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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/6407/2016

CAPH/82/2023 du 28.06.2023 sur JTPH/238/2022 ( OO ) , PARTIELMNT CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6407/2016-4 CAPH/82/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MERCREDI 28 JUIN 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 26 juillet 2022 (JTPH/238/2022), comparant par
Me Pierre KOBEL, avocat, ATHENA AVOCATS, boulevard des Tranchées 16,
1206 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______, sise ______, intimée, comparant par Me Daniel TUNIK, avocat, LENZ & STAEHELIN, route de Chêne 30, Case postale 615, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/6407/2016 du 26 juillet 2022, reçu le lendemain par les parties, le Tribunal des prud'hommes (ci-après : le Tribunal) a déclaré recevable la demande formée le 24 août 2016 par A______ contre B______ (chiffre 1 du dispositif), déclaré recevable la demande reconventionnelle formée le 16 décembre 2016 par B______ contre A______ (ch. 2), condamné A______ à verser la somme nette de USD 38'646.96 à B______, avec intérêts moratoires à 5 % l'an à compter du 5 novembre 2004 (ch. 3), débouté A______ de ses conclusions (ch. 4), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 5), arrêté les frais de la procédure à 5'656 fr. 80 (ch. 6), les a mis intégralement à la charge de A______ (ch. 7), les a compensés partiellement avec l'avance de frais de 4'860 fr. fournie par A______, qui restait acquise à l'Etat (ch. 8), condamné A______ à verser 796 fr. 80 aux Services financiers du pouvoir judiciaire (ch. 9), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 10) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 11).

B.            a. Par acte expédié à la Cour le 29 août 2022, A______ a formé appel contre ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait et avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la Cour Condamne B______ à lui payer 486'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er juin 2015, prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ au commandement de payer qui lui a été notifié le 26 janvier 2016, poursuite N° 1______ et déboute B______ de toutes autres ou contraires conclusions.

b. Dans sa réponse à l'appel expédiée le 17 octobre 2022, B______ a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la Cour déboute A______ de toutes ses conclusions.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant intégralement dans leurs conclusions.

d. Par courrier du 17 janvier 2023, le greffe de la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. B______ est une société ayant son siège à Genève et dont le but est notamment d'exercer une activité de banque et de négociant en valeurs immobilières, principalement au "private banking".

b. A______ et B______ ont conclu, le 28 janvier 2014, un contrat de travail à durée indéterminée aux termes duquel le premier a été engagé au service de la seconde en qualité de gérant de fortune, responsable de la clientèle des pays du Golfe persique dès le 1er mars 2014.

L'article 8 du contrat prévoyait que le salaire brut était de 300'000 fr. par année, mais qu'il serait porté à 335'000 fr. si l'employé parvenait à un montant d'actifs sous gestion d'un minimum de 200'000'000 fr. et à 375'000 fr. si ses actifs sous gestion atteignaient un minimum de 400'000'000 fr.

L'article 9 du contrat de travail – dont la traduction est litigieuse – a la teneur suivante :

"2013 Bonus Buy-Out (Conditional):

A conditional bonus buy-out of maximum CHF 150,000 (one hundred and fifty thousand), self financing from market conform structuring or arrangement fees for transactions introduced in 2014 paid in two trenches: the 1st tranche is payable at the earliest after successful completion of the probation period and the 2nd tranche is payable after completing 6 months with the Bank.

2014 Bonus (Conditional):

10 basis points on AUMs gathered (excluding leverage) whit a Hurdle Rate of USD 100 Million and a minimum ROA of 75 basis points to equal year 1 AUM target (excluding leverage) and minimum revenue of USD 1 Million.

The bonus Calculator is applied to all qualifying revenues, subject to the minimum revenues of USD 1 Million being achieved and the USD 100 Million AUM target being met.

2015 Bonus:

Starting from the end of 2015 and depending on his individual performance, the Employee may be entitled to an annual bonus at the absolute discretion of the Bank and based on the Bank's Bonus Calculator.

Any bonus payments or other special remuneration paid to the Employee in addition to the fixed component of his salary are subject to mandatroy social contributions and taxes and are discretionary in nature and shall not create any right to future payments, even if such payments are made several years in succession.

In principle, the bonus is paid in the Spring.

The employee will benefit from a performance bonus only to the extent that he is employed at the Bank at the end of the relevant year".

c. A une date indéterminée mais postérieure à la signature du contrat de travail, B______ et A______ ont signé un document intitulé "2014 Objectives for: A______", lequel indique notamment que l'employé ne devait effectuer aucune violation grave des règles disciplinaires ou de compliance, à défaut de quoi il serait automatiquement déchu de son droit au bonus ("automatic bonus disqualification").

d. En cours d'emploi, à une date indéterminée, A______ a signé un document dénommé "Staff declaration", attestant de ce qu'il avait été dûment informé des règles relatives à la confidentialité et au secret bancaire.

e. Le 15 septembre 2014, A______ a transféré à une personne extérieure à la banque un courriel.

Lors de son audition devant le Tribunal en qualité de partie, C______, responsable de la compliance au sein de B______, a déclaré, au sujet de ce courriel, que le nom d'un client de la banque y apparaissait et que A______ l'avait transféré à un tiers externe. L'information confidentielle contenue dans ce message était le nom du client. Ni la banque ni le client n'avait donné son autorisation. Le client n'avait probablement pas été au courant de ce transfert. La banque encourait un risque d'être attaquée pénalement. Devant le Tribunal, A______ a contesté la véracité de ces déclarations.

f. Fin octobre 2014, B______ a établi un décompte relatif à l'activité de A______ indiquant que le montant de ses avoirs sous gestion était de 176'331'934 fr., qu'il avait apporté vingt-sept nouveaux clients, que neuf avaient quitté la banque et que le total des revenus générés était de 3'106'802 fr.

g. Par courriel du 30 octobre 2014, C______, responsable de la compliance, a demandé à A______ de lui transmettre l'accord de D______ quant à la renonciation à percevoir des frais pour un dépôt en espèce. Par courriel du même jour, A______ a répondu qu'il avait lui-même approuvé cette renonciation aux frais et qu'il n'y avait pas eu d'approbation de D______. Ce dernier a ensuite donné son approbation a posteriori.

Suite à cela, C______ a rappelé à A______ que les dispenses de frais ne pouvaient être accordés que par D______.

Auditionnée par le Tribunal sur ce sujet en qualité de partie, C______ a déclaré que le conseil d'administration de la banque avait toujours refusé d'accorder une certaine latitude aux banquiers s'agissant de la négociation des frais et que D______ ne l'avait approuvé que parce qu'il avait été mis devant le fait accompli.

Entendu par le Tribunal à ce sujet, A______ a relevé que les frais n'étaient que d'un montant de 50 fr.

h. Le 27 octobre 2014, A______ a rempli un rapport de contact client (Client Contact Report) au terme duquel il indiquait avoir reçu l'instruction d'une cliente de B______ de placer à titre fiduciaire une somme de 39'974'952.36 USD auprès d'une banque sise à Hong Kong (ci-après : la Banque de Hong Kong).

Par courrier du 6 novembre 2014, le conseil de la cliente de la banque concernée par le transfert a reproché à A______ avoir effectué le transfert à titre fiduciaire de 39'974'952.36 USD sans y avoir été autorisé par la cliente concernée, précisant qu'il n'avait lui-même jamais signé un tel ordre et qu'en tout état seule la bénéficiaire du compte y était autorisée.

Il ressort du rapport d'incident du 17 décembre 2014 que B______ n'a eu d'autres choix que d'annuler le dépôt fiduciaire effectué sans instruction préalable et de couvrir les frais ainsi occasionnés d'un montant de 38'646.96 USD.

