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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/9618/2020

CAPH/41/2023 du 25.04.2023 sur JTPH/28/2022 ( OO ) , REFORME

Recours TF déposé le 02.06.2023, rendu le 03.07.2023, RETIRE, 4A_287/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9618/2020-3 CAPH/41/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MERCREDI 12 AVRIL 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, France, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 31 janvier 2022 (JTPH/28/2022), comparant par Me Shahram DINI, avocat, Dini Lardi Avocats, Place du Port 1, 1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

Et

B______ (CH) SA, sise ______ [GE], intimée, comparant par Me Stéphanie FULD, avocate, rue Jacques-Balmat 5, case postale 5839, 1211 Genève 11, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,


EN FAIT

 

A. Par demande en paiement du 30 octobre 2020, A______ a réclamé à B______ (CH) SA (i) la somme nette de 155'654.25 fr. avec suite d’intérêts, à titre d’indemnité pour licenciement abusif, (ii) la somme nette de 51'885.- fr. avec suite d’intérêts à titre d’indemnité pour tort moral, (iii) la somme brute de 62'066.10 fr. avec suite d’intérêts, au titre de rémunération variable pour l’année 2019, (iv) la somme nette de 7'033.- fr. avec suite d’intérêts, à titre d’honoraires d’avocat supportés par le demandeur avant l’intentat de sa procédure. Il a en outre demandé la modification de son certificat de travail.

A titre préalable, A______ a sollicité la production de divers justificatifs ayant permis de déterminer sa rémunération variable pour les exercices antérieurs à 2019 et la production de documents relatifs à l’enquête disciplinaire qui avait été diligentée à son encontre.

En substance, à l’appui de sa réclamation, A______ invoquait le caractère abusif du licenciement qui lui avait été notifié, au motif qu’il portait atteinte à sa personnalité, dès lors qu’il était basé sur une enquête biaisée et incomplète à laquelle lui-même et ses proches collaborateurs n’avaient pu participer. Il invoquait également être éligible à une rémunération variable contractuellement convenue.

B. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a) Au bénéfice d’un contrat de travail conclu le 30 mars 2005 avec la société française B______ SA, maison-mère de B______ (CH) SA, A______ a travaillé plus de neuf ans au sein de la société-mère en qualité de trésorier auprès de la direction financière.

A la création de la filiale suisse B______ (CH) SA constituée le 18 juillet 2014, A______, par contrat de travail du 19 novembre 2014, fut engagé par cette entité en qualité de directeur de la trésorerie et des financements (« VP Trésorerie et Financement ») à compter du 1er janvier 2015 et pour une durée indéterminée. Il a été mis fin aux activités de l’employé au sein de l’entité française par un accord tripartite conclu le 20 novembre 2014, aux termes duquel, notamment, l’ancienneté de A______ au sein du groupe était préservée. Les parties s’accordent à reconnaître que A______ exerçait la même activité au sein de l’entité suisse que celle précédemment exécutée auprès de la maison-mère. Il rapportait à C______, directeur financier de la maison-mère.

b) Le contrat de travail du 20 novembre 2014 prévoyait une rémunération fixe annuelle de 240'000.- fr. payable douze fois l’an. Le contrat stipulait également une rémunération variable « calculée sur une base de 25% de la rémunération annuelle fixe (salaire de base, hors allocation logement) ; selon que les objectifs individuels et collectifs sont atteints, elle se situera entre 0 et 37,5% de la rémunération de référence ». Au titre de l’exercice 2015, A______ a reçu une rémunération variable de 85'800.- fr. (29'000.- fr. en février 2016 et 56'800.- fr. en avril 2016) ; au titre de l’exercice 2016, l’employé a reçu une rémunération variable de 87'300.- fr. ; au titre de l’exercice 2017, il a reçu une rémunération variable de 18'900.- fr.; au titre de l’exercice 2018, A______ a reçu une rémunération variable de 78'834.- fr..

c) Dans le cadre des relations de travail, le groupe B______ avait édité un Code de Conduite exposant les principes exposant les principes que doivent respecter et adopter dans leurs activités professionnelles les salariés, les managers et les directeurs de B______ et définissant les comportements à adopter, les attitudes à promouvoir et celles à éviter. Le Code Conduite précisait que son non-respect pouvait avoir des effets négatifs sur l’entreprise et que toute violation du Code de conduite, avérée ou présumée, serait examinée rapidement, de manière juste et en accord avec les exigences légales. Il était précisé que, en fonction de la nature de la violation, des sanctions disciplinaires pourraient être appliquées, conformément à la législation locale et aux politiques internes de la société.

d) En juin 2017, furent rapportées au département des ressources humaines (D______ et E______) les difficultés d’un stagiaire de l’entreprise, rencontrées en fin de stage avec son supérieur hiérarchique direct, F______. Alors que le département des ressources humaines et ce supérieur hiérarchique avaient proposé de libérer le stagiaire de toute activité, A______ s’y était opposé au motif qu’il souhaitait que ce stagiaire terminât son stage et, ce dernier s’étant mis en arrêt maladie, avait préconisé au département des ressources humaines de faire contrôler cet arrêt maladie.

e) En septembre 2017, un incident fut rapporté au département des ressources humaines impliquant deux employés du service technique de la société, appelés par A______, qui, en réunion avec des personnes étrangères au service, se trouvait confronté un problème technique de visio-conférence. A______ s’était alors montré agressif envers ces personnes qui n’arrivaient pas à résoudre le problème technique. Les deux personnes concernées s’étaient senties agressées par les propos désagréables de A______, propos également entendu par un dirigeant de l’entreprise qui en avait rapporté le caractère désobligeant et incorrect au département des ressources humaines par courriel du 28 septembre 2017. Dans un courriel de réponse adressé le même jour à ce dirigeant, le département des ressources humaines, relatant l’incident avec les deux employés, indiquait que « au vu de ce comportement inapproprié, il me semble nécessaire d’intervenir et demander à A______ [prénom] de revoir son attitude ».

f) En février 2018, le département des ressources humaines fut à nouveau saisi de divers cas « de souffrances au bureau ». Dans sa communication du 7 février 2018 à sa supérieure (E______), D______ soulignait que des cas de souffrances au bureau étaient remontés jusqu’au département, invoquant « principalement des méthodes de management génératrices de pressions telles que l’infantilisation, l’humiliation où le collaborateur voit son estime de soi-même baisser et n’est plus envisagé comme un individu, mais comme un pion, un soldat ». Dans cette communication, il était précisé que les collaborateurs venaient travailler « la peur au ventre » et perdaient toute motivation et énergie au travail. La collaboratrice du département des ressources humaines indiquait « qu’il était important que nous prenions conscience du niveau de pression subie par certains de nos collaborateurs et envisagions une solution ». Le mail concerné ne mentionne pas l’auteur des méthodes de management génératrices de pressions.

g) En février 2019, la même collaboratrice du département des ressources humaines, D______ s’adressa à nouveau à sa direction pour rapporter le mal-être psychologique de certains collaborateurs de l’entreprise. Dans une communication du 21 février 2019, D______ rapportait des comportements jugés inacceptables de certains supérieurs hiérarchiques qui n’étaient pas identifiés dans la communication. Il était précisé que les situations décrites étaient susceptibles d’être qualifiées de harcèlement et deux plaintes de collaborateurs étaient remontées au département des ressources humaines.

Dans sa réponse du 22 février 2019, la personne ainsi interpellée indiquait que la société ne pouvait rester inactive et que la situation méritait d’être creusée. Concernant la crainte des collaborateurs d’effectuer des plaintes, il était indiqué qu’un système d’alerte confidentiel avait été mis en place et les collaborateurs se sentant concernés étaient dès lors invités à intervenir sur cette plateforme confidentielle, afin que l’alerte soit enregistrée dans le système et qu’une suite puisse y être donnée. Il était précisé que, en cas d’alerte, l’entreprise allait procéder à un contrôle tout d’abord en interne par une personne de confiance, puis par un « dispositif extérieur qui aura pour vertu de permettre à tout collaborateur de s’exprimer si toutefois il ne s’en sentait pas capable de le faire en interne ».

h) Les deux employés concernés n’ont pas souhaité faire un signalement via le canal d’alerte de l’entreprise et c’est le département ressources humaines qui a donné l’alerte permettant de diligenter l’enquête interne. L’enquête a été confiée à G______, auditrice au département DACI (Département Audit et Contrôles Internes) qui a rendu son rapport intitulé « Soupçons de harcèlement » en date du 18 avril 2019. L’enquête concernait deux dirigeants de l’entreprise, dont A______. S’agissant de ce dernier, l’enquête portait sur deux objets distincts, d’une part, des soupçons de harcèlement et, d’autre part, des soupçons d’un conflit d’intérêts lié à l’assistante de A______. Dans ces conclusions, le rapport d’enquête conclut à l’absence de harcèlement au sujet de A______, en indiquant qu’aucun harcèlement n'a été détecté dans les faits recueillis. Le rapport relève toutefois, concernant A______, « some management issues have been identified and need to be adressed » (« certains problèmes de management ont été identifiés et doivent être traités »). Le rapport indique que cette situation doit être prise en considération, quand bien même ces difficultés ne sont pas aussi graves que pour l’autre dirigeant visé par l’enquête, dont l’identité et les données ont été caviardées dans le rapport soumis à la procédure. Dans cette même conclusion, il était précisé que les conditions de travail sont réellement désagréables et que les équipes souffrent de cette atmosphère négative qui règne au bureau. Détaillant ses investigations, l’enquêteur relève avoir interrogé, par téléphone, un ancien collaborateur de l’entreprise, dont le nom ne lui a pas été dévoilé, et qui, sous couvert d’anonymat, a indiqué que A______ ne faisait pas confiance à ses employés, soulignait les faiblesses de leurs performances, conduisait à une perte de l’estime de soi des personnes concernées. Ce témoin anonyme indiquait des tensions au sein du département et concluait que si A______ était un expert dans son domaine, il restait un manager « très strict, directif et à l’ancienne ». S’agissant du second objet de l’enquête (conflit personnel), le rapport concluait à l’absence de tout conflit d’intérêts entre A______ et son assistante.

Outre ce témoin anonyme entendu par téléphone, l’enquêteuse a entendu deux autres employés qui ont souhaité rester anonymes craignant d’être reconnus par leurs témoignages et qui ont été entendus à l’extérieur des locaux de l’entreprise. Il ressort du rapport que ces deux employés ont été entendus en lien avec les accusations formulées à l’endroit de l’autre dirigeant.

