Décisions | Chambre des prud'hommes
ACJC/1680/2025 du 19.11.2025 sur JTPH/72/2025 ( OO ) , CONFIRME
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/3530/2023 ACJC/1680/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des prud'hommes DU MERCREDI 19 NOVEMBRE 2025 | ||
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 6 mars 2025 (JTPH/72/2025), représenté par Me Yann LAM, avocat, MBLD Associés, rue Joseph-Girard 20, case postale 1611, 1227 Carouge,
et
B______, sise ______, intimée, représentée par Me Emma LOMBARDINI, avocate, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4.
A. Par jugement JTPI/72/2025 du 6 mars 2025, le Tribunal des prud’hommes a déclaré recevable la demande formée le 29 juin 2023 par A______ contre B______ (chiffre 1 du dispositif), l’a débouté de ses conclusions (ch. 2), mis à sa charge les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., (ch. 3 et 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).
B. a. Par acte expédié le 7 avril 2025 à la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement, dont il sollicite l’annulation des chiffres 2 à 5 du dispositif.
Cela fait, il conclut à ce que B______ soit condamnée à lui verser la somme nette de 99'999 fr., avec intérêts à 5 % dès le 1er septembre 2022.
b. Dans sa réponse, B______ conclut au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement entrepris.
c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant chacune dans ses conclusions.
d. Elles ont été informées par avis de la Cour du 26 septembre 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.
C.A a. Par contrat de travail à durée indéterminée, A______ a été engagé par B______ (ci-après : B______ ou la Banque) en qualité d’assistant de gestion auprès du département "Développement commercial, service Marché – Moyen-Orient", à partir du 1er février 2011.
Le poste en question a, par la suite, été renommé client relationship officer (ci-après : "CRO").
b. Dès le 1er avril 2013, A______ a été promu au poste de gérant junior au sein de son département.
c. Dès 2014, A______ a suivi une formation visant à obtenir le diplôme de Certified international investment analyst. Après trois échecs aux examens, il a obtenu son diplôme en 2017.
d. Entre 2011 et 2015, A______ a largement atteint les objectifs que la Banque lui avait fixés en sa qualité de CRO. Il ressort en revanche de ses entretiens d’évaluation annuelle qu’il devait, de manière générale, améliorer la gestion de ses priorités et ses connaissances des marchés financiers.
e. En avril 2016, A______ a été promu private banker advisor, étant précisé qu’une partie de son activité comprenait encore des tâches relevant de son poste de CRO.
f. Le 19 avril 2018, B______ a remis à A______ un courrier d’avertissement faisant état d’un manquement grave à ses devoirs, consécutivement à un incident survenu dans le cadre d’une visite d’un client le 20 mars 2018. Selon la Banque, le lien de confiance avait été rompu à cette occasion et elle attendait par conséquent de la part de son employé un comportement irréprochable.
g. Les entretiens d’évaluation annuelle de A______ laissent apparaître les éléments suivants.
En 2016 et 2017, C______, son supérieur hiérarchique de l’époque, a mis en exergue sa "solide performance" au niveau administratif vis-à-vis des clients et des banquiers qui en étaient très satisfaits, ainsi que ses "très nombreuses compétences techniques" qui étaient très appréciées par l’équipe. La Banque attendait toutefois encore de lui qu’il améliore ses connaissances et le suivi des marchés et qu’il développe un intérêt pour la région avec laquelle il travaillait. Malgré l’obtention de son diplôme en 2017, l’année avait été une année "en demi-teinte" pour A______ qui ne s’était pas "donné les moyens de pouvoir s’impliquer pleinement" dans ses responsabilités.
En 2018, il a été relevé que A______ avait largement atteint ses objectifs dans le cadre de son travail de CRO, sous réserve du fait qu’un incident majeur s’était produit avec un des clients de la Banque. Il a, en outre, été mis en évidence le fait qu’il ne devait pas hésiter à déléguer des tâches, demander de l’aide et continuer à acquérir des connaissances financières.
Entre 2016 et 2018, la Banque n’a fixé aucun objectif à A______ relatif à son rôle de banquier, seule son activité de CRO étant en conséquence évaluée.
En 2019, son supérieur hiérarchique a constaté qu’il avait largement atteint ses objectifs en qualité de CRO. Il devait toutefois faire preuve de plus de proactivité vis-à-vis des clients concernant leurs investissements. Il n’avait, par ailleurs, pas atteint ses objectifs en matière de revenus puisque certains clients avaient clôturé leurs comptes.
C.B a. En 2019, la zone "GITA-MENA", au sein de laquelle A______ évoluait, a connu une réorganisation, à savoir qu’elle a été divisée en deux zones : la zone "GIT", comprenant la Grèce, l’Israël et la Turquie, et la zone "MEA", regroupant les régions du Moyen-Orient et de l’Afrique.
b. A l’issue de ce processus de séparation, la Banque a soumis deux alternatives à A______, à savoir poursuivre son activité au sein du groupe "MEA" en qualité de CRO ou poursuivre son activité au sein du groupe "GIT", plus particulièrement au sein de l’équipe d’Israël, en qualité de private banker.
A______ a accepté la seconde proposition et a commencé à travailler en août 2020 au sein de la zone "GIT", son nouveau supérieur hiérarchique étant D______.
c. En intégrant cette équipe, composée d’une dizaine de personnes, A______ a récupéré une clientèle plus importante, qui était déficiente en termes de documentation. Il a déclaré en audience devant le Tribunal qu’il était conscient qu’il devait désormais rapporter concrètement plus d’argent à la Banque et s’occuper de toute la partie administrative pour ses clients, précisant qu’il y avait eu à cet égard un gros travail administratif, avec des procédures lourdes. Il disposait ainsi d’un rôle mixte (banquier et CRO).
d. En novembre 2020, E______ a été engagée par la Banque en vue de rattraper le retard concernant la documentation. Selon ses déclarations faites devant le Tribunal, elle avait travaillé au quotidien pour A______ durant plusieurs mois. Elle avait notamment traité des supsens, des call-back et des paiements, étant précisé qu’elle avait dû à chaque fois contacter le banquier à T______ [Israël] pour identifier les clients qu’elle ne connaissait pas. La procédure pour ce type de clientèle était lourde car il fallait faire appel à quelqu’un se trouvant à l’étranger, ce qui imposait que trois personnes soient en ligne pour valider l’opération. A l’issue de son engagement, en 2021, le rattrapage n’avait pas pu être terminé dans sa totalité car elle avait dû assister d’autres banquiers, ce qui l’avait empêchée d’effectuer toutes les tâches pour lesquelles elle avait été engagée.
e. Dès novembre 2020, A______ a interpellé son supérieur hiérarchique, D______, et F______, Business Risk Manager, sur le fait qu’il ne pouvait pas atteindre ses objectifs en matière de KYC (Know your client) et demandé à pouvoir reporter la mise à jour d’une partie d’entre eux à 2021.
