisation des sommes allouées, de sorte qu’il est alors tenu de respecter la liberté d’action de la commune en cette matière, sous peine de violer son autonomie. Cependant, une telle latitude n’altère en rien la compétence des organes cantonaux quant à la détermination des contributions ou prestations annuelles. De même, s’il est vrai que la contribution réclamée affaiblit les finances des communes (y compris les ressources destinées aux activités relevant de leur champ d’autonomie), ce qui pourrait indirectement les obliger à augmenter leurs impôts, de telles conséquences ne constituent pas une atteinte à leur autonomie. D’une part, ces effets résultent nécessairement de toute obligation financière mise à la charge des communes et, d’autre part, celles-ci demeurent libres d’aménager leur budget et de choisir la manière dont elles entendent financer la contribution litigieuse (arrêt du Tribunal fédéral 2P.293/2004 du 1er décembre 2005 consid. 5.2 et les références citées).

5.4 En l’espèce, même si les contributions à verser par la recourante au titre de la péréquation la touchent dans ses intérêts, il n’en demeure pas moins que les communes genevoises ne disposent d’aucune compétence constitutionnelle en matière de péréquation financière, du ressort du seul canton. La recourante ne peut ainsi se prévaloir d’une autonomie dont elle ne dispose pas pour contester la loi 13'193.

Elle soutient toutefois que les prélèvements induits par la loi 13'193 seraient de nature à détériorer son budget, puisque la totalité de ses recettes seraient dédiées à la péréquation intercommunale, ce qui conduirait à l’augmentation du taux du centime additionnel, domaine dans lequel elle serait autonome. La recourante perd toutefois de vue que l’autonomie fiscale des communes n’est pas garantie de manière illimitée, mais uniquement dans les limites du droit cantonal et que seules la LCP et la LAC, et non la Cst-GE, confèrent la faculté aux communes genevoises de percevoir des centimes additionnels. Par ailleurs, même si les contributions litigieuses peuvent avoir une influence indirecte sur les finances communales en amenant les communes à augmenter leurs impôts ou à recourir à des emprunts, celles en cause gardent néanmoins le choix du financement desdites contributions. Au vu toutefois de la situation financière de la recourante, rien ne permet d’affirmer qu’elle devrait recourir à de tels mécanismes, comme le rappelle au demeurant l’autorité intimée en indiquant qu’elle a constitué des provisions, que son centime additionnel est l'un des plus bas du canton et que sa situation financière est excellente. Ainsi, le seul fait qu’en raison de ces participations financières imposées, la recourante doive porter une charge supplémentaire dans son budget et qu’elle puisse, le cas échéant, être amenée à augmenter le taux de ses centimes additionnels ou recourir à des emprunts ne touche pas son autonomie fiscale. Le grief doit dès lors être écarté.

6) La recourante se plaint d’une violation de l’art. 143 al. 1 Cst-GE.

6.1 Aux termes de cette disposition, la répartition des responsabilités financières tient compte du principe selon lequel chaque tâche est financée par la collectivité publique qui en a la responsabilité et qui en bénéficie.

6.2 En l’espèce, selon la recourante, l’augmentation annuelle de la dotation au fonds contreviendrait à l’art. 143 al. 1 Cst-GE, en l’absence respectivement d’implication des communes dans le processus d’engagement des dépenses et de charges supplémentaires. Il en irait de même de l’augmentation du taux de l’allocation versée par les communes à fort potentiel de ressources, qui la contraindrait à contribuer potentiellement à hauteur de la totalité de ses recettes fiscales.