Le rapport indique que les deux protagonistes concernés par l’enquête, dont A______, n’ont pas été interrogés par l’auditeur qui n’a pas entendu les collaborateurs directs de A______. Le rapport d’enquête du 18 avril 2019 n’a pas été communiqué à A______ et ne l’a été que dans le cadre de la présente procédure.

i) Sous la signature de H______, directeur groupe des ressources humaines et E______, directrice locale du département des ressources humaines, A______ fut, en date du 10 mai 2019, convoqué dans les locaux de l’entreprise le 17 mai 2019, dans le cadre d’une procédure disciplinaire ouverte à son encontre. Dans la lettre de convocation, il était indiqué que « des accusations mettant en cause vos pratiques managériales non conformes à notre Code de Conduite, nous amènent à procéder à cette discussion ». L’entretien s’est tenu le 17 mai 2019 et aucun procès-verbal ou compte-rendu d’entretien n’a été établi. A l’issue de cette réunion, A______ fut invité à se déterminer sur la situation qui lui a été rapportée lors de cet entretien. Il a alors adressé, le 21 mai 2019, un long mémo à la direction des ressources humaines concernant les deux objets identifiés lors de l’entretien précité, soit d’une part le harcèlement professionnel et, d’autre part, le conflit d’intérêts avec son assistante. Dans un argumentaire d’une vingtaine de pages, tout en reconnaissant qu’il était « plus enclin à travailler le fond que la forme », il invoquait des contraintes de responsabilités, de résultats et d’efficacité imposées par le groupe qui justifiaient ce qui avait pu être ressenti comme une certaine pression par les équipes de trésorerie. Il contestait toutefois tout harcèlement à l’endroit de ses équipes ou tout comportement contraire au Code de Conduite.

j) A______ s’est trouvé en incapacité de travail à compter du 22 mai 2019, arrêt de travail qui a été prolongé jusqu’au 31 juillet 2019.

k) Par courrier du 6 juin 2019, le conseil de l’employeuse a rappelé que plusieurs employés de l’entreprise avaient formulé des griefs importants quant au comportement et aux méthodes de management de A______, comportement qui était inacceptable. Il était pris note de l’incapacité de travail de l’intéressé et lui était notifié que, pendant sa période d’absence, ses accès informatiques seraient suspendus.

Par courrier du 31 juillet 2019 de son conseil, A______ a contesté les reproches formulés à son encontre et a demandé à prendre connaissance du rapport d’enquête qui semblait justifier les critiques énoncées à son endroit. Il est également demandé qu’elle suite l’entreprise entendait donner aux relations contractuelles nouées avec A______.

l) Par courrier du 5 août 2019, qui fut remis en main propre de A______, B______ (CH) SA a procédé au licenciement ordinaire de son employé pour le 30 novembre 2019, compte tenu du préavis contractuel de trois mois. Ledit courrier indiquait que les motifs de licenciement lui avaient été exposés oralement lors de l’entretien. Il était précisé que l’employé était libéré de toute obligation de travailler pendant le préavis.

m) A______ a fait opposition au congé par lettre de son conseil du 8 octobre 2019. L’employeuse était invitée à communiquer les motifs du licenciement notifié le 5 août précédent. Le conseil de A______ réitérait sa demande de production du rapport d’enquête, ainsi que tous les procès-verbaux établis dans le cadre de cette enquête.

n) Par communication du 5 novembre 2019, le conseil de B______ (CH) SA a refusé de produire le rapport d’enquête interne, au motif que le licenciement de l’intéressé n’a pas été motivé par les accusations de harcèlement dont le rapport interne avait retenu l’inexistence, mais dans les problèmes de comportement et de management à l’égard de subordonnés, pratique qui n’était pas conforme aux valeurs de l’entreprise.

o) Un certificat de travail intermédiaire a été établi en date du 16 novembre 2019. A la demande de l’employé adressée le 4 décembre 2019, un nouveau certificat final de travail a été établi le 18 février 2020, prenant en compte une partie des modifications souhaitées par A______.

q) Le poste occupé par A______ n’a pas, à son départ, été repourvu en Suisse. Après le départ de A______, le groupe B______ a décidé que la fonction de VP Trésorier-Financement serait exercé au siège de l’entreprise à I______ [France] et le trésorier du groupe, J______, a repris cette fonction.

C. Par demande du 30 octobre 2020, A______ a assigné B______ (CH) SA en paiement de la somme nette de 155'654.25 fr., avec suite d’intérêts, à titre d’indemnité pour licenciement abusif, la somme nette de 51'185.- fr., avec suite d’intérêts, à titre d’indemnité pour tort moral causé par l’atteinte à sa personnalité, la somme brut de 62'066.10 fr., avec suite d’intérêts à titre de rémunération variable pour l’année 2019, ainsi que la somme de 7'033.- fr., avec suite d’intérêts, à titre d’honoraires d’avocat avant procès. La demande en paiement consigne également une conclusion en rectification du certificat de travail et à la condamnation de l’employeuse de remettre un certificat conforme à un projet établi par l’employé. A titre préalable, A______ a sollicité la production de tout document relatif à sa rémunération variable pour les exercices antérieurs à 2019, ainsi que tout document relatif à l’enquête disciplinaire dont il avait été l’objet.

Dans son argumentaire, le demandeur a allégué que le licenciement qui lui a été notifié avait un caractère abusif, dès lors qu’il portait atteinte au droit de sa personnalité. Il contestait que l’employeur ait œuvré pour résoudre un conflit interpersonnel qui aurait été identifié, relevant n’avoir été nullement interrogé dans le cadre de l’enquête interne pourtant diligentée à son encontre. Il indiquait que les motifs de licenciement qui lui avaient été postérieurement indiqués par l’entreprise, à savoir que la décision reposait non sur le rapport d’enquête, mais sur le comportement général de l’intéressé, n’avaient aucune substance et cachaient le motif réel du licenciement qui résidait dans de prétendues accusations de harcèlement à son encontre, accusations qui n’avaient finalement pas été retenues dans le rapport d’enquête. Le licenciement était abusif et il concluait ainsi à une indemnité équivalant à six mois de salaire. De plus, invoquant une atteinte à sa personnalité qui résultait du licenciement, mais également de l’enquête interne dans laquelle ses droits étaient violés, il réclamait de ce chef une indemnité de tort moral équivalant à deux mois de salaire. Il considérait en outre être éligible à une rémunération variable dès lors que les conditions contractuelles étaient réalisées.

D. Par écriture du 16 mars 2021, B______ (CH) SA a conclu au déboutement des chefs de demande. L’employeuse a indiqué que A______ avait violé le Code de Conduite par des comportements et méthodes de management génératrices de pression et de souffrance au travail, ayant conduit des employés à se plaindre de son comportement, tout en souhaitant que leur anonymat soit préservé. L’entreprise avait alors mené un audit interne qui concernait non seulement A______, mais un autre collaborateur de l’entreprise qui était également visé par des plaintes. Si le rapport n’avait pas constaté de manœuvres constitutives d’un harcèlement moral, il faisait toutefois état de problèmes de management qui, aux yeux de l’employeuse, justifiaient un licenciement ordinaire. L’employeuse contestait ainsi le caractère abusif de ce licenciement qui trouvait sa source dans des problèmes de management constatés par une enquête interne et qui impliquaient une rupture du rapport de confiance. L’employeuse déniait en outre une éligibilité au bonus ou rémunération variable, au motif que les objectifs, condition nécessaire à l’allocation d’un bonus, n’avaient pas été convenus pour l’année 2019. Avec son écriture, la défenderesse produisait un bordereau de diverses pièces dans lequel était inclus le rapport d’audit établi le 18 avril 2019, concernant A______, les constatations et conclusions du rapport concernant l’autre employé ayant été caviardés.

E. Par ordonnance d’instruction et ordonnance de preuve du 29 juin 2021, le Tribunal des prud'hommes a renoncé à ordonner à B______ (CH) SA de produire les documents requis par l’employé dans sa demande en paiement du 30 octobre 2020 et a ordonné des débats principaux.

F. Interrogé par le Tribunal, A______ a nié tout comportement inapproprié qui justifierait un licenciement ordinaire en relevant que, durant toutes les années de collaboration avec le groupe B______, il n’avait reçu de la part de ses employeurs ou de ses subordonnés, aucune plainte ou reproche concernant son attitude. S’agissant de l’épisode du stagiaire, en juin 2017, il a relevé qu’à l’issue d’une réunion avec tous les protagonistes, soit le stagiaire, son supérieur hiérarchique direct, les ressources humaines et lui-même, il avait été convenu que le stagiaire effectuerait la fin de son stage et que son supérieur directe serait « plus coulant » avec lui. En dépit de cet accord, le stagiaire avait cessé son activité et avait produit un certificat d’arrêt maladie sur la légitimité duquel A______ s’était interrogé. Il n’avait aucun souvenir concernant l’incident de septembre 2017 lié au problème informatique ou technique lors d’une présentation avec des personnes extérieures à l’entreprise. Ayant pris connaissance du rapport d’audit dans le cadre de la procédure, il en a contesté les conclusions, ainsi que la méthodologie. Il a relevé que les chefs de services, qui dépendaient de son autorité, avaient en charge des collaborateurs qui ne travaillaient pas en direct avec lui et que lui-même n’intervenait dans les sphères de responsabilité des chefs de services qu’à la demande de ces derniers. Il déniait ainsi toute pertinence à ce rapport, ne comprenant pas que des personnes avec lesquelles il n’entretenait pas de liens professionnels directs pouvaient lui faire des reproches de harcèlement, a fortiori si les noms des prétendus plaignants n’étaient pas indiqués dans le rapport. A______ a également précisé que, quelques jours après l’entretien du 17 mai 2019, alors qu’il se trouvait à I______ au siège du groupe, son supérieur hiérarchique direct, C______, lui avait indiqué que la décision de le licencier avait été prise par la direction générale du groupe, sans lui donner d’autre explication à ce sujet.

Interrogée dans le cadre des débats principaux, la défenderesse a persisté dans son argumentation et a indiqué que le poste occupé par A______ n’avait pas été, à la suite du licenciement, repourvu en Suisse, mais la fonction avait été repourvue en France, au siège de l’entreprise.