Il a expliqué que depuis son arrivée en août 2020, il avait dû s’occuper de former E______, gérer la transition des comptes "MEA", reprendre la relation "J______" et maintenir le support des services bancaires du bureau de T______, ce qui ne lui laissait pas suffisamment de temps pour traiter l’ensemble des KYC.
F______ a refusé la demande de report. Par courriel du 11 décembre 2020, il a indiqué à A______ que le volume de KYC qu’il avait traité depuis mai 2020 était insuffisant et lui a recommandé d’avoir une discussion avec son supérieur hiérarchique.
D______ a, pour sa part, indiqué qu’il allait en rediscuter avec F______. Si cela s’avérait nécessaire, il essaierait de prendre en considération les circonstances particulières et la difficulté à reprendre les obligations liées à ces comptes.
f. Lors de l’entretien d’évaluation 2020, il a été relevé que A______ avait atteint ses objectifs, à l'exception de ceux liés aux risk and compliance. Les objectifs d’apports (Hard objectives) étaient fixés à 0 de Net New Money (NNM) et à + 100'000 de Net New Revenu (NNR). Ses qualités étaient très appréciées par l’équipe Israël, à savoir sa méticulosité dans le travail administratif complexe, le suivi sans faute des dossiers en cours et ses rapports transparents, précis et complets à ses managers. Il devait encore pleinement s’approprier son nouveau rôle de banquier privé, et ce, à tous les niveaux. Il devait ainsi faire preuve de plus de "rondeur" vis-à-vis des clients exigeants et être plus proactif et vif à l’égard de la clientèle israélienne.
Par courriel du 3 mars 2021, A______ a fait part de sa surprise quant à la notation obtenue. Il trouvait en particulier injuste d’être évalué négativement pour le compliance à propos des comptes reçus seulement au mois de septembre 2020, ainsi que pour les KYC dès lors qu'il ne disposait pas des ressources nécessaires pour effectuer son travail, et ce, alors même qu’il avait soulevé le problème auprès de son management.
g. Au cours de l’année 2021, A______ a continué de se plaindre d’une surcharge de travail, en particulier à la suite du départ de E______. Il a alors indiqué qu’il se trouvait dans l’impossibilité de couvrir seul le travail d’un banquier et d’un CRO sans l’aide d’un assistant, de sorte qu’il ne pourrait pas atteindre ses objectifs. Il a demandé de l’aide au sein de l’équipe de G______.
Le 15 avril 2021, D______ lui a indiqué qu’il s’entretiendrait le lendemain avec H______ [prénom], chef de l’équipe GIT, pour discuter de la situation et qu’il lui reviendrait après avoir débattu de la formule qui semblerait la plus appropriée.
Par courriel du 1er juin 2021, il lui a fait savoir que l’équipe de G______ ne pourrait pas lui apporter de l’aide. Il devait, par conséquent, attendre jusqu’à ce que la Banque trouve une solution, ce qui pouvait durer entre quatre à six mois. Il a ajouté que son évaluation annuelle 2021 tiendrait compte de l’augmentation de sa charge de travail.
h. A______ s’est également adressé à D______ pour savoir quelles étaient les tâches qu’il pouvait déléguer à ses collègues CRO.
Ce dernier lui a répondu à qui s’adresser pour les clients "PWMI" et qu’il pouvait également solliciter son aide pour les comptes "I______". S’agissant, en revanche, de sa liste de clients privés et des comptes "J______", il était préférable que A______ demeure autonome sur ces dossiers.
i. Au mois de mai 2021, A______ a demandé à récupérer ses jours de vacances au motif qu’il avait été contraint de travailler.
Le témoin K______, employé de la Banque au service des ressources humaines, a déclaré qu’il arrivait à tout un chacun de devoir se connecter ou contacter un client pendant ses vacances, ce qu’il avait expliqué à A______. Selon lui, la demande était exagérée, mais A______ avait néanmoins obtenu une compensation de quelques jours.
j. Le 17 septembre 2021, F______ a rendu l’équipe d’Israël attentive au fait que 325 documents étaient en attente et devaient être régularisés.
Par retour de courriel du 6 octobre 2021, A______ a répondu qu’il ne disposait pas des ressources nécessaires pour effectuer tous ses KYC ainsi que les autres documents en attente. Il s’engageait à faire de son mieux jusqu’à l’arrivée d’un nouveau CRO et espérait que son voyage en Israël prévu fin octobre - début novembre lui permettrait d’avancer sur les KYC.
Selon un courriel adressé le 22 octobre 2021 au responsable de zone, F______ estimait que la quantité de travail à laquelle A______ faisait face était supportable et qu’il pouvait effectuer ses tâches d'ici la fin du mois de novembre ou bénéficier éventuellement d'une prolongation à la mi-décembre.
Entendu comme témoin devant le Tribunal, F______ a expliqué qu’il n’avait pas pu accorder de régime d’exception à A______. Il aurait pu le soutenir si ce dernier avait effectué un travail régulier durant toute l'année mais à son souvenir, entre février et décembre 2021, il n'avait rien fait. Il n'était dès lors pas en mesure de montrer à ses supérieurs hiérarchiques que la situation de ce dernier justifiait d’appliquer une exception et qu'il avait fait preuve de bonne volonté durant toute l'année. Il a ajouté que cette problématique était spécifique à A______, les autres employés de la Banque ne lui ayant jamais demandé d'appliquer d'exception.
k. A partir du 1er novembre 2021, la Banque a engagé L______ en qualité de Head Client Relationship Officer pour renforcer l’équipe de CRO Israël. Elle avait le statut de manager d’équipe, de sorte que les CRO, y compris A______, devaient se rapporter à elle.
