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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/19346/2021

CAPH/1/2024 du 09.01.2024 sur JTPH/159/2023 ( OO ) , PARTIELMNT CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19346/2021 CAPH/1/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MARDI 9 JANVIER 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 16 mai 2023 (JTPH/159/2023), représenté par Me Mirolub VOUTOV, avocat, de Candolle Avocats, Place des Eaux-Vives 3, 1207 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié c/o Foyer C______, ______ [GE], intimé, représenté par le [syndicat] D______, ______.


EN FAIT

A.           Par jugement du 16 mai 2023, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des prud'hommes a condamné A______ à verser à B______ 27'532 fr. 05 bruts sous déduction de 14'895 fr. nets, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2021 (ch. 2), 3'023 fr. 50 bruts sous déduction de 500 fr. nets avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2021 (ch. 3), 2'494 fr. 45 bruts avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021 (ch. 4), et 5'258 fr. 20 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2021 (ch. 5), 3'402 fr. nets avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021 (ch. 7), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales légales et usuelles (ch. 6), dit qu'il ne serait pas perçu de frais ni alloué de dépens (ch. 8), et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 9).

B.            Par acte du 16 juin 2023, A______ a formé appel contre ce jugement. Il a conclu à l'annulation de celui-ci, cela fait au déboutement de B______ des fins de ses conclusions, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

B______ a conclu à la confirmation de la décision attaquée.

Par avis du 5 octobre 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a.      A______ a exploité une entreprise de menuiserie, d'ébénisterie et d'agencements en raison individuelle, à l'enseigne "E______ A______", inscrite au Registre du commerce genevois de ______ 2018 au ______ 2021.

b.      a. B______ allègue s'être engagé en décembre 2019 au service de A______ en qualité de plâtrier peintre, moyennant un salaire de 150 fr. nets par jour, soit 15 fr. 80 l'heure.

Il allègue avoir travaillé en moyenne 9h30 par jour depuis février 2020 (dont 7 samedis et 23 dimanches), jusqu'au 5 mars 2021 (à l'exception de la période du 17 mars au 5 mai 2020, durant laquelle il n'avait pas reçu d'indemnités RHT faute pour l'employeur d'avoir demandé de telles indemnités, et celle du
1er janvier au 8 février 2021 qu'il avait passée à "attendre du travail"), à raison de certains jours qu'il a détaillés en se référant à un décompte établi par ses soins, pour un total de 189 jours, et une rémunération reçue de 14'895 fr. nets.

Il allègue n'avoir pas bénéficié de jours de vacances, ni perçu de treizième salaire ou d'indemnités forfaitaires (pour les 189 jours de travail allégués).

Il a produit des notes de sa main, détaillant des jours travaillés, avec en regard dans certains cas l'indication d'un chantier. Il en résulte, selon lui, huit jours travaillés entre le 27 février et le 16 mars 2020, 164 entre le 6 mai et le 30 décembre 2020, et 17 jours entre le 9 février et le 5 mars 2021, dont sept 7 samedis et 23 dimanches en 2020.

Il a également versé des copies de messages whatsapp, faisant état d'échanges entre lui-même et A______ à propos d'horaires, de lieux de chantier, de demandes d'argent, expédiés et reçus entre le 20 juin 2020 et le 12 février 2021, ainsi qu'entre le 22 février et le 11 mars 2021. Il n'en a pas allégué le contenu.

b.b. Selon A______, B______ a effectué quelques heures de travail à son service en décembre 2019. Ensuite, "après son retour dans le courant du mois de janvier 2020", il avait travaillé sur appel, sur huit chantiers (qu'il a détaillés, avec l'activité opérée), pour un total de 441 heures, entre juillet et décembre 2020 ("étant précisé que 10 heures effectuées en février 2021 ont été comptées en tant que rémunérées au mois de décembre 2021 vu que [l'employé] avait reçu une somme largement supérieure au montant du salaire convenu par heure travaillée"), soit 60 heures en juillet, 37 heures en août,
75 heures en septembre, 40 heures en octobre, 99 heures en novembre et
130 heures en décembre 2020. Le salaire horaire convenu était de 23 fr. 50. Un total de 13'395 fr. lui avait été versé à ce titre. L'employé n'avait pas travaillé les samedis et les dimanches, sauf "occasionnellement" pour des nettoyages de chantiers.

A______ a produit des fiches de salaire établies à l'attention de B______. Celles-ci font état d'un nombre d'heures travaillées, soit 92 en juillet 2020, 84 en août 2020, 80 en septembre 2020, 88 en octobre 2020, 84 en novembre 2020, et 56 en décembre 2020, ainsi que d'un salaire horaire brut.