Entendue sur ce sujet en sa qualité de partie, C______ a exposé que les employés devaient remplir une fiche dès qu'ils avaient un contact avec un client de la banque. En l'occurrence, A______ avait rempli une fiche sans avoir eu de contacts avec la cliente. B______ s'en était aperçue quand cette cliente avait téléphoné. B______ avait alors dû faire marche arrière en annulant l'opération. Les fonds avaient alors été retournés à la banque, sous déduction d'une pénalité de 40'000 fr. convenue entre la banque et l'entité de Hong Kong concernée par cette opération.

i. Les 28 et 29 octobre 2014, A______ a entretenu des échanges de courriels avec un tiers à l'occasion desquels il lui a transféré un projet de contrat ("facility agreement") et a négocié les montants de commissions.

Interrogée par le Tribunal sur ces courriels en sa qualité de partie, C______, responsable de la compliance au sein de B______, a expliqué que ce courriel avait été envoyé au conseiller d'un client de la banque, sans aucune autorisation. Le destinataire de ce courriel n'aurait pas dû le recevoir, car le courriel contenait des informations confidentielles concernant un autre client. Cela constituait une violation du "staff declaration". Devant le Tribunal, A______ a contesté la véracité de ces déclarations.

j. Le 28 octobre 2014, un ordre de client a été rejeté par le département compliance, car la signature apposée sur l'ordre ne correspondait pas à celle enregistrée pour le client concerné et le numéro de téléphone indiqué n'était pas enregistré dans le dossier du client.

Dans une telle situation, les procédures de B______ requièrent de contacter le client afin de solliciter de nouvelles instructions comportant une signature conforme à celle enregistrée dans les fichiers de la banque. Dans cette attente, les instructions données sont bloquées.

Le 30 octobre 2014, C______ a adressé un courriel à A______ dans lequel elle exposait que, le mardi précédent, la compliance avait rejeté l'ordre d'un client car la signature n'était pas correcte et que le contact téléphonique avait été fait sur un numéro qui n'était pas listé pour ledit client. La compliance avait donc demandé qu'une nouvelle signature lui soit transmise et qu'un nouveau rapport de contact soit effectué. Le nouveau rapport de contact avait été fait et le nouveau numéro de téléphone ajouté au dossier, ce qui était bien. Néanmoins, aucune nouvelle signature n'avait été demandée et le paiement avait pourtant été présentée une nouvelle fois pour exécution. Elle priait ainsi A______ d'obtenir la correcte signature et de suivre, à l'avenir, les procédures internes.

k. En novembre 2014, B______ a formalisé par écrit un avertissement donné oralement à A______ lors d'un entretien. La banque a relevé que plusieurs manquements étaient à reprocher au travailleur, ainsi que des sérieuses erreurs de jugement. En particulier, elle lui reprochait d'avoir procédé à un dépôt fiduciaire de 40'000'000.- USD en l'absence d'instructions claires du client, d'avoir transmis des informations à des personnes non autorisées et soumis des instructions de paiement rejetées par le service de compliance. Le style de management de A______ – lequel avait un impact négatif sur les membres du groupe – lui était également reproché. B______ estimait que ces manquements étaient graves et incompatibles avec les règles standards de comportement attendues d'un employé senior occupant une position dirigeante. En conséquence, elle a révoqué A______ de sa fonction de responsable du marché pour la région du Golfe et l'a placé sous surveillance accrue du département de compliance jusqu'à nouvel ordre. Elle a également révoqué son droit au bonus 2014.

Suite à cet avertissement formel, par courriel du 11 novembre 2014, A______ a demandé à B______ de reconsidérer sa décision et de ne lui donner qu'un avertissement informel afin qu'il ne perde pas son droit au bonus. Il s'est déclaré être disposé à supporter la perte liée au fait de "casser" le dépôt fiduciaire de manière anticipée et a demandé à ce qu'une seconde chance lui soit laissée.

l. Le 10 novembre 2014, A______ a transféré à un tiers extérieur à la banque un courriel qu'il avait précédemment reçu et dont l'objet était "Flat 4, 18 E______".

Interrogée par le Tribunal sur ce courriel en qualité de partie, C______ a déclaré que A______ avait transféré à un tiers externe un courriel contenant le nom d'un client. A______ a contesté la véracité de ces déclarations.

m. Il ressort d'un document établi par B______ que, sur l'année 2014, les activités de A______ avaient apporté un montant total de revenus de 2'996'256 fr., dont il fallait déduire les revenus relatifs aux actifs déjà sous gestion à son arrivée en 1'860'248 fr. Aussi, selon ce document, il avait généré des revenus à hauteur de 1'136'008 fr. et avait atteint ses objectifs à hauteur de 114 %.

B______ allègue, en s'appuyant sur un autre document intitulé "Annex 4 Revenue", qu'il conviendrait de déduire également les revenus relatifs aux prêts effectués en 695'165 fr., de sorte que les revenus générés par A______ ne s'élèveraient qu'à 440'843 fr. et que ses objectifs n'étaient donc pas atteints.

n. Par courrier du 15 janvier 2015, A______ a démissionné pour le 31 mai 2015.

B______ a établi un certificat de travail à A______ le 16 juin 2015, dont il ressort notamment que celui-ci quitte son emploi libre de toutes obligations ("free of all obligations"), sous réserve de celles relatives au secret bancaire.

o. Par courrier du 18 août 2015 adressé à B______, A______ a relevé avoir apporté une masse sous gestion de 176'000'000 fr. environ, lesquels avaient généré des revenus pour B______ à hauteur de 3'100'000 fr. Il était dès lors fondé à percevoir un bonus de 176'000 fr. pour la masse sous gestion apportée et de 310'000 fr. "en fonction des revenus générés", soit un bonus total de 486'000 fr., dont il réclamait le paiement.

Par courrier du 2 septembre 2015 adressé à A______, B______ a relevé que le bonus était discrétionnaire et qu'en raison des multiples et graves manquements de A______ dans l'exercice de ses fonctions, il n'y était pas éligible.

p. Sur réquisition de A______, un commandement de payer a été notifié à B______ le 25 janvier 2015 pour un montant de 486'000 fr., avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er juin 2015, correspondant au bonus réclamé. B______ y a formé opposition.

q. Par requête de conciliation du 30 mars 2016, puis après l'échec de la tentative de conciliation, par demande du 24 août 2016, A______ a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que le Tribunal condamne B______ à lui payer 486'000 fr., plus intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 1er juin 2015 et prononce la mainlevée définitive au commandement de payer, poursuite n° 1______.

r. Par mémoire de réponse et demande reconventionnelle, B______ a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, au déboutement de A______ et à ce que ce dernier soit condamné à lui payer 38'646.96 USD, plus intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 5 novembre 2014.

s. Par mémoire de réponse sur demande reconventionnelle, A______ a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que le Tribunal déboute B______ de toutes ses conclusions.