Lors de la séance de présentation de celle-ci, A______ a adopté une attitude fermée, ostensiblement désintéressée, passant la plupart du temps sur son téléphone. Selon le témoin H______, ce comportement était irrespectueux. Devant le Tribunal, A______ a expliqué qu’il s’était senti humilié par la situation qui était un cas unique dans la Banque car aucun banquier ne devait reporter à un CRO. Le CRO dépendait du banquier et non l’inverse.
l. Fin 2021, à la suite des plaintes répétées de A______ quant à sa surcharge de travail, la Banque a fait réaliser une étude volumétrique portant sur la quantité de travail des collaborateurs du groupe Israël. Le but était de voir si, dans les faits, A______ avait plus de tâches administratives à effectuer que les autres et si cela bloquait son développement commercial.
Le témoin H______ a expliqué avoir réalisé cette étude en se basant sur un extrait quantitatif des tâches de plusieurs banquiers et CRO, non-exhaustif mais représentatif. La partie qualitative n’était, quant à elle, pas représentée.
l.a Il ressort de cette étude que M______ et N______, toutes deux CRO au sein de l’équipe Israël, ainsi que O______, dont la position était similaire à celle de A______, totalisaient des volumes de respectivement 1'576, 1’256 et 1'121 tâches alors que le travail réalisé par A______ était de 666 tâches.
Selon les conclusions de cette étude, A______ effectuait ainsi moins de tâches administratives que les autres CRO du groupe, ce qui était lié au fait qu'il gérait un portefeuille de clients. Ses résultats devaient plutôt être comparés à ceux de O______. Il apparaissait toutefois que la quantité du travail effectué par A______ représentait seulement la moitié de celle effectuée par celui-ci.
l.b H______ a expliqué lors de l’audience du 4 novembre 2024 devant le Tribunal, qu’en procédant à cette étude, il s’attendait à des volumes nettement plus importants concernant A______, vu les plaintes de ce dernier. S’agissant des tâches figurant dans son tableau, la seule différence en matière de paiement était qu’en Israël, il y avait un banquier local qui devait valider le paiement en question. Selon lui, cela augmentait de 5% la durée et la complexité de cette tâche, étant précisé qu’il n’avait jamais procédé lui-même à ce type de paiement. Il ne savait pas combien de temps A______ passait en amont avec les clients, mais c’était le cas pour tout le monde. Sur le vu de cet extrait, il considérait que les doléances de ce dernier étaient exagérées et que son organisation personnelle n’était pas optimale.
m. D______ et H______ ont déclaré devant le Tribunal qu’il leur semblait que la charge de travail de A______ était raisonnable, ce que l’étude avait confirmé. Son volume de travail pouvait être intense, mais pas plus que celui de ses collègues dans la même zone, de sorte qu’il disposait de suffisamment de temps pour effectuer des tâches proactives de banquier. En procédant à l’étude du volume du travail, ils avaient eu la confirmation que A______ n’était pas débordé.
E______ a exposé que A______ avait beaucoup de tâches de KYC à effectuer. Cela nécessitait un travail détaillé de sa part, ce qui prenait beaucoup de temps. Ils travaillaient avec une vingtaine de systèmes informatiques différents, ce qui pouvait être assez lourd. Elle n’était toutefois pas en mesure d’évaluer la quantité de tâches que A______ devait effectuer de son côté, ni le volume de travail que cela représentait.
Entendues comme témoins, N______ et M______, qui effectuaient exclusivement des tâches de CRO, ont déclaré que les suspens étaient les documents à régulariser pour des raisons légales qui faisaient partie du travail de CRO. Ils nécessitaient un travail long et régulier tout au long de l’année pour ne pas arriver à une situation d’étranglement. Selon N______, tout le monde devait appliquer les mêmes procédures. Elle avait elle-même interagi avec les collègues du bureau d’Israël et considérait que A______ n’avait pas eu de procédure particulière. M______, a ajouté qu’il y avait eu un gros volume de travail dans l’équipe d’Israël, avec beaucoup de changements et des situations de sous-effectif.
Le témoin Q______, qui travaillait en qualité de banquier au sein de l’équipe Israël, a déclaré que A______ avait beaucoup de travail administratif, sans toutefois connaître exactement les tâches qui lui étaient confiées.
n. La Banque a, par ailleurs, contesté toute heure supplémentaire effectuée par A______.
A teneur des pièces figurant au dossier, à partir du mois de mars 2021, le système de pointage utilisé par la Banque enregistrait automatiquement 8 heures de travail quotidiennes par employé, laissant la possibilité à ces derniers d’entrer manuellement les heures supplémentaires effectuées. Selon les explications fournies par la Banque, cette réforme a été mise en place sur recommandations de l’OCIRT et visait à identifier et compenser le travail supplémentaire effectué au-delà de 45 heures par semaine.
Le fichier concernant A______ ne fait état d’aucune heure supplémentaire.
o. Lors de l’évaluation 2021, D______ a considéré que A______ n’avait pas entièrement atteint ses objectifs, en particulier ceux intitulés "pipeline management" (25 %), "marketing/event management/travels" (40%), et "hard objectives" (30%). Les hard objectives étaient fixés à 20'000'000 fr. de Net New Money (NNM), à deux Net New Clients et à + 80'000 fr. de Delta Revenus. L’évaluation relevait également un incident coûteux lorsque A______ n’avait pas réagi à une alerte signifiée par F______ concernant un "credit breach", soit un manque d’actifs sur un compte pour couvrir le risque de l’opération financière, ce qui avait conduit à une perte significative pour la Banque.