Il a fait valoir que les décomptes d'heures établis par B______ étaient largement exagérés et semblaient avoir été établis a posteriori, en particulier au vu d'une erreur récurrente (mention de "2021" au lieu de "2020", qui y apparaissait).

Il s'est prévalu de ses difficultés financières, du manque de travaux confiés à l'entreprise, et d'un chiffre d'affaires faible.

b.c. Au Tribunal, B______ a déclaré avoir commencé à travailler au service de A______ en octobre 2019, puis être revenu après une pause entre fin décembre 2019 et fin février 2020. Il avait été payé en 2019; il avait commencé à établir un décompte de jours travaillés dès le 27 février 2020. Il lui arrivait de commencer sa journée à 7h00 ou à 6h00, ou à 8h00 ou à 7h45 selon les ordres reçus, et de terminer "plus tôt" si le travail était achevé et qu'il lui était dit de quitter le chantier. Il y avait plusieurs chantiers en parallèle, généralement il exécutait un chantier par jour, mais parfois il y en avait plusieurs le même jour. Il n'avait pas reçu de bulletins de salaire. Il n'avait pas indiqué à l'auteur du rapport du 3 octobre 2020 qu'il travaillait sur appel; il travaillait tous les jours. Il échangeait des messages whatsapp avec A______ pour coordonner le travail, savoir où se rendre et à quelle heure. Il n'avait pas travaillé pour d'autres employeurs, à l'exception d'un chantier en janvier 2021, payé 150 fr. par jour selon ce qui avait été convenu avec A______.

Ce dernier a déclaré qu'il avait réalisé un chiffre d'affaires de 138'424 fr. en 2019 avec une perte de 4'356 fr., et que B______ avait travaillé pour trois entreprises tierces qu'il a nommées.

b.d. Un ami des deux parties, F______, entendu par le Tribunal en qualité de témoin, a déclaré qu'il les avait présentées l'une à l'autre, et qu'elles n'avaient pas discuté en sa présence de contrat de travail, de salaire ou d'horaire; à son souvenir c'était en 2019 "suite au besoin" de travailler de B______, et s'il se rappelait bien celui-ci "devait travailler un ou deux jours par semaine". Il ignorait combien d'heures de travail par jour ou par semaine le précité avait effectuées, ainsi que le salaire versé.

Selon un bénéficiaire des prestations de l'entreprise de A______ entre début novembre et début décembre 2019 au souvenir de celui-ci, le précité était intervenu à presque 90%, en étant accompagné "aussi" de B______, intervenu entre dix et quinze fois, sans pouvoir donner de précision sur le nombre d'heures travaillées par jour (témoin G______).

Selon un autre bénéficiaire des prestations de l'entreprise de A______, au mois de mai 2020 "environ", B______ avait été vu travaillant quelques fois durant les travaux, qui étaient aussi effectués par A______; il n'était pas possible de préciser le nombre de fois où il avait été vu, ni si les travaux avaient eu lieu le samedi ou le dimanche. Les travaux étaient effectués de manière discontinue, et non la journée pleine. Le chantier avait duré un mois et demi pour un prix total s'agissant de A______ de 5'000 fr. (témoin H______).

Selon un troisième bénéficiaire des prestations de l'entreprise de A______ en mars 2020 ou 2021 ("quand le virus a débuté"), B______ était un des employés intervenu sur le chantier, mais il n'était pas souvent là; les ouvriers venaient les après-midis uniquement et il pensait que B______ était présent entre 10% et 15% du temps, et A______ environ 70% du temps. La facture totale des travaux devait s'élever à un montant entre 40'000 fr. et 50'000 fr. Les travaux avaient duré six mois, tous les jours il devait réclamer que le chantier avance, et il avait versé trois fois, à souvenir, 50 fr. aux employés de A______ pour les motiver en ce sens (témoin I______).

c.       Le 12 juin 2020, A______ a rédigé un projet de contrat de travail écrit à l'attention de B______, prévoyant un emploi à compter du 1er juin 2020 en qualité d'aide-menuisier, au taux de 50% soit 20 heures par semaine.

A______ a produit cette pièce sans avoir formé d'allégué sur le sujet.

B______ allègue ne pas connaître ce projet de contrat.

d.      B______ allègue que le 5 mars 2021, A______ lui a dit qu'il n'y aurait désormais plus de travail pour lui.

