Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/1305/2025 du 25.09.2025 sur JTBL/42/2025 ( OBL ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/25790/2023 ACJC/1305/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU 25 SEPTEMBRE 2025 | ||
Entre
A______ SA, sise ______ (TI), appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 20 janvier 2025 et intimée sur appel joint, représentée par
Me François BELLANGER, avocat, PONCET TURRETTINI, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4,
et
FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______, sise ______ [ZH], intimée et appelante sur appel joint, représentée par Me Jean-Yves SCHMIDHAUSER, avocat, SJA AVOCATS SA, avenue Général-Guisan 64, case postale 1335,
1001 Lausanne.
A. Par jugement JTBL/42/2025 du 20 janvier 2025, reçu par les parties le 22 janvier 2025, le Tribunal des baux et loyers (ci-après: le Tribunal) a débouté A______ SA de ses conclusions en libération de dette (chiffre 1 du dispositif), condamné celle-ci à verser à FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______ 599'896 fr. 70, avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2022 (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).
B. a. Par acte déposé le 21 février 2025 au greffe de la Cour de justice, A______ SA a formé appel de ce jugement, sollicitant son annulation. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour constate qu'elle ne devait pas la somme de 599'896 fr. 70, avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2022, à FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______ et déboute celle-ci de toutes autres conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, elle a sollicité le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.
b. Dans sa réponse du 25 février 2025, FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______ a conclu au rejet de cet appel.
Elle a également formé un appel joint, sollicitant l'annulation du chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour condamne A______ SA à lui verser 616'972 fr. 50, avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2022, sous suite de frais judiciaires et dépens.
Dans le corps de son acte, elle a sollicité que A______ SA soit sanctionnée par une amende, pour cause de témérité.
c. Dans sa réplique et réponse sur appel joint, A______ SA a persisté dans ses conclusions et a, au surplus, conclu à l'irrecevabilité de l'appel joint et au déboutement de FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______ de toutes ses conclusions.
d. Dans sa duplique et réplique sur appel joint, FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______ a persisté dans ses conclusions.
e. Dans sa duplique sur appel joint, A______ SA a persisté dans ses conclusions et a, au surplus, conclu à l'irrecevabilité de l'écriture susvisée.
f. Les parties ont été avisées le 8 juillet 2025 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______ est une fondation sise à Zurich, représentée par la régie C______/D______, dont E______ est l'administrateur avec signature individuelle.
b. A______ SA, anciennement C______/F______ SA, a notamment pour but l'achat, la vente et la distribution de produits sanitaires en tout genre.
E______ en est l'administrateur avec signature individuelle.
c. La pandémie de Covid-19 a débuté en Suisse en mars 2020.
Diverses mesures ont alors été prises par les autorités pour lutter contre cette pandémie, dont le port du masque, d'abord recommandé dès avril 2020, puis rendu obligatoire progressivement dans différents lieux dès juillet 2020.
C'est dans ce cadre que A______ SA a été créée et inscrite au Registre du commerce genevois le ______ 2020.
d. Le 1er mars 2021, FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______, en qualité de bailleresse, et A______ SA, en qualité de locataire, ont signé un contrat de bail à loyer portant sur la location d'une surface d'environ 1057 m2 au 2ème étage du bâtiment C, d'un dépôt/stockage de 43 m2 au 1er sous-sol, ainsi que de 21 places de parking au sous-sol, situés dans l'immeuble sis route 1______ no. ______ à G______ [GE].
Ce bail a été conclu pour une durée de dix ans, du 1er mars 2021 au 28 février 2031, renouvelable ensuite tacitement de cinq ans en cinq ans, sauf résiliation respectant un préavis de douze mois (art. 2 et 6 du contrat).
Le loyer mensuel net total a été fixé à 33'200 fr. 85 HT, payable par mois d'avance et indexé à l'Indice suisse des prix à la consommation (ci-après: ISPC) (art. 3 et 5 du contrat). Le loyer étant soumis à la TVA (art. 42 du contrat), celui-ci s'élevait à 40'026 fr. 30 TTC par mois.
Pour la couverture des frais de chauffage, eau chaude et accessoires, la locataire s'engageait à verser une somme annuelle de 47'565 fr. HT, payable aux mêmes termes et conditions que le loyer à titre d'acomptes provisionnels à hauteur de 3'963 fr. 75 HT par mois (art. 4 du contrat). La bailleresse devait établir un décompte annuel relatif aux frais de chauffage et frais accessoires au 30 juin de chaque année (art. 43 du contrat).