A______ a souligné que ses objectifs 2021 ne pouvaient s’appliquer dès lors qu’il n’avait pas pu voyager en Israël à cause de la pandémie et que son équipe lui avait essentiellement confié des tâches de CRO à effectuer. Dans ces circonstances, il n’avait pas eu la possibilité de développer son portefeuille de clients. Concernant le "credit breach", il n’avait pas pu réagir car il avait d’autres priorités.
Devant le Tribunal, le témoin D______ a déclaré ne pas avoir constaté d'évolution dans le travail de A______ entre 2020 et 2021. Il avait le sentiment que celui-ci n'avait pas suffisamment fait pour acquérir une nouvelle clientèle. Il n'avait pas de plan d'action. Malgré la fermeture des frontières, il aurait pu s'appuyer sur les contacts que la Banque avait sur place. Son voyage avait d’ailleurs été annulé car il n’avait lui-même pas entrepris les démarches administratives pour obtenir le permis spécifique d’entrée délivré par les autorités israéliennes durant cette période. Ses autres collègues avaient pu voyager. Le témoin a également précisé que les circonstances particulières liées au Covid avaient été prises en compte dans son évaluation.
Le témoin H______ a lui-aussi confirmé que les objectifs 2021 avaient été adaptés par rapport au fait que A______ devait effectuer des tâches de CRO. Sur les trois objectifs principaux usuellement imposés aux banquiers, à savoir l’apport d’argent (NNM), l’apport de nouveaux clients (NNC) et la croissance des revenus, seuls deux lui avaient été assignés dans une mesure assez raisonnable. Le témoin avait suivi la performance de A______ et avait constaté qu’elle était en dessous de ce qui avait été fixé.
p. Fin 2021 et début janvier 2022, la Banque a proposé à A______ de reprendre un rôle de CRO Senior, tout en conservant sa rémunération.
Entendue comme représentante de la Banque devant le Tribunal, R______, a expliqué que la performance de A______ dans son rôle de banquier n'était pas celle attendue par la Banque et il n'était pas envisageable de maintenir les relations contractuelles dans ce rôle-là. La Banque était, en revanche, très satisfaite de ses prestations de CRO. La proposition faite visait à maintenir la relation contractuelle en trouvant une solution satisfaisante pour la Banque tout en permettant à A______ de conserver sa rémunération de banquier.
q. Entre février et mars 2022, les parties se sont entretenues sur divers points, A______ ayant notamment demandé les raisons de sa rétrogradation envisagée, ce à quoi D______ lui a répondu que, compte tenu de la manière dont il avait investi les rôles de banquier et de CRO durant un an et demi, il lui était apparu clair que c’était dans un rôle de CRO qu’il apportait un maximum de valeur à la Banque et aux clients.
r. Par courrier du 30 mars 2022, A______ a contesté sa rétrogradation et émis le souhait de poursuivre sa carrière au sein de la Banque en qualité de banquier dans de meilleures conditions de travail. Il a contesté pour le surplus le contenu de son évaluation annuelle 2021 qui ne représentait pas la réalité et qui n’avait pas tenu compte de tous les signaux d’alerte qu’il avait émis durant l’année à propos de sa surcharge de travail et du grand stress que cela lui avait causé.
Par retour de courrier du 5 avril 2022, B______ a informé A______ qu’elle était surprise par sa prise de position et reviendrait à lui ultérieurement.
s. Dans l’intervalle, soit le 8 avril 2022, A______ a effectué, par le biais de son compte personnel et de la Banque, un achat de drones à vision infra-rouge à la demande d’un client ukrainien, prétendument pour surveiller son jardin. Même si cet achat avait été annulé, la Banque a estimé que c'était un manque de diligence de sa part et qu’il s’agissait d’une erreur grave, ce qui a été confirmé par le témoin F______.
A______ a expliqué avoir suivi les directives internes et soumis l’opération au business risk manager de la zone concernée, en totale transparence avec sa hiérarchie.
t. Par courrier du 3 mai 2022, B______ a répondu au courrier de A______ du 30 mars 2022 en indiquant ne pas partager son point de vue. En raison de ses insuffisances professionnelles et de l’insatisfaction dans le poste qu’il occupait, elle avait proposé de le rétrograder dès le 1er avril 2022 et lui avait d’ailleurs expliqué les motifs de cette décision. L’acceptation de cette proposition était la seule alternative permettant la poursuite des relations contractuelles. Il était toutefois pris acte de son opposition. Elle n’avait dès lors d’autre choix que de mettre un terme à leurs rapports de travail. Cette décision se justifiait d’autant plus que l’intéressé avait récemment apporté son assistance à un client domicilié en Ukraine visant l’achat de plusieurs drones. En agissant de la sorte, il avait fait preuve d’un manque de discernement et de professionnalisme venant irrémédiablement et définitivement ébranler la confiance qu’elle avait placée en lui et la confortait quant à l’impossibilité de poursuivre leur relation contractuelle.
Par courrier du même jour remis en mains propres à A______, B______ a résilié les rapports de travail avec effet au 31 août 2022, conformément au délai de congé de trois mois.
u. Par courrier du 30 juin 2022, A______ a formé opposition à son licenciement, considérant qu’il était abusif, et a offert en tant que de besoin ses services à la Banque.
v. Après le départ de A______, son poste a été attribué à un nouveau collaborateur, S______, lequel avait repris tant ses activités de CRO que de banquier. Le témoin H______ a exposé que ce dernier s’était vu assigner les mêmes objectifs que A______ et avait fait face à la même charge de travail. Si cela n’avait pas été facile et avait demandé une bonne organisation de son travail, il les avait néanmoins atteints dès 2023 et les avait même un peu dépassés.
C.C a. Par acte du 23 février 2023, déclaré non concilié et introduit par-devant le Tribunal, A______ a formé une demande de paiement à l’encontre de B______ portant sur la somme totale de 99'999 fr. net, à titre d’indemnité pour licenciement abusif, avec intérêts dès le 1er septembre 2022.
Il a également conclu à la rectification du certificat de travail qui lui avait été remis selon son projet produit en pièce 31 dem.
