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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/16667/2021

CAPH/95/2024 du 21.11.2024 sur JTPH/407/2023 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16667/2021 CAPH/95/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU JEUDI 21 NOVEMBRE 2024

 

Entre

REPUBLIQUE A______, p.a Consulat général [de l'État] A______, ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 11 décembre 2023, représentée par Me Mario BRANDULAS, avocat, BLAGOJEVIC BRANDULAS PEREZ, rue Marignac 14, case postale 504, 1211 Genève 12,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par
Me Karim RAMADAN, avocat, HABEAS Avocats Sàrl, rue du Général-Dufour 20, case postale 556, 1211 Genève 4.

 


EN FAIT

A.           Par jugement incident JTPH/407/2023 du 11 décembre 2023, reçu le 12 décembre 2023 par les parties, le Tribunal des prud'hommes (ci-après : le Tribunal) a rejeté l'exception d'immunité de juridiction soulevée par la REPUBLIQUE A______ (ch. 1 du dispositif), déclaré recevable la demande formée le 15 juillet 2022 par B______ à l'encontre de la REPUBLIQUE A______ (ch. 2) et réservé le sort des frais judiciaires à la décision finale ainsi que la suite de la procédure (ch. 3 et 4).

B.            a. Par acte expédié par messagerie sécurisée au greffe de la Cour civile le 29 janvier 2024, la REPUBLIQUE A______ a formé appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle a conclu, avec suite de frais et dépens, à ce que la Cour annule le jugement entrepris, déclare irrecevable la demande en paiement formulée par B______ et déboute cette dernière de toutes ses conclusions.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu au rejet de l'appel formé par la REPUBLIQUE A______, à la confirmation du jugement querellé ainsi qu'au rejet de l'exception d'immunité de juridiction soulevée par la REPUBLIQUE A______.

Elle a formulé des allégations nouvelles.

c. La REPUBLIQUE A______ a répliqué. Elle a préalablement conclu à ce que soient déclarés irrecevables les allégués numéros 11, 20 à 30, 71 à 78 et 84 à 91 de la réponse de B______. Elle a persisté dans ses conclusions pour le surplus.

d. B______ a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

e. Les parties ont été informées par pli du greffe du 30 août 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent du dossier de la procédure :

a. La REPUBLIQUE A______ est représentée à Genève par un Consulat général (ci-après : le Consulat), pour lequel C______ exerce la fonction de Consule générale et D______ la fonction de Consule adjointe.

b. B______, née le ______ 1959 et de nationalité A______, est domiciliée en Suisse depuis 1988. Elle a obtenu la nationalité suisse en novembre 2002. Elle n'a jamais été mise au bénéfice du statut de diplomate.

c. B______ a été engagée pour la première fois par E______, Consul général de [de l'État] A______ de l'époque, le 1er septembre 1994, en tant que secrétaire. Le contrat faisait expressément référence à sa nationalité A______. Dans l'éventualité de la fin des fonctions de E______, le contrat prendrait fin automatiquement et il appartenait à son successeur de décider s'il souhaitait conclure un nouveau contrat de travail avec B______.

d. Le 1er janvier 2005, B______ a été engagée en tant que secrétaire par F______, ancien Consul général de [de l'État] A______ en Suisse. Le contrat faisait expressément référence à sa nationalité A______. Les conditions de fin du contrat de travail étaient identiques à celles de son précédent contrat de travail de 1994. Le contrat de travail a pris fin à la fin de l'année 2005, à la suite du départ de F______.

e. Le 1er janvier 2006, le Consulat a engagé B______, en qualité de secrétaire bilingue français-espagnol. Le contrat de travail prévoyait un terme au 31 décembre 2006, mais était renouvelable. Il faisait expressément référence à sa nationalité A______. Le droit suisse était applicable au contrat.

f. Par avenant du 3 juin 2011, le contrat de travail a été conclu pour une durée indéterminée, et le salaire de B______ augmenté. L'avenant indiquait que sa conclusion était directement liée à l'augmentation du travail et des responsabilités de B______ – désignée en tant que "secrétaire" –, soit notamment la réalisation de tâches additionnelles à celles du secrétariat, telles que la collaboration dans des procédures d'état civil, d'actes notariaux, d'actes judiciaires, de registre national, la préparation de la valise diplomatique, entre autres obligations.

g. Dans le cadre de ses fonctions, B______ s'occupait de l'administration du Consulat, soit de l'accueil et de l'assistance téléphonique auprès des ressortissants A______ et étrangers ainsi que de la gestion du courrier. Elle avait pour tâche le maintien des contacts avec les autorités et institutions genevoises, la police et l'hôpital cantonal.

Elle allègue que ses contacts se faisaient sous les ordres de son employeur, qu'elle ne faisait qu'exécuter, ce que la REPUBLIQUE A______ conteste.

h. Concernant le registre d'état civil, B______ inscrivait les mariages, les naissances et les décès des citoyens A______. Elle recevait les administrés au Consulat, leur indiquait les documents nécessaires et établissait les actes, en personne, par téléphone ou par courriel électronique. Elle communiquait avec les administrés par l'adresse électronique générale du Consulat ou par son adresse professionnelle privée. Elle fixait les rendez-vous des administrés au Consulat.

Les prestations relatives à l'état civil étaient consignées dans un registre manuscrit, dont des extraits ont été produits à la procédure. Les initiales de B______ y figuraient à côté de la mention "Ins Matrimonio" ("Ins Mariage") et "Ins Nacimiento" ("Ins Naissance").

h.a La REPUBLIQUE A______ allègue que B______ effectuait les inscriptions précitées à l'instar d'un officier d'état civil et qu'elle préparait les actes demandés par les administrés de manière indépendante. Les Consuls lui accordaient une telle confiance qu'elle disposait de formulaires vierges de l'état civil pré signés par le Consul, de façon à ce qu'elle puisse les établir de manière autonome. A cet égard, la REPUBLIQUE A______ a produit des formulaires d'actes d'état civil, comportant la mention "Non utilisé" ("Inutilizada"), tracés de deux traits diagonaux, comportant la mention "Acte inutilisable conformément au code 08 de la Directive 243-GRC/012" et portant la signature d'un ancien Consul général au recto.