G. Le Tribunal a procédé à l’audition de K______, L______ et M______, collaborateurs directs de A______, qui ont indiqué ne pas avoir constaté de remarques vexatoires ou comportements analogues et n’avoir pas été informés de plaintes dirigés contre leur supérieur hiérarchique. Les témoins ont rappelé la bonne harmonie qui régnait au sein de l’équipe (« ma collaboration avec A______ s’est très bien passée, je l’ai beaucoup apprécié, je pense que c’est également le cas de mon équipe », témoin M______) et ont considéré que les éventuelles tensions entre A______ et ses équipes n’allaient pas au-delà des tensions normales dans un environnement professionnel (témoin L______, témoin K______), même si A______ avait son « franc parler ». Les témoins ont relevé que A______ n’avait pas usé de propos dégradants à l’encontre de ses collaborateurs.

Les trois témoins précités ont indiqué n’avoir pas été interrogés dans le cadre de la procédure d’enquête interne diligentée par l’entreprise et ignoré les collaborateurs qui avaient été entendus dans le cadre de cette enquête. S’agissant de la décision de licenciement, le témoin M______ a relevé que A______ lui avait indiqué, lors d’un séminaire à I______ [France] en mai 2019, qu’on lui avait demandé de quitter l’entreprise sans lui en donner les raisons. Sur le même sujet, le témoin K______ a indiqué avoir été informé en mai 2019, lors d’une séance à I______ à laquelle participait son supérieur hiérarchique direct, A______, et le supérieur de ce dernier, C______, du départ A______ à qui la Direction générale avait demandé de quitter l’entreprise. Les collaboratrices directes de A______, L______ et M______ ont indiqué avoir été formellement informées du départ de A______ par la direction de l’entreprise qui avait invoqué la violation du Code de Conduite, sans préciser les reproches qui étaient formulés à l’endroit de leur supérieur.

Les témoins N______ et O______ ont rappelé l’incident lors de la visio-conférence en septembre 2017. Confronté à un problème informatique ou technique que ces deux personnes n’arrivaient pas à résoudre, A______ s’était emporté et avait tenu des propos dégradants à l’endroit de ces deux personnes les traitant d’incapables avec une virulence inappropriée, situation qui les avait amenées à dénoncer ce comportement à leur supérieur hiérarchique direct qui avait dû faire remonter l’information au service des ressources humaines. Les témoins ont déclaré ignorer la suite qui fut donnée à cette remontée.

D______, employée au département des ressources humaines, a rappelé l’épisode du stagiaire de 2017, relevant que A______ s’était acharné à l’encontre de ce stagiaire et l’épisode de l’incident de la visio-conférence, en rappelant le comportement agressif et désagréable que A______ avait eu à l’endroit de N______ et O______ qui lui avaient dénoncé cette attitude. Le témoin a précisé que cinq personnes s’étaient plaintes de l’atmosphère au sein du département de trésorerie, en raison du comportement de A______ et d’un autre dirigeant, invoquant un comportement autoritaire de A______ qui créait un malaise au sein des équipes, situation qui a amené le département des ressources humaines à proposer un coaching à A______. Le témoin a précisé que, en janvier 2019, l’entreprise avait édité une nouvelle version du Code de Conduite qui sensibilisait les employés de l’entreprise sur le respect qui leur était dû et qui avait contribué, si ce n’est à libérer la parole, du moins à conduire les employés à dénoncer tout comportement qu’ils jugeraient inadéquat. Enfin, le témoin a indiqué avoir été entendu dans le cadre de la procédure d’enquête, mais ne pas savoir pourquoi les collaborateurs directs de A______ n’avaient pas été auditionnés.

E______, supérieure de D______, a indiqué n’avoir jamais reçu directement de plaintes concernant A______, alléguant que son style de management était « directif et pas participatif ». Le témoin ne se souvenait pas que sa subordonnée, D______, lui ait adressé d’autres mails constatant des dysfonctionnements ou plaintes que celui du 7 février 2018, intitulé « Souffrances au bureau ». Elle savait qu’une procédure d’enquête avait été diligentée à la suite de plaintes déposées à l’encontre de A______ et d’un autre dirigeant de l’entreprise, dont elle ignorait le contenu, subodorant qu’il s’agissait d’un harcèlement. Elle n’avait pas été associée au processus d’enquête, mais avait été informée des conclusions de cet audit. En tant que responsable des ressources humaines, E______ avait participé à l’entretien du 17 mai 2019, au cours duquel l’entreprise avait informé son collaborateur qu’une enquête disciplinaire était ouverte à son endroit. Après que A______ se soit exprimé dans un courrier adressé à son attention, quelques jours après l’entretien, la décision avait été prise par H______, directeur des ressources humaines du groupe B______ et C______, supérieur de A______, de licencier le dirigeant, décision qu’elle avait trouvée « abrupte », dès lors que le style de management de A______ était connu de l’entreprise « depuis longtemps » et qu’elle n’avait dès lors pas « compris pourquoi la décision avait été prise à ce moment-là », précisant toutefois qu’elle pouvait en comprendre la motivation au regard du style de management. S’agissant de l’enquête interne, elle a notamment indiqué ne pas avoir été associée à cette enquête et avoir ignoré les noms de plaignants, dont l’identité ne lui a pas été dévoilée, situation qu’elle avait trouvé assez étrange.

Le témoin G______ a confirmé avoir établi le rapport d’audit d’avril 2019, après avoir été saisi par le comité d’alerte du groupe en sa qualité d’auditrice interne sur des questions d’ambiance au travail et d’éventuel harcèlement. Cette enquête concernait deux collaborateurs de l’entreprise dont A______. Au sujet de ce dernier, elle avait recueilli le témoignage par téléphone d’une personne qui n'avait pas dévoilé son identité, malgré le fait qu’elle ne travaillait plus pour la société. Elle a déclaré avoir entendu, au travers de D______, mais non personnellement, d’autres collaborateurs du département trésorerie, auquel était également rattaché l’autre dirigeant visé par l’enquête. Le témoin a indiqué que l’investigation portait essentiellement sur cet autre dirigeant, raison pour laquelle l’enquêteuse n’a pas interrogé les collaborateurs directs de A______, ni ce dernier, contrairement à la procédure habituelle et ceci à la demande de sa hiérarchie.

Le témoin H______, directeur des ressources humaines du groupe B______, a indiqué avoir été informé du rapport d’enquête rédigé par G______, qui lui avait rapporté des agissements de harcèlement moral, alors que les conclusions du rapport se réfèrent à « une mauvaise conduite », les collaborateurs se plaignant d’être dégradés et peu supportés. Ces comportements, contraires au Code de Conduite, méritaient une investigation et le témoin a indiqué avoir parlé du contenu de cet audit à A______, dont le but était à la fois de recueillir sa détermination sur cet audit et d’envisager des mesures de « mitigation », soit des mesures de coaching, des réunions de formation avec ses collaborateurs ou des tierces personnes. Au cours de ces entretiens que le témoin a situé en mai ou juin 2019, le directeur du département des ressources humaines a rapporté à A______ des éléments de souffrance consignés dans le rapport, en évoquant l’éventuel licenciement de l’intéressé qui a nié les accusations portées à son endroit. Le témoin a précisé qu’à ce stade un licenciement n’avait pas été décidé et que l’entreprise s’orientait vers une simple sanction disciplinaire. Toutefois, ayant appris qu’un coaching avait déjà été mis en place en faveur de A______ et que ce dernier s’était montré très réticent pour un nouveau coaching qui lui était proposé après la procédure d’enquête, il avait été décidé de mettre fin à la relation de travail de A______ à la fin juillet 2019. Il a précisé qu’il s’agissait d’une décision collective à laquelle avait été associée C______, supérieur hiérarchique de A______.

C______, supérieur hiérarchique de A______, a rappelé avoir été informé des conclusions de l’audit diligenté par le service compétent et avoir contacté son subordonné, qui niait les faits, sur l’attitude adoptée à l’occasion d’un entretien qu’il allait avoir avec les responsables des ressources humaines. Le témoin a indiqué n’avoir pas participé à la décision de licencier A______, qui a été décidée par le directeur général hors sa présence. Le témoin a relaté des comportements agressifs de son subordonné qui avait conduit l’entreprise, courant 2016, à recourir à une procédure de coaching pour l’aider à avoir un comportement plus bienveillant et coopératif à l’égard des collaborateurs et collègues.

H. Par jugement JTPH/28/2022 du 31 janvier 2022, le Tribunal des prud'hommes a débouté A______ de l’ensemble de ses conclusions. Le Tribunal a arrêté les frais de la procédure à Fr. 2'770.- et les a mis à la charge de A______. Les premiers juges ont confirmé l’ordonnance de preuve du 29 juin 2021 par laquelle le Tribunal renonçait à exiger de B______ (CH) SA la production de documents liés aux rémunérations variables perçues par A______ pour les années antérieures à 2019, au motif que ces documents ne permettaient de déterminer les objectifs assignés à l’employé pour l’exercice 2019, condition nécessaire pour l’éligibilité au bonus. La production des documents relatifs à l’enquête interne était devenue, selon les premiers juges, sans objet, dès lors que l’employeuse avait fourni le rapport d’enquête du 18 avril 2019. La requête de production de documents concernant le poste de directeur de la trésorerie après le licenciement de A______ a été rejetée au motif que ces documents n’étaient pas utiles à la solution du litige.

Les premiers juges ont débouté A______ de sa conclusion tendant au paiement d’une indemnité pour licenciement abusif en niant tout caractère abusif du licenciement qui était fondé sur des problèmes de management qui avaient suffisamment été identifiés dans le cadre de la procédure d’enquête, qui apparaissaient récurrents au fil des années et qui avaient conduit l’entreprise à mettre en place une procédure de coaching qui avait été suivie à l’époque. Le style de management de l’intéressé était ainsi la cause de la fin des rapports de service et, ayant proposé un nouveau coaching qui avait été refusé par A______, la société avait donc la liberté de résilier le contrat de travail. Cette résiliation n’avait pas porté atteinte à la personnalité de la personne licenciée qui avait été informée, en mai 2019, du souhait de l’entreprise de mettre fin à sa collaboration. Le Tribunal a également rejeté les conclusions tendant à une indemnité pour tort moral, considérant que A______ n’avait pas subi d’atteinte à sa personnalité concernant l’enquête menée à son encontre et que, s’il n'avait pas eu accès au rapport d’enquête, son contenu lui avait été révélé puisqu’il avait pu se prononcer dans sa détermination écrite sur les griefs énoncés dans le rapport. La conclusion tendant au paiement d’un salaire variable a été rejetée, le Tribunal ayant retenu que l’intéressé n’avait pas rapporté la preuve de la déterminabilité du bonus, notamment en ce qui concerne les objectifs assignés à l’employé pour l’exercice 2019. La conclusion relative au paiement des honoraires d’avocat avant procès au titre de réparation de préjudice a été rejetée au motif de l’absence de responsabilité contractuelle de l’employeur. Enfin, la conclusion tendant à la modification du certificat de travail n’a pas été acceptée, l’employé n’ayant pas rapporté la preuve des modifications qu’il voulait y intégrer ou les qualificatifs qu’il souhaitait substituer à ceux utilisés par son employeur n’étant pas relevant.