Par écriture spontanée du 5 mai 2017, B______ a persisté dans ses précédentes conclusions.

t. Le Tribunal a procédé à des enquêtes et entendu les parties ainsi que plusieurs témoins, dont les déclarations pertinentes qui n'ont pas été reprises ci-avant peuvent être résumées comme suit :

t.a Entendu par le Tribunal, A______ a déclaré que, au sens de l'article 9 du contrat de travail, son bonus devait être calculé, d'une part, sur les actifs apportés par de nouveaux clients et, d'autre part, sur de nouveaux actifs d'anciens clients de la banque dont il s'était occupé. Le montant total de ces actifs s'élevait à 135'000'000.- USD. Le seuil minimum de 100'000'000.- USD exigé par son contrat pour bénéficier d'un bonus afférant à l'année 2014 avait été atteint. Il contestait que le décompte établi fin octobre 2014 ait été établi à titre provisoire. Selon lui, la condition du revenu minimum de 1'000'000.- USD incluait non seulement les revenus de ses clients, mais également les intérêts des prêts contractés par ses clients ainsi que les revenus provenant des nouveaux actifs des anciens clients de la banque. Le montant de 1'136'000 fr. figurant sur le décompte des actifs sous gestion et des revenus de A______ au 31 décembre 2014 établi par la banque correspondait uniquement aux revenus générés par les nouveaux clients qu'il avait apportés et n'incluait pas les revenus provenant des nouveaux actifs apportés par les anciens clients. Le montant de 1'860'000 fr. figurant sur ce même document correspondait aux revenus générés par les actifs des anciens clients ainsi que les revenus générés par les nouveaux actifs de ces anciens clients.

t.b Entendus en qualité de partie en tant que représentants de B______, D______ et F______ ont déclaré que le seuil à atteindre pour qu'un bonus afférant à l'année 2014 soit versé, prévu à l'article 9 du contrat de travail de 100'000'000.- USD d'actifs sous gestion, n'incluait pas le montant des prêts. Le décompte établi à fin octobre 2014 était un document provisoire généré automatiquement pour tous les gestionnaires. Il ne prenait pas en compte les conditions particulières de leurs contrats respectifs. La pièce définitive était le décompte des actifs sous gestion et des revenus de A______ à fin décembre 2014. Le montant de 1'136'000 fr. ne correspondait pas aux revenus générés par les actifs des clients apportés par A______ et les nouveaux actifs des anciens clients de la banque. Il convenait en réalité de déduire de ce montant les intérêts sur les prêts ainsi que les commissions sur les prêts pour un total d'environ 440'000 fr.

A______ avait été engagé en qualité de "hunter" avec des attentes élevées raison pour laquelle son salaire de base avait été fixé à un niveau élevé. Pour cette raison, il devait être payé sur les revenus générés par ses actifs, les revenus générés par des prêts étant des revenus "faciles".

t.c Entendue en qualité de partie en tant que représentante de B______, C______ a déclaré être responsable de la compliance de la banque depuis juillet 2012. Le terme "discrétionnaire" figurait dans tous les contrats de travail. La banque se réservait en effet toujours la possibilité d'avoir le dernier mot. Les contrats des autres employés de la banque contenaient la même clause. Elle avait connaissance d'un cas dans lequel l'employé avait atteint ses objectifs, mais le bonus ne lui avait pas été versé pour d'autres raisons.

"L'exclusion de l'effet levier" prévue par l'article 9 du contrat de travail signifiait que les prêts n'étaient pas inclus dans le calcul, ce qui s'expliquait car il s'agissait d'"argent facile" et que le but était d'inciter A______ à amener de nouveaux actifs provenant d'autres banques. Cela s'appliquait également aux revenus.

Les employés de la banque n'étaient pas autorisés à sortir des documents, sous quelque forme que ce soit, sous peine de sanctions. En cas de violation de cette interdiction, la banque considérait qu'il y avait une faute grave et que l'employé n'avait pas le droit à son bonus.

En 2014, elle avait eu un entretien avec A______ qui n'avait pas contesté les violations du "staff declaration" qui lui étaient reprochées. Elle n'avait jamais vu autant de violations de règles internes. B______ y avait vu un danger et avait pris la décision de se séparer de A______.

La véracité des déclarations de C______ a été contestée par A______.

t.d Entendue en qualité de témoin, G______ a exposé avoir été employée par B______ de janvier 2009 à fin 2016 en tant que "RH", puis assistante de direction. Elle estimait que les gérants n'avaient pas le droit de communiquer des informations relatives aux clients avec des tiers externes sans l'accord de la banque. Ils n'étaient pas d'avantage autorisés à transférer des avoirs auprès d'une autre banque sans instruction du client.

u. Lors de l'audience du 30 mai 2022, les parties ont plaidé, persistant chacune dans leurs conclusions respectives.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

C.           En substance dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu que les parties s'étaient accordées sur le paiement d'un bonus pour les années 2013, 2014 et 2015. Si le versement du bonus 2013 était uniquement conditionné à l'accomplissement avec succès de la période d'essai, le versement des bonus 2014 et 2015 était conditionné à la réalisation d'un certain nombre d'objectifs. Le bonus 2014 n'était toutefois pas discrétionnaire au vu de la lettre claire du contrat de travail, contrairement au bonus 2015. Les objectifs fixés pour prétendre au paiement du bonus 2014 avaient été atteints, ainsi que cela ressortait du décompte établi en octobre 2014, qui était probant. Cela étant, A______ avait été rappelé à l'ordre pour différents manquements perpétrés au cours de son activité professionnelle. B______ avait démontré que A______ avait, à plusieurs reprises, communiqué des informations confidentielles sur des clients à des tiers, n'exerçant ainsi pas son activité avec toute la diligence requise par sa fonction. Peu importait que ces actions soient majoritairement restées sans conséquence. Les règles de diligence et de compliance de la banque étaient claires et le droit au bonus 2014 était conditionné à un comportement irréprochable et au respect des différents protocoles établis et connus du travailleur. A une reprise, le comportement de A______ avait causé un dommage important pour B______. Le Tribunal a ainsi estimé que les différents manquements reprochés à A______ étaient graves et propres à éteindre son droit au bonus, même si les objectifs quantitatifs avaient été atteints.

Quant aux prétentions reconventionnelles invoquées par B______, le Tribunal a retenu que A______ avait indiscutablement violé les règles de B______ et la diligence imposée par sa profession en procédant au placement de plusieurs millions en dépôt fiduciaire auprès d'une banque non agréée par son employeuse et sans obtenir le consentement préalable de la cliente concernée, ce qui avait engendré un préjudice de 38'646.96 USD qu'il devait donc réparer.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est, comme en l'espèce, supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), l'appel est recevable (art. 130, 131, 142, 145 al. 1 let. b et 311 al. 1 CPC).

1.2.1 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_902/2020 du 25 janvier 2021 consid. 3.3).

L’article 311 CPC prescrit à ce sujet que l’appel doit être motivé, ce qui signifie que l’appelant a le fardeau d’expliquer les motifs pour lesquels le jugement attaqué doit être annulé et modifié, un simple renvoi aux écritures et pièces de première instance n’étant pas conforme aux exigences de motivation de l’article 311 al. 1 CPC (Jeandin, Code de procédure civile commenté, 2è éd., n°3, ad art. 311 CPC). L’instance supérieure doit pouvoir comprendre ce qui est reproché aux premiers juges sans avoir à rechercher des griefs par elle-même, ce qui exige une certaine précision quant à l’énoncé et à la discussion des griefs (Jeandin, op. cit., n°3a et 3b, ad art. 311 CPC).

1.2.2 En l'espèce, l'intimée soutient que deux des griefs formulés par l'appelant seraient irrecevables car ils constitueraient des griefs de constatation inexacte des faits ne satisfaisant pas aux exigences de motivation.

L'intimée vise ainsi l'argument formulé par l'appelant selon lequel les objectifs contenus dans le document intitulé "2014 Objectives for: A______" différeraient substantiellement de ceux fixés dans le contrat de travail d'une part, et, d'autre part, la critique formulée par l'appelant quant au fait que le Tribunal avait retenu sur la base "d'affirmations non substantivées" qu'il avait commis "différents manquements" et n'avait pas exercer "son activité avec toute la diligence requise par sa fonction".

1.2.1 S'agissant de la première de ces critiques, il convient de relever qu'elle s'inscrit dans un grief formulé par l'appelant quant à la question de savoir si le document intitulé "2014 Objectives for: A______" était ou non inclus dans le contrat. En tant que tel, ce grief est recevable.

Néanmoins, l'appelant n'expose pas les différences entre les objectifs financiers résultant du contrat et ceux résultant de ce document, lesquels n'ont pas été établis par le Tribunal, sous réserve du fait – non contesté en tant que tel – que ce document indiquait que l'employé ne devait effectuer aucune violation grave des règles disciplinaires ou de compliance, à défaut de quoi il serait automatiquement déchu de son droit au bonus ("automatic bonus disqualification"). Il se contente en effet d'affirmer que "les chiffres dont ce document fait état diffèrent [ ] substantiellement de ceux relatifs au bonus dit 2014", sans expliciter quels éléments seraient différents.