h.b Il ressort de l'article 7.3 de la directive précitée, traduite librement et concernant "l'inutilisation des registres d'enregistrement de la naissance, du mariage et du décès", que "[l]'officier de l'état civil qui constate que l'acte d'enregistrement au format G______ […] ne contient pas d'acte d'enregistrement conclu, procèdera à son inutilisation de la matière suivante : i) il inscrit au recto de l'acte original […] le motif du retrait, la base juridique de la présente directive et la date à laquelle il a été effectué, en apposant sa signature et son cachet ; ii) le corps du procès-verbal est frappé du mot "ANNULE" et/ou est écrit à la main, auquel cas deux lignes sont tracées en travers du procès-verbal […]".

h.c B______ conteste avoir eu en sa possession des formulaires de l'état civil pré signés ainsi que d'en avoir fait usage. Elle allègue qu'elle s'assurait que les documents transmis par les administrés étaient complets une fois qu'elles les avaient reçus. Elle entrait les données pertinentes dans un formulaire, qui était dans un premier temps papier, puis dans un second temps électronique. Elle soumettait ensuite les formulaires pré-remplis accompagnés des pièces pertinentes au Consul général ou au Consul adjoint, ces derniers devant vérifier si les conditions d'inscription étaient remplies et que les bons documents avaient été fournis, avant de les signer. Elle ne bénéficiait d'aucun pouvoir de décision, ni de signature. La décision finale ne lui appartenait dès lors jamais, mais uniquement au Consul général ou au Consul adjoint.

En audience, elle a expliqué qu'à l'arrivée d'un nouveau Consul, sa signature était enregistrée dans les administrations des cantons de Genève, Vaud et Valais et envoyée au Ministère des affaires étrangères à A______. Cet enregistrement de signature permettait de vérifier que les documents avaient été signés par une personne autorisée. Une telle procédure n'avait en revanche jamais été effectuée pour sa propre signature.

h.d Il ressort de quatre actes d'état civil, datés de 1998, 2000 et 2003, que la signature de B______ apparait sous la mention "Registrador", en plus de la signature du Consul, comportant un tampon avec la mention "alcalde o funcionario autorizado" (soit, en traduction libre, "maire ou fonctionnaire habilité") ou "funcionario autorizado" (soit, en traduction libre, "fonctionnaire habilité").

La REPUBLIQUE A______ allègue que la mention "Registrador" correspond à la signature d'un officier d'état civil. Elle se prévaut à cet égard de la définition d'un traducteur-dictionnaire en ligne, qui indique que le mot "Registrador" signifie "Préposé à un registre", ainsi que d'une explication générée par une intelligence artificielle, selon laquelle le "Registrador" se réfère généralement à un officier d'état civil.

B______ allègue quant à elle que la mention de "Registrador" se réfère à la "personne chargée de saisir les données pertinentes de l'acte en question". En audience, elle a expliqué que depuis 2000 ou 2001, seule la signature du Consul figurait sur les actes d'état civil. En raison d'un changement de législation, le "Registrador" ne devait plus signer les actes d'état civil.

i. B______ se chargeait de l'émission de documents d'identité, la préparation des visas, la rédaction des actes notariés ainsi que la gestion et le suivi des dossiers. Elle était en charge du processus aboutissant à l'établissement d'écritures publiques, y compris de testaments, d'autorisations de voyage pour des mineurs, de procurations, de légalisation de signature et émission de certificats et attestations de tous types. Concernant les procurations établies pour des ventes immobilières à A______, elle ou le Consul adjoint rédigeait, vérifiait l'identité des parties ainsi que le titre de propriété de la partie venderesse. Le Consul général ne rencontrait pas les parties et contresignait l'acte. Ces services étaient référencés dans le registre des prestations du Consulat sous les termes "Procuration" ("Poder") ou "P.F.R". Lorsqu'elle établissait des autorisations de voyages pour des mineurs, elle vérifiait le lien de filiation entre les parties et leurs droits.

i.a B______ allègue qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir de décision ou de représentation dans l'accomplissement des tâches précitées. Concernant les autorisations de voyages pour mineurs, elle allègue que ses vérifications étaient ensuite présentées au Consul ou au Consul adjoint, qui étaient chargés de les valider.

La REPUBLIQUE A______ indique que B______ ne pouvait officier en tant que notaire, mais était chargée de tout le reste du processus relatif aux actes notariés.

i.b La REPUBLIQUE A______ allègue que B______ était responsable, en liaison directe avec les autorités nationales, de toutes les démarches relatives à l'établissement ou au renouvellement des pièces d'identités A______, sans intervention du Consul, ce que B______ conteste. A l'appui de son allégation, la REPUBLIQUE A______ produit des échanges d'emails entre les administrés et B______, ainsi que des extraits du registre des prestations du Consulat, où ces prestations étaient enregistrées sous "D.N.I" ("Document national d'identité").

En audience, la REPUBLIQUE A______ a déclaré que les passeports et les visas étaient signés par le Consul.

j. B______ était en charge de la tenue du registre des ressortissants A______ domiciliés dans la circonscription du Consulat, qui comprend le canton de Genève, de Vaud et du Valais. Ces prestations étaient consignées dans le registre des prestations du Consulat sous la mention "Reg Nac" ou "Reg Nacionales".

k. Le 18 janvier 2013, le Consulat a fait une demande aux Ministère des affaires étrangères A______ afin d'approuver la signature d'un nouvel avenant au contrat de travail de B______ et pour requérir une autorisation afin d'augmenter le salaire de cette dernière. Ce document indiquait qu'à la suite de l'avenant du 3 juin 2011, "les fonctions suivantes [avaient] été ajoutées au fonctions de secrétaire bilingue : 1) les actes d'état civil, 2) les actes notariaux, 3) les actes judiciaires, 4) le registre (civil) national, 5) la préparation de la valise diplomatique, 6) les autres tâches consulaires qui lui [étaient] confiées". Le nouvel avenant au contrat de travail incluait les fonctions nouvelles suivantes : "1) l'élaboration, [la] reddition et [le] renvoi des comptes ordinaires trimestriels ; 2) l'élaboration des comptes consulaires mensuels ; 3) la reddition de comptes consulaires à la Direction des Services ; 4) la vérification des redditions de comptes – Tarif G______ ; 5) la préparation et [l']élaboration de la Déclaration jurée de charges et ses budgets prévisionnels ; et 6) les autres tâches comptables qui seraient requises par la Chancellerie".

l. Par avenant du 2 février 2013 au contrat de travail, le salaire de B______ – toujours désignée en tant que "secrétaire" – a été à nouveau augmenté. L'avenant indiquait que sa conclusion était directement liée à l'augmentation du travail de B______, car des responsabilités supplémentaires par rapport à celles existantes en matière de secrétariat et de services consulaires lui avaient été confiées, telles que l'élaboration des comptes des biens et services et des comptes consulaires, ainsi que l'exécution de diverses demandes à caractère administratif requises par la Chancellerie, telles que les prévisions des dépenses mensuelles.