Les parties ont convenu que si la locataire était en retard de plus de dix jours dans le paiement d'une mensualité et qu'elle avait fait l'objet d'une vaine mise en demeure écrite lui impartissant un délai de paiement de dix jours au minimum, la bailleresse pouvait exiger que le loyer et les frais accessoires soient acquittés trimestriellement à l'avance (art. 3 du contrat et art. 1.4 des conditions générales pour locaux commerciaux faisant partie intégrante du contrat).
e. Le 22 juin 2021, A______ SA a ouvert une usine de fabrication de masques de protection dans les locaux loués.
Au 31 décembre 2021, le bilan de la précitée faisait état d'une perte de 57'523'770 fr. et la société se trouvait en situation de surendettement. La situation ne s'est pas améliorée, son bilan provisoire pour l'année 2022 reprenant ladite perte.
f. Par courrier recommandé du 6 avril 2022, la bailleresse a mis la locataire en demeure de lui verser, dans les trente jours, 320'887 fr. 45, correspondant aux loyers impayés pour la période allant du 1er septembre 2021 au 30 avril 2022. A défaut de paiement dans le délai imparti, elle serait dans l'obligation de résilier le bail et de recouvrer la créance par toute voie de droit utile. En outre, si par la suite le loyer n'était pas payé par mois d'avance, il deviendrait exigible par trimestre d'avance.
g. Par avis de majoration du 19 septembre 2022, le loyer a été augmenté à 415'305 fr. 60 HT par an, en raison de la hausse de l'ISPC.
Ainsi, à partir du 1er novembre 2022, le loyer et les acomptes de charges se montaient à 498'511 fr. 63 TTC par an.
h.a Le 25 octobre 2022, FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______ a fait notifier à A______ SA un commandement de payer, poursuite n° 2______, portant sur les sommes de 481'920 fr. 80, avec intérêts à 5% dès le 1er mai 2022, à titre de montants exigibles au 3 octobre 2022 selon le contrat de bail (poste n° 1) et de 500 fr. à titre de "dommage supplémentaire" selon l'art. 106 CO (poste n° 2). La précitée y a formé opposition.
h.b Par jugement JTPI/6200/2023 du 30 mai 2023, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition susvisée à concurrence de 481'920 fr. 80, avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2022 (date moyenne).
Le Tribunal de première instance n'est notamment pas entré en matière concernant la clausula rebus sic stantibus invoquée par A______ SA en lien avec la pandémie de Covid-19, en relevant que le contrat de bail avait été signé en mars 2021, soit un an après le commencement de cette pandémie, de sorte qu'il était difficile de comprendre comment celle-ci pouvait justifier une adaptation ultérieure dudit contrat.
i. Le 19 octobre 2022, la locataire a résilié le contrat de bail de manière anticipée au sens de l'art. 266g CO pour le 31 mai 2023, alléguant que la crise sanitaire avait eu des conséquences majeures pour elle, impactant très fortement son activité au point que l'exécution du bail jusqu'à son terme était devenue objectivement intolérable. Le courrier précisait que la bailleresse avait refusé la candidature d'un locataire de remplacement, soit l'Hospice général.
La locataire a envoyé les clés des locaux à la bailleresse, qui les a reçues le 27 octobre 2022, mais les a renvoyées, tout en contestant la résiliation. La locataire a alors déposé les clés auprès d'un huissier judiciaire le 23 novembre 2022.
j. Le 18 novembre 2022, la bailleresse a déposé une requête en conciliation concluant à l'inefficacité et l'annulation du congé donné par la locataire le 19 octobre 2022 et au constat que le contrat de bail demeurait en vigueur jusqu'à son échéance. Cette procédure, enregistrée sous numéro de cause C/3______/2022, est actuellement suspendue.
k. Le 24 février 2023, la bailleresse a mis en demeure la locataire de s'acquitter d'un montant de 561'973 fr. 36 TTC, dans un délai de trente jours, sous menace de résiliation du bail.
Aucun paiement n'étant intervenu dans le délai imparti, la bailleresse a résilié le bail, par avis officiel du 29 mars 2023, pour le 30 avril 2023.
l. Le 28 avril 2023, la locataire a rappelé à la bailleresse qu'elle avait résilié le bail de manière anticipée et qu'elle lui avait restitué les clés au plus tard le 23 novembre 2022.
m. Un procès-verbal d'état des lieux de sortie non contradictoire a été tenu le 1er mai 2023 par un huissier de justice, à la demande de la bailleresse.
n.a Le 30 août 2023, FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______ a fait notifier à A______ SA un commandement de payer, poursuite n° 4______, portant sur les sommes de 166'170 fr. 60, avec intérêts à 5% dès le 15 février 2023, à titre d'arriérés de loyers et charges de janvier à avril 2023 (poste n° 1) et de 3'032 fr. 70, avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2022, à titre de montant complémentaire dû à l'augmentation de loyer de novembre et décembre 2022 (poste n° 2). La précitée y a formé opposition.
n.b Par jugement du 25 avril 2024, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition susvisée.
o. Le 22 juin 2023, A______ SA a agi, par-devant le Tribunal de première instance, en libération de dette à l'encontre de FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______.