À l’instar de l’autorité intimée, il y a lieu de nier l’application de l’art. 143 al. 1 Cst-GE, et du principe de l’équivalence fiscale repris de l’art. 43a al. 2 et 3 Cst., à la présente cause, en l’absence de nouvelles tâches confiées par la loi 13'193 aux communes, comme le reconnaît du reste implicitement la recourante en se plaignant du fait que ladite loi ne confère pas de nouvelles prérogatives aux communes mais seulement de nouvelles charges financières. En effet, les dispositions contestées ne prévoient pas l’affectation des contributions à verser par les communes à des tâches spécifiques, mais se situent au niveau de la péréquation financière et visent à rééquilibrer les rentrées fiscales des communes, en leur permettant d’assumer leurs tâches, comme le rappelle l’art. 1 LRPFI, loi dont le but est notamment de renforcer les ressources des communes à faible capacité financière (let. a) et d’encourager le développement de l’intercommunalité (let. b). Outre le financement de l’accueil d’urgence des personnes sans abri, qui n’est pas contesté, la loi 13'193 vise ainsi seulement à mieux répartir les ressources entre les communes pour leur permettre d’assumer leurs tâches, sans en établir de nouvelles. Le grief sera par conséquent écarté.

7) La recourante soutient que les dispositions litigieuses seraient contraires au principe de la proportionnalité.

7.1 Le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats d’intérêt public escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et requiert un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 146 I 157 consid. 5.4). Il peut être invoqué directement et de manière autonome (ATF 141 I 1 consid. 5.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_747/2022 du 14 février 2023 consid. 12.2).

7.2 En l’espèce, il n’est pas contesté que les modifications litigieuses de la LRPFI, par l’augmentation des contributions des communes à fort potentiel de ressources, dont fait partie la recourante, sont aptes à permettre une meilleure distribution des revenus fiscaux entre les communes ainsi qu’à les aider à assumer leurs tâches.

La recourante soutient toutefois que les motivations des modifications litigieuses, ne ressortiraient pas de l’exposé des motifs relatif au PL 13'193. Elle ne saurait toutefois être suivie sur ce point, dès lors que ledit exposé des motifs indique précisément les raisons de l’élaboration de la loi 13'193, qui a été effectuée sous l’égide de l’ACG, et qu'en qualité de membre de l’ACG, la commune y a pleinement participé, ses représentants ayant même été entendus par la commission parlementaire chargée de l’étude du PL 13'193. Elle ne peut ainsi arguer avoir été dans l’ignorance des motifs ayant conduit à l’élaboration des dispositions qu’elle conteste. La recourante ne peut pas davantage arguer de l’absence de besoins nouveaux clairement identifiés justifiant les contributions litigieuses, dès lors que, comme précédemment indiqué, la LRPFI ne vise pas à affecter spécifiquement les ressources versées par les communes à des tâches définies, mais à renforcer leurs contributions et à mieux répartir les revenus fiscaux des communes, ce qui constitue le principe même de la péréquation intercommunale, tel que rappelé à l’art. 1 LRPFI. Par ailleurs, comme l’indique l’autorité intimée, étant donné que certaines communes à fort potentiel ont vu leurs recettes fiscales par habitant massivement augmenter durant les dernières années, dont celles de la recourante, alors que d’autres ont vu ce même revenu fiscal moyen par habitant diminuer, un renforcement des contributions des premières en faveur des secondes s’avérait nécessaire, afin que ces dernières puissent assumer leurs charges malgré leur manque de moyens.

La recourante se plaint du caractère déraisonnable des montants à sa charge, qui ne tiendraient pas compte de ses contributions à d’autres fonds intercommunaux ni du départ d’un important contribuable en 2022. Tel n’apparaît toutefois pas être le cas, en considération des capacités financières de la recourante, telles qu’elles ressortent de ses états financiers et de ses comptes, de sorte que les montants qu’elle doit verser au titre de la loi 13'193 lui permettent néanmoins de continuer à offrir les prestations qui sont à sa charge en faveur de ses habitants et de contribuer aux autres fonds intercommunaux. Par ailleurs, il ressort également du dossier qu’elle a été autorisée par le SAFCO à effectuer des provisions en lien avec la présence d’un important contribuable sur son territoire jusqu’à son départ en 2022. En outre, le fait que la contribution des communes ne soit pas plafonnée n’est pas pertinent, car, comme l’a expliqué l’autorité intimée, le mécanisme péréquatif vise précisément à empêcher une commune, comme la recourante, à trop fortement réduire son centime additionnel afin de ne plus devoir contribuer à la péréquation à hauteur de son potentiel.