La REPUBLIQUE A______ allègue que les fonctions de B______ correspondaient à celles de "l'administrateur de fonds" ("Administrador de fondos"), dont les responsabilités découlaient du "Règlement pour l'administration des assignations des organes du service extérieur", ce que B______ conteste.

Il ressort de l'article 54 du règlement précité que "l'Administrateur de fonds était le second fonctionnaire hiérarchique de la mission […]. Exceptionnellement un autre fonctionnaire [pouvait] accomplir ces fonctions moyennant demande motivée par écrit du Chef de Mission diplomatique ou consulaire et avec l'autorisation du Secrétariat général".

m. En 2020, H______ a été engagée en tant que comptable externe au Consulat, afin d'aider B______ dans l'exécution de ses tâches.

n. Entre janvier 2014 et février 2016, I______ a travaillé au Consulat en tant que collaboratrice administrative et sociale à un taux d'occupation de 50%. D'après son certificat de travail, ses tâches principales étaient les suivantes : l'émission et le renouvellement de passeports, cartes d'identités et visas ; la production de certificats de naissance, mariage, état civil, décès ; la vérification des écritures bancaires ; la traduction espagnol/français de documents officiels ; l'interprétation en espagnol/français pour les usagers du Consulat ; l'accueil, l'orientation et l'appui des citoyens A______ pour diverses situations ; la visite de citoyens A______ détenus en Suisse et le soutien à leur famille ; la rédaction de rapports et recherches axées sur la migration en Suisse à destination du Ministère des Relations extérieures de [de l'État] A______.

o. A compter du 1er avril 2016, J______ a été engagé afin de remplacer I______.

Dans une attestation écrite du 18 octobre 2022, il a indiqué avoir reçu des instructions provenant à la fois du Consul général, du Consul adjoint ainsi que de B______ dans l'exercice de ses fonctions. Il lui était apparu évident qu'il travaillait en tant que subordonné de cette dernière, dans la mesure où elle lui demandait d'exécuter des tâches que le personnel diplomatique lui demandait directement d'effectuer. Il a également indiqué que les stagiaires du Consulat étaient tous subordonnés à B______, qui leur attribuait les tâches qu'ils devaient réaliser.

p. De 2016 à 2020, plusieurs stagiaires ont été engagés par le Consulat afin de seconder B______ dans l'exécution de ses tâches.

p.a K______, stagiaire au Consulat entre le 29 août et le 20 décembre 2016, avait comme tâches l'accueil et l'assistance téléphonique des administrés, des petits travaux administratifs en soutien du secrétariat, diverses démarches administratives auprès des services consulaires, l'élaboration de cartes d'identité et la réception des passeports, l'interprétariat espagnol/français/anglais pour les usagers du Consulat, le scannage et l'entrée des données des actes de naissance, de décès, de mariage, l'archivage de documents, les commandes et le contrôle de stock du service ainsi que le dépôt de la caisse de la journée à la Banque.

p.b L______, stagiaire au Consulat entre le 1er janvier 2017 et le 14 juillet 2017, avait comme tâches l'accueil et l'assistance téléphonique des administrés, l'envoi de courriels en français, espagnol et anglais dans le cadre de procédures consulaires, la réception et la vérification des procédures de service civil, tel que le registre de naissance, de mariage, de décès et l'inscription de la carte d'identité, la rédaction et le suivi d'attestations et de documents légaux ainsi que la réalisation du comptage d'inventaire.

p.c M______ a accompli un stage académique au Consulat du 1er octobre 2018 au 30 avril 2019 dans le cadre de son cursus universitaire. Ses tâches concernaient notamment l'accomplissement de démarches administratives (correspondance par courriels et appels téléphoniques) ainsi que, sous supervision, la rédaction et l'analyse de documents légaux tels que pouvoirs notariaux et procurations.

p.d N______ a été stagiaire au Consulat du 2 septembre 2019 au 20 décembre 2019, dans le cadre duquel elle avait comme tâches l'accueil et l'assistance téléphonique des administrés, la réalisation de visas (officiels, touristiques), la rédaction de documents en espagnol et en français, la gestion des courriels et des documents reçus, la planification de rendez-vous ainsi que la gestion administrative de toutes les démarches consulaires.

p.e O______ a effectué un stage au Consulat du 18 septembre 2019 au 11 février 2020, durant lequel il avait comme tâches l'accueil et l'assistance téléphonique des administrés, la rédaction de documents consulaires, la gestion des courriels et des documents reçus, le traitement des commandes, la réalisation du comptage d'inventaire, le soutien à la gestion et comptabilisation mensuelle des paiements ainsi que l'organisation logistique pour les élections de l'année 2020.

q. Le 4 mai 2020, B______ a été convoquée à une réunion par C______, en présence de D______, afin de l'informer que le Ministère des affaires étrangères avait décidé d'effectuer une réduction budgétaire de ses représentations à l'étranger en raison de la situation sanitaire.

En conséquence, il a été demandé à B______ de diminuer temporairement son taux d'activité à 50%. Des démarches allaient être entreprises par le Consulat auprès de l'Office cantonal de l'emploi du canton de Genève afin que la différence ou une partie importante du reste de son salaire soit payée par le canton. Un très court délai était imparti à B______ afin de transmettre des informations au Consulat afin qu'il puisse entamer les démarches précitées.

En cas de refus des autorités genevoises ou de non transmission des informations nécessaires par B______, cette dernière était invitée à signer un nouveau contrat de travail avec le Consulat, réduisant son taux d'activité à 50%.

Un courrier récapitulant ce qui précède ainsi qu'un avenant à son contrat de travail a été transmis à B______ le 6 mai 2020.

r. Selon les certificats médicaux produits, B______ a été en incapacité de travail complète du 5 mai au 19 mai 2020, incapacité qui s'est prolongée jusqu'au 31 décembre 2020.

s. Par courrier recommandé daté du 17 novembre 2020, la REPUBLIQUE A______ a licencié B______ avec effet au 31 janvier 2021.