Il n'appartient donc pas à la Cour de rechercher dans ces documents des éventuels différences, lesquels ne sont pas évidentes, faute pour l'appelant de les expliciter.

Aussi, en tant qu'elle vise à compléter l'état de fait en y ajoutant les différences prétendues entre les deux documents, le grief de l'appelant est irrecevable.

1.2.2 Quant à la seconde critique, il sied de relever à titre liminaire que le Tribunal n'a pas, dans son état de fait, détaillé les différentes violations par l'appelant de son contrat de travail, se limitant, dans sa partie en droit, d'affirmer qu'il s'avérait que l'appelant avait "été rappelé à l'ordre pour les différents manquements perpétrés au cours de son activité professionnelle, par un avertissement oral et également formalisé par écrit" et qu'il convenait donc "de déterminer si ceux-ci [étaient] de nature à annihiler" son droit au bonus. Le Tribunal a ajouté que l'intimée "avait démontré que [l'appelant] avait notamment, à plusieurs reprises, communiqué des informations confidentielles sur des clients à des tiers n'exerçant pas son activé avec toute la diligence requise par sa fonction" et plus loin que "à une reprise d'ailleurs, le comportement [de l'appelant] avait eu pour fâcheuse conséquence un dommage important pour [l'intimée], objet de la demande reconventionnelle, que [l'appelant] avait reconnu".

L'appelant reproche au Tribunal d'avoir ainsi fait sien les allégués de l'intimée, sans examiner les contestations argumentées qu'il avait lui-même émises en première instance, exposant que les allégations de la banque relatives à ces prétendus manquements n'avaient pas été prouvées et que les arguments qu'il avait lui-même soulevés pour critiquer le bienfondé de ces allégations n'avaient pas été abordées. Il critique ainsi des passages précis du jugement entrepris, exposant au moyen de discussions sur les preuves administrées et de renvois à ses écritures de première instance, les raisons pour lesquelles le jugement serait erroné.

Bien que présenté comme un grief de violation du droit, ce grief vise en réalité les faits tels qu'établis par le Tribunal, ce qui est néanmoins sans incidence sur sa recevabilité. En tant que l'appelant discute des moyens de preuve administrés, ce grief est recevable. Les critiques formulées par l'appelant au moyen de renvoi à ses écritures de première instance sont en revanche insuffisamment motivées et donc irrecevable. Elles ne seront donc pas traitées.

Par conséquent, le grief de l'appelant est partiellement recevable, de sorte que l'état de fait a été complété, dans la mesure retenue. La Cour examinera ci-après si les comportements reprochés à l'appelant ont été prouvés, d'une part, et si, d'autre part, ils constituent des manquements graves pouvant donner lieu à la suppression du "bonus" (consid. 2.2.2).

1.3 Compte tenu de la valeur litigieuse d'espèce, supérieure à 30'000 fr., la maxime des débats s'applique (art. 55 al. 1 et 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC).

2. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir nié son droit au bonus, ce qui serait constitutif d'une violation des articles 322 et 322d CO. Selon lui, le fait que le Tribunal ait retenu que le bonus 2014 n'était pas discrétionnaire impliquerait que celui-ci constituait un élément du salaire déterminable, lequel ne pouvait donc être soumis à l'avènement d'une condition suspensive. Le Tribunal avait donc, de manière contradictoire, retenu qu'il n'avait pas droit au bonus car il avait violé ses obligations contractuelles, ce qui, même à supposer que ce soit avéré, ne pouvait permettre d'éteindre son droit au salaire. En tout état, l'appelant soutient que, contrairement à ce qu'avait retenu le Tribunal, le document intitulé "2014 Objectives for: A______" n'avait pas été intégré au contrat des parties, de sorte que la condition qu'il contenait – aux termes de laquelle l'employé ne devait effectuer aucune violation grave des règles disciplinaires ou de compliance, à défaut de quoi il serait automatiquement déchu de son droit au bonus ("automatic bonus disqualification") – n'était pas applicable. En tout état, il ne pouvait renoncer, en application de l'art. 341 CO, valablement à un élément de son salaire qui avait été convenu antérieurement, de sorte que, même à supposer que le "2014 Objectives for: A______" fasse partie intégrante du contrat, la condition qu'il contenait était nulle. Enfin, l'appelant conteste avoir commis de quelconque violation des règles disciplinaires ou de compliance.

L'intimée soutient quant à lui que le document intitulé "2014 Objectives for: A______" faisait partie intégrante de la relation contractuelle des parties. Au demeurant, le fait que le Tribunal ait retenu que le bonus 2014 n'était pas discrétionnaire n'impliquait pas qu'il s'agisse d'un élément de salaire. A la suivre, le bonus 2014 devait être qualifié de gratification contractuelle dont le montant n'était pas déterminé ni objectivement déterminable, ce que le Tribunal avait d'ailleurs implicitement retenu. Aussi, cette gratification pouvait être soumise à une condition suspensive, soit en l'occurrence à l'absence de violation grave des règles disciplinaires ou de compliance, condition qui ressortait du document intitulé "2014 Objectives for: A______". Or, ainsi que l'avait retenu le Tribunal cette condition n'avait pas été remplie par l'appelant, qui avait commis de nombreuses violations graves des règles disciplinaires et de compliance en transmettant à de nombreuses reprises des informations confidentielles à des tiers, en renonçant à la perception de frais pour un client de la banque sans accord préalable de sa hiérarchie et en violation des procédures internes, en procédant au placement de plusieurs millions de dollar en dépôt fiduciaire auprès d'une banque sise à Hong Kong sans avoir préalablement obtenu d'ordre de la cliente concernée et en faisant exécuter un ordre de transfert d'un client de 500'000.- USD sans observer les procédures internes, en particulier sans obtenir une signature valable du client concerné. L'intimée soutient encore que les objectifs financiers n'auraient pas été atteints.

2.1.1 Le droit suisse ne contient aucune disposition qui traite spécifiquement du bonus, lequel peut consister dans le versement d'une somme d'argent ou encore dans la remise d'actions ou d'options (ATF 145 V 188 consid. 5.2.2 ; 141 III 407 consid. 4.1).

Dans plusieurs décisions, le Tribunal fédéral a rappelé sa jurisprudence en matière de bonus en distinguant trois cas, à savoir (1) le salaire variable, (2) la gratification à laquelle l’employé a droit, (3) la gratification à laquelle l’employé n’a pas droit, la question de l’éventuelle requalification du bonus en salaire, en vertu du principe de l’accessoriété, ne se posant que dans le cas (3).

On se trouve dans le cas n° 1 lorsqu'un montant (même désigné comme bonus ou gratification) est déterminé ou objectivement déterminable, c'est-à-dire qu'il a été promis par contrat dans son principe et que son montant est déterminé ou doit l'être sur la base de critères objectifs prédéterminés comme le bénéfice, le chiffre d'affaires ou une participation au résultat de l'exploitation, et qu'il ne dépend pas de l'appréciation de l'employeur. Il doit alors être considéré comme un élément du salaire (variable), que l'employeur est tenu de verser à l'employé (art. 322 s. CO; ATF 141 III 407 consid. 4.1; 136 III 313 consid. 2.).

En revanche, on se trouve en présence d'une gratification - dans les cas n° 2 et 3 - lorsque le bonus est indéterminé ou objectivement indéterminable, c'est-à-dire que son versement dépend du bon vouloir de l'employeur et que sa quotité dépend pour l'essentiel de la marge de manœuvre de celui-ci (ATF 141 III 407 consid. 4.1 et 4.2). La jurisprudence reconnaît à l'employeur un tel pouvoir d'appréciation lorsque le montant du bonus ne dépend pas seulement de l'atteinte d'un certain résultat d'exploitation, mais aussi de l'appréciation subjective de la prestation du travailleur. Le bonus doit alors être qualifié de gratification (ATF 142 III 381 consid. 2.1; 139 III 155 consid. 3.1).

