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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/27150/2020

CAPH/194/2022 du 07.12.2022 sur JTPH/143/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27150/2020-3 CAPH/194/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MERCREDI 7 DECEMBRE 2022

Entre

A______, sise ______ [BS], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 12 mai 2022 (JTPH/143/2022) et intimée sur appel joint, comparant par Me Dalmat PIRA, avocat, PBM Avocats SA, avenue de Champel 29, case postale, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé et appelant sur appel joint, comparant par Me Mario BRANDULAS, avocat, BLAGOJEVIC BRANDULAS PEREZ, rue Marignac 14, case postale 504, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel il fait élection de domicile, et

La [caisse de chômage] C______, ______, ______ (VD), intimée, comparant en personne.


EN FAIT

A. Par jugement JTPH/143/2022 du 12 mai 2022, reçu par les parties le 13 mai 2022, le Tribunal des prud'hommes a condamné A______ à verser à B______ la somme brute de 7'420 fr. 85, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er octobre 2019, sous déduction de la somme nette de 16'091 fr. 25 due à la C______ (ch. 3 du dispositif), la somme brute de 7'420 fr. 85 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er novembre 2019 sous déduction de la somme nette de 16'091 fr. 25 versée à la C______ (ch. 4), la somme brute de 7'420 fr. 85 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er décembre 2019 sous déduction de la somme nette de 16'091 fr. 25 versée à C______ (ch. 5), invité la partie en ayant la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 6), condamné A______ à verser à B______ 150 fr. nets avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er décembre 2019 (ch. 7) et à lui remettre un certificat de travail correspondant au contenu de la pièce 16 dem., avec mention de la fin des rapports de travail au 30 novembre 2019 (ch. 8), condamné A______ à verser à la C______ la somme nette de 16'091 fr. 25 (ch. 9), dit qu'il n'était pas perçu de frais ni alloué de dépens (ch. 10) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 11).

B. a. Le 9 juin 2022, A______ a formé appel de ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule, constate que les rapports de travail ont pris fin le 31 août 2019 et déboute B______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

b. La C______ a conclu à la confirmation du jugement querellé avec suite de frais et dépens.

c. Le 15 juillet 2022, B______ a conclu au rejet de l'appel principal et a formé un appel joint, concluant à ce que la Cour annule le ch. 11 du dispositif du jugement querellé, condamne A______ à lui verser 22'262 fr. 55 avec intérêts à 5% l'an dès le 6 septembre 2019 à titre d'indemnité pour tort moral, confirme le jugement querellé pour le surplus, avec suite de frais et dépens.

d. Le 2 septembre 2022, A______ a conclu au rejet de l'appel joint avec suite de frais et dépens. Elle a répliqué sur appel principal, persistant dans ses conclusions.

e. La C______ a répliqué le 6 octobre 2022, persistant dans ses conclusions.

f. Par écriture du 6 octobre 2022, B______ a fait de même.

g. Les parties ont été informées le 8 novembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. B______ a été engagé par la société D______ SA – devenue après fusion A______ – en qualité d’employé de commerce, à partir du 1er août 1991, par contrat de travail à durée indéterminée signé le 22 juillet 1991. Dès le 1er janvier 1996, B______ a été nommé en qualité de mandataire commercial pour la succursale de Genève, avec signature collective à deux.

b. En juillet 2016, A______ et B______ ont signé un nouveau contrat prévoyant dès le 1er septembre 2016 un salaire mensuel de 6'850 fr. brut, versé treize fois l’an. En sus de son salaire, B______ a perçu la somme mensuelle de 50 fr. à titre de participation au paiement de sa prime d’assurance maladie. Il avait été en outre convenu une durée hebdomadaire de travail de quarante heures et d'un droit aux vacances selon la Convention collective de travail des transitaires de Genève.

c. En date des 2 août 2011 et 1er août 2016, B______ a reçu respectivement deux courriers de la part de A______ le félicitant et le remerciant vivement pour son engagement et sa fidélité durant ses vingt puis vingt-cinq années de service tout en lui octroyant deux primes de fidélité.