D. a. Le 29 juillet 2021, B______ a introduit une requête de conciliation à l'encontre de la REPUBLIQUE A______ auprès de la juridiction des prud'hommes.

Par courrier du 25 mars 2022 adressé au Tribunal, la REPUBLIQUE A______ s'est prévalue de son immunité de juridiction.

b. A l'issue de l'audience de conciliation du 4 avril 2022, une autorisation de procéder a été délivrée à B______.

c. Par courrier du 8 avril 2022, la REPUBLIQUE A______ s'est à nouveau prévalue de son immunité de juridiction.

d. Par demande en paiement déposée le 15 juillet 2022, B______ a conclu à ce que la REPUBLIQUE A______ soit condamnée à lui verser, avec intérêts à 5% l'an à compter du 31 janvier 2021, les montants nets de 49'963 fr., 37'473 fr., 9'652 fr., 29'538 fr. et 10'000 fr. au titre d'indemnisation pour longs rapports de travail, pour licenciement abusif, au paiement des vacances non-prises, au paiement de primes d'assurance-maladie et d'une indemnité pour tort moral.

e. Par ordonnance du 7 septembre 2022, le Tribunal a limité la procédure à la question de sa compétence.

f. Dans ses déterminations sur incompétence, la REPUBLIQUE A______ a conclu à ce que soit déclarée irrecevable la demande en paiement formulée par B______ le 15 juillet 2022 et à ce que cette dernière soit déboutée de toutes ses conclusions.

g. Dans sa réponse aux déterminations précitées, B______ a conclu, avec suite de frais et dépens, à ce que sa demande en paiement soit déclarée recevable et à ce que la REPUBLIQUE A______ soit déboutée de toutes autres ou contraire conclusions.

h. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

i. Les parties ont été entendues le 12 septembre 2023, à l'issue de quoi le Tribunal a gardé la cause à juger sur ce point.

E. a. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que B______ accomplissait un travail qui ne consistait pas en l'exercice de la puissance publique et constituait, au contraire, une fonction subalterne. La REPUBLIQUE A______ agissait comme titulaire d'un droit privé (jure gestionis) et non en vertu de sa souveraineté (jure imperii) dans le cadre des rapports de travail et ne pouvait dès lors pas se prévaloir de son immunité de juridiction au sens de l'art. 11 al. 2 let. a de la Convention des Nations Unis sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens du 2 décembre 2004 (ci-après : CNUIJE), ratifiée par la Suisse le 16 avril 2010.

b. La REPUBLIQUE A______ n'était pas parvenue à démontrer que B______ agissait avec un pouvoir décisionnel et une indépendance totale dans l'accomplissement des actes relatifs à l'état civil, quand bien même elle échangeait directement avec les administrés. Aucun argument ne pouvait être tiré des formulaires d'état civil pré signés, dans la mesure où ils étaient en réalité inutilisables. La signature du Consul ayant fait l'objet d'un enregistrement, contrairement à celle de B______, et étant systématiquement apposée sur les actes d'état civil, la désignation du terme "Registrador" en espagnol était ainsi sans pertinence. B______ n'effectuait qu'une fonction exécutante et n'avait aucun pouvoir de signature, les actes qu'elle établissait devant être revus, validés et signés par le Consul.

c. S'agissant des actes notariaux ainsi que de l'établissement de documents d'identités et de visas, la REPUBLIQUE A______ avait elle-même admis que les Consuls étaient tenus de les signer. Les tâches en lien avec la comptabilité relevaient d'une activité comptable ordinaire, qui ne se rattachait pas à une fonction supérieure dans une mission diplomatique. Il était également contradictoire de vouloir rattacher une telle fonction à B______, dans la mesure où une comptable externe avait été engagée afin de l'assister, ce qui reviendrait à dire que des prérogatives relevant de la souveraineté de [l'État] A______ avait été confiées à une consultante externe.

d. Les tâches confiées à J______ et aux stagiaires étaient sensiblement identiques à celles de B______. Il en découle qu'elle était nécessairement subalterne dans la mesure où admettre le contraire reviendrait à affirmer que le Consulat ne disposait d'aucun poste subalterne et que même les stagiaires s'étaient vu confier l'existence de la puissance publique.

e. Le maintien des contacts avec la police, les autorités et les institutions genevoises et l'hôpital cantonal relevait de la fonction ordinaire de secrétaire, ce qui ne permettait pas de déduire que B______ disposait d'un pouvoir de représentation sur le Consulat. Elle n'avait d'ailleurs jamais bénéficié des avantages et prérogatives accordés aux hauts fonctionnaires.

f. Finalement, les rapports de travail étaient suffisamment rattachés au territoire suisse, dans la mesure où B______ avait été recrutée lorsqu'elle se trouvait déjà à Genève, et qu'elle avait acquis la nationalité suisse en 2002.

EN DROIT

1.             1.1 L’appel est dirigé contre une décision incidente de première instance rendue dans le cadre d’un litige portant sur une valeur litigieuse de plus de 10'000 fr. au dernier état des conclusions (art. 237, 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Il a été déposé dans le délai de 30 jours, suspendu lors des féries d'hiver, à compter de la notification de la décision et respecte, pour le surplus, la forme prescrite (art. 130, 131, 142, 143, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC).

L’appel est par conséquent recevable.

1.2 Compte tenu de la valeur litigieuse, la cause est soumise à la procédure ordinaire (art. 219 ss CPC). Les maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC) sont applicables.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). Elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_238/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2.2). Par ailleurs, elle applique le droit d'office (art. 57 CPC), sans être liée par les arguments de droit des parties, en particulier s'agissant de la recevabilité (art. 60 CPC), mais dans les limites des faits allégués et établis, dans la mesure où, comme indiqué, le litige est soumis à la maxime des débats.

2. Dans le cadre de sa réponse aux déterminations sur incompétence, l'intimée à formulé de nombreuses allégations nouvelles.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Il faut distinguer les vrais nova des faux nova. Les vrais nova sont des faits et moyens de preuve qui ne sont apparus qu'après la clôture des débats principaux de première instance. En principe, ils sont toujours admissibles dans la procédure d'appel, s'ils sont invoqués ou produits sans retard dès leur découverte. Les faux nova sont les faits et moyens de preuve qui existaient déjà au moment de la clôture des débats principaux de première instance. Leur admission en appel est restreinte en ce sens qu'ils sont écartés si, la diligence requise ayant été observée, ils auraient déjà pu être invoqués ou produits en première instance. Celui qui invoque des faux nova doit notamment exposer de manière détaillée les raisons pour lesquelles il n'a pas pu invoquer ou produire ces faits ou moyens de preuves en première instance (ATF 143 III 42 consid. 5.3 in SJ 2017 I 460 et les références citées).