Par jugement du 10 novembre 2023, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevable cette action en libération de dette, faute de compétence à raison de la matière.
p.a Par acte du 30 novembre 2023, A______ SA a formé, par-devant le Tribunal, une action en libération de dette à l'encontre de FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______, concluant à ce qu'il soit constaté qu'elle ne devait pas à la précitée la somme de 481'920 fr. 80, avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2022. Cette procédure a été enregistrée sous numéro de cause C/25790/2023.
A______ SA s'est prévalue de l'application de la clausula rebus sic stantibus, devant conduire à une adaptation du contrat de bail litigieux, dans le sens d'une réduction de loyer, voire de sa suppression. En effet, elle avait été créée afin de répondre à la pénurie de masques de protection durant la pandémie de Covid-19, en mettant en place une fabrication "swiss made" de ceux-ci. La pandémie et les mesures étatiques prises avaient toutefois été imprévisibles. Le port du masque en Suisse avait été obligatoire dans les transports publics en juillet 2020, puis cette obligation s'était étendue à deux reprises en octobre 2020. Elle avait ainsi misé sur une forte expansion de la demande et sur le fait que la pandémie allait durer, notamment en raison des nouveaux variants et des nouvelles vagues de contamination. Elle avait reçu de nombreuses promesses de commandes de masques en raison de ladite pénurie, résorbée une fois les masques de fabrication étrangère, notamment chinoise, à nouveau disponibles sur le marché, soit dès septembre 2021. Toutes les promesses de commandes, tant publiques que privées, n'avaient ainsi pas été honorées.
A l'appui de ses allégués, elle a produit divers articles de presse, rapports d’ECONOMIESUISSE et tableaux publiés par l'Office fédéral de la santé publique, concernant notamment l'assouplissement et le renforcement des mesures nationales prises entre avril et novembre 2020 (pièce n° 8).
Pour le surplus, elle a allégué s'être acquittée de plusieurs mensualités de loyer pour la période de mars à novembre 2021, totalisant la somme de 321'815 fr. 70 (allégué n° 63). A cet égard, elle a produit un tableau, établi par ses soins, faisant état de neuf versements de 35'757 fr. 30 chacun entre mars 2021 et mai 2022 (pièce n° 23).
p.b Dans sa réponse et demande reconventionnelle, FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______ a conclu au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions et à ce que celle-ci soit condamnée à lui verser 727'915 fr. 20, avec intérêts à 5% dès le 1er mai 2022 sur 458'679 fr. 30 et dès le 1er février 2023 sur 249'255 fr. 90 [sic].
Elle a fait valoir qu'au moment de la signature du contrat litigieux, la réalité et l'imprévisibilité de la pandémie de Covid-19 étaient déjà connues et ce, depuis plus d'une année. En se référant aux pièces produites par la locataire, elle a soutenu que cette pandémie avait d'abord connu une phase aiguë, du printemps à la fin 2020, entraînant notamment une pénurie de certains produits, dont les masques de protection, et qu'ensuite, dès le printemps 2021, l'économie avait connu une phase de reprise, notamment grâce à la campagne de vaccination et à l'augmentation de la production de biens médicaux à l'échelle mondiale. A______ SA avait ainsi conclu le contrat de bail litigieux en connaissance de cause et la non réalisation des objectifs financiers de celle-ci ne lui était pas imputable.
Concernant l'allégué n° 63 de la locataire, elle a répondu ce qui suit: "Admis que la Demanderesse a payé à la Défenderesse en exécution du bail litigieux un montant total de 321'815 fr. 70. Contesté pour le surplus".
p.c Dans sa réponse à la demande reconventionnelle, A______ SA a conclu à ce qu'il soit constaté qu'elle ne devait pas à FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______ la somme réclamée.
Elle a allégué qu'après vérification de sa comptabilité, le montant total acquitté par elle ne s'élevait pas à 321'815 fr. 70, mais à 338'891 fr. 50. En effet, les paiements effectués les 30 mars, 14 avril, 11 et 20 mai 2022 ne s'élevaient pas à 35'757 fr. 30 chacun, mais à 40'026 fr. 25, soit un montant comprenant le loyer (35'757 fr. 30 TTC) et les charges (4'268 fr. 95 TTC), ce qui ressort des relevés bancaires produits (pièce n° 31). Cette différence de 17'075 fr. 80 devait être ajoutée à la somme de 321'815 fr. 70. Par ailleurs, elle avait proposé à la bailleresse un locataire de remplacement solvable, soit l'Hospice général, que la précitée avait refusé sans motif valable.
p.d Dans leurs écritures subséquentes, les parties ont persisté dans leurs conclusions.
La bailleresse a contesté les allégations de la locataire concernant le montant total acquitté et a allégué que l'Hospice général n'avait jamais accepté de reprendre le contrat de bail litigieux aux mêmes conditions, celui-ci n'ayant formulé aucune proposition en ce sens, ni pris contact avec elle.
La locataire a fait valoir que la bailleresse n'avait produit aucun décompte annuel de charges, de sorte que celle-ci devait lui restituer les acomptes versés à ce titre, qui devaient être compensés avec le solde qu'elle devait encore à la bailleresse. Elle a notamment produit des articles de presse dont résulte que l'Hospice général avait ouvert un hôtel d'hébergements d'urgence à la rue 1______ no. ______ à G______, ainsi qu'un courriel du 16 juin 2022, dans lequel la bailleresse répondait à sa proposition concernant la reprise des locaux par l'Hospice général et expliquait que celle-ci n'était pas idéale notamment parce qu'un changement d'usage de bureau en habitation/hôtel entrainerait des efforts et coûts d'aménagement conséquents.
p.e Par acte du 21 mai 2024, A______ SA a conclu à ce que le Tribunal constate qu'elle ne devait pas à FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______ la somme de 166'170 fr. 60, avec intérêts à 5% dès le 15 février 2023. Cette procédure a été enregistrée sous numéro de cause C/11297/2024.
p.f Dans sa réponse, FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______ a conclu au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions et à la jonction des causes C/11297/2024 et C/25790/2023.
p.g Le 20 juin 2024, le Tribunal a ordonné la jonction desdites causes sous numéro C/25790/2023.
p.h Entendu en qualité de témoin, H______ a déclaré travailler auprès de C______/I______ SA, soit la caution solidaire pour le contrat de bail litigieux. Courant 2022, A______ SA avait cherché un locataire de remplacement pour les locaux. A côté de ceux-ci se trouvait un hôtel de l'Hospice général et A______ SA savait que celui-ci cherchait d'autres locaux pour des hébergements d'urgence. La précitée avait alors proposé à la bailleresse que l'Hospice général reprenne le contrat de bail, étant précisé qu'elle avait eu des discussions avancées à ce sujet avec l'intéressé. L'Hospice général n'avait toutefois pas fait de proposition directe à la bailleresse pour la reprise des locaux. Les activités de l'Hospice général auraient d'ailleurs nécessité un changement d'affectation de ceux-ci. La bailleresse avait refusé la proposition de la locataire.
A l'issue de l'audience du 20 septembre 2024, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, sur quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.
q. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que l'application de la clausula rebus sic stantibus ne se justifiait pas. En effet, la pandémie de Covid-19 avait débuté une année avant la conclusion du contrat de bail litigieux. De plus, la locataire était malvenue d'invoquer la pandémie comme événement imprévisible, alors que c'était sur celle-ci qu'elle avait fondé son "business plan". Par ailleurs, lors de la signature dudit contrat, il était déjà prévisible que la situation sanitaire allait en s'améliorant. En tout état, le fait que des partenaires commerciaux s'étaient désistés pour finalement acheter des produits à l'étranger ne pouvait pas être considéré comme un évènement extraordinaire justifiant une adaptation du contrat de bail litigieux.
Aucun élément du dossier ne permettait de retenir que l'Hospice général aurait été prêt à reprendre ledit contrat aux mêmes conditions.
Enfin, entre le 1er mars 2021 et le 30 avril 2023, la locataire s'était acquittée de la somme totale de 338'891 fr. 50, soit quatre paiements de 40'026 fr. 25 TTC, correspondant aux loyer et charges, et cinq paiements de 35'757 fr. 30 TTC, correspondant au loyer, hors charges. Aucun décompte de charges n'ayant été produit par la bailleresse, la locataire était en droit de réclamer la restitution des acomptes versés, soit 17'075 fr. 80 (4'268 fr. 95 TTC x 4 mois), et de compenser cette somme avec le montant dû, soit 938'788 fr. 20, correspondant aux loyers des mois de mars 2021 à avril 2023, hors charges (715'146 fr. de mars 2021 à octobre 2022 et 223'642 fr. 20 de novembre 2022 à avril 2023). La locataire devait ainsi la somme de 599'896 fr. 70 (938'788 fr. 20 - 338'891 fr. 50).
1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).
En l'espèce, la valeur litigieuse des dernières conclusions de première instance étant supérieure à 10'000 fr. (cf. art. 92 al. 1 CPC), la voie de l'appel est ouverte.
1.2 Interjetés auprès de l'autorité compétente (art. 122 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours (art. 311 al. 1, 312 et 313 al. 1 CPC) et selon la forme écrite prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel et l'appel joint sont recevables.
A cet égard, l'appelante soutient que l'appel joint de l'intimée serait irrecevable, au motif que ce mémoire ne distingue pas, en deux parties, la réponse à l'appel et l'appel joint. Ce grief n'est toutefois pas fondé. En effet, dans sa partie "EN DROIT", l'intimée répond de manière séparée aux griefs de l'appelante et formule distinctement ses propres griefs à l'encontre du jugement entrepris. Contrairement à ce que soutient l'appelante, celle-ci a d'ailleurs aisément pu se déterminer sur ces derniers. Il n'y a donc pas lieu de déclarer irrecevables l'appel joint de l'intimée, ainsi que sa réplique sur appel joint.
1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).
Cela étant, conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, la Cour revoit la cause uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable – pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).
2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré que la clausula rebus sic stantibus ne s'appliquait pas.
2.1.1 Selon la règle pacta sunt servanda, les termes du contrat doivent en principe être respectés. En dérogation à ce principe, la clausula rebus sic stantibus autorise une adaptation du contrat, même contre la volonté d'une partie, si les circonstances dans lesquelles il a été conclu se sont modifiées à tel point qu'il en résulte un grave déséquilibre entre les prestations. Le maintien du contrat ne saurait dès lors être exigé, respectivement son exécution par l'une des parties n'apparaît plus raisonnable. Cette solution est fondée sur l'idée que les parties n'auraient pas conclu le contrat si elles n'avaient pas eu des représentations erronées sur les circonstances prévalant au moment de la conclusion du contrat ou sur l'évolution de celles-ci (ATF 135 III 1 consid. 2.4; 138 V 366 consid. 5.1;
127 III 300 consid. 5b; 135 III 1 consid. 2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_158/2024 du 5 novembre 2024 consid. 8.1 et 4A_178/2017 du 14 juin 2018 consid. 6).
Il doit s'agir de modifications qui n'étaient ni prévisibles, ni évitables au moment de la conclusion du contrat (ATF 135 III 1 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_158/2024 précité consid. 8.1).
Tel peut être le cas notamment lorsqu'un événement extérieur, extraordinaire, imprévisible (guerre, conjoncture économique) provoque une grave rupture de l'équilibre contractuel, au point que l'exécution, alors même qu'elle est encore possible, exigerait du débiteur des sacrifices manifestement excessifs. On dit de la prestation qu'elle devient exorbitante (Wessner, Commentaire pratique, Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n° 7 ad art. 266g CO). En ne renonçant pas à ses prétentions contractuelles, le créancier exploite alors usurairement le déséquilibre créé et abuse manifestement de son droit (ATF 128 III 428; 107 II 343, in JdT 1982 II 272 consid. 2; 62 II 42 consid. 2).
Selon la jurisprudence et la doctrine, une intervention du juge dans un contrat doit toutefois rester exceptionnelle: "Une intervention du juge dans le contrat entre en ligne de compte seulement exceptionnellement, à savoir, si, par des circonstances postérieures et imprévisibles, il s'est produit une disproportion si évidente entre la prestation et la contre-prestation, que l'insistance d'une partie sur sa prétention paraît abusive (ATF 101 II 17 consid. 1b; ACJC/501/2024 du 16.04.2024 consid. 3.1.4; Winiger, Commentaire romand CO I, 2021, n° 194 ad art. 18 CO).
2.1.2 La doctrine n'est pas unanime quant à la possibilité d'appliquer la clausula rebus sic stantibus en matière de changement de circonstances extraordinaire en droit du bail, en raison de l'existence de l'art. 266g CO, lequel interviendrait de manière exclusive pour certains auteurs, et qui prévoit que chacune des parties peut résilier le bail à n'importe quel moment en observant le délai de congé légal si, pour de justes motifs, l'exécution du contrat lui devient intolérable. L'art. 266g CO, qui n'est pas conditionné à un déséquilibre (ATF 128 III 428), ne permet toutefois, contrairement à la clausula rebus sic stantibus, aucune adaptation du contrat de bail, mais uniquement sa résiliation (Bohnet, Bail à loyer pour locaux commerciaux et Ordonnance 2 COVID-19, 2020, n° 2, p. 23ss).
2.2 En l'espèce, l'appelante se prévaut du caractère imprévisible de la pandémie de Covid-19 pour justifier l'application de la clausula rebus sic stantibus, en ce sens qu'elle ne pouvait pas prévoir l'évolution de celle-ci, ni les mesures étatiques prises en conséquence. En particulier, elle ne pouvait pas anticiper que les autorités suisses ne s'approvisionneraient finalement pas en masques de protection auprès de producteurs locaux, dont elle faisait partie.
Comme relevé par les premiers juges et par le Tribunal de première instance dans son jugement JTPI/6200/2023 du 30 mai 2023, le contrat de bail litigieux a été conclu en mars 2021, soit un an après le début de la pandémie de Covid-19 en Suisse. Compte tenu de cette durée, l'appelante ne peut pas se prévaloir du fait que l'évolution de cette pandémie était imprévisible, ce qui est d'ailleurs propre à toute situation de crise sanitaire. En effet, il ressort des pièces produites par l'appelante, en particulier celle n° 8, que les autorités suisses ont régulièrement adapté les mesures de restriction ou d'assouplissement prises entre avril et novembre 2020, en fonction de l'évolution de la pandémie.
Ainsi, au moment de la signature du contrat de bail litigieux, le caractère imprévisible de la situation sanitaire était connu de l'appelante, en ce sens qu'elle savait que les mesures étatiques étaient changeantes et adaptables, en tout temps, à l'évolution de la pandémie.
A cela s'ajoute, comme relevé par les premiers juges, que l'appelante a fondé son activité commerciale ("business plan") sur l'existence de la pandémie. Elle a ainsi spéculé sur l'évolution de celle-ci, de sorte qu'elle n'est pas fondée, de bonne foi, à soutenir que cette évolution constituerait un évènement extérieur, extraordinaire et imprévisible. Le fait que ses projections économiques – qui l'auraient incitée à conclure le contrat de bail litigieux – ne se sont pas réalisées comme escompté ne saurait justifier l'application de la clausula rebus sic stantibus et donc une adaptation dudit contrat, soit par une réduction du loyer ou une suppression de celui-ci. En effet, l'application de ce principe aurait pour conséquence de faire supporter à l'intimée le risque économique inhérent à l'activité commerciale de l'appelante – qui plus est connu de celle-ci –, ce qui n'est pas acceptable.
Ainsi, le fait que les partenaires commerciaux de l'appelante n'ont finalement pas honoré leurs promesses de commandes de masques de protection, préférant s'approvisionner en Asie lors de la réouverture de ce marché, ne saurait être considéré comme un événement extraordinaire justifiant une adaptation du contrat de bail litigieux.
A défaut d'un tel événement, il n'est pas nécessaire d'examiner si l'exécution du contrat de bail litigieux par l'appelante serait devenue intolérable. Le fait que cette dernière n'a pas perçu d'indemnités étatiques, en compensation de ses pertes économiques, n'est donc pas pertinent.
Les premiers juges ont ainsi, à juste titre, refusé d'appliquer la clausula rebus sic stantibus à la présente cause, de sorte que le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris sera confirmé.
3. L'appelante fait grief au Tribunal de ne pas avoir tenu compte du locataire solvable de remplacement qu'elle avait proposé à l'intimée et qui avait été refusé, selon elle, sans juste motif.
3.1 En application de l'art. 264 al. 1 CO, lorsque le locataire restitue la chose sans observer les délai et terme de congé, il n'est libéré de ses obligations envers le bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser; le nouveau locataire doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions. À défaut, le locataire doit s'acquitter du loyer jusqu'à l'expiration de la durée du bail ou jusqu'au prochain terme de congé contractuel ou légal (al. 2).
Il appartient ainsi au locataire qui restitue la chose de manière anticipée de rechercher et de présenter un locataire de remplacement qui soit objectivement acceptable. Le bailleur doit recevoir tous les renseignements utiles sur le candidat et disposer ensuite d'un délai de réflexion suffisant (arrêts du Tribunal fédéral 4A_332/2016 du 20 septembre 2016 consid. 3.2.4 et 4A_373/2008 du 11 novembre 2008 consid. 3.1).
La reprise du bail aux mêmes conditions implique le maintien des conditions du bail, en particulier la destination des locaux, sa durée, le montant du loyer et des frais accessoires, les sûretés (art. 257e CO), ainsi que toutes les autres clauses particulières du contrat (Bise/Planas, Droit du bail à loyer et du bail à ferme, Commentaire pratique, 2017, n° 67 ad art. 264 CO; Lachat/Bohnet, Commentaire romand CO I, 2021, n° 6 ad art. 264 CO).
C'est au locataire sortant qu'il incombe de fournir au bailleur tous les renseignements nécessaires au sujet du candidat de remplacement. Il devra ainsi démontrer que le candidat est solvable, objectivement acceptable et prêt à reprendre le bail aux mêmes conditions. Pour ce faire, le locataire sortant s'assurera que le candidat présente au bailleur tous les documents nécessaires (Bise/Planas, op. cit., n° 38 ad art. 264 CO).
3.2 En l'espèce, l'appelante soutient avoir démontré qu'elle avait présenté à l'intimée un locataire de remplacement solvable, soit l'Hospice général, qui était prêt à reprendre le contrat de bail litigieux aux mêmes conditions.
Comme retenu par les premiers juges, aucun élément du dossier ne permet toutefois de considérer que l'Hospice général aurait accepté de reprendre ledit contrat aux mêmes conditions, notamment s'agissant de la destination des locaux, sa durée ou encore le montant du loyer et des frais accessoires. Le fait que l'Hospice général a ouvert, à une date inconnue, un hôtel d'hébergements d'urgence à l'adresse des locaux litigieux ne modifie pas ce qui précède, dès lors que les conditions afférentes à ce contrat de bail ne sont pas connues.
En tout état, même si des discussions ont été menées entre l'Hospice général et l'appelante pour la reprise du contrat de bail litigieux, ce dernier ne s'est jamais manifesté auprès de l'intimée. En effet, le témoin H______ a confirmé au Tribunal que l'Hospice général n'avait formulé aucune proposition à la précitée pour reprendre ledit bail, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'appelante.
Dans ces circonstances, il n'est pas critiquable d'avoir considéré que l'appelante n'avait pas établi, à satisfaction de droit, avoir proposé à l'intimée un candidat prêt à reprendre le contrat de bail litigieux aux mêmes conditions.
L'appelante soutient ne pas avoir "eu l'occasion de démontrer" que l'Hospice général était prêt à reprendre ledit contrat aux mêmes conditions, dès lors que l'intimée avait refusé la candidature de celui-ci, par courriel du 16 juin 2022. Ce refus ne saurait libérer l'appelante de son obligation de prouver, dans le cadre de la présente procédure, que l'Hospice général était disposé à reprendre les locaux aux mêmes conditions, le fardeau de la preuve lui incombant à cet égard.
L'appelante n'a donc pas été valablement libérée de ses obligations contractuelles et est donc redevable du paiement du loyer jusqu'au 30 avril 2023, comme retenu par les premiers juges.
4. L'intimée reproche au Tribunal d'avoir retenu que l'appelante se serait acquittée en sa faveur de la somme totale de 338'891 fr. 50.
4.1.1 Le locataire doit payer le loyer et, le cas échéant, les frais accessoires, à la fin de chaque mois, mais au plus tard à l'expiration du bail, sauf convention ou usage local contraire (art. 257c CO).
4.1.2 Les frais accessoires sont dus pour les prestations fournies par le bailleur ou un tiers en rapport avec l'usage de la chose. Ils ne sont à la charge du locataire que si cela a été convenu spécialement (art. 257a CO).
Si les frais accessoires ne sont pas payés directement par le locataire au fournisseur (p.ex. mazout d'une villa), le bailleur peut les facturer au forfait ou/et (combinaisons possibles) selon le système des acomptes (provisions mensuelles et décompte annuel) (Lachat/Bohnet, op.cit., n° 4 ad art. 257a-257b CO).
Pour le système des acomptes, le bailleur fournira au locataire un décompte une fois l'an (art. 4 I et 8 OBLF), clair et compréhensible, de manière à ce que le locataire puisse contrôler les frais accessoires (Lachat/Bohnet, op. cit., n° 5 ad art. 257a-257b CO). S'il ne reçoit pas de décompte ou ne peut pas consulter les justificatifs, le locataire peut refuser de payer les frais accessoires (ils ne sont ni prouvés, ni échus: art. 257c CO) et demander le remboursement des acomptes payés pendant l'exercice concerné (art. 62 ss CO) (Lachat/Bohnet, op. cit., n° 10 ad art. 257a-257b CO).
La Cour de justice considère également que rien n'est dû pour les frais accessoires si le bailleur, qui a le fardeau de la preuve, ne produit aucune pièce justificative, puisqu'il est impossible de fixer de façon équitable le montant des frais dus à ce titre (ACJC/689/2017 du 12 juin 2017 consid. 2.3; ACJC/148/2008 du 4 février 2008 consid. 2.2).
4.2 En l'espèce, l'intimée soutient que l'appelante aurait uniquement prouvé s'être acquittée de la somme de 160'105 fr. en exécution du contrat de bail litigieux, conformément aux relevés bancaires produits sous pièce n° 31 (soit quatre versements de 40'026 fr. 25 chacun). Elle avait toutefois admis que l'appelante lui avait versé à ce titre le montant total de 321'815 fr. 70 (réponse à l'allégué n° 63 de l'appelante) et non de 338'891 fr. 50, comme retenu par les premiers juges.
L'intimée ne conteste pas qu'elle n'a pas produit de décompte de charges, ni qu'elle avait l'obligation contractuelle d'établir un tel décompte au 30 juin de chaque année, de sorte que l'appelante était en droit de réclamer la restitution de la somme acquittée à titre de charges et de la compenser avec le solde encore dû à titre de loyer.
Or, lesdits relevés bancaires attestent que l'appelante s'est acquittée, en sus du loyer, de la somme totale de 17'075 fr. 80 à titre d'acomptes de charges (4'268 fr. 95 x 4 mois), ce que l'intimée ne conteste pas en appel. En effet, ces relevés font état de quatre versements de 40'026 fr. 25 chacun, soit un montant correspondant à 35'757 fr. 30 pour le loyer et à 4'268 fr. 95 pour les charges.
Dès lors que la somme admise par l'intimée à hauteur de 321'815 fr. 70 correspond exactement au montant de neuf mensualités pour le loyer (35'757 fr. 30 x 9 mois), elle ne saurait valablement sous-entendre que celle-ci comprendrait le montant de 17'075 fr. 80 payé à titre de charges. Les premiers juges ont ainsi, à juste titre, considéré que ce montant avait été acquitté par l'appelante en sus desdites mensualités admises par l'intimée.
Les parties ne contestent pas non plus le montant total dû par l'appelante à l'intimée à titre de loyer pour les mois de mars 2021 à avril 2023, hors charges – qui ne sont pas prouvées à défaut de production de décomptes –, soit 938'788 fr. 20.
Or, en déduisant dudit montant celui que l'intimée a admis avoir perçu de l'appelante, ainsi que celui établi et non contesté dû en compensation pour les charges payées, on obtient le résultat auquel les premiers juges sont parvenus, à savoir que l'appelante reste devoir à l'intimée la somme totale de 599'896 fr. 70 (938'788 fr. 20 - 321'815 fr. 70 - 17'075 fr. 80; étant relevé que l'addition de ces deux derniers montant correspond à la somme de 338'891 fr. 50 retenue par les premiers juges).
Les griefs de l'intimée ne sont donc pas fondés.
Par conséquent, le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris sera également confirmé.
5. L'intimée sollicite que l'appelante soit condamnée à une amende pour téméraire plaideur.
5.1 Aux termes de l'art. 128 al. 3 CPC, la partie ou son représentant qui usent de mauvaise foi ou de procédés téméraires sont punis d'une amende disciplinaire de 2'000 fr. au plus; l'amende est de 5'000 fr. au plus en cas de récidive.
A titre de procédé téméraire, l'on peut citer le fait de bloquer une procédure en multipliant les recours abusifs ou de déposer un recours manifestement dénué de toutes chances de succès dont s'abstiendrait tout plaideur raisonnable et de bonne foi (Haldy, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 9 ad art. 128 CPC).
Au sujet de l'art. 33 al. 2 LTF qui a un contenu similaire à l'art. 128 al. 3 CPC, le Tribunal fédéral a déclaré que cette disposition devait être appliquée de façon restrictive, à l'encontre de comportements abusifs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_314/2014 du 24 novembre 2014 consid. 4.2).
5.2 En l'occurrence, il n'y a pas lieu d'infliger une amende à l'appelante. En effet, l'on ne saurait considérer que son appel était abusif ou d'emblée manifestement dénué de toutes chances de succès.
6. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).
* * * * *
La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevables l'appel interjeté le 21 février 2025 par A______ SA et l'appel joint interjeté le 25 février 2025 par FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS B______ contre le jugement JTBL/42/2025 rendu le 20 janvier 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/25790/2023.
Au fond :
Confirme le jugement entrepris.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Madame Sylvie DROIN, présidente; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe FERRERO, Madame
Laurence MIZRAHI, juges assesseurs; Madame Victoria PALLUD, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.