d. Le 6 septembre 2017, une réunion visant à fixer des objectifs à B______ s'est tenue dans les locaux de A______ en présence de celui-ci, de deux directeurs opérationnels et de la directrice des ressources humaines. Selon le procès-verbal de cette réunion, signé par toutes les parties présentes, cette séance se tenait dans le contexte des "performances insatisfaisantes" et du "comportement inacceptable" de B______. Les exemples discutés avaient été les suivants : faible productivité, incapacité apparente d'exécuter des tâches de base comme ouvrir des dossiers, faible esprit d'équipe. Par exemple, B______ allait chercher le courrier seulement pour lui et non pour les autres car il ne voulait pas marcher avec le chariot. Les objectifs suivants, à revoir d'ici le 31 octobre 2017 étaient fixés : augmentation de la productivité, pas d'heures supplémentaires, collaboration au sein de l'équipe, réponse immédiate aux clients, assurer une passation à 100% des connaissances et de la gestion physique pour le processus de légalisation avec son manager, envoi en copie à ce dernier de tous les e-mails professionnels de B______. En cas de non-respect de ce qui précédait, d'autres mesures seraient prises et, éventuellement, le contrat de travail serait résilié.

e. Le 26 novembre 2018, A______ a résilié le contrat de B______ oralement et par écrit avec effet au 31 mai 2019, soit dans le respect du délai de congé de 6 mois prévu par la convention collective de travail. B______ a en outre été libéré de son obligation de travailler dès le même jour, tous droits aux vacances et aux éventuelles heures supplémentaires étant ainsi considérés comme acquittés.

f. Le 19 décembre 2018, A______ a remis à B______ un certificat de travail intermédiaire. Ce document décrivait le précité notamment comme un collaborateur performant, très engagé, faisant preuve de grandes capacités organisationnelles et d’analyse et doté d’un engagement personnel important. Le certificat de travail mentionnait par ailleurs que ses performances dépassaient souvent la hauteur des espérances de son employeur.

g. Dès le 19 mars 2019, B______ s’est retrouvé en incapacité totale de travail pour cause de maladie et ce jusqu’au 31 août 2019.

Les certificats médicaux produits par ce dernier attestant de cette incapacité de travail ont tous été établis par le Dr E______, spécialiste FMH de médecine interne.

h. Par courrier du 12 juillet 2019, l’assurance perte de gain de A______, faisant suite à un entretien téléphonique avec cette dernière, l'a informée de ce qu'elle était au courant de l'état de santé de B______ depuis le 19 mars 2019 et qu'elle avait "apporté des précisions". Les informations médicales attestaient de ce que l'intéressé n'était plus en mesure de continuer à travailler en qualité de commis au fret maritime au sein de la société, mais qu’il était capable de reprendre un emploi dans une activité adaptée. Compte tenu du fait qu'un changement de profession représentait un grand changement, un délai de transition approprié devait être accordé à l'employé. L'assurance continuerait dès lors à verser l'intégralité des indemnités journalières jusqu'au 31 août 2019.

i. Le 18 juillet 2019, A______ a fait savoir à B______ que, conformément au "rapport" de l'assurance du 12 juillet 2019, la raison de sa maladie était liée au travail. De ce fait, l'effet suspensif du délai de congé en raison de maladie prenait fin immédiatement en application de l'art. 336c al. 2 CO. Les rapports de travail expiraient le 30 juin 2019, conformément au rapport de l'assurance perte de gain. Compte tenu du "préavis restant" à compter du 30 juin 2019, le contrat prenait fin le 31 août 2019. B______ était libéré de son obligation de travailler jusqu'à cette date.

j. Le 31 août 2019, A______ a délivré à B______ un certificat de travail final identique au certificat intermédiaire émis le 19 décembre 2018 indiquant la fin de rapports contractuels au 31 août 2019.

k.a Le 6 septembre 2019, interpellée par la C______, A______ a motivé sa décision de mettre fin au contrat de travail de B______ de la manière suivante : aucune amélioration de la productivité, peu ou pas de transparence quant à ses tâches et grande lenteur administrative, aucune amélioration quant aux excès d'heures supplémentaires inutiles en dépit de l'avertissement du 6 septembre 2017, refus de coopérer avec son responsable, irrégularités dans les dossiers et impact négatif sur les résultats du département, découverte d'un cadeau fait à un client sans accord du management, à savoir une dizaine de palettes de vin livrées "at cost" et "personnalité hélas têtue qui n'hésitait pas à refuser des demandes effectuées par son supérieur en répondant d'un NON franc et sincère". A______ concluait en relevant que la décision finale était regrettable mais motivée par de multiples arguments.