Des faux nova sont excusables lorsque le comportement de la partie adverse en première instance a permis de croire qu'il n'était pas nécessaire de les présenter (arrêts du Tribunal fédéral 5A_697/2020 du 22 mars 2021 consid. 3; 5A_621/2012 du 20 mars 2013 consid. 5.4; Bastons Bulletti, Petit commentaire, Code de procédure civile, 2021, n° 14 ad art. 317 CPC) ou lorsqu'un thème est abordé pour la première fois en appel (arrêts du Tribunal fédéral 4A_360/2017 du 30 novembre 2017 consid. 8.1; 5A_621/2012 précité; 4A_305/2012 du 6 février 2013 consid. 3.3; Bastons Bulletti, ibid.).

2.2 En l'espèce, les allégués 20 à 30 formulés par l'intimée, dont le moyen de preuve requis est la déposition des parties, sont des allégués nouveaux, qui n'ont pas été valablement articulés devant les premiers juges, bien que relatifs à la tâche de l'intimée, déjà mentionnée en première instance, de la préparation de la valise diplomatique. Ils doivent ainsi être qualifiés de faux nova. Le fait que cette tâche n'ait pas fait l'objet de plus de développement par l'appelante par-devant les juges de première instance n'est pas un motif suffisant pour effectuer des allégations nouvelles à ce sujet en appel, comme le prétend l'intimée. Partant, les allégués susmentionnés sont irrecevables.

Les allégués 84 à 91 ne sont en réalité qu'un récapitulatif de la procédure de première instance ainsi que des appréciations déjà effectuées par l'intimée en première instance, de sorte qu'il ne s'agit pas de faits nouveaux.

S'il est vrai que les allégués 11 et 71 à 78 n'ont pas été formulés en première instance et doivent partant être déclarés irrecevables, il sera cependant relevé que ces derniers sont quoi qu'il en soit sans pertinence sur l'issue du litige, dans la mesure où ils concernent des éléments relatifs au fond de la procédure de licenciement.

3. L'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir violé son droit d'être entendue, dans la mesure où le Tribunal ne s'est pas prononcé sur les responsabilités de l'intimée relatives à la préparation de la valise diplomatique.

3.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 135 III 513 consid. 3.6.5; 134 I 83 consid. 4.1). Ainsi, les parties doivent pouvoir connaître les éléments de fait et de droit retenus par le juge pour arriver au dispositif (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 7 ad art. 238 CPC). Le juge n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 134 I 83 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 9C_3/2011 et 9C_51/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.1).

3.2 En l'espèce, dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu que les parties avaient convenu que l'une des tâches de l'intimée consistait en la préparation de la valise diplomatique (jugement querellé, let. g., p. 4), et que l'intimée n'avait pas contesté cet élément dans le cadre de ses écritures de première instance (jugement querellé, let. k, p. 5). Le Tribunal a ensuite pris en considération cet élément dans son appréciation des faits présentée dans la partie en droit de son jugement, (jugement querellé, consid. 1.d., p. 14) pour retenir que l'activité de l'intimée ne relevait pas de la puissance publique. Cette motivation, certes succincte, est néanmoins suffisante en ce qu'elle permettait à l'appelante de comprendre que la tâche consistant dans la préparation de la valise diplomatique confiée à l'intimée ne suffisait à considérer que cette dernière assumait un poste dirigeant relevant de la puissance publique, et donc de contester en connaissance de cause le jugement devant la Cour.

Partant, aucune violation du droit d'être entendu ne peut en conséquence être reprochée au Tribunal pour défaut de motivation, de sorte que le grief de l'appelante à ce propos sera rejeté.

4. 4.1 L'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir rejeté l'exception d'immunité de juridiction. Elle soutient en bénéficier en application de l'article 11 par. 2 let. a CNUIJE, au motif que l'intimée avait été engagée afin de s'acquitter de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique.

4.1.1 De tout temps, la jurisprudence suisse a marqué une tendance à restreindre le domaine de l'immunité des Etats. Le principe de l'immunité de juridiction n'est pas une règle absolue. L'Etat étranger n'en bénéficie que lorsqu'il agit en vertu de sa souveraineté (jure imperii). En revanche, il ne peut pas s'en prévaloir s'il a agi comme titulaire d'un droit privé ou au même titre qu'un particulier (jure gestionis) ; dans ce cas, l'Etat étranger peut être assigné devant les tribunaux suisses, à condition toutefois que le rapport de droit privé auquel il est partie soit rattaché de manière suffisante au territoire suisse (Binnenbeziehung) (ATF
124 III 382 consid. 4a p. 388/389; arrêts du Tribunal fédéral 4A_308/2022 du 20 septembre 2022 consid. 3.1.2; 4A_481/2021 du 4 juillet 2022 consid. 3.1).

4.1.2 Les actes accomplis jure imperii (ou actes de souveraineté) se distinguent des actes accomplis jure gestionis (ou actes de gestion) non par leur but, mais par leur nature intrinsèque. Il convient ainsi de déterminer, en recourant si nécessaire à des critères extérieurs à l'acte en cause, si celui-ci relève de la puissance publique ou s'il s'agit d'un rapport juridique qui pourrait, dans une forme identique ou similaire, être conclu entre deux particuliers (ATF 134 III 570 consid. 2.2;
124 III 382 consid. 4a p. 388/389; arrêt du Tribunal fédéral 4A_308/2022 du 20 septembre 2022 consid. 3.1.2).

Le juge doit aussi évaluer les intérêts en présence, c'est-à-dire celui de l'Etat étranger à bénéficier de l'immunité, celui de l'Etat du for à exercer sa souveraineté juridictionnelle et celui de la partie demanderesse à obtenir la protection judiciaire de ses droits. Lorsque des prétentions sont élevées par des cadres ou collaborateurs de missions diplomatiques, et en considération des intérêts ci-mentionnés, il est admis que l'Etat accréditant jouit de l'immunité de juridiction dans ses rapports avec ses agents exerçant des fonctions supérieures, tandis que, au contraire, les employés subalternes peuvent rechercher cet Etat devant les tribunaux de l'Etat du for (ATF 120 II 400 consid. 4a p. 406; 120 II 408 consid. 5a p. 409; arrêt du Tribunal fédéral 4A_386/2011 du 4 août 2011 consid. 3).