A l'appui de ses conclusions, il a, en substance, allégué que contrairement aux autres banquiers, il ne disposait nullement des services d’un CRO l’aidant à effectuer ses tâches administratives. Cela n’avait dans un premier temps pas été problématique, mais dès son transfert au sein de l’équipe d’Israël, il avait dû faire face à une surcharge de travail chronique liée à un changement législatif israélien qui l’avait contraint à prendre à sa charge les aspects administratifs du bureau de T______ [Israël]. Malgré ses demandes réitérées à sa hiérarchie visant à obtenir une aide, il n’en avait reçu aucune. La seule réponse qu’il avait obtenue de la Banque avait été la promesse que cette situation particulière serait prise en compte dans le cadre de son évaluation annuelle. Or, cette promesse n’avait non seulement pas été honorée mais elle avait également été ignorée. La Banque lui avait ainsi reproché de ne pas avoir atteint ses objectifs dans le cadre de son évaluation annuelle 2021, puis, au début de l’année 2022, lui avait fait savoir qu’elle avait décidé de le rétrograder dans un poste de CRO. Face à son insistance pour poursuivre son activité de banquier, elle avait décidé de le licencier. Dans ces circonstances, il considérait son licenciement abusif et réclamait une indemnité représentant un peu plus de cinq mois de salaire.
b. B______ a conclu au rejet des prétentions de A______ et à ce qu’il lui soit donné acte de son engagement à délivrer à ce dernier un certificat de travail rectifié.
Elle a, notamment, allégué que la prise de fonction de A______ au sein de la zone GIT, équipe Israël, ne s’était pas révélée concluante à la fin de l’année 2020 et aucune amélioration n’avait pu être constatée au cours de l’année 2021. En 2020 et en 2021, celui-ci n’avait pas atteint ses objectifs tant pour ses tâches de CRO que de private banker. Sur le vu de ce constat, elle avait néanmoins souhaité offrir une solution à son employé lui permettant de poursuivre ses rapports de travail, raison pour laquelle elle lui avait proposé de reprendre un rôle de CRO senior en conservant son niveau de rémunération, ce poste étant plus proche de ses compétences qu’il avait démontrées dans ses précédentes fonctions. A défaut d’acceptation, la Banque n’aurait toutefois pas pu poursuivre ses relations contractuelles avec A______. Face à son refus, elle lui avait notifié son licenciement. Outre des performances insuffisantes, d’autres motifs légitimes avaient justifié son licenciement, à savoir un manque de discernement ayant conduit A______ à assister un client en avril 2022 dans l’acquisition de drones. Ce nouvel incident avait irrémédiablement rompu la confiance que la Banque avait placée en lui, ce qui justifiait de mettre un terme aux rapports de travail. Pour le surplus, elle a contesté la surcharge de travail alléguée.
c. Les parties ont procédé à un deuxième échange d’écritures, persistant chacune dans ses conclusions.
d. Le Tribunal a tenu plusieurs audiences les 10 juillet, 17 et 23 septembre, 1er octobre, 4 et 26 novembre 2024, au cours desquelles il a entendu les parties ainsi que de nombreux témoins, principalement des employés ou anciens employés de la Banque, dont les déclarations sont reprises ci-dessus dans la mesure utile.
e. Lors de l’audience du 26 novembre 2024, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives, puis le Tribunal a gardé la cause à juger.
C.D Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré, sur la base des preuves recueillies, que les griefs émis par A______ concernant sa surcharge de travail et l’absence de mesures prises par son employeur pour y remédier ne pouvaient être retenus. Il ressortait des témoignages que la Banque avait pris au sérieux les plaintes de ce dernier. Cependant, ni l’étude volumétrique, ni l’audition des témoins, qui avaient pourtant collaboré avec A______ au sein de l’équipe Israël, ne permettaient de mettre en évidence une surcharge de travail. Pour le surplus, le travailleur n’avait pas démontré qu’il aurait effectué des heures supplémentaires de travail ni qu’il aurait été empêché de prendre des vacances en raison d’une surcharge de travail, sous réserve de quelques jours au mois de mai que son employeur lui avait permis de compenser.
Aussi, le Tribunal a retenu que les motifs avancés par l'employeur pour mettre fin à la relation de travail étaient bien réels et fondés, dans la mesure où ils reposaient sur les prestations insuffisantes du travailleur et son refus de reprendre une fonction exclusive de CRO, dans laquelle il donnait satisfaction, ce qui rendait impossible la continuation des rapports de travail. Quand bien même la Banque n'avait pas formellement procédé à un congé-modification, la proposition qu'elle avait formulée au travailleur à la fin de l'année 2021 ne lui offrait pas la possibilité de poursuivre une activité de banquier. Dès lors, face à son refus, la Banque ne pouvait que mettre fin au contrat de travail qui les liait. De plus, l’achat avorté de drones en avril 2022 était un incident susceptible de rompre définitivement le lien de confiance entre la Banque et son employé.
1.1 Le jugement attaqué constitue une décision finale rendue dans une cause patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).
1.2 Interjeté dans le délai et la forme prévus par la loi (art. 130, 131, 142 al. 3 et 311 CPC), l'appel est recevable.
1.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire est applicable (art. 219 et 243 CPC), celle-ci étant soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 CPC, 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC a contrario et 58 CPC).
1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC).
2. L’appelant reproche au Tribunal de ne pas avoir retenu le caractère abusif de son licenciement.
Il conteste les motifs donnés à l’appui de son congé et considère que celui-ci lui a été signifié en représailles des prétentions qu’il a émises découlant de son contrat, à savoir que "sa fonction de banquier soit respectée". Selon lui, l’employeur a exploité sa propre violation du contrat en le surchargeant de travail, pour ensuite le lui reprocher, jouant ainsi un double-jeu. Il conteste, par ailleurs, tout congé-modification et allègue que, même dans cette hypothèse, le congé serait abusif.
2.1.1 Aux termes de l'art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties.
Celles-ci sont en principe libres de résilier le contrat sans motif particulier. Toutefois, le droit de mettre unilatéralement fin au contrat est limité par les dispositions sur le congé abusif au sens des art. 336 ss CO (ATF 136 III 513 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_189/2023 du 4 octobre 2023 consid. 4.1 et les arrêts cités).