A______ allègue qu'il n'avait pas confié de travail sur appel à B______ en 2021, faute de mandats, ce qui avait conduit à radier l'entreprise du Registre du commerce le ______ 2021.

e.       Par courrier de son syndicat du 24 mars 2021, B______ a requis de A______ le paiement de 76'438 fr. bruts, sous déduction de 14'895 fr. nets, et 3'402 fr. nets.

f.       Le 4 octobre 2021, B______ a saisi l'Autorité de conciliation du Tribunal des prud'hommes d'une requête en paiement de 76'870 fr. 40 bruts et 3'402 fr. nets, dirigée contre A______.

Au bénéfice d'une autorisation de procéder, il a déposé au Tribunal une demande par laquelle il a conclu à ce que A______ soit condamné à lui verser 41'095 fr. 10 bruts à titre de salaire pour la période travaillée du 27 février
au 30 décembre 2020, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2021, sous déduction de 14'395 fr. nets, 4'372 fr. 50 bruts à titre de salaire de vacances pour la même période, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2021, 3'787 fr. 45 bruts à titre de treizième salaire pour la même période, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2021, 5'939 fr. 40 bruts à titre d'indemnités pour horaire réduit "afférentes à cette période", avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2021, 5'774 fr. 45 bruts à titre de salaire pour la période du 1er janvier au 8 février 2021 "pendant laquelle il a passé à attendre du travail", avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mars 2021 sous déduction de 500 fr. nets, 614 fr.40 bruts à titre de salaire vacances pour la même période avec suite d'intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mars 2021, 532 fr. 20 bruts à titre de treizième salaire pour la même période, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mars 2021, 4'061 fr. 70 bruts à titre de salaire
du 9 février au 5 mars 2021 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021, 374 fr. 35 bruts à titre de treizième salaire avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021, 3'402 fr. nets à titre d'indemnités forfaitaires de 18 fr. nets par jour pour 172 jours de travail effectués en 2020 et 17 jours effectués en 2021, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021, 8'249 fr. 20 bruts à titre de salaire du délai de congé, du 6 mars au 30 avril 2021, avec suite d'intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2021, 877 fr. 70 bruts à titre de paiement du salaire de vacances afférent au délai de congé avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2021, 760 fr. 25 à titre de treizième salaire afférent au délai de congé, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2021. A titre préalable, il a requis la production de rapports établis par la Commission paritaire des métiers du Second œuvre à la suite de contrôles effectués sur le chantier de A______ le concernant.

Il a offert en preuve de ses divers allégués les déclarations des parties et des pièces qu'il a produites.

A______ a conclu au déboutement de B______ des fins de ses conclusions.

Il a offert en preuve de ses divers allégués les déclarations des parties, des pièces qu'il a produites, ainsi que des pièces à produire (qu'il n'a pas décrites, sur ses allégués de salaire horaire, de nombre d'heures, et l'audition en qualité de témoin de I______ sur ses allégués relatifs aux heures travaillées par B______ et sur un autre rapport de travail existant entre le précité et le témoin).

Il a déposé les pièces annoncées (à savoir le contrat de travail non signé daté du 12 juin 2020, un certificat de salaire de B______ pour l'année 2020 établi le 16 février 2021, et des bulletins de salaire pour B______, pour les mois de juillet à décembre 2020), sans formuler de nouveaux allégués ou modifier ses allégués précédents.

Le Tribunal a transmis ces pièces à B______, annoncé qu'il n'envisageait pas de second échange d'écritures, et qu'il fixerait une audience de débats d'instruction.

Les parties ont déposé de nouvelles pièces, sans formuler de nouveaux allégués. B______ a déposé des échanges de messages whatsapp du 3 mai 2020 au 10 mars 2021; A______ des bordereaux fiscaux pour 2020 et 2021.

B______ a déposé une liste de trois témoins, dont il a offert l'audition en preuve de ses allégués relatifs aux heures travaillées,

A l'audience de débats d'instruction du 26 octobre 2022, selon le procès-verbal d'audience, les parties n'ont pas apporté d'éléments nouveaux, ni ne se sont exprimées, spontanément ou sur question, sur des divergences apparentes entre leurs allégués et leurs pièces. B______ s'est limité à modifier un de ses allégués et à formuler un allégué supplémentaire relatif à son horaire, précisant qu'il ne lui était "pas possible de rendre un décompte journalier précis sur la base des conversations whatsapp entre les parties".

Sur quoi, le Tribunal a notamment ordonné la production par la Commission paritaire des métiers du second œuvre de tous les rapports établis, à la suite des contrôles effectués sur le chantier sis avenue 1______ no. ______, de A______, concernant B______.

