Décisions | Chambre des prud'hommes
ACJC/1327/2025 du 30.09.2025 ( OO ) , MODIFIE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/11466/2020 ACJC/1327/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des prud'hommes DU MARDI 30 SEPTEMBRE 2025 | ||
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [VD], appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 5 juillet 2022 (JTPH/217/2022), représenté par Mes Pierre-Damien EGGLY et François ROD, avocats, RVMH Avocats, rue Gourgas 5, case postale 31, 1211 Genève 8,
et
B______ SA, sise ______ [GE], intimée, comparant par Mes Philippe ROUILLER et Daniel RICHARD, avocats, PRLEX AVOCATS, avenue Jules-Crosnier 8, 1206 Genève, et
C______ SA, sise ______ [GE], intimée, comparant par
Mes Philippe ROUILLER et Daniel RICHARD, avocats, PRLEX AVOCATS, avenue Jules-Crosnier 8, 1206 Genève, et
E______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Mes Philippe ROUILLER et Daniel RICHARD, avocats, PRLEX AVOCATS, Avenue Jules-Crosnier 8, 1206 Genève.
Cause renvoyée par ATF du 19 février 2025.
A. a. Par requêtes de conciliation, puis, suite à l'échec de celles-ci, par demandes des 19 août et 6 novembre 2020 déposées devant le Tribunal des prud'hommes, A______ a introduit deux actions en paiement dirigées contre B______ SA et C______ SA, puis E______ SA, portant sur la somme totale de 823'860 fr. 55 plus intérêts.
Il a conclu au paiement de:
- 466'667 fr. au titre de solde de sa prime contractuelle avec intérêts à 5% l'an dès le 26 mai 2020,
- 44'635 fr. à titre de bonus pour 2020 avec intérêts à 5% l'an dès le 26 mai 2020,
- 35'412 fr. à titre de bonus pour 2019 avec intérêts à 5 % l'an dès le 26 mai 2020,
- 32'746 fr. 55 à titre de vacances non prises avec intérêts à 5% l'an dès le 26 mai 2020,
- 244'400 fr. à titre d'indemnité pour licenciement abusif avec intérêts à 5% l'an dès le 18 mai 2020,
- 20'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral avec intérêts à 5% l'an dès le 18 mai 2020.
Il a également conclu à la délivrance d'un certificat de travail conforme à un projet qu'il a soumis.
Le Tribunal des prud'hommes a joint les causes.
b. Par jugement du 5 juillet 2022, le Tribunal des prud'hommes a rejeté la demande de A______, à l'exception de la délivrance du certificat de travail à laquelle il a condamné B______ SA et C______ SA.
Le Tribunal a arrêté les frais de la procédure à 8'240 fr., qu'il a mis à la charge de A______ et compensés avec l'avance fournie par ce dernier et il a dit qu'il n'était pas alloué de dépens.
c. Par acte expédié à la Cour de justice le 6 septembre 2022, A______ a formé appel contre ce jugement, dont il a sollicité l'annulation, à l'exception du ch. 3 de son dispositif.
Principalement, il a repris ses conclusions tendant au paiement de divers montants, le tout avec suite de frais judiciaires et dépens de première instance et d'appel.
b. Dans leur réponse, B______ SA, C______ SA et E______ SA ont conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.
c. Par arrêt du 28 août 2023, la Chambre des prud'hommes de la Cour a réformé le jugement et condamné B______ SA, C______ SA et E______ SA à payer au travailleur la somme de 21'982 fr. 75 brut à titre de solde de vacances non prises en nature, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er septembre 2020 et invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles.
Elle a débouté les parties de toutes autres conclusions, mis les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 6'900 fr., à la charge de A______ et n'a pas alloué de dépens.
d. A______ a interjeté un recours auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il a conclu à sa réforme en ce sens que sa demande était admise, que l'arrêt était confirmé concernant le paiement de ses vacances non prises, et que les intimées étaient condamnées au paiement des frais des deux instances.
B______ SA, C______ SA et E______ SA ont conclu au rejet du recours.
e. Par arrêt 4A_506/2023, le Tribunal fédéral a partiellement admis ce recours dans la mesure où il était recevable et a complété l'arrêt attaqué en ce sens que B______ SA, C______ SA et E______ SA, solidairement entre elles, ont été condamnées à payer à A______ la somme de 232'695 fr. 50 brut avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er septembre 2020 à titre de salaire et dit que la partie qui en avait la charge était invitée à opérer les déductions sociales et légales usuelles.