Il y a un droit à la gratification - cas n° 2 - lorsque, par contrat, les parties sont tombées d'accord sur le principe du versement d'un bonus et n'en ont réservé que le montant; il s'agit d'une gratification que l'employeur est tenu de verser, mais il jouit d'une certaine liberté dans la fixation du montant à allouer (ATF 136 III 313 consid. 2; 131 III 615 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_78/2018 du 10 octobre 2018 consid. 4.3.2.1). Dans un cas récent, il a été jugé que même lorsque le versement du bonus est conditionné à la réalisation d'objectifs (que l'employeur devait fixer chaque année), l'atteinte de ces objectifs ne fait pas naître un salaire variable mais un droit au bonus pour l'employé si l'employeur a la tâche et la latitude de fixer ces objectifs, de juger s'ils sont atteints et de verser le bonus si les prestations fournies par l'employé sont appréciées positivement (arrêts du Tribunal fédéral 4A_327/2019 du 1er mai 2020 consid. 3.1.3.1; 4A_378/2017 du 27 novembre 2017 consid. 3.3.3).

Il n'y a pas de droit à la gratification - cas n° 3 - lorsque, par contrat, les parties ont réservé tant le principe que le montant du bonus, il s'agit d'une gratification facultative : le bonus n'est pas convenu et l'employé n'y a pas droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_463/2017 précité consid. 3.1.3.2).

2.1.2 L'employeur peut subordonner le paiement de la gratification, en particulier dans le cas n° 2, à la réalisation de conditions, dans les limites de l'art. 27 al. 2 CC (ATF 130 III 495 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 4A_219/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3.1; 4C.426/2005 du 28 février 2006 consid. 5.1, CAPH/41/2023 du 25 avril 2023, consid. 8.2).

2.1.3 Aux termes de l'art. 341 al. 1 CO, le travailleur ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant de dispositions impératives de la loi ou d'une convention collective.

Le Tribunal fédéral considère que l'art. 322 CO ne tombe pas sous le coup de l'art. 341 al. 1 CO (ATF 124 II 436 consid. 10e/aa et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 4C.242/2005 du 9 novembre 2005, consid. 4.2), de sorte que les parties peuvent, par un accord, décider de diminuer le salaire en cours de contrat, avant l'échéance du délai légal de congé (arrêts du Tribunal fédéral 4C_242/2005 du 9 novembre 2005, consid. 4.2, et 4C.474/1996 du 18 février 1997 consid. 1 in fine). Ces accords ne valent toutefois que pour le futur et ne peuvent se rapporter à des prestations de travail déjà accomplies (Rémy Wyler, Droit du travail, 2019. p. 353, arrêts du Tribunal fédéral 4A_509/2008 du 3 février 2009, consid. 4.1; 4C.426/2005 du 28 février 2006, consid. 5.2).

L’interdiction de renoncer débute dès la conclusion du contrat (CR CO I-Donatiello, art. 341 N 8).

Lorsque les conditions énoncées sont réalisées, la renonciation du travailleur est nulle et ne produit aucun effet juridique (CR CO I-Donatiello, art. 341 N 9).

2.1.4 En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (ATF 144 II 93 consid. 5.2.1). Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante (échange de manifestations de volonté concordantes), qu’elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait ; si au contraire, alors qu’elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s’entendre, ce dont elles étaient d’emblée conscientes, il y a un désaccord patent et le contrat n’est pas conclu.

Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l’une d’elles, ou toutes deux n’ont pas compris la volonté interne de l’autre, ce dont elles n’étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent. Le contrat est alors conclu dans le sens objectif que l’on peut donner à leur déclarations de volonté selon le principe de la confiance ; en pareil cas, l’accord est de droit (ou normatif) (cf. ATF 144 III 93 consid. 5.2.1).

En procédure, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d’indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales-, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu’il s’agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l’époque les conceptions des contractants eux-mêmes.

L’appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. S’il ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties- parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes- ou s’il constate qu’une partie n’a pas compris la volonté exprimée par l’autre à l’époque de la conclusion du contrat- ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu’elle l’affirme en procédure, mais doit résulter de l’administration des preuves-, le juge doit recourir à l’interprétation normative (ou objective), c’est-à-dire rechercher leur volonté objective en déterminant le sens que, d’après les règles de la bonne foi, chacune d’elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l’autre. On parle d’une interprétation selon le principe de la confiance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_156/2021 du 16 juillet 2021 consid. 3.2; ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les arrêts cités).

2.2.1 En l'espèce, le Tribunal a retenu, de manière implicite du moins, que le document intitulé "2014 Objectives for: A______" faisait partie intégrante du contrat conclu entre les parties, ce que l'appelante conteste. Il convient donc d'examiner cette question afin de déterminer l'ensemble des documents contractuels applicables à la relation des parties. Cette question est intimement liée à celles de la qualification du contrat et de la prétendue violation de l'art. 341 CO, qui seront donc traitées en parallèle.

2.2.1.1 Les parties ont conclu, le 28 janvier 2014, un contrat de travail à durée indéterminée, dans lequel elles ont notamment prévu une clause relative au "bonus" afférant à l'année 2014 (article 9). Si les parties ne s'accordent pas sur la traduction à apporter à cet article de leur contrat, elles admettent que cette clause subordonnait le versement d'un "bonus" afférant à l'année 2014 à trois conditions, à savoir : l'apport d'un minimum 100'000'000.- USD d'actifs au cours de l'année 2014, le fait que ces actifs devaient générés un revenu minimum de 1'000'000 USD (effet de levier exclu) au cours de l'année 2014 et que le taux de rendement des actifs apportés par l'appelant soit d'au minimum 0.75 % sur l'année 2014.

Quant au montant du bonus, cette clause prévoyait – selon la traduction de l'intimée que la Cour fait sienne – que celui-ci serait, pour autant que les conditions de son octroi soient réalisées de "dix points des actifs sous gestion apportés (en excluant l'effet de levier)" (le texte original étant "10 basis points on AUMs gathered (excluding leverage)") et que le "calculateur de bonus" (dans le texte original : "Bonus calculator") s'appliquait à tous les revenus, pour autant que les objectifs soient atteints.

Bien que la Cour ignore comment le calculateur de bonus évoqué détermine le montant du "bonus", il ressort de son intitulé qu'il s'agit manifestement de l'application d'une formule mathématique, contrairement à ce que soutient l'intimée, de sorte que le montant du "bonus" afférant à l'année 2014 se composait de deux éléments, soit d'un montant correspondant au pourcentage des actifs sous gestion apportés et d'un second montant calculé sur la base des revenus générés par l'appelant. Il en découle que le montant du "bonus" afférant à l'année 2014 était déterminable.

Par conséquent, le "bonus" afférant à l'année 2014 tel que prévu dans le contrat de travail à proprement parlé des parties étaient un élément de salaire (cas n° 1), puisque tant son principe que son montant reposaient sur des éléments objectivement déterminables.

2.2.1.2 A une date indéterminée et dans des circonstances qui n'ont pas été exposées par les parties, l'appelant a signé, sans émettre de quelconque réserve, un document intitulé "2014 Objectives for: A______", lequel contenait de manière détaillée les objectifs chiffrés qui devaient être atteints par l'appelant et stipulait notamment que l'employé ne devait effectuer aucune violation grave des règles disciplinaires ou de compliance, à défaut de quoi il serait automatiquement déchu de son droit au bonus ("automatic bonus disqualification").