Déférant à cette ordonnance, la Commission précitée a fait parvenir au Tribunal, en date du 3 novembre 2022, un rapport de contrôle de chantier, en précisant qu'elle n'avait pas établi d'autre rapport. Ce rapport d'un contrôle effectué le samedi 3 octobre 2020 à 10h35, comporte notamment les mentions suivantes: à la rubrique "personne contrôlée", "date d'engagement: décembre 2019, taux d'activité: sur appel NB d'heures par mois, profession: carreleur, activité déployée lors du contrôle: débarras + divers", et à la rubrique "faits constatés lors du contrôle": "L'entreprise a fait l'objet de 4 rapports depuis 2019", "l'entreprise […] apparaît sur la liste (CPSO) des sociétés ne payant pas régulièrement la contribution professionnelle et les cotisations à la retraite anticipée", et "Une demande de documents est faite par mail du 6 octobre 2020. Le 7 octobre 2020 l'entreprise nous informe que la responsable du suivi administratif de l'entreprise serait la fiduciaire J______ et d'effectuer la demande directement à cette dernière. Contactée par téléphone, Madame J______ nous informe qu'elle n'a plus de nouvelles de l'entreprise depuis le mois de juin 2020".

Le Tribunal a communiqué copie du rapport aux parties. Aucune d'elles ne s'est déterminée.

A l'audience du Tribunal du 12 décembre 2022, les parties ont renoncé aux premières plaidoiries.

A l'issue de l'audience du Tribunal du 18 janvier 2023, les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.             1. Interjeté contre une décision finale, dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr., dans le délai et selon la forme prescrite par la loi, l'appel est recevable (art. 308 et 311 CPC).

1.2 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

2.             L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir écarté sa thèse du travail sur appel de l'intimé et retenu que ce dernier avait travaillé à 50%.

2.1 La loi n'interdit pas le travail sur appel (ATF 124 III 249 consid. 2a). Toutefois, régie par le Titre dixième du Code des obligations, relatif au contrat de travail, cette forme de travail doit respecter les dispositions légales impératives (art. 361 et 362 CO; ATF 125 III 65 consid. 3b).

2.2 Lorsque la maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès. Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent (fardeau de l'administration des preuves) et contester les faits allégués par la partie adverse (fardeau de la contestation), le juge ne devant administrer les moyens de preuve que sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC) (ATF 144 III 519 consid. 5.1). A cet égard, il importe peu que les faits aient été allégués par le demandeur ou par le défendeur puisqu'il suffit que les faits fassent partie du cadre du procès pour que le juge puisse en tenir compte (ATF 143 III 1 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_164/2021 du 21 décembre 2021 consid. 3.1; 4A_11/2018 du 8 octobre 2018 consid. 6.1, non publié in ATF 144 III 519; 4A_559/2016 du 18 janvier 2017 consid. 3.1; 4A_555/2015 du 18 mars 2016 consid. 2.3; 4A_566/2015 du 8 février 2016 consid. 4.2.1). Il n'en demeure pas moins que celui qui supporte le fardeau de la preuve (art. 8 CC) et donc, en principe, le fardeau de l'allégation objectif, a toujours intérêt à alléguer lui-même les faits pertinents, ainsi qu'à indiquer au juge ses moyens de preuve, pour qu'ils fassent ainsi partie du cadre du procès (ATF 143 III 1 consid. 4.1; arrêt 4A_164/2021 précité consid. 3.1; ATF 149 III 105 consid. 5.1).

Un moyen de preuve qui ne repose pas sur un allégué n'est pas pris en considération. Le renvoi à une pièce du dossier ne suffit pas pour alléguer un fait (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1). Un moyen de preuve n'est régulièrement offert que lorsque l'offre de preuve se rattache sans équivoque à l'allégation de fait à prouver (arrêt du Tribunal fédéral 4A_360/2017 du 30 novembre 2017 consid. 4).

2.3 En l'occurrence, il s'agit de rappeler qu'au vu des conclusions de la demande, supérieures à 30'000 fr., la procédure ordinaire, au sens de l'art. 219 CPC, trouve application, soumise à la maxime des débats. Les faits pertinents doivent donc être allégués par les parties (cf art. 55 CPC), étant observé qu'en l'occurrence, elles sont toutes deux représentées par un mandataire professionnellement qualifié, respectivement par un avocat.