I. A l’encontre de ce jugement notifié le 31 janvier 2022, A______ interjette appel par acte du 3 mars 2022. L’appelant conclut à l’annulation du jugement et à ce qu’il soit préalablement ordonné à B______ (CH) SA de produire tout document en relation avec les rémunérations variables versées pour les années 2013 à 2018 et tout document utile au sujet du poste de directeur de la trésorerie après son licenciement. Sur le fond, l’appelant reprend les conclusions formulées en première instance, soit la condamnation de B______ (CH) SA de lui verser la somme nette de la somme nette de 155'654.25 fr. avec suite d’intérêts, à titre d’indemnité pour licenciement abusif, la somme nette de 51'885.- fr. avec suite d’intérêts, à titre d’indemnité pour tort moral, la somme brute de 62'066.10 fr. avec suite d’intérêts, au titre de rémunération variable pour l’année 2019, la somme de 7'033.- fr. avec suite d’intérêts, à titre d’honoraires d’avocat avant procès, ainsi que la rectification du certificat de travail, subsidiairement au renvoi de la cause devant la Juridiction des prud’hommes pour qu’elle rende une décision conforme aux considérants.

Dans son acte d’appel, l’appelant invoque un fait nouveau, à savoir la cessation des activités suisses de B______ (CH) SA à compter du 30 juin 2022. Il voit dans cette situation la preuve que, au moment de son licenciement, son employeur voulait délocaliser son poste. Sur le fond, l’appelant invoque une violation de la maxime des débats, au motif que les premiers juges ont retenu qu’un coaching avait été proposé à l’employé, alors même que ce fait n'avait pas été allégué en procédure par les parties, mais ressortait de témoignages. L’appelant fait grief au Tribunal d’avoir nié un licenciement abusif et allègue que le congé était exclusivement fondé sur le rapport d’audit du 18 avril 2019 qui avait été rendu en violation des garanties dévolues à l’employé en cas d’enquête ouverte à son encontre. Le licenciement était également abusif au motif que l’employeur avait porté atteinte à la personnalité de son employé, invoquant essentiellement l’absence de grief pendant la collaboration de l’intéressé et la connaissance de son style de management par la direction. Retenant un licenciement abusif, l’appelant conclut à une indemnité équivalant à six mois de salaire, au regard de la gravité de l’atteinte subie. Une indemnité pour tort moral équivalant à deux mois de salaire est également réclamée par l’appelant. S’agissant du bonus 2019, il est fait grief aux premiers juges d’avoir retenu que sa déterminabilité n’avait pas été établie par l’employé qui avait sollicité l’apport de diverses pièces à la procédure, dont la production avait été rejetée. Enfin, l’appelant reprend l’argumentaire développé devant les premiers juges concernant le paiement des frais d’avocat avant procès, ainsi que la modification du certificat de travail.

J. Par mémoire du 2 mai 2022, B______ (CH) SA, a conclu au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement entrepris. En substance, l’intimée a nié toute violation de la maxime des débats relative à l’allégation des mesures de coaching prises à l’endroit de l’employé. L’intimée a sollicité la confirmation du jugement concernant la problématique du licenciement abusif, alléguant que seules les pratiques managériales non-conformes au Code de Conduite avaient conduit au licenciement de A______. Elle a nié la violation de garanties de l’employé liées à la procédure d’enquête. L’intimée a en outre conclu au rejet des conclusions de l’appelant concernant une indemnité pour tort moral, ainsi que le salaire variable 2019 en l’absence de toute créance exigible à cet égard. L’intimée a conclu également au rejet des autres conclusions de l’appel.

K. Les parties ont répliqué et dupliqué respectivement par acte du 24 mai 2022 et 27 juin 2022, en produisant chacune des pièces nouvelles à la procédure. Les parties se sont ensuite exprimées spontanément par acte des 14 et 21 juillet 2022.

Les argumentaires développés par les parties dans leurs écritures devant la Chambre des prud’hommes seront repris dans la mesure utile.

EN DROIT

1.1 L’appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l’autorité compétente (art. 124 lit. a LOJ), dans les délai et forme utiles (art. 130, 131, 142 al. 1 et 311 CPC) par une partie qui y a intérêt (art. 59 al. 2 lit. a CPC) à l’encontre d’une décision finale (art. 308 al. 1 lit. a CPC) rendue par le Tribunal des prud’hommes dans une affaire patrimoniale, dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions de première instance était supérieure à 10'000.- fr. (art. 91 ss et 308 al. 2 CPC).

1.2 Le juge d’appel dispose d’un pouvoir d’examen complet et revoit librement les questions de fait, comme les questions de droit (art. 310 CPC). En particulier, il contrôle librement l’appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits tels qu’il les a retenus (art. 157 CPC ; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_55/2017 du 6 juin 2017 consid. 5.2.3.2). Conformément à l’art. 311 al. 1 CPC, il le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l’appelant estime entachés d’erreurs et qui ont fait l’objet d’une motivation suffisante pour violation du droit (art. 310 lit. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 lit. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 132 III 413 consid. 2.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

2. Les parties ont introduit en appel un fait nouveau (appelant) et produit des pièces nouvelles (appelant et intimée) dont la recevabilité est contestée.

2.1. Selon l’art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte qu’aux conditions suivantes : ils sont invoqués ou produits sans retard (let a) ; ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let b). Il faut distinguer les « vrais nova » des « pseudo nova ». Les « vrais nova » sont des faits et moyens de preuve qui ne sont survenus qu’après la fin des débats principaux, soit après la clôture des plaidoiries finales (ATF 138 III 788 consid. 4.2 ; TAPPY, CR CPC 2019, n°11 ad art. 229 CPC). En appel, ils sont en principe toujours admissibles pourvu qu’ils soient invoqués sans retard dès leur découverte. Les « pseudo nova » sont des faits et moyens de preuve qui étaient déjà survenus lorsque les débats principaux de première instance ont été clôturés. Leur admissibilité est largement limitée en appel dès lors qu’ils sont irrecevables lorsqu’en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient pu déjà être invoqués dans la procédure de première instance. Il appartient au plaideur d’exposer en détail les motifs pour lesquels il n’a pu présenter les « pseudo nova » déjà en première instance (ATF 143 III 42 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1006/2007 du 5 février 2018 consid. 3.3).

2.2 Au titre de fait nouveau, l’appelant invoque la cessation des activités du groupe B______ en Suisse au 30 juin 2022. L’intimée confirme cette situation en produisant diverses pièces relatives à la procédure de licenciement collectif initiée du chef de cette restructuration. Ce fait nouveau (et les pièces y afférentes) sera admis par la Chambre des prud’hommes au titre de « vrai nova ».

Les parties ont également produit des pièces nouvelles relatives au bonus litigieux. L’appelant a ainsi produit, à l’appui de son mémoire de réplique du 24 mai 2022, les états financiers du groupe B______ pour les années 2018 à 2020, l’intimée ayant produit, à l’appui de son mémoire de duplique du 27 juin 2022, le calcul des objectifs du groupe pour les années 2018 et 2019. Ces deux pièces, qui constituent des « pseudo nova » dont l’admissibilité est largement limitée en appel, ne répondent pas aux exigences de l’art. 317 CPC, dès lors que les deux parties n’ont pas exposé en détail les motifs pour lesquels elles n’avaient pu présenter ces pièces en première instance.

3. Reprenant en partie ses conclusions de première instance, l’appelant sollicite de l’intimée la production de divers documents (i) en lien avec les bonus passés qui lui ont été versés, (ii) en relation avec le poste de directeur de la trésorerie du groupe B______ pour la période postérieure à son licenciement.

Ces conclusions préalables seront rejetées et l’appréciation des premiers juges sera confirmée sur ce point. La documentation relative à la détermination du bonus pour les années 2013 à 2018 ne permet pas d’identifier les objectifs convenus pour l’exercice 2019 qui sont pertinents pour la résolution du présent litige. Seuls sont déterminants les éléments liés à l’exigibilité d’une rémunération variable en application de l’art. 2.3 du contrat de travail et les éléments qui ont présidé à l’allocation de bonus antérieurs, qui ne sont au demeurant pas contestés, ne sont pas pertinents à cet égard.

La requête en production de la documentation relative au poste de directeur de la trésorerie du groupe tend à démontrer, selon l’argumentaire développé par l’appelant, que son licenciement s’inscrivait dans une délocalisation des activités du groupe impliquant une restructuration. S’il est vrai qu’une cessation des activités de la filiale est intervenue en juin 2022, soit trois années après la dénonciation du contrat de travail de l’appelant, la juridiction d’appel ne peut considérer, au regard de cette longue durée, que la dénonciation des rapports de service en mai 2019 était motivée par une délocalisation des activités qui n’est intervenue que trois ans plus tard. Ainsi, au moment de la dénonciation des rapports de travail, une délocalisation n’avait pas été décidée par le groupe, le témoin K______ ayant à cet égard indiqué que le poste occupé par l’appelant devait dans un premier temps être repourvu en Suisse.

4. L’appelant invoque une violation de la maxime des débats et du droit d’être entendu au motif que les premiers juges ont retenu, à l’appui de leur motivation niant le licenciement abusif, un fait (mesure de coaching) qui n’a pas été allégué en procédure par l’intimée. Cette dernière conteste toute violation à cet égard en retenant notamment que le Tribunal était habilité de prendre en considération des faits découlant de l’administration des preuves, dès lors que ces faits concrétisaient des faits déjà allégués.

Point n’est besoin de trancher cette controverse vu la solution retenue par la Chambre des prud’hommes qui relève néanmoins que les mesures de coaching relevées par plusieurs témoins s’inscrivaient dans le cadre du comportement managérial rapporté à la procédure.