4.1.3 Pour décider si le travail accompli par une personne qui est au service d'un État ressortit ou non à l'exercice de la puissance publique, il faut partir de l'activité en cause. En effet, à défaut de législation déterminant quelles fonctions permettent à l'État accréditant de se prévaloir, à l'égard de leurs titulaires, de son immunité, la désignation de la fonction exercée ne saurait être, à elle seule, un critère décisif. Aussi bien, selon les tâches qui lui sont confiées, tel employé apparaîtra comme un instrument de la puissance publique alors que tel autre, censé occuper un poste identique, devra être classé dans la catégorie des employés subalternes (ATF 120 II 408 consid. 5b p. 410; arrêt du Tribunal fédéral 4A_214/2008 du 9 juillet 2008 consid.2.2). Les fonctions subalternes relèvent essentiellement de la logistique, de l'intendance et du soutien, sans influence décisionnelle sur l'activité spécifique de la mission dans la représentation du pays (ATF 134 III 570 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_331/2014 du 31 octobre 2014 consid. 3.4; 4A_452/2011 du 30 novembre 2011).

En règle générale, l'immunité n'est pas reconnue lorsque l'employé demandeur est dépourvu de la nationalité de l'Etat accréditant et qu'il a été recruté et engagé dans l'Etat du for (ATF 134 III 570 consid. 2.2; 120 II 400 consid. 4a; 120 II 408 consid. 5b; 110 II 255 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_214/2008 du 9 juillet 2008 consid. 2.2).

4.1.4 La qualification d'employé subalterne a notamment été donnée aux postes de chauffeur, de portier, de jardinier, de cuisinier (ATF 120 II 400 consid. 4b), de traducteur-interprète (ATF 120 II 408 consid. 5c), d'employé de bureau (ATF 110 II 255 consid. 4a), de femme de ménage (arrêt du Tribunal fédéral 4C_338/2002 du 17 janvier 2003 consid. 4.2), d'employée de maison (arrêt du Tribunal fédéral 4C_73/1996 du 16 mai 1997, Jahrbuch des Schweizerischen Arbeitsrechts [JAR] 1998 p. 298) ou de maître d'hôtel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_331/2014 du 31 octobre 2014 consid. 3.4). Tenir la comptabilité et assurer le service des paiements ne se rattachent pas non plus à une fonction supérieure dans une mission diplomatique car ces tâches ne diffèrent guère de celles d’un comptable dans une entreprise privée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_386/2011 du 4 août 2011 consid. 6).

Le caractère confidentiel marqué de l'activité de l'employé n'est pas un élément décisif pour qualifier cette activité, puisque bien des personnes travaillant au service d'un Etat sont amenées soit à accomplir des tâches confidentielles, soit à prendre connaissance de données ou informations de cette nature, bien qu'elles occupent des postes subalternes (ATF 120 II 408 consid. 5c).

Une mission d'expert-juriste au sein d'une commission des Nations Unis n'est en revanche pas un emploi subalterne (ATF 134 III 570 consid. 2.1 et 2.2).

4.1.5 La Suisse a ratifié la CNUIJE le 16 avril 2010 (cf. www.eda.admin.ch [Thèmes > Droit international public > Traités internationaux]; arrêté fédéral portant approbation et mise en œuvre de la CNUIJE du 11 décembre 2009, FF 2009 7969; Message du 25 février 2009 concernant l'approbation et la mise en œuvre de la CNUIJE, FF 2009 1443). Cette convention n'est pas encore entrée en vigueur, faute de ratification par un nombre suffisant d'États. Le Tribunal fédéral a cependant confirmé la pratique de la Cour, consistant à s'en inspirer lorsqu'il s'agit de rendre une décision fondée sur les règles générales du droit international public relatives à l'immunité de juridiction (cf. ATF 134 III 570 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_544/2011 du 30 novembre 2011 consid. 2.1), ceci y compris lorsque l'Etat accréditant n'en est pas signataire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_331/2014 du 31 octobre 2014 consid. 3.2 et 4A_544/2011 précité consid. 2.1).

4.1.6 Sous le titre "Contrats de travail", l'art. 11 al. 1 CNUIJE dispose qu'à moins que les Etats concernés n'en conviennent autrement, un Etat ne peut invoquer l'immunité de juridiction devant un tribunal d'un autre Etat, compétent en l'espèce, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre l'Etat et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre Etat. Les Nations Unies ont ainsi posé un principe d'absence d'immunité de juridiction en matière de contestations liées à des contrats de travail, afin de limiter la portée de l'immunité dans ce domaine (arrêt du Tribunal fédéral 4A_542/2011 du 30 novembre 2011 consid. 2.2.2).

En principe, le défendeur ne peut donc invoquer son immunité, sous réserve des exceptions prévues à l'art. 11 par. 2 CNUIJE (arrêts du Tribunal fédéral 4A_308/2022 du 20 septembre 2022 consid. 3.1.2; 4A_481/2021 du 4 juillet 2022 consid. 3.1; 4A_331/2014 du 31 octobre 2014 consid. 3.1). L'État défendeur supporte le fardeau de la preuve desdites exceptions (en lien avec l'exception découlant de l'art. 11 par. 2 let. e CNUIJE, arrêts 4A_481/2021 précité consid. 3.2.2; 4A_544/2011 du 30 novembre 2011 consid. 2.3.2).

Selon l'art. 11 par. 2 CNUIJE, l'al. 1 n'est pas applicable si l'employé a été engagé pour "(...) s'acquitter de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique" (art. 11 par. 2 let. a CNUIJE), est "fonctionnaire consulaire" selon la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 (RS 0.191.02) (art. 11 par. 2 let. b/ii), ou encore est ressortissant de l'Etat employeur au moment où l'action est engagée, à moins qu'il n'ait sa résidence dans l'Etat du for (art. 11 par. 2 let. e CNUIJE).