Pour dire si un congé est abusif, il faut se fonder sur son motif réel (ATF
136 III 513 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_368/2022 du 18 octobre 2022 consid. 3.1.2). Le juge établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). L'appréciation du caractère abusif du licenciement suppose l'examen de toutes les circonstances du cas d'espèce (ATF 132 III 115 consid 2.5 et les références citées).
Le travailleur n’est protégé contre le licenciement que s’il peut supposer de bonne foi que les droits qu’il a prétendus lui sont acquis. La réclamation ne doit être ni chicanière ni téméraire, car la protection ne s’étend pas au travailleur qui cherche à bloquer un congé en soi admissible ou qui fait valoir des prétentions totalement injustifiées. La prétention exercée ne doit pas nécessairement être fondée en droit puisqu’il suffit que le travailleur soit légitimé, de bonne foi, à penser qu’elle l’est (ATF 136 III 513 consid. 2.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_3/2023 du 30 août 2023 consid. 4.1; 4A_39/2023 du 14 février 2023 consid. 3.2; Streiff/Von Kaenel/Rudolph, Arbeitsvertrag, Zurich, 2012, n. 8 ad art. 336 CO, p. 1021).
2.1.2 Selon l'art. 336 al. 1 let. d CO, qui vise le congé de représailles, le licenciement est abusif s'il est donné par une partie parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail.
Cette disposition tend en particulier à empêcher que le congé soit utilisé pour punir le travailleur d'avoir fait valoir des prétentions auprès de son employeur en supposant de bonne foi que les droits dont il soutenait être le titulaire lui étaient acquis (arrêt du Tribunal fédéral 4A_402/2023 du 26 février 2024 consid. 5.1). La notion de "prétention résultant du contrat de travail" s'entend au sens large et porte notamment sur des salaires, des primes ou des vacances (arrêt 4C_237/2005 du 27 octobre 2005 consid. 2.3 et les références citées). Le fait que l'employé se plaigne d'une atteinte à sa personnalité ou à sa santé et sollicite la protection de l'employeur peut aussi constituer une telle prétention (arrêts du Tribunal fédéral 4A_283/2022 du 15 mars 2023 consid. 5.1; 4A_638/2020 du 7 mai 2021 consid. 4; 4A_42/2018 du 5 décembre 2018 consid. 3.1).
Les prétentions émises par l'employé doivent avoir joué un rôle causal dans la décision de l'employeur de le licencier (ATF 136 III 513 consid. 2.6). Le fait que l'employé émette de bonne foi une prétention résultant de son contrat de travail n'a pas nécessairement pour conséquence de rendre abusif le congé donné ultérieurement par l'employeur. Encore faut-il que la formulation de la prétention en soit à l'origine et qu'elle soit à tout le moins le motif déterminant du licenciement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_401/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.1.3).
Lorsque la résiliation par une partie est donnée en fonction du refus par l'autre partie d'accepter une modification des conditions de travail, on est en présence d'un congé-modification ("Änderungskündigung"). Le congé-modification au sens étroit se caractérise par le fait qu'une partie résilie le contrat, mais accompagne sa déclaration de l'offre de poursuivre les rapports de travail à des conditions modifiées. En revanche, dans le congé-modification au sens large, les deux actes juridiques ne sont pas immédiatement couplés; une partie reçoit son congé parce qu'elle n'a pas accepté une modification des obligations contractuelles (ATF 123 III 246 consid. 3).
En principe, le congé-modification n'est pas abusif, mais il peut l'être dans certaines circonstances (ATF 123 III 246 consid. 3b et consid. 4a). Si l'employeur a proposé des modifications appelées à entrer en vigueur avant l'expiration du délai de résiliation, s'il utilise la résiliation comme un moyen de pression pour imposer au travailleur une modification injustifiée – par exemple des clauses contractuelles moins favorables sans motifs économiques liés à l'exploitation de l'entreprise ou aux conditions du marché –, si le congé est donné parce que l'employé refuse de conclure un nouveau contrat qui viole la loi, la convention collective ou le contrat-type applicable ou encore si l'employeur exploite la violation de ses obligations contractuelles de protection envers l'employé pour proposer à celui-ci une modification des conditions de travail très défavorable (ATF 125 III 70 consid. 2a; 123 III 246 consid. 3b et 4a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_327/2023 du 18 janvier 2024 consid. 4.1; 4A_166/2018 du 20 mars 2019 consid. 3.2 et 4A_194/2011 du 5 juillet 2011 consid. 6.1).
2.1.3 La preuve du caractère abusif du congé incombe à la partie à laquelle celui-ci est signifié (art. 8 CC; ATF 130 III 699 consid. 4.1). Le travailleur doit établir le motif abusif, ainsi que le lien de causalité entre le motif abusif et la résiliation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_240/2017 du 14 février 2018 consid. 3). Cependant, la preuve ayant souvent pour objet des éléments subjectifs, le juge peut présumer en fait l'existence d'un congé abusif lorsque l'employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme fictif le motif avancé par l'employeur, et le motif abusif plus plausible. Cette présomption de fait n'a cependant pas pour effet de renverser le fardeau de la preuve. La partie demanderesse doit alléguer et offrir un commencement de preuve d'un motif abusif de congé. De son côté, l'employeur ne saurait alors demeurer inactif; il n'a pas d'autre issue que de fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations quant au motif du congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_437/2015 du 4 décembre 2015 consid. 2.2.5).