5. L’appelant fait valoir une indemnité en paiement de 155'654.25 fr. avec suite d’intérêts pour licenciement abusif.

5.1 a) Le contrat de travail de durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties (art. 335 al. 1 CO). En droit suisse du travail, la liberté de résiliation prévaut de sorte que, pour être valable, un congé n’a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier. Le droit de chaque cocontractant de mettre fin au contrat unilatéralement est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO ; ATF 136 III 513 consid. 2.3,
132 III 115 consid. 2.1, 131 III 535 consid. 4.1). L’art. 336 al. 1 et 2 CO énumère des cas dans lesquels la résiliation est abusive. Cette liste n’est pas exhaustive ; elle concrétise avant tout l’interdiction générale de l’abus de droit. Un congé peut donc se révéler abusif dans d’autres situations que celles énoncées par la loi ; elles doivent toutefois apparaître comparables, par leur gravité, aux hypothèses expressément envisagées (ATF 136 III 513 consid. 2.3, 132 III 115 consid. 2.1, 131 III 535).

Ainsi, le caractère abusif du congé peut résider dans le motif répréhensible qui le sous-tend, dans la manière dont il est donné, dans la disproportion évidente des intérêts en présence ou encore dans l’utilisation d’une institution juridique de façon contraire à son but (ATF 136 III 513 consid. 2.3, 132 III 115 consid. 2.2 ; arrêt 4A_266/2020 du 23 septembre 2020 consid. 3.1).

Un licenciement pourra ainsi être abusif si l’employeur exploite de la sorte sa propre violation du devoir imposé par l’art. 328 CO de protéger la personnalité du travailleur (ATF 125 III 70 consid. 2a) ; par exemple, lorsqu’une situation conflictuelle sur le lieu de travail nuit notablement au travail en commun dans l’entreprise, le congé donné à l’un des employés en cause est abusif si l’employeur ne s’est pas conformé à l’art. 328 CO en prenant préalablement toutes les mesures que l’on pouvait attendre de lui pour désamorcer le conflit telles des modifications de son organisation ou des instructions adressées aux autres travailleurs (ATF 132 III 115 consid. 2.2, 125 III 70 consid. 2c, ATF 136 III 513 consid. 2.5 et 2.6). Un licenciement peut également être tenu pour abusif lorsqu’il répond à un motif de convenance personnelle de l’employeur (ATF 132 III 115 consid. 2, 131 III 535 consid. 4).

La jurisprudence du Tribunal fédéral a ainsi connu une évolution pour admettre de façon plus large de nouveaux cas de licenciements abusifs, tout en développant une motivation suffisamment restrictive pour ne pas rendre illusoire la liberté de résilier mais permettant de sanctionner des situations dans lesquelles la résiliation apparaît véritablement choquante (WYLER/HEINZER, Droit du travail, 4e éd., p. 808-809). Même si la jurisprudence en matière de cas innomés de licenciement abusif est abondante (DUNAND, Commentaire du contrat de travail, 2e éd., n°85 ad art. 336 CO), il est malaisé de la synthétiser, dès lors que l’existence d’un abus de droit nécessite par essence de prendre en considération les circonstances particulières du cas concret (WYLER/HEINZER, loc. cit., p. 809). L’appréciation du caractère abusif d’un licenciement suppose ainsi l’examen de toutes les circonstances du cas d’espèce et il convient de se garder de se focaliser sur un seul élément du dossier sorti de son contexte (arrêt 4A_485/2016 du 28 avril 2017 consid. 3.2.4).

b) Le licenciement d’un travailleur en raison d’un conflit interpersonnel peut constituer un licenciement abusif dans les situations où l’employeur n’a pas préalablement pris les mesures que l’on pouvait raisonnablement attendre de lui pour désamorcer le conflit (WYLER/HEINZER, loc. cit., p. 810 et les références jurisprudentielles citées ; DUNAND, loc. cit., n°91 ad art. 336 CO et les références jurisprudentielles citées). Ainsi, lorsque le caractère difficile d’un travailleur engendre une situation conflictuelle dans l’entreprise (conflit interpersonnel), l’employeur ne peut licencier ce travailleur qu’après avoir introduit sans succès les mesures que l’on pouvait attendre de lui en vue d’améliorer la situation. Si l’employeur omet ces mesures ou se contente de démarches insuffisantes, et qu’il procède au licenciement, il viole son obligation de protéger la personnalité du travailleur concerné et le licenciement est alors abusif (ATF 132 III 115 consid. 2.2 ; arrêt 4C.25/2006 du 21 mars 2006 consid. 2). Les mesures attendues de l’employeur dépendent du cas d’espèce et notamment de la taille de l’entreprise. Le Tribunal fédéral en a dressé une liste non exhaustive tels les entretiens individuels ou de groupe, les directives de comportement, le recours à une personne de confiance ou à une entreprise externe de coaching, l’audition des personnes, la formulation de propositions en vue de régler le conflit, la réorganisation des processus de travail, la fixation d’objectifs, le prononcé d’un avertissement ou le déplacement interne (arrêt 4A_384/2014 du 12 septembre 2014 consid. 4.2.2). Dans la casuistique, n’ont pas été jugés abusifs la résiliation du contrat par l’employeur dans l’hypothèse où, malgré plusieurs avertissements, un travailleur rencontre des difficultés relationnelles avec plusieurs autres employés (collègues, supérieurs ou subordonnées) (arrêt 4C.237/2006 du 24 novembre 2006), le licenciement d’un travailleur en raison du ton et des propos humiliants adressés par ce dernier de manière persistante envers ses collègues et son supérieur nonobstant une mise en garde (arrêt 4A_250/2007 du 8 novembre 2007 consid. 4.2), le licenciement d’un travailleur qui se montre irritable et tient des propos agressifs sur son lieu de travail créant ainsi un mauvais climat de travail, à tout le moins si l’employeur a fait preuve de ménagement dans l’exercice de son droit de résiliation, soit par exemple qu’il lui ait adressé préalablement un avertissement (ATF 136 III 513 consid. 2.6), le licenciement d’un collaborateur qui, durant plusieurs années, avait eu une attitude qui engendrait des tensions ou des conflits avec plusieurs collègues et qui ne l’avait modifiée en dépit de remarques ou d’avertissement de l’employeur (arrêt 4A_158/2010 du 22 juin 2010 consid. 3.a) ou le licenciement d’un collaborateur qui altère lui-même le climat de travail par une critique persistante des modalités de travail imposées et par la manifestation de son insatisfaction (arrêt 4A_381/2011 du 24 octobre 2011 consid. 6) ou encore le licenciement d’une cadre grossière et agressive avec les collaborateurs sous sa responsabilité et réagissant de manière inappropriée lorsque les choses n’allaient pas dans son sens après une enquête menée pour harcèlement formulé par la cadre concernée elle-même (arrêt 4A_130/2016 du 25 août 2016 consid. 2.2).

c) Compte tenu de ses obligations générales issues de l’art. 328 CO, ainsi que d’autres dispositions légales tendant à la protection de la santé de l’employé, l’employeur est tenu d’agir à la fois préventivement et en réaction à des faits ou soupçons liés au harcèlement ou mobbing. S’agissant de la réaction, l’employeur devra à la fois clarifier les faits soulevés par une instruction interne et, le cas échéant, prendre toutes les mesures imposées par les circonstances pour mettre fin aux actes problématiques (arrêt 8C.879/2018 du 6 mars 2020 consid. 3.2 ; DUNAND, loc. cit., n° 42 ad art. 328 CO). Un cas spécifique d’application des droits et obligations intégrant l’art. 328 CO se rapporte aux enquêtes internes se référant notamment à des conflits entre employés du fait de mobbing ou harcèlement (RAEDER, L’instruction de l’enquête interne et les données personnelles in RDS 138 (2015) p. 318 ; DUNAND, loc. cit., n°73 ad art. 328 CO). L’enquête interne relève d’une clarification de la situation (arrêt 4A_245/2019 du 9 janvier 2020) et lorsqu’elle est mise en œuvre, l’employé soupçonné des faits devra par principe être informé à la fois de la procédure et des éléments qui sont reprochés, exigence découlant tant de l’art. 328 CO que de la loi sur la protection des données, dès lors que l’enquête constitue un
traitement de données personnelles concernant le collaborateur soupçonné (DUNAND, loc. cit., n° 76 ad art. 328 CO). L’employeur pourra y renoncer temporairement pour les besoins de l’instruction.

L’enquête interne, dans le cadre d’un conflit interpersonnel, n’a pas le même fondement que l’enquête interne à laquelle doit se livrer l’employeur saisi d’un soupçon d’infraction pénale d’un de ses employés (cf. L’application des règles de procédure pénale à l’enquête de l’employeur, regards croisés en procédure pénale et en droit du travail in RSJ - Revue suisse de jurisprudence, n° 11 2021, p. 527 ss). Toutefois, les garanties procédurales du dénoncé doivent être identiques afin que ce dernier puisse bénéficier d’une enquête équitable. Il ne paraît ainsi pas opportun de distinguer les garanties offertes selon que l’on se trouve dans le cadre d’une dénonciation pouvant donner lieu à un licenciement ou dans le cadre de faits plus graves pouvant déboucher sur une dénonciation pénale (BETTEX, Le cadre légale des enquêtes internes dans les banques et autres entreprises en droit du travail in SJ 2013 II p. 157 ss, 171). Il y a lieu d’offrir, en toute circonstance, des garanties suffisantes à la personne dénoncée. En principe, au pénal, ce droit est reconnu par les art. 6 al. 3 CEDH et 42 Cst. Bien que ces droits fondamentaux visent à garantir les droits du prévenu face à l’Etat, le droit de se défendre doit également être garanti dans le cadre d’une enquête privée au sein d’une entreprise. Il y a lieu en effet de tenir compte d’un effet horizontal des droits fondamentaux, selon l’art. 35 al. 3 Cst qui précise que « les autorités veillent à ce que les droits fondamentaux dans la mesure où ils s’y prêtent soient aussi réalisés dans les relations qui lient les particuliers entre eux ». En principe, on doit reconnaître que l’art. 328 CO qui impose à l’employeur de devoir protéger la personnalité du travailleur devrait être interprété en ce sens que celui-ci devra être au bénéfice de garanties de procédure analogues à celles qui sont offertes dans les procédures pénales (BETTEX, loc. cit., p. 171 ; DUNAND, loc. cit., n° 76, 77 ad art. 328 CO).

5.2 Pour nier le licenciement abusif, l’employeuse invoque (i) que le motif de congé ne réside pas exclusivement dans le rapport d’enquête interne, mais dans des problèmes de management qui ont été également constatés dans le rapport d’audit, (ii) que ce problème de management, qui relevait d’un comportement autoritaire et agressif de A______, était récurrent au sein de l’entreprise et existait bien avant l’établissement des rapports d’audit, (iii) que ce comportement avait conduit l’entreprise à mettre en œuvre un coaching, mesure à nouveau réitérée en 2019, à laquelle A______ s’est montré très réticent, (iv) que A______ a pu se déterminer, lors de l’entretien du 17 mai 2019, sur les griefs rapportés dans le rapport d’enquête.