Les dispositions litigieuses respectent dès lors le principe de la proportionnalité, de sorte que le grief doit être écarté.

8) Selon la recourante, l’art. 36 al. 5 LRPFI contreviendrait au principe de la non‑rétroactivité des normes.

8.1 En règle générale, la loi applicable est celle qui est en vigueur au moment où les faits pertinents doivent être régis (ATF 146 V 364 consid. 7.1).

Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l’interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire et de la protection de la bonne foi (art. 5 et 9 Cst.). L’interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l’application d’une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 147 V 156 consid. 7.2.1), car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause (ATF 144 I 81 consid. 4.2). Une exception à cette règle n’est possible qu’à des conditions strictes, soit en présence d’une base légale suffisamment claire, d’un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l’égalité de traitement et des droits acquis. La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (ATF 147 V 156 consid. 7.2.1). En matière fiscale, il y a rétroactivité lorsque l’obligation imposée au contribuable se fonde sur des faits antérieurs et entièrement révolus lors de l’entrée en vigueur de la loi. La quotité d’un impôt peut en revanche être déterminée sur la base de faits antérieurs à la promulgation de la loi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 4.1 et les références citées).

Il n’y a toutefois pas de rétroactivité proprement dite lorsque le législateur entend réglementer un état de choses qui, bien qu’ayant pris naissance dans le passé, se prolonge au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit ; cette rétroactivité improprement dite est en principe admise, sous réserve du respect des droits acquis (ATF 140 V 154 consid. 6.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_520/2022 du 1er décembre 2022 consid. 6.2).

8.2 En l’espèce, selon la recourante, l’art. 36 al. 5 LRPFI aboutirait au résultat que le Conseil d’État avait voulu éviter, à savoir fixer la date d’entrée en vigueur de la loi de manière rétroactive au 1er janvier 2023, ce qui serait contraire à l’interdiction de la rétroactivité, absolue en matière fiscale.

Ce point de vue ne saurait être suivi, dès lors que la présente cause ne relève pas du droit fiscal ni de la capacité de la recourante de prélever un impôt, compétence dont elle ne dispose du reste pas en droit genevois, mais de la péréquation horizontale entre les communes, plus précisément la distribution de la part d’impôt communal à chaque commune. La recourante ne saurait ainsi alléguer être dans une situation similaire à celle d’un contribuable qui doit verser des impôts et des taxes à l’État, puisque la loi litigieuse ne vise qu’à répartir les ressources fiscales entre les différentes entités publiques qui en bénéficiaient. La recourante ne peut pas davantage être suivie lorsqu’elle indique qu’elle ignorait l’effet de la loi 13'193 avant son entrée en vigueur, étant donné les provisions effectuées à ce titre, conformément à son rapport administratif et financier 2021‑2022, ainsi que sa participation à l’élaboration du PL 13'193 sous l’égide de l’ACG.

Au demeurant, même à admettre l’existence d’un effet rétroactif de l’art. 36 al. 5 LRPFI, cet effet ne constituerait qu’une rétroactivité improprement dite, comme l’indique à juste titre l’autorité intimée, puisque la répartition intercommunale se base de toute manière sur des faits passés, soit les comptes communaux de l’année « N-2 », et qu’il importe ainsi peu que l’art. 36 al. 5 LRPFI prévoie que les montants versés et perçus par chaque commune soient calculés pour une année complète, indépendamment de la date d’entrée en vigueur de la loi 13'193, puisque ce système est inhérent à celui mis en place par le législateur en matière de péréquation intercommunale.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.-, qui comprend la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe alors qu'elle conteste une norme qu'elle n'a pas elle-même adoptée (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 avril 2023 par la commune A______ contre la loi 13'193 modifiant la loi sur le renforcement de la péréquation financière intercommunale et le développement de l’intercommunalité du 3 avril 2009 (LRPFI ‑ B 6 08), promulguée par arrêté du Conseil d’État publié dans la FAO du 24 mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de la commune A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antoine BERTHOUD, avocat de la recourante, ainsi qu’au Grand Conseil.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Blaise PAGAN, Valérie LAUBER, Philippe KNUPFER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :