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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/21123/2024

ACJC/1343/2025 du 02.10.2025 ( SBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21123/2024 ACJC/1343/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 2 OCTOBRE 2025

 

Entre

Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______ [GE], recourants contre une ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le 4 avril 2025, représentés par Me Christian de PREUX, avocat, rue de la Fontaine 5, case postale 3398, 1211 Genève 3,

et

C______, sise ______ [GE], intimée, représentée par [la régie] D______ SA, ______ [GE].

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTBL/63/2025 rendue le 4 avril 2025 dans la cause C/21123/2024, notifiée aux parties le 9 avril 2025, le Tribunal des baux et loyers a ordonné la division de la cause n° C/21123/2024 sous les nos C/21123/2024 et C/1______/2025. Il a attribué à la cause n° C/21123/2024 la conclusion en évacuation et à la cause n° C/1______/2025 l'ensemble des autres conclusions de la demande du 20 décembre 2024 de C______, ainsi que celles prises par courriers des 6 et 20 février 2025.

En substance, le Tribunal a considéré qu'il convenait de disjoindre la cause, au sens de l'art. 125 let. b CPC permettant au juge de diviser les causes pour simplifier le procès, dès lors que la conclusion en évacuation formulée par C______ à l'encontre de A______ et B______ relevait de la procédure simplifiée, tandis que les conclusions de cette dernière en paiement dépassaient la valeur litigieuse de 30'000 fr. et étaient donc soumises à la procédure ordinaire.

B.            a. Par acte du 2 mai 2025, déposé au guichet universel et transmis à la Cour le même jour, A______ et B______ (ci-après : les recourants ou les locataires) ont formé recours contre l'ordonnance précitée, concluant préalablement à la suspension de son effet exécutoire. Principalement, ils ont conclu à son annulation, subsidiairement, à la suspension de la procédure dans la cause n° C/21123/2024 en ce sens que son issue dépend du sort de la cause n° C/1______/2025, et plus subsidiairement, au constat que la cause n° C/21123/2024, ainsi divisée, ne relève pas de la procédure sommaire au sens de l'art. 257 CPC applicable aux cas clairs.

b. Par réponse du 7 mai 2025, C______ (ci-après : l'intimée ou la bailleresse) a conclu à ce que la restitution de l'effet suspensif soit refusée et à ce que le recours soit déclaré irrecevable.

c. Par arrêt du 8 mai 2025, notifié aux parties le lendemain, la Cour a suspendu l'effet exécutoire attaché à l'ordonnance querellée OTBL/63/2025 rendue le
4 avril 2025.

d. Par plis du 23 mai 2025, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger sur le fond.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a.    C______ d'une part, en qualité de bailleresse, et A______ et B______ d'autre part, en qualité de locataires, sont liés par un contrat de bail à loyer, conclu le 21 décembre 2020, portant sur la location d'une villa de huit pièces avec jardin,
au chemin 2 ______ no. ______, à E______ [GE].

b.   Par requête déposée à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 2 septembre 2024, la bailleresse a conclu à ce que les locataires soient condamnés à évacuer immédiatement la villa faisant l'objet du bail, à ce que l'exécution immédiate du jugement d'évacuation soit ordonnée, à ce qu'elle soit autorisée à faire exécuter ledit jugement par la force publique, à ce que les locataires soient condamnés, conjointement et solidairement, à lui payer les sommes suivantes, à titre d'arriérés de loyers, d'indemnités pour occupation illicite et de divers frais d'entretien :

-       78'285 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2024 (date moyenne);

-       1'670 fr. 40 avec intérêts à 5% dès le 1er février 2024;

-       790 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 1er février 2024;

-       3'454 fr. 95 avec intérêts à 5% dès le 15 avril 2024;

-       242 fr. 35 avec intérêts à 5% dès le 15 mai 2024;

-       1'611 fr. 75 avec intérêts à 5% dès le 1er août 2024;

-       775 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2024;

et, enfin, à ce que la libération de la garantie de loyer, référencée sous 3______, d'un montant de 23'700 fr. soit ordonnée à due concurrence, en sa faveur.

c.    Non conciliée lors de l'audience du 6 décembre 2024, la cause a été portée devant le Tribunal par la bailleresse, le 20 décembre 2024.

Cette dernière a amplifié ses conclusions en paiement d'indemnités pour occupation illicite, la somme de 78'285 fr. précitée augmentant à 111'633 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2024 (date moyenne). Elle a également formulé deux conclusions supplémentaires en paiement des sommes de 1'216 fr. 77 avec intérêts à 5 % dès le 1er décembre 2024 et de 470 fr. à l'encontre des locataires.

Par courriers des 6 et 20 février 2025 adressés au Tribunal, la bailleresse a également conclu au prononcé de la mainlevée de l'opposition formée aux commandements de payer poursuites n° 4______ et n° 5______, dirigées contre B______ et A______, portant sur un montant de 113'407 fr. 77 chacun.

d.   Par ordonnance du 22 janvier 2025, le Tribunal, considérant que la requête en évacuation du 19 décembre 2024 comportait une demande en paiement d'un montant de 121'865 fr., a transmis la demande de la bailleresse aux locataires et a imparti aux parties un délai au 14 février 2025, ultérieurement prolongé au
14 mars 2025, pour se déterminer sur la division de la cause.

e.    Par courrier du 4 février 2025, la bailleresse ne s'est pas opposée à la division de la cause.

f.     Par déterminations du 13 mars 2025, les locataires se sont opposés à la division de la cause C/21123/2024 aux motifs que, s'agissant de la parcelle sur laquelle est construite la villa objet du bail, la bailleresse serait bénéficiaire d'une donation de la Commune de E______ datant de 1910, conditionnée à l'exigence suivante : "les immeubles cédés ne doivent pas être détournés de leur destination religieuse". En louant la villa aux fins d'habitation avec un rendement locatif, la bailleresse aurait détourné le bien de sa destination religieuse; cette situation serait de nature à remettre en question sa qualité de propriétaire-bailleresse.

Les locataires se sont également opposés à la division de la cause susvisée considérant que cela mettrait en péril le droit de leurs quatre enfants mineurs à un développement équilibré et leur droit fondamental à disposer d'un logement.

g.    La cause a été gardée à juger, sur division de la cause, par le Tribunal le
14 mars 2025.

h.   Par déterminations du 19 mars 2025, reçues au Tribunal le 21 mars 2025, la bailleresse a contesté, sur le fond, les allégations des locataires, tout en relevant que ces éléments étaient de nature à complexifier la demande en paiement, ce qui plaidait en faveur de la division de la cause. Il ne résulte pas du dossier que ce courrier aurait été transmis aux locataires.

EN DROIT

1.             1.1 La Cour examine d'office si les conditions de recevabilité de l'appel ou du recours sont remplies (art. 59 et 60 CPC).

Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l’objet d’un appel (art. 319 let. a CPC) et contre les autres décisions et ordonnances d’instruction de première instance, lorsqu’elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Constitue un "préjudice difficilement réparable" au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette dernière condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu; il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 22 ad art. 319 CPC).

La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 138 III 378
consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2, in SJ 2012 I 77; arrêt du Tribunal fédéral 5A_24/2015 du 3 février 2015).

Elle doit être interprétée restrictivement, puisque la personne touchée disposera le moment venu de la faculté de remettre en cause la décision ou ordonnance en même temps que la décision au fond. Il incombe au recourant d'établir que sa situation procédurale serait rendue notablement plus difficile et péjorée si la décision querellée était mise en œuvre; on retiendra l'existence d'un préjudice difficilement réparable lorsque ledit préjudice ne pourra plus être réparé par un jugement au fond favorable au recourant, ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée (Jeandin, op. cit., n. 22 et 22a ad art. 319 CPC).

C'est au recourant qu'il appartient d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1).

Par ailleurs, en vertu de l'art. 124 al. 1 CPC, le tribunal conduit le procès; il prend les décisions d'instruction nécessaire à une préparation et à une conduite rapides de la procédure.

1.2 En l'espèce, la décision querellée ordonnant la division de la cause constitue une ordonnance d'instruction en vertu de l'art. 124 al. 1 CPC susceptible d'un recours au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, dont la recevabilité est subordonnée à l'existence d'un préjudice difficilement réparable.

Contrairement à ce que les recourants soutiennent, l'ordonnance querellée n'a aucune incidence dommageable difficilement réparable du point de vue procédural. Le fait que la procédure en évacuation soit soumise à la procédure simplifiée et non plus à la procédure ordinaire, après division de la cause, est sans effet sur le droit d'être entendu des recourants. Ces derniers auront l'occasion de se déterminer lors d'une audience de débats, respectivement dans le cadre d'une écriture, au sens de l'art. 245 al. 1 et 2 CPC, quand bien même le Tribunal déciderait de certaines mesures d'instruction en vertu de l'art. 246 al. 1 CPC pour que la cause puisse être liquidée autant que possible lors de la première audience.

Par ailleurs, le grief des recourants selon lequel une division de la cause permettrait d'appliquer la procédure de cas clairs au sens de l'art. 257 CPC à la conclusion en évacuation à leur détriment, n'est pas pertinent et ne permet pas d'établir un quelconque préjudice difficilement réparable in casu. En l'occurrence, ce ne sera pas le cas étant donné que la bailleresse n'a pas agi par la voie de procédure en cas clair; sa requête en évacuation sera donc soumise à la procédure simplifiée au sens de l'art. 243 al. 2 let. c CPC.

Au vu de ce qui précède, les recourants ne parviennent pas à établir que leur situation procédurale serait notablement péjorée par l'ordonnance querellée.

Par ailleurs, la décision du Tribunal ordonnant la division des causes ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux des membres de la famille A______/B______, contrairement à ce que les recourants soutiennent. Leurs griefs quant à la protection de l'équilibre de vie de leurs quatre enfants et quant aux difficultés qu'ils rencontreraient pour se reloger, au vu du marché genevois du logement, ne sont pas fondés dans le cadre de l'examen de recevabilité du présent recours; en effet, ils ne permettent pas d'établir que les recourants subiraient un préjudice difficilement réparable du fait de l'ordonnance querellée. Au demeurant, ils auront l'occasion de plaider les arguments susvisés, au fond, dans le cadre de la procédure en évacuation, le cas échéant.

1.3 Au vu des considérants qui précèdent, les recourants échouent à démontrer un préjudice difficilement réparable.

Les conditions de recevabilité de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC n'étant pas réalisées, le recours sera déclaré irrecevable.

2.             À teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

 

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Déclare irrecevable le recours formé le 2 mai 2025 par A______ et B______ contre l'ordonnance OTBL/63/2025 rendue le 4 avril 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21123/2024.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Madame Sarah MEINEN, juges assesseurs; Madame Victoria PALLUD, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.