De son côté, l’appelant relève, à l’appui de son argumentaire (i) que le congé est exclusivement basé sur les rapports d’audit d’avril 2019, (ii) que l’entretien du 17 mai 2019 a porté exclusivement sur les deux objets identifiés dans le rapport d’audit, (iii) que l’employé n’a pu bénéficier d’aucune garantie dans le cadre de cet investigation dirigée à son encontre, (iv) que la décision de licenciement a été prise à l’issue de la séance du 17 mai 2019, avant qu’il ait pu se déterminer sur les griefs énoncés à son endroit .

5.3 La Chambre des prud’hommes relève que le style directif de management de A______ était connu de l’entreprise et n’avait pas donné lieu, au cours des quatorze années de collaboration au sein de groupe, à des avertissements ou autres mesures correctives. Certes, H______, directeur RH du groupe a indiqué qu’un coaching avait été mis en place en 2017 en faveur de A______, sans en indiquer toutefois la raison, mais cette mesure – au demeurant contestée par l’appelant - n’a pas été confirmée par la directrice locale du département des ressources humaines, E______, pourtant en fonction en 2017, qui a relevé que le style de management de l’appelant était connu. L’entreprise paraissait ainsi s’accommoder du style « directif » et non « participatif » de son dirigeant qui n’a pas, en tout cas, donné lieu à un ou plusieurs avertissements.

Les collaborateurs directs de A______, entendus à la procédure, ne se sont pas plaints de la mauvaise ambiance au sein de l’équipe et ont rappelé n’avoir jamais constaté de comportement inapproprié de la part de leur supérieur hiérarchique, ayant au contraire vanté la bonne harmonie dans le cadre de leur collaboration. Ils n’ont pas été informés de plaintes de collaborateurs de l’entreprise à l’endroit de leur supérieur, situation qui est corroborée par la directrice des ressources humaines au niveau local, E______, qui a confirmé ne pas avoir reçu directement de plaintes à l’encontre de A______.

L’épisode du stagiaire en juin 2017 n’est pas la démonstration d’un comportement inapproprié, même s’il tend à démontrer le peu d’empathie que A______ avait envers ce jeune stagiaire qui se plaignait de ses rapports difficiles avec son supérieur hiérarchique (qui n’était pas l’appelant). Ce dernier a demandé que le stagiaire termine son rapport de stage et, le jeune collaborateur s’étant mis en arrêt maladie, il a souhaité que cette situation soit vérifiée. L’épisode de l’incident technique de septembre 2017 démontre certes un comportement inapproprié du dirigeant qui s’est emporté à l’encontre de deux employés de l’entreprise qui n’arrivaient pas à résoudre un problème technique, alors qu’il était en train de faire une démonstration auprès de personnes externes à l’entreprise. Cette situation, assurément désagréable pour le dirigeant, ne méritait pas qu’il adoptât un comportement colérique à l’endroit de ces deux employés de l’entreprise. Ces propos « virulents » ont été rapportés à la direction des ressources humaines qui ne leur a toutefois pas donné suite, les deux employés concernés n’ayant pas eu de retour à cet égard. Il n’a non plus pas été indiqué à la procédure que cette situation avait donné lieu à une quelconque interpellation de A______ de la part du département des ressources humaines, situation qui a été confirmée par les deux employés de ce département (D______ et E______). La situation rapportée dans le courriel de D______ du 7 février 2018 à sa supérieure E______ ne vise pas expressément ou seulement A______ et, en tout cas, il n’apparaît pas que la direction des ressources humaines (E______) ait donné une quelconque suite à cette alerte, l’audit ayant été mise en œuvre plus d’une année après cette communication.

La situation de mal-être psychologique des collaborateurs a à nouveau été évoquée dans un courriel de D______ à sa hiérarchie du 21 février 2019 qui faisait état de « comportements jugés inacceptables de certains supérieurs hiérarchiques » et demandait que des solutions soient trouvées en procédant à un constat de la situation et la mise en place d’une personne de confiance. La direction des ressources humaines du groupe a donné suite à cette alerte en rappelant que, à teneur de Code de conduite, un système confidentiel avait été mis en place au moyen d’une plateforme Q______@B______.com et invitait les collaborateurs concernés à recourir à ce système d’alerte confidentielle. Il était indiqué que la personne de confiance serait identifiée pour effectuer ces constats et que, par la suite, un dispositif extérieur serait mis en place, afin de permettre à tous les collaborateurs de s’exprimer s’ils ne s’en sentaient pas capables de le faire en interne. En l’espèce, l’alerte a été effectuée le 1er mars 2019 par le département local des ressources humaines qui a rapporté que certains employés de B______ (CH) SA se plaignaient de harcèlement de la part de leur manager. L’enquête interne consécutive à cette alerte fut confiée au département DACI (Département d’Audit et de Contrôles Internes) et fut diligentée par G______. Le rapport d’enquête concernait deux dirigeants de l’entité locale, dont A______, et tendait à identifier des problèmes de harcèlement qui avaient été dénoncés par le département local des ressources humaines. A comprendre le rapport d’enquête produit à la procédure, la situation de management de A______ aurait été discutée au téléphone avec un ancien collaborateur de l’entreprise qui a souhaité garder l’anonymat auprès de l’enquêteuse et qui a décrit A______ comme un dirigeant ne faisant pas confiance à ses employés, amenant ses équipes à perdre l’estime de soi. La personne a rapporté que A______ était un expert dans son domaine, mais un manager très strict, directif et à l’ancienne (« old fashioned »). A comprendre le rapport d’enquête, les deux autres employés interrogés par l’enquêteuse paraissent avoir apporté leur témoignage sur l’autre dirigeant visé par l’enquête, situation qui ressort des éléments caviardés à la page 6 du rapport. Livrant ses conclusions, l’enquêteuse a exclu tout harcèlement de la part de A______. Elle a toutefois relevé que certains comportements de management à charge de A______ avaient été identifiés et devaient être traités, même s’ils n’étaient pas aussi graves que ceux constatés pour l’autre dirigeant visé par l’enquête. Dans le cadre de son investigation, l’enquêteuse, qui n’avait pas décidé de la méthodologie, n’a procédé ni à l’audition de A______, ni à celle de ses équipes. G______ a justifié cette situation au motif que l’investigation portait essentiellement sur l’autre dirigeant et que les « efforts » de l’enquêteuse s’étaient donc concentrés sur ce dernier, cette situation n’ayant pas conduit l’enquêteuse à scinder l’enquête en distinguant le cas de A______ de celui de l’autre dirigeant.

A l’issue de ce rapport d’enquête, A______ fut convoqué par la direction des ressources humaines pour un entretien justifié par des accusations mettant en cause ses pratiques managériales non conformes au Code de Conduite. Lors de cet entretien du 17 mai 2019 auquel participaient E______, directrice RH locale et H______, directeur RH groupe, bien que le rapport d’audit ne lui ait pas été soumis, les conclusions de ce rapport ont été discutées. A______ a nié les faits et les accusations portées à son endroit. Invité à se déterminer sur ces accusations, il a, à l’occasion d’un voyage au siège les 20 et 21 mai 2019, adressé à sa hiérarchie une communication élaborée reprenant les points évoqués lors de l’entretien du 17 mai 2019 et identifiés dans le rapport d’enquête du 18 avril 2019. Le lendemain de cette communication, A______ s’est trouvé en incapacité de travail et, à la reprise de son activité au début août 2019, il fut licencié par courrier du 5 août 2019.

5.4 Sur la base des considérations juridiques développées ci-dessus, la juridiction d’appel considère que l’enquête interne, dans son amalgame avec l’autre dirigeant et dans la méthodologie adoptée, n’était pas propre à établir les comportements de A______ contraires au Code de Conduite qui ont été à l’origine de la dénonciation des rapports de service. La personne dénoncée par ces agissements n’a pas été entendue dans la procédure d’enquête, pas plus que l’enquêteuse n’a entendu les équipes de ce dirigeant, notamment ses subordonnés directs sur ses méthodes de management. A comprendre le rapport d’enquête, seul un ancien collaborateur, anonyme, entendu lors d’un entretien téléphonique, a critiqué les méthodes de management « strictes, directives, old-fashioned » de A______. Lorsque les constatations et conclusions de ce rapport lui ont été communiquées, A______ en a immédiatement contesté le contenu et nié les accusations de management problématiques proférées à son endroit. Selon la Chambre des prud’hommes, il appartenait alors, compte tenu de la situation de fait qui n’avait pas été éclaircie, d’approfondir cette situation problématique au besoin en recourant à un audit externe tel que l’avait suggéré la direction du groupe dans son mail du 22 février 2019 répondant à la demande d’alerte lancée par les ressources humaines locales. La situation actuelle n’est pas comparable de celle de l’arrêt 4A_510/2010 du 1er décembre 2010 se référant à une enquête incomplète ou vicié, mais dans laquelle le collaborateur concerné avait reconnu les accusations portées à son encontre. En l’espèce, la résiliation du contrat devait être ultima ratio de la gestion de ce conflit interpersonnel et il appartenait à l’employeur de clarifier les faits soulevés par une instruction interne. Comme rappelé précédemment, la finalité d’une investigation interne diligentée dans le cadre de soupçons de mobbing ou harcèlement est de clarifier la situation, soit d’établir les faits (arrêt 4A_245/2019 du 9 janvier 2020 ; arrêt 4A_694/2015 du 4 mai 2016). C’est également pour contribuer à cette clarification de la situation que le dénoncé, outre les droits attachés à sa personnalité, doit en principe participer à cette investigation. Or, de l’aveu même de l’enquêteuse, l’investigation concernant A______ est assez sommaire, puisque son enquête a surtout porté sur l’autre dirigeant et que, s’agissant de l’appelant, elle n’a pas entendu les équipes de ce dernier, notamment ses subordonnés, alors que l’investigation devait précisément porter sur l’attitude des dénoncés envers les collaborateurs de l’entreprise.

Après avoir recueilli la détermination de l’appelant sur les accusations, il appartenait à l’entreprise, compte tenu des dénégations de l’intéressé et d’une investigation incomplète, de continuer ces investigations, au besoin en recourant à un externe, comme l’avait suggéré la direction des ressources humaines saisie de l’alerte. En procédant au licenciement sans avoir procédé à la clarification de la situation et sans avoir tenté de désamorcer un conflit – dont on ne connaît d’ailleurs pas l’identité des protagonistes -, l’employeur a violé l’obligation de protéger la personnalité de son employé et le licenciement est abusif.