k.b Sur la base de ce courrier, la C______ a rendu le 16 septembre 2019 une décision de suspension du droit aux indemnités journalières de B______ pour une durée de trente-deux jours.

k.c Le 24 septembre 2019, B______ a fait opposition à cette décision, contestant point par point les griefs de son ex-employeur. En lien avec le « cadeau fait à un client », il a expliqué qu’il s’agissait d’un geste commercial et un service à un très bon client, qui avait été accepté par sa hiérarchie. Seul le prix net avait été facturé et la société n’avait pas perdu d’argent.

Par ailleurs, B______ a notamment relevé que, lors de son licenciement signifié le 26 novembre 2011, on lui avait indiqué qu'il ne correspondait plus à la nouvelle stratégie de A______ et à la refonte de la filiale de Genève et qu'il coûtait trop cher.

k.d Le 4 octobre 2019, en réponse à une lettre de la caisse de chômage, A______ a indiqué à celle-ci que le comportement de B______ n'avait pas évolué dans le bon sens, ce qui avait conduit à la rupture des rapports de travail. Des entretiens oraux avaient eu lieu, mais aucune trace écrite n'en avait été conservée.

k.e Par décision sur opposition du 18 octobre 2019, la caisse de chômage a considéré que le comportement fautif de B______ n'était pas établi puisqu'il n'avait pas reçu d'avertissement écrit depuis le 6 septembre 2017 et qu'un certificat de travail élogieux lui avait été délivré. L'employé n'avait manifestement pas adopté intentionnellement un "comportement de manière à permettre à l'employeur de dénoncer son contrat" de sorte que son chômage n'était pas fautif. Les objections soulevées dans l'opposition de B______ permettaient une appréciation différente de celle se trouvant à la base de la décision du 16 septembre 2019, de sorte que celle-ci devait être annulée.

l. Le 29 octobre 2019, B______ a fait savoir à A______ que la teneur de la lettre adressée par celle-ci à la C______ contrevenait à l'art. 328 CO, en particulier l'allégation fausse relative à la découverte d'un cadeau fait à un client sans accord du management. Il enjoignait à son ex-employeur de retirer les allégations concernées, de lui remettre une copie de son dossier RH, de s'engager à répondre aux demandes de références d'employeurs potentiels conformément aux certificat de travail fournis, de lui verser l'intégralité du salaire dû jusqu'à fin novembre 2019 et de faire une proposition d'indemnisation en lien avec les propos contenus dans la lettre du 26 septembre 2019.

m. Le 12 novembre 2019, A______ a transmis à B______ son dossier RH et lui a répondu qu’il avait fait l'objet de plusieurs avertissements oraux concernant la problématique de ses performances entre le 6 septembre 2017 et son licenciement du 26 novembre 2018. Les certificats de travail avaient été rédigés de bonne foi, compte tenu de la durée totale de l'emploi de l'intéressé. Elle maintenait le contenu de son courrier du 6 septembre 2019. Aucune information ne serait transmise à de potentiels employeurs sans l'accord de B______. Elle n'entendait pas verser le salaire de novembre 2019, ni verser d'indemnisation pour tort moral.

n. Par requête déposée au greffe de l'autorité de conciliation des prud’hommes le 22 décembre 2020 et introduite en temps utile devant le Tribunal, B______ a assigné A______ en paiement de la somme totale de 48'087 fr. Ladite somme se décompose comme suit :

- 7'420 fr. 85 brut, plus intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er octobre 2019, à titre de salaire pendant le délai de congé;

- 7'420 fr. 85 brut, plus intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019, à titre de salaire pendant le délai de congé;

- 7'420 fr. 85 brut, plus intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er décembre 2019, à titre de salaire pendant le délai de congé;

- 150 fr. net, plus intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er décembre 2019, à titre de participation aux primes d’assurance maladie;

- 3'411 fr. 90 brut, plus intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019, à titre d’indemnité pour vacances non prises;

- 22'262 fr. 55 net, plus intérêts moratoires à 5% l’an dès le 6 septembre 2019, à titre d’indemnité pour tort moral.

B______ a notamment fait valoir que le terme de son délai de congé avait été reporté au 30 novembre 2019 en raison de son incapacité de travail. Il était dès lors en droit d’obtenir le paiement de son salaire pour les mois de septembre à novembre 2019, y compris une part pro rata temporis de son treizième salaire et la participation de son employeur au paiement de sa prime d’assurance maladie.

Il avait subi une atteinte particulièrement grave à son honneur, sa réputation et à sa personnalité suite au courrier envoyé par A______ à la caisse de chômage le 6 septembre 2017, ce qui justifiait l’octroi d’une indemnité pour tort-moral.

o. Par demande d'intervention du 12 mai 2021, la C______ a conclu à ce le Tribunal condamne A______ à lui verser la somme nette de 16'091 fr. 25 correspondant aux indemnités journalières versées pour les mois de septembre à novembre 2019.

p. Le 24 septembre 2021, A______ a conclu au déboutement de ses parties adverses de toutes leurs conclusions.

Elle a notamment fait valoir que les rapports de travail avaient pris fin au 31 août 2020 et que les conditions d'une allocation d'indemnité pour tort-moral n'étaient pas réalisées.

q. Le Tribunal a gardé la cause à juger avec l'accord des parties à l'issue de l'audience du 3 février 2022.

 

EN DROIT

1.             L'appel, formé en temps utile et selon les formes légales, dans une cause avec une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr., est recevable (art. 308 et 311 CPC).

Il en va de même de l'appel joint (art. 313 al. 1 CPC).

A______ sera désignée ci-après comme appelante et B______ comme intimé.

2.             Le Tribunal a retenu que l'intimé avait été en incapacité de travail pour cause de maladie du 19 mars au 31 août 2019, ce qui avait eu pour effet de reporter l'échéance du délai de congé au 30 novembre 2019. Le courrier de l'assurance perte de gain de l'appelante du 12 juillet 2019 ne permettait pas de retenir que cette incapacité était limitée au poste occupé par l'intimé auprès de l'appelante, car il ne s'agissait pas d'un rapport médical, établi suite à un examen de l'intimé. Celui-ci avait dès lors droit à son salaire jusqu'au 30 novembre 2019 ainsi qu’à son treizième salaire pro rata temporis et à la participation de l'employeur à l'assurance maladie en 50 fr. par mois conformément à la Convention collective de travail applicable.

L'appelante fait valoir que, à teneur de l'évaluation faite par son assurance perte de gain, l'intimé était apte à exercer un travail à un autre poste dès le 31 août 2019. Les rapports de travail avaient dès lors pris fin à cette date, à partir de laquelle l'assurance perte de gain avait cessé de verser des indemnités journalières. Si B______ entendait recevoir des indemnités journalières après cette date, il lui aurait incombé de contester la décision de l'assurance.

2.1 A teneur de l’article 322 al. 1 CO. l’employeur paie au travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un contrat-type de travail ou par une convention collective.

Selon l'article 335c al. 1 CO, le contrat peut être résilié pour la fin d'un mois moyennant un délai de congé d'un mois pendant la première année de service, de deux mois de la deuxième à la neuvième année de service, de trois mois ultérieurement. Ces délais peuvent être modifiés par accord écrit, contrat-type de travail ou convention collective (al. 2).

Après le temps d’essai, l'employeur ne peut pas résilier le contrat pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant d’une maladie ou d’un accident non imputables à la faute du travailleur, et cela, durant trente jours au cours de la première année de service, durant nonante jours de la deuxième à la cinquième année de service et durant cent quatre-vingts jours à partir de la sixième année de service (art. 336c al. 1 let. b CO).

Selon l’article 336c al. 2 in fine CO, si le congé a été donné avant l'une des périodes de protection de l'article 336c al. 1 CO et si le délai de congé n'a pas expiré avant cette période, ce délai est suspendu pendant la durée limitée de protection et ne continue à courir qu'après la fin de la période. Le congé reste toutefois valable, de sorte que l'employeur n'aura pas à le renouveler (BRUCHEZ/ MANGOLD/SCHWAAB, Commentaire du contrat de travail, 4e éd. 2019, n. 13 ad art. 336c CO, p. 404; WYLER/HEINZER, Droit du travail, 4e éd. 2019, p. 870 ; AUBRY GIRARDIN, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 42 ad art. 336c CO, p. 725; STREIFF/VON KAENEL/RUDOLPH, Arbeitsvertrag, 7e éd. 2012, n. 10 ad art. 336c CO, p. 1089).

Selon la jurisprudence, une incapacité de travail, même limitée à la place de travail, constitue une réelle incapacité de travail. Un certificat médical jouit quant à lui d'une force probante accrue, en raison du fait que la rédaction d'un faux certificat est punie par l'art. 318 CP (arrêt du Tribunal fédéral 4D_7/2021 du 12 avril 2021, consid. 4.4 et 4.5).

2.2 En l'espèce, il n'y a aucune raison de remettre en cause la réalité de l'incapacité de travail de l'intimé pour la période du 19 mars au 31 août 2019. Cette incapacité est en effet attestée par des certificats médicaux dont aucun élément figurant au dossier ne permet de remettre en question la valeur probante.

Le courrier de l'assurance perte de gain de l'appelant du 12 juillet 2019 ne permet pas d'arriver à une conclusion différente puisque dans celui-ci l'assurance a confirmé qu'elle entendait verser des indemnités jusqu'au 31 août 2019, dans la mesure où une reprise du travail ne pouvait pas être exigée de l'intimé avant cette date.

Le fait que l'assurance ait indiqué que l'intimé était apte à reprendre une activité auprès d'un autre employeur dès le 1er septembre 2019 n'est pas pertinent. L'intimé n'a d'ailleurs pas prétendu que son incapacité de travail aurait perduré après le 31 août 2019.

Le congé ayant été signifié à l'intimé le 26 novembre 2018 avec effet au 31 mai 2019 (délai de six mois), le délai de congé a été suspendu pendant 74 jours, soit du 19 mars au 31 août 2019, conformément à l'art. 336c al. 2 CO.

C'est par conséquent à bon droit que le Tribunal a retenu que la fin des rapports de travail était reportée au 30 novembre 2019.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, le fait que l'assurance perte de gain ait cessé de verser des indemnités dès le 1er septembre 2019, ne la libère pas du paiement du salaire pendant le délai de congé. En effet, l'intimé n'étant plus malade, il n'y avait aucune raison que l'assurance verse des indemnités pour cette période. Cela n'a aucune influence sur l'obligation de l'appelante de payer le salaire pendant le délai de congé de l'intimé.

L'appelante ne forme aucune critique motivée contre les considérants du Tribunal relatifs au calcul des sommes dues à l'intimé jusqu'à l'expiration du délai de congé, de sorte que le jugement querellé sera confirmé à cet égard.

3. Le Tribunal a retenu que l'intimé n'avait pas droit à une indemnité pour tort moral en lien avec les motifs du licenciement communiqués par l'appelante à la caisse de chômage par courrier du 6 septembre 2019. L'appelante avait, dans ce courrier, repris pour l'essentiel les reproches adressés à l'intimé le 6 septembre 2017, de sorte que celui-ci les connaissait. Le fait que les certificats de travail ne mentionnaient pas ces critiques n'était pas déterminant car les buts respectifs de ces documents étaient différents. Ni l'existence d'une atteinte à la personnalité, ni celle d'un lien de causalité avec le tort-moral allégué n'étaient établies.

L'intimé fait valoir que les indications fournies par l'appelante à la caisse de chômage et la teneur des certificats de travail qu'elle a établis sont contradictoires. Le fait qu'il se soit écoulé deux ans entre la séance de septembre 2017 et l'établissement des certificats de travail, attestait de ce que l'intimé avait atteint les objectifs qui lui avaient été fixés. En tout état de cause, les griefs contenus dans le courrier de l'appelante à la caisse étaient plus nombreux et plus graves que ceux mentionnés dans le procès-verbal de la séance de septembre 2017. L'intimé avait été très affectés par les allégations de l'appelante à son encontre, formulée après 30 ans de services, alors qu'il se trouvait dans une situation précaire, contraint de rechercher du travail à plus de cinquante ans. Les propos de l'appelante étaient de nature à nuire à sa réputation sociale et professionnelle, de sorte qu'il se justifiait de lui allouer une réparation morale correspondant à trois mois de salaire.

3.1 Aux termes de l’article 328 al. 1 CO, l’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur ; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité.

Selon l’art. 28 al. 1 CC, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe. Une atteinte est illicite, à moins qu’elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi (al. 2).

La vie en société a pour corollaire le droit de tout individu au respect de sa dignité humaine et à la considération de ses semblables. La protection de l’honneur constitue les cas de mise en œuvre les plus importants de l’art. 28 CC, dans le cadre d’actions dirigées le plus souvent contre les médias écrits. La doctrine distingue l’honneur interne qui désigne le sentiment de sa propre dignité, de l’honneur externe qui se rapporte aux qualités nécessaires à une personne pour être respectée dans son milieu social et englobe en conséquence le droit à jouir d’une considération non seulement morale (réputation d’honnête homme) mais aussi sociale (en particulier droit à l’estime professionnelle et économique). Tous ces aspects sont protégés par l’art. 28 CC (Jeandin, Commentaire romand, n. 36 ad art. 28 CC).

L'employeur viole l'art. 328 CO s'il a fourni sur son ex-employé des renseignements faux et attentatoires à l'honneur et découragé de la sorte un employeur d'engager la personne en question (arrêt du Tribunal fédéral 4A_231/2021 du 31 août 2021, consid. 5.1).  

L’employeur est tenu envers la caisse de chômage de lui fournir des renseignements exacts concernant ses employés (art. 38, 88 et 106 LACI).

En cas d’atteinte illicite grave à sa personnalité, le travailleur peut réclamer une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement (art. 49 al. 1 par renvoi des art. 97, 99 al. 3 CO; ATF 137 III 303 consid. 2.2.2; 102 II 224 consid. 9; 87 II 143; DUNAND, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 83 ad art. 328 CO, p. 299; AUBERT, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2e éd. 2012, n. 11 ad art. 328 CO, p. 2027; SAILLEN, La protection de la personnalité du travailleur, thèse 1981, p. 104).

Pour justifier l'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'article 49 al. 1 CO, il ne suffit pas que le tribunal constate une violation de l'article 328 CO; il faut encore que l'atteinte ait une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne dans ces circonstances s'adresse au juge pour obtenir réparation (ATF 130 III 699 consid. 5.1; 102 II 211 consid. 9; arrêts du Tribunal fédéral 4A_159/2016 du 1er décembre 2016 consid. 4.1; C.526/1983 du 4 avril 1984 consid. 2b, publié in SJ 1984 p. 554).

N'importe quelle atteinte légère à la réputation professionnelle, économique ou sociale d'une personne ne justifie pas une réparation. Ainsi, dans certaines situations, malgré l'illicéité de l'atteinte à la personnalité, la victime ne pourra bénéficier d'aucun dédommagement au titre du tort moral (arrêt du Tribunal fédéral 4A_465/2012 du 10 décembre 2021 consid. 3.2).

L'allocation et l'évaluation d'une indemnité à verser en application de l'article 49 al. 1 CO dépendent avant tout de la gravité des souffrances causées par l'atteinte à la personnalité, et de la possibilité de l'adoucir sensiblement par le versement d'une somme d'argent. Une indemnité est par exemple due au travailleur qui a été victime, dans l'entreprise de l'employeur, de harcèlement psychologique ou de mobbing, lorsque, d'un point de vue objectif, il a subi une humiliation particulièrement sévère. Le juge apprécie selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC) si une indemnité se justifie au regard des circonstances particulières de la cause (ATF 137 III 303 consid. 2.2.2; 130 III 699 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_218/2012 du 24 juillet 2012 consid. 2.3).

Il incombe à l'employé qui réclame une indemnité pour tort moral d'établir qu'il a subi un dommage, sous forme de tort moral, qui est dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec une violation de son employeur de son obligation de protection de sa personnalité. La faute de l'employeur est quant à elle présumée (WYLER/ HEINZER, op. cit., p. 397 et 399).

3.2 En l'espèce, le fait que les motifs du licenciement communiqués à la caisse ne concordent pas avec la teneur des certificats de travail délivrés à l'intimé ne suffit pas à retenir que les raisons du congé fournies à la caisse étaient fausses.

Les explications de l'appelante, selon lesquelles elle a veillé à établir un certificat de travail suffisamment positif pour que l'appelant ne soit pas entravé dans ses recherches de travail futures, sont crédibles. Cette manière de procéder était d'ailleurs dans l'intérêt de l'intimé. Le certificat de travail se devait en outre de refléter le comportement de l'intimé tout au long de la relation de travail, qui a duré de nombreuses années, alors que les informations transmises à la caisse ne concernaient que la fin de cette relation.

Comme l'a relevé à juste titre le Tribunal, les motifs de licenciement figurant dans le courrier à la caisse de chômage sont en grande partie les mêmes que ceux ayant donné lieu à l'avertissement de septembre 2017. Deux motifs supplémentaires figurent cependant dans le courrier à la caisse, à savoir ceux relatif à la découverte d'un cadeau fait à un client sous forme de livraison "at cost" sans l’accord du management et à la personnalité "têtue" de l’intéressé.

L’appelante était tenue de fournir des renseignements exacts à la caisse de chômage, en application des dispositions de la LACI. Dans cette mesure, elle était légitimée à lui communiquer une appréciation, par hypothèse négative, sur le comportement de son employé. L'intimé n'a pas rapporté la preuve, qui lui incombait, que les griefs de l’appelante.

Il allègue que la situation s’était améliorée depuis 2017, ce qui est contesté par l’appelante. Or, les éléments figurant au dossier ne permettent pas d’établir que les reproches formulés par l’appelante contre l’intimé en 2017 n’étaient plus d’actualité au moment de son licenciement et que son comportement s’était significativement amélioré. En particulier, l’intimé n’a pas démontré que la livraison au prix coûtant faite pour un bon client avait été décidée d’entente avec sa hiérarchie.

Il résulte de ce qui précède que l’intimé n’a pas établi la fausseté des allégations de l’appelante contenues dans son courrier à la caisse de chômage.

Compte tenu de ce qui précède, les indications fournies par l’appelante à la caisse de chômage peuvent être considéré, dans l’ensemble, comme justifiées au regard de son devoir de renseignement envers la caisse.

Par contre, la mention de la personnalité « têtue » de l’intimé, qui « n’hésitait pas à refuser des demandes effectuées par son supérieur », est inadéquate et ne paraissait pas nécessaire dans ce contexte.

La question de savoir si cette remarque constitue une atteinte à la personnalité de l’intimé peut cependant rester ouverte.

En effet, l’intimé n’a pas établi avoir subi de ce fait une souffrance morale d’une gravité telle qu’elle justifierait l’allocation d’une indemnité financière à titre de tort moral.

L’appelant a pu fournir des explications à la caisse de chômage qui a, sur cette base, renoncé à toute sanction à son égard, relevant qu’il n’était pas établi qu’il avait eu un comportement fautif. L’intimé n’a dès lors subi aucun dommage pécuniaire du fait des informations communiquées par l’appelante à la caisse de chômage.

La situation dans la présente cause diffère dès lors de l’état de fait à la base de l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_231/2021 dont se prévaut l’intimé.

Le tort moral éventuellement causé à l’intimé du fait que l’appelante l’ait qualifié de « têtu » ne revêt en soi pas une gravité objective particulière, compte tenu du contexte dans lequel cette appréciation a été formulé. Aucun élément concret du dossier ne permet de retenir que l’intimé a subi de ce fait une souffrance morale particulièrement forte au point qu'il apparaisse légitime qu'une personne dans ces circonstances s'adresse au juge pour obtenir réparation.

Le Tribunal a dès lors considéré à bon droit qu’il n’y avait pas lieu d’allouer à l’intimé une indemnité pour tort moral.

Le jugement querellé sera par conséquent confirmé.

3.             La procédure est gratuite et il n’y a pas lieu d’allouer de dépens (art. 19 et 22 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 3 :

A la forme :

Déclare recevables l’appel formé par A______ contre le jugement JTPH/143/2022 rendu le 12 mai 2022 par le Tribunal des prud’hommes ainsi que l’appel joint formé par A______ contre le même jugement.

Au fond :

Confirme la décision querellée.

Dit qu’il n’est pas prélevé de frais ni alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Claudio PANNO, juge employeur; Madame Agnès MINDER-JAEGER, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

 La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

Le greffier :

 

Javier BARBEITO

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.