L'intitulé clair de ce document, ainsi que la clause reproduite au paragraphe précédent, attestent de ce que ce document visait à compléter la relation contractuelle des parties et à définir les conditions auxquelles le "bonus" 2014 devait être versé à l'appelant. Le fait que le contrat de travail ne fasse pas mention de ce document n'y change rien, de même que le fait que ce document ne s'intitule pas "amendement au contrat de travail".

Au demeurant, le courriel que l'appelant a adressé à l'intimée le 11 novembre 2014, dans lequel il lui demande de ne pas lui infliger un avertissement formel pour les violations contractuelles qui lui étaient reprochées afin de ne pas perdre son droit au "bonus", atteste que l'appelant avait bel et bien accepté et compris que le versement d'un "bonus" en sa faveur était subordonné à l'absence de violation grave des règles disciplinaires ou de compliance, ce qui permet de retenir une réelle et commune intention des parties en la matière.

Cette solution s'impose d'autant plus que l'appelant ne démontre aucunement l'existence de circonstances qui permettraient d'affirmer que l'accord des parties différaient en réalité de la lettre claire du texte contenu dans le document intitulé "2014 Objectives for: A______".

En particulier, l'argumentation de l'appelant selon laquelle les objectifs contenus dans ce document différeraient substantiellement de ceux prévus par le contrat de travail ne repose pas sur les faits établis par le Tribunal, qui ne font pas l'objet d'un grief recevable à cet égard (cf. consid. 1.2.1).

De même, la thèse de l'appelant selon laquelle ce document porterait sur les conditions d'octroi du "bonus" afférant à l'année 2015 ne trouve aucune assise et est contredite par le texte clair de ce document. Quant au fait que ce document prévoyait des pondérations pour les différents objectifs, sans que leur influence sur le calcul puisse être déterminée, la Cour peine à comprendre ce que l'appelant entend en tirer, étant précisé que, en tout état, la Cour ignore comment fonctionne le "calculateur de bonus" ("Bonus calculator"). Quant au fait que l'appelant avait apporté sa clientèle à l'intimée et que c'est pour cette raison qu'une clause contenant des objectifs objectivement déterminables avait été convenue, elle ne trouve aucune assise dans les faits retenus par le Tribunal et non critiqués à cet égard.

Cela étant, dans la mesure où ce document fait partie intégrante du contrat conclu entre les parties, cela affecte la qualification du "bonus". En effet, ainsi que le relève à raison l'appelant, la notion de "violation grave des règles disciplinaires ou de compliance" contient un caractère subjectif résidant dans le terme "grave", qui implique une appréciation subjective de l'employeur. Dans la mesure où l'employeur a donc la tâche et la latitude de juger si un des objectifs fixés à l'employé, soit l'absence de violation grave des règles disciplinaires ou de compliance, a été atteint, le "bonus" afférant à l'année 2014 doit être qualifié de gratification prévue contractuellement (cas n° 2) et non pas d'élément de salaire.

2.2.1.3 L'appelant soutient qu'il ne pouvait, en application de l'art. 341 CO, renoncer valablement, en cours d'emploi, à un élément de salaire.

A titre liminaire, il convient de relever que l'appelant a effectivement renoncé à un élément de salaire en concluant l'accord consigné dans le document intitulé "2014 Objectives for: A______", par lequel il avait accepté que son droit au "bonus" soit soumis à des conditions supplémentaires ce qui avait pour effet de requalifier un élément de salaire (le "bonus") en gratification (cf. consid. 2.2.1.2)

Cela étant, la jurisprudence du Tribunal fédéral n'empêche pas le travailleur de renoncer valablement à un élément de salaire pour autant que la renonciation ne porte pas sur des éléments de salaire déjà acquis, c’est-à-dire afférant à des prestations de travail déjà accomplies (cf. consid. 2.1.3 ci-avant).

En l'occurrence, les parties n'ont pas allégué la date à laquelle le document intitulé "2014 Objectives for: A______" – par lequel l'appelant a accepté que son droit au "bonus" soit soumis à des conditions supplémentaires – avait été conclu, celles-ci exposant seulement que ce document serait postérieur au contrat de travail.

La Cour ignore donc si cet accord a été conclu par les parties avant ou après la prise d'emploi de l'appelant, de telle sorte qu'elle ne peut déterminer si, et dans quelle mesure, par cet accord, l'appelant a renoncé à des éléments de salaire déjà acquis, ce qui supposerait qu'il ait débuté son emploi.

Par conséquent, il sera retenu que l'appelant n'a pas démontré qu'il avait, en concluant cet accord, renoncé à des créances découlant de dispositions impératives de la loi ou d'une convention collective (soit en l'occurrence à des créances de salaires déjà acquises), de sorte que son grief sera rejeté.

L'accord consigné par le document intitulé "2014 Objectives for: A______" est donc valable.

2.2.2 Il en résulte que le "bonus" afférant à l'année 2014 était une gratification prévue contractuellement (cas n° 2), dont le principe du versement était soumis à la réalisation de certaines conditions, dont l'absence de violation grave par l'appelant des règles disciplinaires ou de compliance.

Le Tribunal a retenu que l'appelant avait été rappelé à l'ordre pour différents manquements perpétrés au cours de son activité professionnelle par un avertissement oral et formalisé par écrit, l'intimée ayant démontré qu'il avait, à plusieurs reprises, communiqué des informations confidentielles sur des clients à des tiers, n'exerçant ainsi pas son activité avec toute la diligence requise. Même si ces actions étaient majoritairement sans conséquence, il n'en demeurait pas moins que les règles de diligence et de compliance conditionnaient le droit au bonus à un comportement irréprochable du travailleur dont le comportement avait, à une occasion, eu pour fâcheuse conséquence de causer un dommage important à l'intimée, objet de son action reconventionnelle.

Ainsi que le relève à raison l'appelant, le Tribunal a, dans ce considérant, retenu comme établi les reproches formulés à son encontre par l'intimée, sans discuter des moyens de preuve et des dénégations qu'il avait émises. Il convient donc de revenir sur les prétendues violations graves des règles disciplinaires ou de compliance reprochées par l'intimée à l'appelant et de déterminer si l'intimée en a apporté la preuve.

Par un courrier de novembre 2014, l'intimée a reproché à l'appelant divers manquements qu'elle qualifiait de graves, soit d'avoir procédé à un dépôt fiduciaire de 40'000'000.- USD en l'absence d'instructions claires du client, d'avoir soumis des instructions de paiement rejetées par le service de compliance et d'avoir transmis à des tiers non autorisées des informations confidentielles. L'intimée reproche également à l'appelant d'avoir violé les directives internes en accordant à un client une dispense de frais, sans y avoir été autorisé.

2.2.2.1 Le fait que l'appelant a procédé à un dépôt fiduciaire d'un montant avoisinant les 40'000'000.- USD en l'absence d'instructions claires du client - ce qui a notamment eu pour conséquence de causer un dommage à l'intimée de 38'646.96 USD – résulte, malgré ce que soutient l'appelant, de manière claire du courrier que le conseil du client concerné a adressé à l'intimée le 6 novembre 2014, par lequel il lui reproche le dépôt fiduciaire dont est question. Cela ressort également du rapport d'incident établi par l'intimée le 6 novembre 2014.

Au demeurant, après que le fait d'avoir procédé à ce dépôt fiduciaire sans y avoir été préalablement autorisé ait été reproché à l'appelant par l'intimée dans son courrier de novembre 2014, l'appelant a demandé à l'intimée de lui laisser une seconde chance et a proposé à l'intimée de l'indemniser, reconnaissant ainsi le comportement qui lui était reproché et le fait qu'il était fautif.

Au vu de ces éléments, il doit être retenu qu'il a été établi que l'appelant a violé les règles disciplinaires et de compliance en effectuant ledit dépôt fiduciaire sans y avoir été autorisé par le client titulaire des fonds placés. Cette violation peut être qualifiée de grave au regard du préjudice qu'elle a entraîné pour l'intimée.