5.5 En outre, les conditions dans lesquelles l’employeur a mis fin au contrat, soit les circonstances qui ont présidé à la décision de licenciement et sa communication à l’intéressé interpellent la Chambre de céans. Au vu du dossier, il est difficile d’identifier l’initiateur de cette décision. Le directeur RH du groupe, H______, a indiqué que le licenciement avait été décidé de façon collégiale, à la fois par le directeur général, P______, le supérieur hiérarchique de A______, C______, et lui-même en qualité de directeur RH du groupe. Interrogé sur ce point, C______ a indiqué ne pas avoir été associé à la décision de licenciement qui aurait été prise par P______ seul. En outre, le dossier relève des éléments et aspects contradictoires concernant la date à laquelle cette décision fut prise. Dans ses écritures, l’intimée relève que ladite décision de licenciement a été prise après le 21 mai 2019, soit après que l’intéressé se soit prononcé sur les griefs énoncés à son encontre. Or, les collaborateurs directs de A______ (témoins K______, L______ et M______) ont rappelé à la procédure que A______ les avait informés lors d’un séminaire à I______ [France] tenu les 20 et 21 mai 2019 qu’il allait devoir quitter la société. Cette situation est corroborée par les observations apportées par A______ dans sa communication du 21 mai 2019 adressée à sa hiérarchie et censée se déterminer sur les accusations portées à son endroit. En nota bene de cette communication, A______ indique avoir été officieusement informé de la décision prise quant à son licenciement, faisant suite à la convocation du 17 mai 2019 et s’étonne que cette décision ait été prise avant que l’employeur ait pu recueillir ses déterminations.

Toujours concernant la date de prise de cette décision, la responsable locale des ressources humaines, E______, a indiqué qu’à son souvenir cette décision a été prise entre mai et juin 2019. Le directeur groupe ressources humaines, H______ a, à ce sujet, indiqué que, à l’issue de l’entretien du 17 mai 2019, et des déterminations de l’intéressé, une décision de licenciement n’avait pas été prise et que, à ce stade, « une sanction disciplinaire simple était envisagée ». Il a indiqué que, durant le mois de juillet, la situation s’était dégradée notamment au motif que A______ n’entendait pas coopérer avec le coach mandaté pour remédier à ces difficultés. Aussi, à la fin juillet 2019, compte tenu « qu’un coaching en 2019 avait été retardé et que A______ ne reconnaissait pas les faits, il a été décidé de le licencier ». Ces déclarations du directeur groupe des ressources humaines ayant décidé du licenciement paraissent, si ce n’est en contradiction, du moins peu en adéquation avec l’argumentaire développé par l’intimée sur la prise de décision de licenciement, qui, il est vrai, ne se réfère pas à une date précise, mais insiste sur le fait que cette décision a été prise après la communication des déterminations de l’employé. Il sera simplement relevé que, à compter du 22 mai jusqu’au 31 juillet 2019, A______ s’est trouvé en situation d’incapacité de travail et qu’il ne pouvait dès lors répondre positivement à des réunions de coaching qui auraient été organisées. Invoquer ainsi que la décision de licenciement a été prise, essentiellement au motif que A______ n’a pas voulu répondre favorablement à la mesure de coaching mise en œuvre par l’entreprise, contrevient aux éléments recueillis à la procédure. La juridiction d’appel retiendra donc que la façon contestable dont l’employeur a exercé son droit de dénonciation du contrat contrevient au principe de la bonne foi et permet de retenir un licenciement abusif.

6. Au titre d’indemnité pour licenciement abusif, au sens de l’art. 336a al. 1 CO, l’appelant conclut au paiement d’une indemnité de 115'654.25 fr. correspondant à six mois de salaire, fixe et variable.

6.1 L’indemnité en raison du congé abusif a une double finalité, punitive et réparatrice (ATF 132 III 115 consid. 5.6 ; DUNAND, loc. cit., n°7 ad art. 336a CO et les références citées). Cette indemnité n’a pas un caractère salarial et est due même si le travailleur n’a subi et éprouvé aucun dommage ou préjudice. Elle revêt ainsi un caractère sui generis et s’apparente à une peine conventionnelle (ATF 135 III 405 consid. 3.1). L’indemnité est fixée par le juge compte tenu de toutes les circonstances (art. 335a al. 2 CO). Le juge jouit ainsi d’un large pouvoir d’appréciation (art. 4 CC) et n’est limité que dans la mesure où il ne peut allouer au maximum qu’un montant correspondant à six mois de salaire. Les critères devant être pris en considération pour fixer l’indemnité sont ainsi très divers et la jurisprudence a notamment retenu une dizaine de critères, tels la gravité de la faute de l’employeur, la manière dont s’est déroulée la résiliation, la gravité de l’atteinte à la personnalité du travailleur, l’intensité et la durée des rapports de travail, les effets économiques du licenciement, l’âge et la situation personnel du travailleur, les éventuelles difficultés de réinsertion dans la vie économique, l’éventuelle faute concomitante du travailleur licencié.

6.2 En l’espèce, les rapports de service ont duré quatorze années, soit une durée relativement longue. Les circonstances, contestables, dans lesquelles la décision de licenciement a été prise ont été rappelés par la Chambre des prud’hommes. Au titre de facteur de réduction, la Chambre prendra en considération le comportement de A______, qui a contribué au malaise ayant justifié la mise en œuvre d’une enquête interne. Une faute concomitante sera ainsi mise à la charge de l’appelant comme facteur de réduction de l’indemnité pour licenciement abusif qui sera fixée par la Chambre des prud’hommes à 80'000.- fr., soit correspondant à un peu plus de trois mois de salaire.

7.1 Invoquant la violation de l’art. 49 CO, l’appelant conclut au paiement d’une somme nette de 51'885.- fr. plus intérêts, à titre d’indemnité pour tort moral.

7.2 Vu sa fonction large punitive et réparatrice, l’indemnité prévue à l’art. 336a CO englobe en principe toutes les prétentions que pourraient formuler le travailleur en raison de son congé. Dès lors, cette indemnité embrasse toutes les atteintes du travailleur qui découlent de la résiliation abusive du contrat et ne laisse donc pas de place à l’application cumulative de l’art. 49 CO (WYLER/HEINZER, loc. cit., p. 382 ; DUNAND, loc. cit., n°35 ad art. 336a CO). Seule est réservée l’hypothèse selon laquelle l’atteinte aux droits de la personnalité du travailleur serait à ce point grave qu’une indemnité correspondant à six mois de salaire du travailleur ne suffirait pas à la réparer (ATF 135 III 405 consid. 3.1). Un cumul d’indemnités spécifiques de licenciement abusif avec une autre prétention pour tort moral fondée sur l’art. 49 CO ne peut ainsi entrer en considération que si le travailleur a subi une atteinte à sa personnalité qui se distingue nettement de celle qui résulte déjà d’un congé abusif (arrêt 4A_307/2012 du 1er novembre 2012 consid. 2.1) obligeant ainsi le travailleur à trouver une autre cause que le caractère abusif du congé.

7.3 En l’espèce, l’appelant n’indique pas en quoi l’indemnité pour tort moral au sens de l’art. 49 CO se distinguerait de l’indemnité pour licenciement abusif. Il invoque certes une atteinte à la personnalité, au motif que l’enquête interne aurait été « conduite en violation crasse de ses droits ». Or, ce n’est pas tant l’enquête interne, demeurée secrète, diligentée à son encontre qui est problématique, mais plutôt le traitement qui était réservé aux conclusions de cette enquête interne par l’employeur qui n’a pas investigué davantage au regard de la méthodologie retenue par l’enquête, le caractère ténu des recherches et les dénégations du mis en cause. De plus, même si l’appelant n’a pas eu accès au contenu du rapport avant son licenciement, les constatations de l’audit lui ont néanmoins été transmises et il a pu se déterminer sur les reproches formulées à son encontre. On voit donc difficilement dans cette situation une atteinte à sa personnalité au sens de l’art. 328 CO. Au demeurant, les conditions de l’art. 49 CO, atteinte d’une gravité objective de la victime, ne sont en l’espèce pas réalisées. C’est donc à bon droit que les juges ont rejeté ce chef de conclusion.

8.1 A______ réclame en outre une somme de 62'066.10 fr. plus intérêts, à titre de rémunération variable pour l’année 2019. Il invoque pouvoir être éligible au bonus 2019, comme il l’a été pour les bonus antérieurs.

8.2 Dans plusieurs décisions, le Tribunal fédéral a rappelé sa jurisprudence en matière de bonus en distinguant trois cas, à savoir (1) le salaire variable, (2) la gratification à laquelle l’employeur a droit, (3) la gratification à laquelle l’employé n’a pas droit, la question de l’éventuelle requalification du bonus en salaire, en vertu du principe de l’accessoriété, ne se posant que dans le cas (3). Le cas (1), salaire variable, se caractérise par le fait qu’un montant a été promis contractuellement et objectivement déterminable sur la base de critères objectifs, tels que le bénéfice, le chiffre d’affaires, une participation aux résultats de l’exploitation.

On est en revanche dans le cas (2) ou (3) lorsque le bonus est indéterminé ou objectivement indéterminable, en ce sens que son versement et sa quotité dépendent du bon vouloir de l’employeur. Tel est le cas lorsque le versement du bonus dépend également de l’appréciation subjective de la prestation du travailleur. Dans le cas (2) qui vise la gratification à laquelle le travailleur a droit, le principe du versement du bonus a été convenu contractuellement, alors que dans le cas (3) qui vise la gratification facultative, tant le principe que le montant du bonus dépendent du bon vouloir de l’employeur. Dans le cas (2), il est possible d’assortir la gratification de conditions. Ainsi, tant dans le cas (2) que dans le cas (3), l’employé n’a pas droit à une participation proportionnelle de la gratification (cf. art. 322d al. 2 CO), si les rapports de travail se terminent avant le moment auquel le bonus aurait été versé (arrêt 4A_78/2018 du 10 octobre 2018 ; arrêt 4A_327/2019 du 1er mai 2020). Dans ce dernier arrêt, le Tribunal fédéral relève que la volonté d’établir des critères « mesurables » pour déterminer le versement et le montant du bonus n’implique pas que ce dernier soit qualifié de salaire. Le Tribunal fédéral se réfère à la volonté du législateur en indiquant que la possibilité de verser un salaire variable, calculé en fonction des résultats de l’entreprise, était explicitement prévue par le législateur (art. 322a CO), mais celui-ci n’a pas exprimé sa volonté de considérer comme un salaire variable des revenus calculés en fonction de critères plus ouverts, faisant intervenir le comportement (au sens large) de l’employé durant l’exercice écoulé (arrêt 4A_327/2019 du 1er mai 2020 consid. 3.5.7).

