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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/26471/2023

ACJC/1220/2025 du 02.09.2025 sur JTBL/1023/2024 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26471/2023 ACJC/1220/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 2 SEPTEMBRE 2025

 

 

Entre

A______ AG, sise ______ (NW), appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 octobre 2024, représentée par Me Pierre BANNA, avocat, Banna & Quinodoz, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3,

et

Monsieur B______, intimé, représenté par son curateur, Me C______, avocat.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1023/2024 du 14 octobre 2024, notifié à A______ SA le 18 octobre 2024, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a constaté que le contrat de bail conclu entre B______ et A______ SA, portant sur la location d'un appartement de deux pièces au deuxième étage de l'immeuble sis avenue Théodore-Flournoy 8, à Genève, n'avait pas pris fin (ch. 1 du dispositif), condamné A______ SA à remettre les clés de l'appartement à B______ dès que les travaux de réfection seraient terminés (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Le 18 novembre 2024, A______ SA (ci-après : la bailleresse ou l'appelante) a déposé un appel contre ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et constate que le bail conclu entre elle-même et B______ (ci-après : le locataire ou l'intimé) avait pris fin le 1er septembre 2024 suite à l'incendie ayant entraîné la destruction totale de la chose louée.

L'appelante a allégué plusieurs faits nouveaux et produit des pièces nouvelles.

b. Par réponse du 20 décembre 2024, l'intimé a conclu au déboutement de la bailleresse de toutes ses conclusions.

L'intimé a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles.

c. Les parties ont répliqué, dupliqué, et déposé plusieurs déterminations subséquentes, entre les 5 février et 15 mai 2025, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Les parties ont été avisées le 19 mai 2025 par le greffe de la Cour que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a.    Le 17 décembre 1998, S.I D______, en qualité de propriétaire et bailleresse, et B______, en qualité de locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur un appartement de deux pièces au deuxième étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève.

Le bail a été conclu pour une durée initiale de sept mois, du 1er janvier 1999 au 31 juillet 1999, renouvelable de six mois en six mois, sauf résiliation de l'une des parties moyennant un préavis de trois mois.

Le loyer a été fixé, en dernier lieu, à 790 fr. par mois, charges incluses.

A______ SA a acquis l'immeuble en juin 2023.

b.   Le 1er septembre 2023, un incendie s'est déclaré dans l'appartement précité. Il a été causé par B______, qui avait quitté le logement en laissant une casserole sur le feu. Le locataire a été reconnu coupable d'incendie par négligence, par ordonnance pénale du 8 novembre 2023.

Le feu s'est déclaré dans la cuisine et a endommagé tout l'appartement, le rendant totalement inutilisable.

Lors de l'audience du Tribunal du 15 avril 2025, la bailleresse a déclaré que seul l'appartement de B______ avait été dévasté par l'incendie et qu'il n'y avait pas de travaux à réaliser dans les autres appartements de l'immeuble, à l'exception d'un nettoyage des parties communes.

c.    Aux termes d'échanges de courriers entre les mois de septembre et novembre 2023, la bailleresse a fait savoir à son locataire qu'elle estimait que le contrat de bail avait pris fin à compter du 1er septembre 2023 dès lors que l'appartement avait été entièrement détruit par l'incendie et qu'il ne serait plus habitable avant d'importants travaux équivalant à une rénovation complète; elle l'informait ne plus être en mesure d'exécuter son obligation contractuelle de mise à disposition de l'objet loué; le locataire n'était, par conséquent, plus tenu au paiement du loyer.

Le locataire a contesté ces explications.

Quatre solutions de relogement ont été proposées par la bailleresse, que B______ a refusées, en raison du prix trop élevé pour les trois premiers appartements proposés et au vu d'une mauvaise situation géographique pour le quatrième. Le locataire a indiqué à la bailleresse se charger, seul, de trouver une solution temporaire de relogement. A la même période, il lui a restitué les clés de l'objet loué en vue des travaux à effectuer.

d.   Le locataire a cessé le versement du loyer dès le 1er octobre 2023.

e.    Par échanges de courriers entre la fin du mois de novembre et le mois de décembre 2023, la bailleresse a sollicité du locataire le remboursement des frais de débarras relatifs au nettoyage de l'appartement litigieux suite au sinistre et la prise en charge de la franchise de son assurance bâtiment.