2.2 En l’espèce, comme l’a relevé à juste titre le Tribunal, l’intimée a pris au sérieux les plaintes formulées par l’appelant quant à ses conditions de travail. En effet, tant son supérieur hiérarchique, D______, que le chef d’équipe de la zone GIT, H______, ont toujours pris en considération ses remarques en se renseignant sur la situation vécue, en en discutant entre les différents responsables de la zone et en tentant de trouver des solutions. Deux collaboratrices ont d’ailleurs été engagées pour renforcer l’équipe Israël. La première, seulement trois mois après l’arrivée de l’appelant au sein de cette équipe pour l’aider à traiter le retard sur la documentation, laquelle a travaillé au côté de l’appelant au quotidien pendant plusieurs mois, et la seconde au mois de novembre 2021 pour optimiser les ressources. De plus, les objectifs de l’appelant ont été adaptés à la situation, ceux-ci étant bien inférieurs à ceux des autres banquiers qui devaient aussi effectuer des tâches de CRO, comme cela ressort de la fiche des objectifs relative aux différents membres de l’équipe et confirmé par les témoins D______ et H______. Enfin, une étude volumétrique a été mise en œuvre à la suite des propos rapportés par l’appelant pour vérifier le volume de travail des collaborateurs de l’équipe Israël. Il s’ensuit que l’intimée a pris diverses mesures pour répondre aux sollicitations de l’appelant, quand bien même celles-ci n’ont pas porté les fruits escomptés par ce dernier.
Contrairement à ce que soutient l’appelant, la teneur des courriels échangés avec son supérieur ou les mesures prises par l’intimée n’équivalent pas à une reconnaissance d’une surcharge de travail. Tant son supérieur hiérarchique que le chef de l’équipe GIT ont toujours reconnu que l’activité de l’appelant était intense avec un grand volume de travail, tout en considérant qu’elle demeurait raisonnable. Les échanges entre les parties n’en disent pas davantage. Tout au plus, pourrait-on en déduire que l’intimée a entendu les doléances de son employé et a essayé de l’aider dans la situation qui lui était décrite, ce qui ne constitue pas encore la preuve qu’elle admettait une charge de travail excessive. Au contraire, une étude volumétrique a été mise en œuvre pour précisément vérifier, de manière objective, les plaintes de l’appelant, ce qui tend à démontrer que l’intimée ne la considérait pas comme acquise.
Il ressort de cette étude que, pour la même période du 1er janvier au 31 décembre 2021, l’appelant a réalisé un volume de travail bien inférieur à ses collègues, en particulier O______ qui avait aussi un rôle mixte de banquier et de CRO. L’appelant ne peut tirer argument du fait que le témoin H______, auteur de l’étude, ait déclaré qu’il ne savait pas combien de temps il passait avec ses clients en amont puisque, selon les mêmes propos de ce dernier, la situation était identique pour tous les collaborateurs. En revanche, il soulève avec raison que la zone Israël présentait des difficultés supplémentaires, nécessitant la validation d’un banquier sur place. Cela étant, le témoin N______ a indiqué que la procédure était, pour le surplus, similaire aux procédures applicables aux autres marchés, tout le monde devant appliquer les mêmes procédures sans que l’appelant n’ait eu de procédure particulière, et le témoin H______ a estimé que l’augmentation de travail liée à la zone de l’appelant pouvait être estimée à 5%. Ainsi, même en tenant compte du fait que O______ connaissait sa clientèle, ce qui facilitait ses démarches, ainsi que des difficultés supplémentaires applicables aux procédures concernant le marché Israël, ces éléments ne permettent pas de justifier l’écart entre les résultats obtenus au terme de l’étude.
L’audition des témoins ne permet pas non plus de retenir la surcharge de travail telle que décrite par l’appelant. Aucun de ses collègues directs qui travaillaient avec lui au sein du bureau d’Israël n’a été en mesure de confirmer ni même d’évoquer une charge de travail excessive. Bien que E______ et M______ aient expliqué que l’appelant avait beaucoup de tâches KYC à effectuer et employait une vingtaine de systèmes informatiques différents ou que l’équipe devait généralement faire face à un volume important de travail, cela ne constitue pas encore une charge excessive de travail. Les témoins D______ et H______ ont du reste reconnu que l’activité de l’appelant était certes intense, sans toutefois qu’elle ne soit supérieure à celle de ses collègues de la même zone ou dans la même position. Selon F______, la charge de travail de l’appelant était raisonnable et le problème venait davantage de son organisation personnelle car il n’était pas régulier dans l’exécution de ses tâches administratives, restant inactif à cet égard pendant plusieurs mois. Aucun autre employé, CRO ou banquier, n’avait accumulé un retard aussi important que celui enregistré par l’appelant. Enfin, plusieurs témoins, dont K______ et H______, ont considéré que les demandes de l’appelant concernant sa charge de travail étaient exagérées.
S’agissant des heures supplémentaires, il ressort du dossier qu’à partir du mois de mars 2021, l’intimée disposait d’un nouveau système de pointage qui permettait aux employés d’entrer manuellement leurs heures supplémentaires dans une colonne spécifique prévue à cet effet. Ainsi, même à considérer que les heures supplémentaires n’étaient pas payées comme le prétend l’appelant, ce qui reste contesté par l’intimée, l’appelant pouvait néanmoins enregistrer ses heures de travail pour appuyer ses plaintes liées à sa charge de travail, ce qu’il n’a jamais fait.
Enfin, les enquêtes ont permis de constater que le cahier des charges confié à l’appelant était réalisable puisque son poste a été repris, aussi bien dans ses tâches de banquier que de CRO, par un nouveau collaborateur, qui a été en mesure d’atteindre les mêmes objectifs que ceux qui avaient été fixés à l’appelant.
Au vu des circonstances telles que décrites ci-dessus, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que l’appelant n’était pas parvenu à démontrer la surcharge de travail alléguée et que l’intimée avait néanmoins pris diverses mesures pour répondre à ses besoins. Partant, on ne saurait retenir que l’intimée ait joué un double jeu, comme le prétend l’appelant, en lui imposant une surcharge de travail pour ensuite le lui reprocher.
Dans ces circonstances, les motifs avancés par l’intimée à l’appui du congé, à savoir des prestations insuffisantes de l’appelant en sa qualité de banquier, n'apparaissent pas fictifs.
En effet, ceux-ci reposent sur les résultats objectifs obtenus au terme de l’étude volumétrique, ainsi que sur les évaluations annuelles, sans que l’appelant ne puisse les justifier par une surcharge de travail, celle-ci n’étant pas établie au vu des considérants qui précèdent.