La CNUIJE ne prévoit pas l'immunité de juridiction au motif qu'un employé subalterne est ressortissant de l'Etat employeur ; au contraire, elle exclut expressément l'immunité lorsqu'un employé ayant la nationalité de l'Etat employeur a sa résidence permanente dans l'Etat du for (art. 11 al. 2 let. e CNUIJE ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_544/2011 du 30 novembre 2011 consid. 3.2). En outre, comme le Tribunal fédéral l'a rappelé à plusieurs reprises, la nationalité de l'employé chargé d'un travail subalterne ne suffit pas pour fonder une immunité de juridiction dès lors que cela reviendrait à étendre à l'excès l'immunité de juridiction de l'Etat étranger et à vider de son sens l'art. 11 al. 1 CNUIJE (arrêts du Tribunal fédéral 4A_331/2014 du 31 octobre 2014 consid. 3; 4A_544/2011 du 30 novembre 2011 consid. 2.1).

4.1.7 En ce qui concerne les litiges relevant d’un contrat de travail conclu entre des ambassades ou missions permanentes et le personnel employé par celles-ci pour accomplir des tâches subalternes, la Cour européenne des droits de l'homme rappelle que, dans sa jurisprudence constante, qui reflète le droit international coutumier, elle a toujours protégé les ressortissants de l’État du for (Cudak c. Lituanie, requérante de nationalité lituanienne, et lieu de travail situé à Vilnius, en Lituanie; Sabeh El Leil c. France, requérant de nationalité française, et lieu de travail situé à Paris, en France; Wallishauser c. Autriche, requérante de nationalité autrichienne, et lieu de travail situé à Vienne, en Autriche; Radunović c. Monténégro, requérants de nationalité monténégrine, et lieu de travail situé à Podgorica, au Monténégro; et Naku c. Lituanie, requérante de nationalité lituanienne, et lieu de travail situé à Vilnius) et les non-ressortissants qui y résident (Fogarty c. Royaume-Uni, requérante de nationalité irlandaise qui avait sa résidence permanente à Londres, où elle travaillait, et qui disposait d’une autorisation d’établissement permanente pour le Royaume-Uni) (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, affaire Ndayegamiye-Mporamazina c. Suisse du 5 février 2019 par. 61).

4.1.8 Selon l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963, les fonctions consulaires consistent notamment à agir en qualité de notaire et d'officier d'état civil, ainsi que certaines fonctions d'ordre administratif, pour autant que les lois et règlements de l'Etat de résidence ne s'y opposent pas.

4.1.9 Selon l'art. 35 par. 1 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963, l'Etat de résidence permet et protège la liberté de communication du poste consulaire pour toutes fins officielles. En communiquant avec le gouvernement, les missions diplomatiques et les autres postes consulaires de l’Etat d’envoi, où qu’ils se trouvent, le poste consulaire peut employer tous les moyens de communication appropriés, y compris les courriers diplomatiques ou consulaires, la valise diplomatique ou consulaire et les messages en code ou en chiffre. La correspondance officielle de la poste consulaire est inviolable et ne doit être ni ouverte ni retenue (art. 35 par. 2 et 3).

4.1.10 A teneur de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. Cette disposition règle notamment l'attribution du fardeau de la preuve, c'est-à-dire désigne la partie qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve d'un fait (ATF 129 III 18 consid. 2.6).

Selon la conception de la doctrine dominante, qui suit la théorie des normes (Normentheorie), il découle en principe de l'art. 8 CC que le rapport entre les normes matérielles applicables détermine la répartition du fardeau de la preuve. Ce rapport établit de cas en cas si le fait à prouver fait naître un droit (fait générateur), l'éteint, respectivement le modifie (fait destructeur) ou s'il tient en échec cette naissance ou cette extinction (fait dirimant). Celui qui prétend être titulaire d'un droit doit prouver les faits générateurs dont dépend la naissance du droit. En revanche, c'est à celui qui invoque l'extinction d'un droit ou conteste sa naissance ou sa mise en application qu'il incombe de prouver les faits destructeurs ou dirimants (ATF 139 III 13 consid. 3.1.3.1; 130 III 321 consid. 3.1; 128 III 271 consid. 2a/aa; arrêt 5C_162/2005 consid. 2.3). Il n'importe pas que celui qui invoque un droit sous forme d'objection ou d'exercice d'un droit formateur assume le rôle de défendeur dans l'instance judiciaire (Piotet, Commentaire romand, 2ème éd., CC I, 2023, n. 31 ad art. 8 CC).

4.2 En l'espèce, les tâches concrètement effectuées par l'intimée seront examinées à l'aune des principes précités, étant rappelé que le fait que la REPUBLIQUE A______ n'ait ni signé, ni ratifié la CNUIJE ne fait pas obstacle à l'application de ses principes, ce qui n'est au demeurant pas contesté.

Comme l'a retenu à raison le Tribunal, l'appelante n'est pas parvenue à démontrer que les tâches effectuées par l'intimée étaient en lien avec l'exercice de la puissance publique, alors que le fardeau de la preuve lui incombait à ce titre.

Elle n'a en particulier pas démontré en quoi l'activité de l'intimée, consistant à maintenir des contacts avec les autorités et institutions genevoises, la police et l'hôpital cantonal, dépasserait le cadre de ce qui relève d'une activité de secrétariat habituelle.

Concernant les actes liés à l'état civil, l'appelante n'a produit aucune pièce permettant de prouver que l'intimée aurait eu sa signature enregistrée et au bénéfice de la foi publique. Il en va pourtant autrement de la signature du Consul sur les actes d'état civil, qui comporte un tampon indiquant "fonctionnaire habilité", ce qui confirme les propos de l'intimée, selon laquelle la signature du Consul était enregistrée dans les administrations suisses, contrairement à la sienne. La discussion relative à la traduction exacte du terme "Registrador", mention qui figurait sur quelques actes d'état civil datés d'il y a plus de vingt ans et où était apposée la signature de l'intimée, n'est par ailleurs d'aucun secours à l'appelante, dans la mesure où la définition donnée par une intelligence artificielle ne saurait évidemment pas être suffisante pour apporter la preuve de ce qu'une personne agirait avec des fonctions officielles et encore moins que cette personne disposerait d'une influence décisionnelle dans l'établissement desdits actes. Au contraire, il ressort des documents produits que la signature du Consul était systématiquement nécessaire dans l'établissement des actes d'état civil, ce qui confirme que les tâches de l'appelante n'étaient que purement préparatoires, dans la mesure où elle n'avait pas la capacité de prendre de décisions quant à l'issue des procédures relatives à l'état civil. Les courriels électroniques envoyés par l'intimée, dont se prévaut l'appelante, font certes ressortir que l'intimée communiquait avec les administrés afin de leur indiquer les documents nécessaires à l'établissement d'actes d'état civil et fixait les rendez-vous au Consulat; ils ne permettent toutefois pas de retenir que ces tâches ressortiraient à la puissance publique. Il en va de même des allégations faites par l'appelante en première instance, selon lesquelles l'intimée aurait bénéficié de formulaires d'état civil vierges et présignés par le Consul, dès lors que, dès lors que selon la Directive 243-GRC/012, la signature d'un officier d'état civil était nécessaire pour les invalider, que lesdits formulaires portaient la signature d'un ancien Consul général au recto et non celle de l'intimée, qui ne disposait ainsi pas de la qualité nécessaire pour cela, et qu'en tout état, ces formulaires avaient été rendus inutilisables par la signature d'un ancien Consul général, de sorte que l'intimée ne pouvait en disposer librement afin d'établir des actes d'état civil, comme le soutient l'appelante.