Le locataire, respectivement son assurance responsabilité civile, ont refusé de prendre en charge les frais susvisés.

f.     Le 30 janvier 2024, la bailleresse a déposé une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée pour la transformation et rénovation de l'appartement litigieux. L'autorisation, référencée sous n° APA 2______/1, a été délivrée le 6 mars 2024 par l'Office des autorisations de construire (ci-après : OAC).

g.    Par requête du 7 décembre 2023 déposée par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée lors de l'audience du 27 février 2024 et portée devant le Tribunal le 29 février 2024, B______ a conclu, sur mesures provisionnelles, à ce qu'il soit interdit à A______ SA de louer l'appartement litigieux à un tiers.

Sur le fond, il a conclu à ce que le Tribunal constate que le bail de l'appartement litigieux n'avait pas pris fin ni n'avait été résilié par la bailleresse, qu'il ordonne à la bailleresse de lui remettre les clés dudit appartement dès que les travaux de réfection seraient terminés, et à ce qu'il constate qu'aucun loyer n'était dû jusqu'à la remise des clés par la bailleresse.

h.   Par réponse du 9 avril 2024, la bailleresse a conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles et, par mémoire du 30 avril 2024, elle a conclu, au fond, à ce le Tribunal constate que le contrat de bail avait pris fin en raison de la destruction totale de la chose louée suite à l'incendie du 1er septembre 2023.

Elle a notamment exposé qu'elle renonçait, en l'état, à planifier toute réalisation de travaux de réfection de l'appartement litigieux en raison des questions financières et d'assurance non réglées ainsi que du comportement peu collaboratif du locataire.

i.      Par ordonnance de mesures provisionnelles JTBL/695/2024 rendue le 20 juin 2024 dans la cause C/3______/2024, le Tribunal a fait interdiction à A______ SA de louer l'appartement litigieux à un tiers.

j.     Lors de l'audience qui s'est tenue devant le Tribunal le 2 septembre 2024, la bailleresse a déclaré que l'assurance responsabilité civile du locataire refusait de prendre en charge les frais de débarras des affaires de ce dernier et la franchise de 50'000 fr. de son assurance bâtiment. Les travaux n'avaient pas débuté en raison du défaut de paiement des frais précités.

Les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions respectives.

k.   La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience susmentionnée.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid.1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Il faut, en principe, tenir compte de la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1 ; 136 III 196 consid. 1.1).

1.2 Conformément à l'argumentation de la bailleresse, il y a lieu d'appliquer, par analogie, la jurisprudence fédérale précitée au présent cas d'espèce. En l'occurrence, le locataire a formé, en première instance, une action en constatation de droit visant à constater que le contrat de bail n'avait pas pris fin. Cette situation est assimilable au cas où la fin du contrat de bail serait contestée pour cause de nullité, respectivement d'annulabilité du congé donné par la bailleresse, sous l'angle des art. 271 ss CO en matière de protection contre les congés. Partant, la valeur litigieuse in casu doit être déterminée en tenant compte du montant brut du loyer annuel durant une période de protection de trois ans.

Vu le montant du loyer annuel qui se chiffre à 9'480 fr., charges incluses, multiplié par trois, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.3 Interjeté dans le délai et forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), l'appel déposé par la bailleresse est recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. Tant l'appelante que l'intimé ont produit des nouvelles pièces et font valoir des faits nouveaux devant la Cour.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces deux conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

L'admissibilité de faits survenus avant la fin des débats principaux de première instance, respectivement avant que la cause ait été gardée à juger (pseudo nova) est ainsi largement limitée en appel, dès lors qu'ils sont irrecevables lorsque le plaideur aurait déjà pu les introduire dans la procédure de première instance s'il avait été diligent (ATF 143 III 42 consid. 4.1). Il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le fait n'a pas pu être allégué en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

La Cour examine d'office la recevabilité des faits nouveaux en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2013, ad art. 317 CPC, n. 26).