Les frais judiciaires de la procédure fédérale, arrêtés à 10'000 fr., ont été mis à la charge du recourant à raison de 7'500 fr. et à la charge des intimées, solidairement entre elles, à raison de 2'500 fr. et le recourant a été condamné à verser aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de 8'500 fr. à titre de dépens pour la procédure fédérale.
Pour le surplus, la cause est renvoyée à la Cour pour nouvelle décision sur les frais des instances cantonales.
f. Invité à se déterminer à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral, A______ a soutenu qu'il avait obtenu gain de cause sur 30% de ses prétentions (254'679 fr. 25 sur les 842'484 fr. 40 réclamés) et que les frais judicaires de première instance et d'appel devraient être répartis à raison de, à tout le moins, ⅓ pour les intimées et ⅔ pour lui. Il a conclu à l'annulation des ch. 6 et 7 du dispositif du jugement du Tribunal des prud'hommes du 5 juillet 2022, à ce que les frais de la procédure de première instance en 8'240 fr. soient mis à la charge de B______ SA, C______ SA et E______ SA et à ce que l'avance de frais qu'il avait fournie en 8'240 fr. lui soit restituée. Il a par ailleurs conclu à ce que les frais judiciaires d'appel soient arrêtés à 6'900 fr., à ce qu'ils soient mis à la charge de B______ SA, C______ SA et E______ SA, à ce que l'avance de frais qu'il avait fournie en 6'900 fr. lui soit restituée et à ce qu'il soit dit qu'il n'était pas alloué de dépens d'appel.
B______ SA, C______ SA et E______ SA ont considéré que A______ avait succombé au sens de l'art. 106 al. 1 CPC et que si la Cour devait néanmoins appliquer l'art. 106 al. 2 CPC, elles ne devraient pas supporter plus d'un quart des frais des instances cantonales.
Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs explications et conclusions.
g. Elles ont été informées par la Cour le 10 juin 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
1. 1.1 En cas de renvoi de la cause par le Tribunal fédéral conformément à l'art. 107 al. 2 LTF, l'autorité inférieure doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants en droit de l'arrêt de renvoi. Le juge auquel la cause est renvoyée voit ainsi sa cognition limitée par les motifs de l'arrêt de renvoi, en ce sens qu'il est lié par ce qui a été tranché définitivement par le Tribunal fédéral (ATF 133 III 201 consid. 4.2 et 131 III 91 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_613/2022 du 2 février 2023 consid. 3.1).
Cela signifie que l'autorité cantonale doit limiter son examen aux points sur lesquels sa première décision a été annulée et que, pour autant que cela implique qu'elle revienne sur d'autres points, elle doit se conformer au raisonnement juridique de l'arrêt de renvoi. En revanche, les points qui n'ont pas ou pas valablement été remis en cause, qui ont été écartés ou dont il avait été fait abstraction lors de la procédure fédérale de recours ne peuvent plus être réexaminés par l'autorité cantonale, même si, sur le plan formel, la décision attaquée a été annulée dans son intégralité (ATF 135 III 334 consid. 2.1;
131 III 91 consid. 5.2; 111 II 94 consid. 2).
1.2 En l'occurrence, le renvoi porte sur les frais de la procédure cantonale. Il convient donc de statuer à nouveau sur ce point uniquement.
2. Le Tribunal fédéral a admis la conclusion de l'appelant tendant au paiement d'une somme de 232'695 fr. 50 à titre de gratification. Il convient dès lors de déterminer dans quelle mesure cette réforme implique de revoir la question des frais de la procédure.
2.1 Les frais comprennent les frais judiciaires et les dépens, les cantons en fixant le tarif (art. 95 al. 1 et 96 CPC).
2.1.1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art.106 al. 2 CPC).
Il s'agit de procéder dans ce cas à une répartition proportionnelle à la mesure où chacune des parties a succombé. Pour déterminer cette mesure, il faut en principe comparer ce que chaque partie obtient par rapport à ses conclusions. S'agissant de prétentions en argent, un calcul mathématique est concevable, mais une certaine pondération selon l'appréciation du juge, tenant compte d'un gain sur une question de principe et du fait qu'en réalité, certaines prétentions étaient peut-être plus importantes que d'autres, paraît justifiée (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème ed. 2019, n. 34 ad art. 106 CPC et les références citées).