L'appelante se prévaut pour la première fois en appel de la Convention de Vienne relative aux fonctions consulaires de 1963 concernant la fonction de notaire. Elle n'a pourtant jamais allégué que l'intimée aurait été fonctionnaire consulaire, a, au contraire, confirmé que l'intimée n'avait jamais bénéficié du statut diplomatique ou de privilèges y associés et a expressément concédé, dans ses écritures, que l'intimée ne pouvait officier en tant que notaire. L'on peine ainsi à comprendre son argumentation fondée sur cette convention. Pour le surplus, le même raisonnement que celui appliqué aux actes d'état civil peut être effectué en lien avec les actes notariés, la tenue du registre des ressortissants A______ ou l'émission de documents d'identité : l'appelante ne produit aucun document relatif aux actes en question, pour lesquels il serait possible de déduire une quelconque influence décisionnelle par l'intimée sur l'accomplissement desdits actes, un pouvoir de représentation ou de signature pourvue d'une qualité particulière et nécessaire à leur établissement. L'appelante a au contraire confirmé en audience que les passeports et les visas étaient signés par le Consul. Concernant les pièces d'identité A______, l'appelante ne démontre pas que l'intimée effectuait seule et sans intervention du Consul toutes les démarches relatives à leur établissement ou à leur renouvellement, les échanges de courriels produits entre l'intimée et les administrés ne permettant pas de l'établir.

La présence d'un registre des prestations effectuées au sein du Consulat, dans lequel l'intimée y inscrivait ses tâches, ne saurait infirmer les considérations qui précèdent : il n'apporte en effet aucun indice quant au pouvoir décisionnel de celle-ci, ou concernant le caractère officiel de ses fonctions.

Concernant les tâches financières effectuées par l'intimée, il convient de confirmer l'approche du Tribunal fédéral en la matière, selon laquelle la tenue d'une comptabilité et le fait d'assurer le service de paiements ne se rattachent pas à une fonction supérieure dans une mission diplomatique, ce qui est par ailleurs démontré par l'engagement d'une comptable externe au Consulat. Au demeurant, la comparaison effectuée en première instance par l'appelante avec la fonction "d'administrateur de fonds" est vaine, dans la mesure où l'appelante n'a produit aucun document indiquant qu'elle avait reçu l'autorisation y afférente selon le règlement en vigueur pour l'intimée (cf. supra consid. l).

Comme l'a relevé à juste titre le Tribunal, de nombreux stagiaires ont effectué, en partie, des tâches identiques à celles de l'intimée, ce qui confirme que les tâches de cette dernière étaient nécessairement subalternes. Il serait en effet surprenant que des stagiaires s'arrogent des prérogatives relatives à la puissance publique. La préparation de la valise diplomatique est à cet égard un bon exemple : admettre qu'une telle tâche relèverait de la puissance publique reviendrait à dire que des stagiaires bénéficieraient des mêmes prérogatives que celles du Consul général ou du Consul adjoint. A suivre l'appelante, quiconque entrerait en contact physique avec la valise diplomatique – qui bénéficie de l'immunité – bénéficierait ainsi d'une immunité "de facto" et deviendrait titulaire de la puissance publique, ce qui apparaitrait pour le moins surprenant. Finalement, à supposer que l'intimée ait effectivement donné des instructions à J______ et aux stagiaires dans l'exécution de leurs tâches, cela ne signifie pas encore qu'elle disposait de pouvoirs relevant des prérogatives étatiques, mais simplement de ce qu'elle pouvait les guider dans l'exécution de leurs tâches subalternes, en partie identique aux siennes.

Il découle de ce qui précède que les tâches accomplies par l'intimée étaient de simples tâches subalternes, qui relevaient du soutien aux activités du Consul ou du Consul adjoint, étant rappelé que le fait que l'intimée ait pu prendre connaissance d'informations confidentielles dans ce cadre n'y change rien (cf. supra consid. 4.1.4). Elle ne bénéficiait ainsi pas de prérogatives relevant de la puissance publique.

A titre superfétatoire, la Cour relèvera que l'appelante a été embauchée au Consulat alors qu'elle se trouvait déjà en Suisse, et qu'elle a obtenu la nationalité Suisse en 2002. Le rattachement avec l'Etat du for est donc important, de sorte qu'elle doit bénéficier d'une protection accrue en tant qu'employée subalterne, conformément à la pratique développée en la matière, et étant rappelé que sa nationalité A______ est sans aucune pertinence à ce propos (cf. supra consid. 4.1.6 et 4.1.7).

5. Au vu des considérations qui précèdent, l'immunité de juridiction soulevée par l'appelante sera rejetée et la décision du Tribunal confirmée.

6. En raison de la valeur litigieuse supérieure à 50'000 fr., des frais judiciaires doivent être perçus pour la procédure d'appel (art. 114 let. c cum 116 al. 1 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC).

Ceux-ci seront arrêtés à 400 fr. (art. 71 RTFMC et 19 al. 5 LaCC) dans la mesure où l'arrêt rendu par la Cour est de nature incidente et ne donne pas fin à la procédure. Ils seront mis à charge de l'appelante vu l'issue du litige (art. 106 al. 1 CPC) et seront compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par l'appelante qui demeure acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

Il n'est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 29 janvier 2024 par la REPUBLIQUE A______ contre le jugement JTPH/407/2023 rendu par le Tribunal des prud'hommes le 11 décembre 2023 dans la cause C/16667/2021.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais d'appel à 400 fr., les met à la charge de la REPUBLIQUE A______ et les compense avec l'avance de frais opérée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Monique FORNI, Monsieur Aurélien WITZIG, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.