Le Tribunal a retenu que l'employé avait travaillé à 50%. Or, aucune des parties n'a formulé d'allégué en ce sens, la seule trace d'un tel taux horaire résultant d'une pièce produite par l'appelant, sans que celle-ci ne soit rattachée à un allégué, et par conséquent sans qu'elle puisse constituer l'offre d'une quelconque preuve sur ce point.

Pour le surplus, les premiers juges se sont référés en bloc aux déclarations des témoins I______, F______ et G______ (dont l'audition n'avait d'ailleurs pas été requise dans la demande) pour en retenir une activité à temps partiel de l'intimé. On cherche en vain une telle affirmation dans ces témoignages, I______ ayant déclaré que l'intimé n'était "pas souvent là", et pensait qu'il était présent entre 10 et 15% du temps, F______ que l'intimé devait travailler un ou deux jours par semaine, et G______ que l'intimé était intervenu entre dix et quinze fois, sans pouvoir préciser le nombre d'heures travaillées dans la journée; en tout état, aucun de ces éléments ne tend à démontrer une activité à 50%.

L'appelant relève encore que le Tribunal a retenu des jours de travail en fonction des relevés produits par l'intimé, qui selon lui ne constituaient pas des moyens de preuve valables, faute d'avoir été établis au fur et à mesure, tout en persistant à soutenir sa thèse de travail sur appel.

Sur ces points, il y a lieu d'observer que le raisonnement des premiers juges est entaché d'arbitraire. En effet, l'intimé a allégué avoir accompli au total 189 jours de travail (172 jours entre le 27 février et le 30 décembre 2020, et
17 jours entre le 9 février et le 5 mars 2021), dont il a requis la rémunération au taux de 25 fr. 15; ce faisant, il ne s'est d'ailleurs pas prévalu d'avoir droit à un salaire mensuel, ou un salaire horaire lié à une durée contractuelle de travail, mais bien plutôt d'avoir été à disposition de son employeur pour réaliser des activités à certaines dates, soit une version des faits qui n'est pas sans évoquer celle du travail sur appel soutenue par l'appelant.

En tout état, quoi qu'il en soit à ce stade des contestations de l'employeur, le Tribunal, qui s'est abstenu d'ordonner un second échange d'écritures, n'était pas fondé à écarter les allégués de l'intimé pour retenir, comme il l'a fait, que ce dernier aurait travaillé durant 181 jours entre le 27 février et le 30 décembre 2020, et durant 19 jours entre le 9 février et le 5 mars 2021 (ou, comme indiqué en lien avec les indemnités forfaitaires, 224 jours). De surcroît, la référence opérée par les premiers juges aux fiches de salaire – pièces qui ont été produites par l'appelant sans lien avec un allégué et sans aucune explication, singulièrement sur la différence entre leur contenu et le nombre d'heures alléguées dans la réponse de première instance – pour déterminer un salaire horaire
(26 fr. 95) supérieur à celui (25 fr. 15) allégué par l'appelant est inopérante. Enfin, pour la période allant du 1er janvier au 8 février 2021 (passée selon l'employé à "attendre du travail"), l'intimé a allégué qu'il n'avait pas été employé durant
17 jours; sans explication ni quant au fondement de la prétention ni quant à la quotité des jours retenue, les premiers juges ont alloué un salaire durant 23 jours.

Les montants de salaire alloués en fonction des éléments qui précèdent ne pourront donc qu'être annulés.

Comme les calculs opérés par le Tribunal s'agissant des autres prétentions du travailleur se basent sur les éléments déterminés dans les opérations précitées, ils doivent suivre le même sort.

Le jugement attaqué sera dès lors annulé, sans examen supplémentaire du grief de l'appelant lié aux prétentions en vacances.

Pour respecter le double degré de juridiction, la cause n'étant pas en état d'être jugée (at. 318 al. 1 let.c CPC), la procédure sera retournée au Tribunal. Celui-ci devra examiner avec précision les allégués des parties (étant rappelé que ces dernières supportent le fardeau de l'allégation) ainsi que les moyens de preuve de ces allégués, régulièrement offerts et administrés, avant de rendre une nouvelle décision dans le respect du droit d'être entendu des parties.

3.             Il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 71 RFTMC) ni alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé par A______ contre le jugement JTPH/159/2023 rendu le 16 mai 2023 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/19346/2021.

Au fond :

Annule ce jugement.

Renvoie la cause au Tribunal des prud'hommes pour nouvelle décision.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais ni alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nadia FAVRE, juge employeur; Monsieur Valery BRAGAR, juge salarié; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Fabia CURTI

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.