C'est selon l'ensemble des circonstances du cas concret que l'on doit décider si une partie obtient gain de cause en tout ou partie et, en cas de gain partiel, comment les frais doivent être répartis (arrêt du Tribunal fédéral 5A_197/2017 du 21 juillet 2017 consid. 1.3.2). L'autorité dispose d'une certaine marge d'appréciation pour estimer et évaluer la mesure dans laquelle une partie a gagné ou succombé (arrêt du Tribunal fédéral 5D_193/2014 du 22 juin 2015 consid. 2.4).
Les règles des art. 106 ss CPC s'appliquent à la répartition des frais en première comme en deuxième instance. Dans ce dernier cas, le succès se mesure à l'aune de la modification obtenue du jugement de première instance (ATF 145 III 153 consid. 3.2.2; Tappy, op. cit., n° 6 et n° 20 ad art. 106 CPC).
2.1.2 Il n’est pas alloué de dépens ni d’indemnité pour la représentation en justice dans les causes soumises à la juridiction des prud’hommes (art. 22 al. 2 LaCC).
2.2 En l'espèce, les frais judiciaires relatifs à la procédure de première et de deuxième instance ont été arrêtés, respectivement, à 8'240 fr. et 6'900 fr., sans que ces montants ne fassent l'objet d'une contestation. Conformes à la loi (art. 95 al. 1 let. a et al. 2 et 105 al. 1 CPC; art. 13, 17 et 35 RTFMC), ils ne seront dès lors pas revus.
L'appelant avait conclu au paiement de divers montants dont le total s'élevait à 842'484 fr. en lien avec six prétentions qu'il élevait. Il a finalement obtenu gain de cause à hauteur de 254'678 fr. 25 concernant deux de ces prétentions (21'982 fr. 75 et 232'695 fr. 50), sans compter celle relative à la délivrance d'un certificat de travail dont l'appelant estime la valeur litigieuse à 1 fr.
Tant au vu des montants obtenus que des prétentions sur lesquelles il a obtenu gain de cause, l'appelant ne peut pas prétendre à une répartition des frais à concurrence de deux tiers en sa faveur et d'un tiers en faveur des intimées, étant relevé que, contrairement à ce qu'il soutient, ces dernières n'ont élevé aucune prétention reconventionnelle en lien avec la question de leur légitimation passive.
Il convient en revanche de relever qu'il a succombé sur quatre prétentions, obtenu partiellement gain de cause sur deux (à hauteur de 67% du montant réclamé pour la première prétention et 50% pour la seconde) et obtenu gain de cause uniquement sur la question de la délivrance du certificat de travail, qui n'est que secondaire, au vu de la valeur litigieuse de celle-ci estimée à 1 fr. seulement.
Ainsi, eu égard au nombre de prétentions pour lesquelles l'appelant a obtenu gain de cause et des montants obtenus, les frais judiciaires de première instance (8'240 fr.) et d'appel (6'900 fr.) seront mis à la charge de l'appelant à concurrence de ¾ et d'¼ pour les intimées, solidairement, soit, respectivement, 6'180 fr. et 2'060 fr. pour les frais judiciaires de première instance et 5'175 fr. et 1'725 fr. pour les frais judiciaires d'appel. Les intimées rembourseront à l'appelant, qui en a fait l'avance, les sommes de 2'060 fr. et 1'725 fr., soit 3'785 fr. au total.
Pour le surplus, la procédure ne donne pas lieu à l'allocation de dépens.
3. Il sera renoncé à percevoir un émolument de décision dans le cadre de la présente procédure de renvoi, celle-ci ayant été rendue nécessaire par l'annulation partielle de l'arrêt de la Cour du 17 octobre 2023 par le Tribunal fédéral.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :
Statuant sur renvoi du Tribunal fédéral sur les frais:
Arrête les frais judiciaires de première et de deuxième instance à 15'140 fr., compensés avec les avances effectuées, acquises à l'Etat de Genève.
Les met à la charge de A______ à concurrence de 11'355 fr. et à celle de B______ SA, C______ SA et E______ SA, solidairement, à concurrence de 3'785 fr.
Condamne B______ SA, C______ SA et E______ SA, solidairement, à verser à A______ 3'785 fr.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.
Dit qu'il n'y a pas lieu à perception de frais judiciaires pour la procédure postérieure à l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Claudio PANNO, Madame
Karine RODRIGUEZ, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.
Indication des voies de recours et valeur litigieuse :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.