2.2 En l'espèce, les pièces nouvelles n° 37, 38 et 39 produites par l'appelante, à savoir les courriels et le courrier qu'elle a échangés avec l'assureur de l'intimé du 2 au 16 septembre 2024, ainsi qu'un courrier du 5 février 2025 adressé à l'assurance responsabilité civile de l'intimé constituent des vrais novas, étant postérieurs à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. Ils sont ainsi recevables, de même que les allégués s'y rapportant.

En revanche, les pièces annexées à l'échange de courriels en pièce n° 37, à savoir les factures du 21 mars 2023, 1er septembre 2023, 5 septembre 2023, 15 décembre 2023, 19 décembre 2023 et du 9 janvier 2024 sont antérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger. Dans la mesure où l'appelante n'a pas exposé pour quels motifs elle ne s'en est pas prévalue plus tôt dans le cadre de la procédure de première instance, ces pièces sont irrecevables, de même que tous les allégués s'y rapportant.

La facture du 8 décembre 2023 de E______ Sàrl, annexée à la pièce n° 37 est, quant à elle, recevable étant donné qu'elle a déjà été produite en première instance.

2.3 Les pièces nouvelles n° 15 à 20 produites par l'intimé, à savoir un courriel échangé le 20 février 2025 entre son assurance responsabilité civile et le conseil de l'appelante, deux avis de résiliation du contrat de bail (l'une extraordinaire et l'autre ordinaire) du 10 avril 2025, ainsi que deux requêtes en contestation du congé (l'un extraordinaire et l'autre ordinaire) datées du 15 avril 2024 et adressées par l'intimé à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, sont recevables. En effet, dans la mesure où elles sont postérieures à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger, elles constituent des vrais novas. Il en va de même pour les allégués y relatifs.

3. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a retenu que l'impossibilité au sens de l'art. 119 CO, dont se prévalait la bailleresse, n'était que passagère, l'immeuble n'ayant pas été détruit. Bien que le sinistre ayant conduit à la destruction totale de l'appartement litigieux ne lui était pas imputable, il n'en demeurait pas moins que l'impossibilité n'était que temporaire. La bailleresse n'avait pas démontré que les travaux de remise en état seraient disproportionnés, au contraire, elle avait précisément manifesté son intention d'y procéder en déposant et obtenant l'autorisation de construire idoine. Les questions financières liées notamment au refus du locataire et de son assurance de prendre en charge certains frais, qui auraient retardé l'exécution des travaux, ne rendaient pas durable l'impossibilité. Pour ces raisons, il convenait de constater que le contrat de bail, n'ayant pas été formellement résilié par la bailleresse, ni pris automatiquement fin, demeurait en vigueur. Il y avait également lieu de donner droit à la conclusion du locataire tendant à la remise des clés de l'appartement litigieux dès que les travaux de réfection seraient achevés. La conclusion du locataire tendant au constat qu'aucun loyer n'était dû jusqu'à la remise des clés devait être rejetée, les règles sur les défauts de la chose louée ne trouvant pas application puisqu'il était démontré que l'incendie avait été déclenché par sa faute.

L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir violé les art. 2 CC et 119 CO. Elle fait valoir que le refus de l'intimé de régler les questions financières, à savoir la prise en charge de la franchise de l'assurance bâtiment et d'autres frais avancés par elle dans le cadre du sinistre, a pour conséquence de rendre durable l'impossibilité temporaire. En empêchant le règlement du sinistre, persistant à conclure que le bail n'avait pas pris fin, refusant des solutions de relogement et contestant le paiement du loyer, le locataire faisait valoir des droits de manière contraire à la bonne foi. Il existait ainsi un déséquilibre dans leur rapport synallagmatique, la répartition des risques n'étant plus supportable pour la bailleresse. Au vu de la volonté persistante du locataire à ne pas prendre en charge les loyers depuis le sinistre, ni les frais de réparation, ni la franchise de l'assurance, elle n'avait aucun intérêt, d'un point de vue économique, à reconstruire l'appartement litigieux et n'y était pas tenue.

3.1.1 A teneur de l'art. 119 CO, l'obligation s'éteint lorsque l'exécution en devient impossible par suite de circonstances non imputables au débiteur (al. 1). