Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/1469/2025 du 20.10.2025 sur JTBL/708/2025 ( SBL ) , SANS OBJET
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/6741/2025 ACJC/1469/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU LUNDI 20 OCTOBRE 2025 | ||
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 4 juillet 2025, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,
et
B______, sise ______ [ZH], intimée, représentée par Me Pierre BANNA, avocat, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3.
A. a. Par jugement JTBL/708/2025 du 4 juillet 2025, reçu par les parties le 21 juillet 2025, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec lui l'appartement
n° 1______ de deux pièces et demie situé au 4ème étage de l'immeuble sis
rue 2 ______ no. ______, [code postal] C______ [GE], et la cave n° 1______ qui en dépend (ch. 1 du dispositif), autorisé [la régie] B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès le 1er septembre 2025 (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).
Le Tribunal a retenu que les conditions d'une résiliation du bail selon
l'art. 257d al. 1 CO étaient manifestement réunies. La bailleresse était ainsi fondée à donner le congé, ce qu'elle avait fait en respectant les conditions de l'art. 257d
al. 2 CO. En continuant d'occuper l'appartement, le locataire violait son obligation de restituer la chose louée, de sorte que son évacuation devait être prononcée. Le locataire vivait seul dans le logement, mais il y accueillait ponctuellement ses deux enfants. Il se trouvait à l'étranger jusqu'au 28 juillet 2025, de sorte qu'un délai minimum d'un mois dès son retour devait lui être accordé afin de lui permettre de se reloger.
b. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 30 juillet 2025, A______ a recouru contre ce jugement, concluant à l'annulation du chiffre 2 de son dispositif et, cela fait, à ce que B______ ne soit autorisée à requérir son évacuation par la force publique que dès la fin du mois de décembre 2025 et qu'un sursis humanitaire de six mois lui soit ainsi octroyé.
c. Dans sa réponse du 7 août 2025, B______ a conclu au rejet du recours.
d. Par arrêt du 8 août 2025, la Cour de céans a rejeté la requête de suspension du caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement attaqué, formée par A______.
e. Les parties ont été informées, par courriers séparés du 29 août 2025, de ce que la cause était gardée à juger.
f. Par courrier du 1er octobre 2025 adressé à la Cour, B______ a précisé que les clés de l'appartement loué lui avaient été restituées le 23 septembre 2025, de sorte que, de son point de vue, la présente procédure était devenue sans objet.
B. Les faits pertinents de la cause sont les suivants :
a. Le 11 juin 2021, B______ (ci-après : la bailleresse) et A______ (ci-après : le locataire) ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement n° 1______ de deux pièces et demie, situé au 4ème étage de l'immeuble sis rue 2 ______ no. ______, [code postal] C______ [GE], dont le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'510 fr. (1'340 fr. + 170 fr.) par mois.
b. Par avis comminatoire du 18 décembre 2024, la bailleresse a mis en demeure le locataire de lui régler dans les 30 jours le montant de 3'079 fr. 45, à titre d'arriéré de loyer et de charges pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2024, sous déduction d'un paiement de 1'450 fr. 55, et l'a informé de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.
c. La somme précitée n'ayant pas été intégralement réglée dans le délai imparti, la bailleresse a, par avis officiel du 23 janvier 2025, résilié le bail pour le 28 février 2025.
d. Par requête en protection des cas clairs déposée au Tribunal le 17 mars 2025, la bailleresse a requis l'évacuation du locataire et l'exécution directe de l'évacuation.
e. Par courrier du 23 juin 2025, le locataire a informé le Tribunal du fait qu'il ne pourrait pas assister à l'audience convoquée pour le 4 juillet 2025 en raison d'un voyage de famille à l'étranger. A l'appui de son courrier, il a produit, notamment, la preuve de la réservation d'un vol au départ de D______ (France) le 5 juillet 2025 à destination de E______ (Canada) pour ses enfants, avec un vol de retour réservé pour le 28 juillet 2025.
f. Lors de l'audience du 4 juillet 2025, la bailleresse a persisté dans sa requête, indiquant que le montant dû s'élevait à 8'138 fr. 99. Le locataire, absent et représenté par l'ASLOCA, a sollicité un long délai d'épreuve, moyennant le dépôt d'une demande de dons à la Fondation F______. La bailleresse s'y est opposée, expliquant ne pas savoir ce qu'il se passait dans l'appartement et précisant que l'Office des poursuites avait tenté de notifier des commandements de payer au locataire sans succès. Le locataire s'est également opposé au principe de l'évacuation et a sollicité un délai humanitaire de six mois, expliquant ne pas avoir de solution de relogement et avoir besoin d'un logement à caractère social. La bailleresse a refusé qu'un sursis humanitaire soit accordé à sa partie adverse.
La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de cette audience.
1. 1.1 Seule la voie du recours est ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).
Le recours, écrit et motivé, doit être déposé dans un délai de 10 jours à compter de sa notification (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le Tribunal ayant rendu sa décision en procédure sommaire (art. 248 let. b et 257 CPC).
En l'espèce, le recours a été formé dans le délai et la forme prescrits par la loi, de sorte qu'il est recevable de ces points de vue.
1.2 Le recours peut être formé pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd. 2010, n. 2307).
2. Le recourant reproche au Tribunal de lui avoir accordé un délai trop court, eu égard à l'ensemble des circonstances. Le premier juge avait correctement relevé qu'il ne disposait pas d'une solution de relogement et qu'il partageait ponctuellement son logement avec ses deux enfants. Il avait toutefois omis de mentionner qu'il faisait l'objet de nombreuses poursuites, qu'il avait un rendez-vous avec l'Hospice général le 8 août 2025 et qu'il avait proposé de déposer une demande de don pour résorber l'arriéré de loyers. Au vu de ces éléments, un délai de six mois depuis l'audience du 4 juillet 2025 apparaissait parfaitement supportable par la bailleresse, qui n'avait fait état d'aucune urgence particulière.
2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).
En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis (ATF 117 Ia 336
consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7).
L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.
S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des « raisons élémentaires d'humanité ». Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements n'est pas un motif d'octroi d'un sursis (parmi plusieurs : ACJC/777/2024 du
17 juin 2024 consid. 2.1 ; ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral du
20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).
Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du
23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8).
2.2 En l'espèce, le Tribunal a fait une juste application des principes rappelés ci-avant en autorisant l'exécution de l'évacuation dans les 40 jours suivant l'entrée en force du jugement.
En effet, le loyer n'a plus été payé régulièrement depuis le 1er octobre 2024 et l'arriéré impayé n'a pas été réglé. Lors de l'audience du 4 juillet 2025, la bailleresse a déclaré, sans être contredite, que l'arriéré de loyer avait au contraire augmenté à 8'138 fr. 99. Par ailleurs, les enfants du recourant ne vivent pas auprès de celui-ci, mais viennent lui rendre visite ponctuellement. En outre, s'il évoque des difficultés à trouver un nouveau logement au vu de sa situation financière précaire, le recourant n'a pas allégué - ni a fortiori démontré - avoir entrepris des démarches concrètes et sérieuses en vue de se reloger. A cela s'ajoute que la pénurie de logements n'est pas un motif d'octroi d'un sursis. Enfin, il n'est pas contesté que le bail a été valablement résilié avec effet au 28 février 2025, soit il y a plus de sept mois, ce qui constitue un délai manifestement équitable au sens des principes sus-rappelés.
Le recours est dès lors infondé. Il est de surcroît dépourvu d'objet, l'intimée ayant récupéré les clés de l'appartement loué le 23 septembre 2025.
La cause sera dès lors rayée du rôle, conformément à l'art. 242 CPC.
3. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).
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La Chambre des baux et loyers :
Constate que le recours interjeté le 30 juillet 2025 par A______ contre le jugement JTBL/708/2025 rendu le 4 juillet 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/6741/2025 est devenu sans objet.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Raye la cause du rôle.
Siégeant :
Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Victoria PALLUD, greffière.
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Indication des voies de recours :
Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.