Depuis sa promotion en 2016, l’appelant a toujours reçu des critiques sur son rôle de banquier, que ce soit par son supérieur hiérarchique de l’époque ou par celui qui le supervisait depuis son intégration dans l’équipe Israël. S’il a certes été reconnu qu’il bénéficiait de fortes compétences techniques au niveau administratif qui étaient très appréciées par l’équipe et les clients, la Banque lui a également régulièrement signifié qu’il devait s’améliorer au niveau de ses connaissances financières et de son investissement dans ses responsabilités de banquier, qui ne donnaient pas entièrement satisfaction.
Selon les évaluations de 2020 et 2021, les performances de l’appelant ont fait l’objet de critiques similaires et les objectifs fixés n’ont pas été atteints, alors même que ceux-ci avaient été adaptés pour tenir compte de la situation de l’appelant. Il disposait, en effet, des objectifs les plus bas de toute l’équipe Israël et du groupe GIT et ceux-ci étaient, selon l’ensemble des témoins entendus à ce sujet, raisonnables. L’appelant ne saurait invoquer la situation liée au Covid pour justifier son manque de performance puisque le témoin D______ a confirmé avoir pris les circonstances particulières liées au Covid en considération dans la fixation des objectifs. Par ailleurs, il s’avère que le voyage en Israël qu’il devait entreprendre pour avancer sur ses dossiers n’a pas été possible en raison de son propre fait, n’ayant lui-même pas effectué les démarches administratives requises.
A cela s’ajoute un grave manquement à ses devoirs de diligence lors de l’achat de drones pour le compte d’un client ukrainien, ce que l’appelant passe entièrement sous silence. Or, cet incident a été qualifié de faute grave par le témoin F______ et considéré comme susceptible de rompre définitivement le lien de confiance entre les parties par le Tribunal, sans faire l’objet d’aucune critique. De plus, celui-ci est survenu alors que l’appelant avait déjà reçu un fort avertissement en 2018 (let. C.A f supra), adopté un comportement inadapté au mois de novembre 2021 (let. C.B k supra), commis un autre incident en 2021 concernant l’épisode du "credit breach" (let. C.B o supra).
Eu égard aux éléments qui précèdent, il apparaît que ce ne sont pas les doléances de l’appelant qui ont causé son licenciement, mais bien la qualité de son travail, jugée insuffisante par son employeur. Les motifs invoqués apparaissent ainsi objectifs et réels, sans relever du prétexte. Cela est d’autant plus vrai que l’intimée a proposé à l’appelant un autre poste de CRO Senior au sein de la Banque, avec la même rémunération, dans le but de maintenir les rapports de travail.
Les circonstances d’espèce ne permettent pas non plus de retenir que l’appelant a été licencié à titre de représailles suite à sa demande de rester à son poste de banquier dans la mesure où cette prétention ne constitue pas le motif du congé. Au vu des reproches qui lui étaient adressés, l’appelant ne pouvait prétendre au maintien de sa position de banquier ni invoquer celle-ci, qui était précisément remise en cause, pour s’opposer au congé.
Enfin, le caractère abusif ne saurait pas non plus découler des règles applicables au congé-modification, dans la mesure où l’on ne se trouve pas dans un tel cas de figure dès lors que l’intimée n’a pas procédé selon la procédure y relative telle que décrite par la jurisprudence susmentionnée, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté. Au demeurant, il ressort des circonstances telles qu’exposées ci-dessus que l’intimée n’a aucunement utilisé la résiliation comme un moyen de pression pour imposer au travailleur une modification injustifiée puisque la proposition soumise à l’appelant de poursuivre les rapports de travail en tant que CRO Senior n’était accompagnée d’aucune menace de résiliation ni même d’une quelconque allusion à cet égard que la modification envisagée s’avérait justifiée par les circonstances et que, de surcroît, la rémunération de l’appelant était maintenue. Il n’est pas non plus démontré que l’intimée ait proposé des modifications appelées à entrer en vigueur avant l’expiration du délai de résiliation. A cet égard, il sied de souligner que la proposition faite à l’appelant de reprendre une fonction exclusive de CRO a été formulée à la fin de l’année 2021 avec une entrée en vigueur au 1er avril 2022, soit après l’écoulement d’une période équivalente au délai de congé de trois mois. L’intimée a du reste laissé à l’appelant le temps de la réflexion et n’a résilié son contrat de travail qu’après avoir reçu son refus catégorique, formulé par l’intermédiaire de son conseil. Le congé a ainsi été donné le 3 mai 2022 avec effet au 31 août 2022. L’écoulement de ces délais tend à démontrer que l’intimée ne cherchait pas à imposer une modification sans respecter les délais, mais à trouver une solution afin de pouvoir poursuivre les rapports de travail.
En définitive, le Tribunal a retenu, avec raison, que les circonstances ayant entouré le licenciement de l'appelant ne permettaient pas de retenir que celui-ci aurait fait l'objet d'un congé abusif.
Le jugement attaqué sera donc confirmé.
3. La valeur litigieuse du présent litige étant supérieure à 75'000 fr. en première instance et à 50'000 fr. en seconde instance, la procédure n'est pas gratuite (art. 19 al. 3 let. c LaCC).
Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 71 RTFMC et 19 al. 3 let. c LaCC) et mis à la charge de l’appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront partiellement compensés avec l'avance fournie par ce dernier à hauteur de 1'250 fr., qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L’appelant sera en conséquence condamné à verser le solde en 750 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.
Il ne sera pas alloué de dépens d'appel (art. 22 al. 2 LaCC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 7 avril 2025 par A______ contre le jugement JTPH/72/2025 rendu le 6 mars 2025 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/3530/2023.
Au fond :
Confirme le jugement entrepris.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais d'appel :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont partiellement compensés avec l'avance effectuée par ce dernier, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.
Condamne A______ à verser 750 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de solde des frais judiciaires.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Pierre-Alain L'HÔTE, Madame
Filipa CHINARRO, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.
Indication des voies de recours et valeur litigieuse :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.