Quant aux critiques de l'appelant selon lequel l'intimée s'était "bien gardée" de citer comme témoin "ladite dame H______" et le conseil du client titulaire des fonds objets du dépôt litigieux, la Cour peine à comprendre la nature du reproche. Les preuves administrées par le Tribunal étaient, ainsi qu'examiné ci-avant, suffisantes pour établir le fait litigieux et il appartenait à l'appelant, s'il l'estimait opportun, de proposer l'administration de preuves qui auraient pu permettre d'apporter un éclairage différent sur l'état de fait. En tout état, l'on ne peut partir du principe qu'un fait ne serait pas établi car la partie qui s'en prévaut n'a pas proposé, pour le démontrer, l'audition de toutes personnes en ayant eu une perception.

2.2.2.2 L'intimée reproche également à l'appelant d'avoir violé les règles de compliance en ayant transmis pour exécution un ordre d'un client alors que la signature apposée sur l'ordre et le numéro de téléphone indiqué ne correspondaient pas à ceux enregistrés dans le dossier du client et d'avoir, après que ceci lui ait été signalé, transmis l'ordre du client qu'il avait à nouveau sollicité avec une signature toujours non valide.

Ce comportement de l'appelant a été établi par la production en première instance d'un courriel adressé par C______ à l'appelant le 30 octobre 2014 qui décrit la situation ici résumée.

Par ces agissements, l'appelant a violé les règles de compliance de la banque, ainsi que cela ressort de manière claire du courriel que C______ lui a adressé, et dont il n'a pas contesté le bienfondé.

La violation des règles de compliance reprochée à l'appelant sera donc considérée comme établie.

2.2.2.3 L'intimée reproche à l'appelant d'avoir, à plusieurs reprises, communiqué à des tiers des informations confidentielles, soit en particulier par courriel du 15 septembre 2014, par courriels des 28 et 29 octobre 2014, ainsi que par courriel du 10 novembre 2014.

Cela étant, l'intimée a caviardé les courriels produits afin de dissimuler les prétendues informations confidentielles qu'ils contiendraient. Les éléments non caviardés de chacun de ces courriels ne permettent pas de déterminer que ceux-ci contenaient des informations confidentielles, ni qu'elles avaient été transmises à des tiers.

Le seul fait que C______, entendue en qualité de partie, ait déclaré que chacun de ces courriels contenaient des informations confidentielles, ne constitue pas une preuve suffisante dans la mesure où ces déclarations ne sont pas corroborées par d'autres moyens de preuve (cf. CAPH/111/2022 du 26 juillet 2022, consid. 4.1).

Par conséquent, il sera retenu que l'intimée n'a pas démontré que l'appelant avait transmis, à plusieurs reprises, des informations confidentielles à des tiers.

2.2.2.4 S'agissant de la violation des directives internes, l'intimée a effectivement démontré que l'appelant avait, sans y avoir été préalablement autorisé, dispensé un client des s'acquitter des frais relatifs à un dépôt. Cela ressort en effet de l'échange de courriels que l'appelant a entretenu le 30 octobre 2014 avec C______.

Il a également été démontré que l'appelant avait ainsi violé les directives internes de la banque, ainsi que cela ressort du courriel que C______ lui a adressé suite à cet évènement et dont l'appelant n'a pas contesté le bienfondé.

Il n'est pas déterminant à cet égard que les frais sur lesquels la renonciation avait porté aient été d'un montant modique, ce qui n'est du reste pas démontré.

Par conséquent, il sera retenu que l'appelant a violé les procédures internes en dispensant, sans y avoir été préalablement autorisé, un client de s'acquitter des frais liés à un dépôt en espèces.

2.2.3 Il résulte des éléments analysés ci-avant que l'intimée a commis de nombreuses violations des règles disciplinaires et de compliance de la banque, que l'intimée pouvait être, au vu de leur nombre, de leur ampleur et des conséquences de l'une d'elle, considérer comme graves, de sorte que c'est à raison que le Tribunal a retenu que l'appelant avait perdu son droit à la gratification en raison des violations graves des règles disciplinaires et de compliance qu'il avait commises.

Par conséquent, le grief de l'appelant sera rejeté et le jugement querellé confirmé en tant qu'il rejette les prétentions de l'appelant en paiement d'une gratification afférente à l'année 2014.

3. L'appelant reproche au Tribunal de l'avoir condamné à indemniser l'intimée. Il soutient que l'intimée lui aurait donné un "quitus" exprès dans son certificat de travail du 16 juin 2015 ainsi qu'en lui payant, sans émettre de réserves, ses derniers salaires mensuels.

L'intimée conteste ce raisonnement et expose que le certificat de travail remis ainsi que le versement sans réserve des derniers salaires ne peuvent être interprétés comme une renonciation à sa créance à l'encontre de l'appelant, dans la mesure où elle n'avait elle-même aucun intérêt à y renoncer, sans contrepartie de l'appelant, en particulier sans l'engagement de ce dernier de renoncer à toute prétention à son égard. L'appelant ne faisait au demeurant valoir aucun élément qui permettrait d'établir qu'il aurait pu, de bonne foi, comprendre qu'il avait passé un accord avec l'intimée par actes concluant tendant à la renonciation par cette dernière de toutes prétentions à son encontre. Il soutient qu'en tout état, si elle avait renoncé à faire valoir toutes prétentions contre l'appelant, cela ne vaudrait que dans l'hypothèse où celui-ci n'élevait lui-même pas de prétentions à son encontre.

3.1.1 Selon l'art. 321e al. 1 CO, le travailleur répond du dommage qu'il cause à l'employeur intentionnellement ou par négligence.

Comme toute responsabilité contractuelle, la responsabilité du travailleur suppose la réalisation de quatre conditions: un dommage, la violation d'une obligation contractuelle, un rapport de causalité naturelle et adéquate entre ladite violation et le dommage ainsi qu'une faute intentionnelle ou par négligence (arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2007 du 4 décembre 2007 consid. 6.2). Ces conditions sont cumulatives. Il suffit que l'une d'elles fasse défaut pour que la demande doive être rejetée.

La violation du contrat porte sur toutes les obligations contractuelles énumérées aux art. 321 à 321d CO, sans distinction entre la violation de l'obligation de diligence ou de fidélité (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4ème éd., Berne 2019, p. 162s.).

3.1.2 La loi ne contient aucune règle relative à la péremption de la créance en dommages-intérêts de l'employeur, du fait qu'elle n'aurait pas été invoquée ou réservée avant l'expiration des relations de travail, contrairement à ce que prévoit par exemple l'art. 337d al. 3 CO lorsque le travailleur n'entre pas en service ou abandonne sans motif son emploi. Rien ne permet d'admettre l'existence d'une lacune de la loi sur ce point. Aussi une renonciation de l'employeur à sa créance ne peut-elle être admise que si, en application des principes généraux sur la formation des contrats, l'attitude des parties, interprétée selon le principe de la confiance, peut être comprise dans le cas particulier comme une remise de dette conventionnelle (art. 115 CO).