8.3 A lire le jugement entrepris, il est difficile de déterminer si les premiers juges ont retenu que le bonus litigieux était une gratification à laquelle l’employé avait droit (cas n° (2)) ou une gratification purement facultative (cas n°(3)). Dès lors que les parties avaient contractuellement convenu du principe du versement du bonus, mais l’avaient soumis à des conditions, notamment subjectives liées à l’appréciation des prestations de l’employé, on se trouve dans un cas n°(2), à savoir une gratification à laquelle l’employé a droit pour autant que les conditions d’allocation soient réalisées. Sur ce point, le Tribunal a considéré que les parties n’avaient pas déterminé les objectifs assignés au demandeur pour l’année 2019 et que, faute de réalisation d’objectifs qui n’avaient pas été assignés, l’employé ne pouvait prétendre à sa rémunération variable, les conditions de l’art. 2.3 du contrat de travail n’étant pas réalisées.

L’appelant conteste cette argumentation du Tribunal, au motif que la non-fixation des objectifs constituerait une violation des art. 1.3 et 2.3 du contrat de travail, dont l’employé peut réclamer réparation en vertu de l’art. 97 al. 1 CO ; à titre subsidiaire, la non-fixation d’objectifs invoquée par l’employeur pour se soustraire au paiement du bonus serait constitutive d’un abus de droit et d’une violation de l’art. 156 CO.

Force est de constater qu’aucun élément n’a été apporté à la procédure permettant de constater si des objectifs individuels et collectifs avaient été identifiés par les parties et, le cas échéant, s’ils avaient été réalisés. L’employeuse a certes indiqué que les résultats du groupe, prenant en considération plusieurs paramètres, s’étaient élevés pour l’année 2019 à 27,63% des objectifs (compte tenu notamment du fait que l’EBITDA prévu n’avait pas été atteint contrairement à l’année 2018) ; toutefois, aucune indication n’a été fournie, ni par l’employeuse, ni par l’employé, sur les objectifs individuels assignés à A______ pour cet exercice particulier. L’appelant n’a pas été en mesure de rapporter à la procédure la preuve de ses objectifs individuels, pas plus qu’il n’a su identifier les objectifs qui lui avaient été assignés en application de l’art. 2.3 du contrat de travail. C’est à tort que l’appelant voit dans cette situation une violation des art. 1.3 et 2.3 du contrat de travail régissant la rémunération variable. Il appartenait à l’employé d’interpeller son employeur sur la fixation de ses objectifs individuels, voire en cas de silence de ce dernier, de le mettre en demeure, voire encore de critiquer les objectifs individuels qui lui auraient été assignés en cas de contestation quant à leur réalisation. Une telle critique tombe à faux et dans la mesure où les objectifs étaient assignés en début d’année, et ceci d’entente entre les parties, il appartenait à l’employé de concourir à la fixation de ces objectifs.

Précisant son argumentation relative à l’abus de droit, l’appelant invoque l’application de l’art. 156 CO considérant que l’employeur a fautivement empêché l’avènement de la condition quant à la fixation des objectifs le rendant éligible au bonus. Cet argumentaire ne peut prospérer et l’art. 156 CO, régissant l’empêchement frauduleux d’une condition, ne peut s’appliquer au cas d’espèce. Cette disposition implique la violation des règles de la bonne foi nécessitant qu’une partie ait l’obligation d’avoir ou de s’abstenir d’un comportement tel un comportement contraire au contenu du contrat conditionnel ou un comportement déloyal (arrêt 4A_203/2018 consid. 3.2.2 ; ATF 133 III 527 consid. 3.3.3), les limites du comportement autorisé ou interdit dépendant d’une analyse des circonstances concrètes, mais également de la nature de la condition envisagée, de l’objet et du but du contrat, ainsi que des motifs de l’auteur et de la finalité qu’il poursuit (ATF 135 III 295 consid. 5.1 et les références citées). La procédure et les débats n’ont pas montré que l’employeuse avait empêché la fixation des objectifs pour l’exercice 2019 ou qu’elle en ait différé la fixation de façon contraire aux règles de la bonne foi. L’appelant ne peut pas tirer argument la jurisprudence invoquée à l’appui de son moyen (arrêt 4A_378/2017 consid. 3.4.1) selon laquelle l’employeur s’était engagé à payer un bonus dans le cas de bonnes prestations, qu’il a refusé par la suite en arguant une performance déficiente, alors qu’auparavant il avait exprimé sa satisfaction au travailleur. Cette situation se saurait s’appliquer au cas d’espèce et l’employeur n’a pas adopté un comportement déloyal ou abusif dans la non fixation des objectifs de son employé.

Ce chef de demande sera ainsi rejeté et le jugement confirmé sur ce point.

9. L’appelant conclut également à la condamnation de l’intimée de lui verser la somme de 7'033.- fr., plus intérêts, à titre d’honoraires d’avocat avant procès.

La recevabilité de cette conclusion d’appel est douteuse tant l’appelant ne critique pas suffisamment le jugement sur ce point. La prétention de A______ doit trouver son fondement dans la mise en œuvre de l’art. 97 al. 1 CO qui implique une violation des obligations contractuelles de l’employeur ayant causé un dommage à l’employé. Or, le fait que la société employeuse ait refusé de lui donner accès au rapport d’audit, l’ayant conduit à solliciter la production de ce document par la voie de son conseil, ne constitue pas une violation des obligations contractuelles de l’intimée, dès lors que A______ avait la possibilité de se déterminer sur les reproches formulés par son employeur et constatés dans le rapport d’audit. Ce n’est pas la non-communication du rapport d’audit qui a été sanctionnée par la juridiction d’appel pour retenir un licenciement abusif, mais bien le caractère trop ténu des investigations entreprises pour établir les faits litigieux.

Ce point du jugement sera également confirmé.

10. L’appelant sollicite enfin une rectification de son certificat de travail, invoquant la violation de l’art. 330a CO, et reprend l’argumentaire développé en première instance visant à voir modifier son certificat de travail sur plusieurs points.

10.1 S’agissant d’un certificat de travail complet (art. 330a al. 1 CO), le travailleur a droit à un certificat comportant des informations complètes. Le certificat doit ainsi contenir la description précise et détaillée des activités exercées, des fonctions occupées dans l’entreprise, les dates du début et de fin de l’engagement. Le certificat peut et doit même contenir les faits et appréciations défavorables pour autant que ces éléments soient fondés et pertinents (WYLER/HEINZER, loc. cit., p. 525 et les références citées). S’agissant de l’appréciation subjective, le choix de la formulation appartient en principe à l’employeur qui bénéficie de la liberté de rédaction trouvant toutefois ses limites dans l’interdiction de recourir à des termes péjoratifs, peu clairs ou ambigus, le Tribunal fédéral ayant d’ailleurs indiqué à ce sujet qu’il n’existait pas de différence de signification notable entre l’appréciation « à notre satisfaction » et celle « à notre entière satisfaction » (arrêt 4A_137/2014 consid. 4).

Si le travailleur n’est pas satisfait du certificat de travail reçu, parce que celui-ci est lacunaire, inexact ou contient des indications trompeuses ou ambiguës, il doit en demander la modification par le biais d’une action en rectification. Il appartient au travailleur de prouver les faits justifiant l’établissement du certificat de travail différent de celui qui lui a été remis.

10.2 En l’espèce, l’employeuse a déjà tenu compte, dans une certaine mesure, des modifications souhaitées par l’employé et a accepté de modifier le certificat intérimaire du 16 novembre 2019, tenant ainsi compte des remarques et commentaires formulés par A______, notamment dans son mail du 4 décembre 2019. L’employeuse a ainsi délivré un nouveau certificat de travail définitif le 18 février 2020.

Les modifications que souhaite apporter l’appelant à ce nouveau certificat ont été rejetées par les premiers juges et leur appréciation doit être approuvée. Le fait que A______ ait été inscrit au registre du commerce en qualité de directeur de B______ (CH) SA n’impliquait pas qu’il fut nanti de tâches de pilotage de la structure suisse, le certificat de travail du 10 février 2020 mentionnant au demeurant expressément que A______ avait été membre du Comex avec signature individuelle, rôle qui lui a permis de mener avec succès le pilotage et la gestion de la structure suisse du groupe B______. Les autres modifications se référent essentiellement aux appréciations des prestations de l’employé, ce dernier souhaitant un vocable autre que celui utilisé par l’employeur. C’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté cet argumentaire, considérant d’une part que le certificat de travail était positif, et avait été amélioré par rapport à sa première version, et n’ont pas que l’employé n’avait pas rapporté la preuve des qualificatifs qu’il souhaitait voir figurer dans son certificat. L’appréciation concernant son activité professionnelle est au demeurant largement positive ; l’appréciation concernant sa relation avec ses subordonnés n’est nullement négative.

Le jugement sera donc sur ce point confirmé.

10.3 S’agissant des frais, l’appelant obtient partiellement gain de cause. Il convient dès lors de répartir les frais par moitié pour les deux parties. A______ devra supporter la moitié de l’avance de frais effectuée auprès de la juridiction (1/2 de 2'700.- fr.), l’autre moitié étant à la charge de B______ (CH) SA.


* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe


A la forme
:

Déclare recevable l’appel formé le 3 mars 2022 par A______ contre le jugement JTPH/28/2022 rendu par le Tribunal des prud'hommes le 31 janvier 2022 dans la cause C/9618/2020-3.

Au fond :

Annule le chiffre 6 dudit jugement.

Et statuant à nouveau :

Condamne B______ (CH) SA à verser à A______ la somme nette de 80'000.- fr. avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2019, à titre d’indemnité pour licenciement abusif.

Confirme le jugement pour le surplus.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d’appel à fr. 2’700.- et les compense avec l’avance fournie par A______, qui reste acquise à l’Etat de Genève.

Les met à la charge pour moitié de A______ et de B______ (CH) SA.

Condamne en conséquence B______ (CH) SA à verser à A______ la somme de
1'350.- fr.

Siégeant :

Monsieur Guy Stanislas, président; Monsieur Claudio PANNO, juge employeur; Madame Agnès MINDER-JAEGER, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier

 

Le président :

Guy STANISLAS

 

Le greffier :

Javier BARBEITO

 


Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.