Une manifestation de volonté, même si elle n'est exprimée que par actes concluants, doit être comprise selon le sens que de bonne foi son destinataire doit lui attribuer (ATF 109 II 329, ATF 108 II 317, ATF 105 II 18 et les arrêts cités). Dans le cadre du contrat de travail, les partenaires se doivent des égards réciproques, au respect desquels ils peuvent s'attendre l'un et l'autre. Aussi le travailleur qui arrive au terme de son contrat peut-il compter que, si l'employeur a des prétentions connues - dans leur quotité ou leur principe - à faire valoir contre lui, il le lui fera connaître avant d'accomplir les actes accompagnant la fin des relations de travail, tels que paiement du dernier salaire ou autre règlement de compte, formalités éventuelles relatives aux prestations de prévoyance, établissement d'un certificat de travail, cérémonie d'adieu (ATF 110 II 344 du 20 novembre 1984, consid 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_666/2017 du 17 mai 2018, consid 4.3; 4A_351/2011 du 5 septembre 2011, consid 2.2).. En règle générale, le silence de l'employeur à ce sujet peut être compris par le travailleur comme une renonciation à une telle prétention, exprimée par actes concluants; l'acceptation d'une telle offre par le travailleur se présume (art. 6 CO). En revanche, le silence de l'employeur ne saurait impliquer la renonciation à des créances dont il n'a pas encore connaissance, du moins dans leur principe; ce silence n'est pas non plus décisif lorsque l'employeur n'a pas la possibilité de manifester son intention au travailleur avant la fin des rapports de travail (ATF 110 II 344 du 20 novembre 1984, consid 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_666/2017 du 17 mai 2018, consid 4.3; 4A_351/2011 du 5 septembre 2011, consid 2.2).

3.2.1 En l'espèce, le Tribunal a retenu que l'appelant avait procédé au placement de plusieurs millions en dépôt fiduciaire auprès d'une banque non agréée par son employeuse et sans obtenir le consentement préalable de la cliente concernée, ce qu'il avait reconnu. Cette façon de faire était contraire aux règles claires de l'intimée et avait engendré un préjudice de 38'646.96 USD, la cliente ayant mis un terme prématuré audit placement, qu'elle n'avait pas approuvé.

L'appelant ne conteste pas ce raisonnement, admettant ainsi que les conditions de sa responsabilité étaient réunies et que le montant du dommage s'élevait à 38'646.96 USD. Il n'y a dès lors pas lieu d'y revenir.

L'appelant soutient néanmoins que l'intimée aurait renoncé à lui en réclamer l'indemnisation. Il sied donc d'examiner si tel est le cas.

3.2.2 Il est constant que l'intimée a accompli les derniers actes accompagnant la fin des relations de travail, soit en l'occurrence le versement des derniers salaires et l'établissement d'un certificat de travail le 16 juin 2015, soit postérieurement à la fin des rapports de travail au 31 mai 2015, sans émettre de quelconques réserves quant aux éventuels prétentions qu'elle pourrait faire valoir à l'encontre de l'appelant.

Pourtant, en mai et juin 2015, l'intimée connaissait déjà l'existence de sa prétention envers l'appelant qu'elle invoque ici. En effet, elle avait reproché à ce dernier le comportement fautif à l'origine du dommage, dont la réparation est ici réclamée, dans un courrier qu'elle lui avait adressé en novembre 2014. Le montant du dommage ressort quant à lui d'un de ses documents internes, qui a été établi en décembre 2014. Il lui était donc possible, dès le mois de décembre 2014 au plus tard, de faire valoir ses prétentions.

L'appelant pouvait donc interpréter de bonne foi le silence de l'intimée comme valant renonciation, par actes concluants, de toutes prétentions à son égard, offre qu'il est présumé avoir acceptée. Ce constat s'impose d'autant plus que l'appelant avait, en novembre 2014, proposé à l'intimée de l'indemniser pour le dommage qu'il lui avait causé, sans que cette proposition ne soit suivie d'effet.

Le fait que l'intimée n'avait aucun intérêt à renoncer à sa créance en indemnisation, faute pour l'appelant d'avoir abandonné ses prétentions en paiement d'une gratification, n'y change rien. Il en va de même de l'argumentation de l'intimée selon laquelle sa renonciation de créance ne vaudrait plus dans l'hypothèse où l'appelant ferait valoir des prétentions propres, laquelle ne repose sur aucun élément factuel ni juridique.

Il doit donc être retenu que l'appelant pouvait de bonne foi comprendre que l'intimée avait, par actes concluants, renoncé à faire valoir toutes créances à son encontre, ce qu'il avait accepté. Aussi, l'intimée n'est pas fondée à réclamer à l'appelant l'indemnisation de son dommage en 38'646.96 USD

Par conséquent, le grief de l'appelant sera admis et l'intimée déboutée de ses conclusions reconventionnelles, le jugement querellé devant être réformé dans ce sens.

4. 4.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Selon l'art. 19 al. 3 let. c LaCC, Les émoluments forfaitaires sont calculés en fonction de la valeur litigieuse, s'il y a lieu, de l'ampleur et de la difficulté de la cause. Ils sont fixés en règle générale entre 200 fr. et 10'000 fr. pour l'émolument de décision dans les causes soumises à la juridiction des prud'hommes, lorsque la valeur litigieuse excède 75'000 fr. devant le Tribunal des Prud'hommes et 50'000 fr. devant la chambre des prud'hommes de la Cour de justice.

Aux termes de l'art. 94 al. 2 CPC, lorsque les demandes reconventionnelle et principale ne s’excluent pas, leurs valeurs litigieuses respectives sont additionnées pour déterminer les frais.

Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 al. 1 CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art.106 al. 2 CPC).

Il s'agit de procéder dans ce cas à une répartition proportionnelle dans la mesure où chacune des parties a succombé. Pour déterminer cette mesure, il faut en principe comparer ce que chaque partie obtient par rapport à ses conclusions puis pondérer ce résultat, selon l'appréciation du juge, en tenant compte d'un gain sur une question de principe et du fait qu'en réalité, certaines prétentions étaient peut-être plus importantes que d'autres (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème ed. 2019, n. 34 ad art. 106 CPC et les références citées).

4.2.1 En l'espèce, compte tenu de la réforme du jugement entrepris, il se justifie de statuer à nouveau sur la répartition des frais de première instance, étant entendu que leur quotité en 5'656 fr. 80 – non contestée par les parties et conforme aux dispositions légales applicables – ne sera pas revue.

Dans la mesure où l'appelant obtient gain de cause sur l'une des deux questions litigieuses (responsabilité pour le dommage causé à l'intimée), et perd sur l'autre (droit à la gratification) dont le montant était largement plus important (486'000 fr. contre 38'646.95 USD, soit environ 40'000 fr.), les frais judiciaires de première instance seront mis à charge de l'appelant à hauteur de 85 % environ, soit à hauteur de 4'860 fr. correspondant à l'avance de frais qu'il a consentie.

Le solde en 796 fr. 80 sera mis à charge de l'intimée qui sera, en conséquence, condamnée à verser ce montant à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

4.2.2 Quant aux frais judiciaires d'appel, il seront fixés à 4'200 fr. et compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par l'appelant, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Compte tenu de l'issue du litige, ils seront mis à la charge de l'appelant à hauteur de 85 %, soit d'un montant arrondi de 3'570 fr. et de l'intimée à hauteur de 15 %, soit d'un montant arrondi de 630 fr. L'intimée sera condamnée en conséquence à payer 630 fr. à l'appelant.

4.2.3 S'agissant d'un litige de droit du travail, il n'est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4 :

 

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 29 août 2022 par A______ contre le jugement JTPH//238/2022 du 26 juillet 2022.

Au fond :

Annule les chiffres 3, 6, 7, 8 et 9 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau :

Déboute B______ de toutes ses conclusions.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 5'656 fr. 80.

Les met à la charge de A______ à hauteur de 4'860 fr. et de B______ à hauteur de 796 fr. 80.

Les compense partiellement avec l'avance de frais de 4'860 fr. fournie par A______, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser la somme de 796 fr. 80 à l'Etat de Genève, soit pour lui, les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Confirme le jugement pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 4'200 fr. et les compense intégralement avec l'avance de frais de même montant fournie par A______, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Les met à charge de A______ à hauteur de 3'570 fr. et à la charge de B______ à hauteur de 630 fr.

Condamne en conséquence B______ à payer 630 fr. à A______.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE CHAVANNE, présidente; Madame Nadia FAVRE, juge employeur et Madame Ana ROUX, juge salariée; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE CHAVANNE

 

Le greffier :

Javier BARBEITO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.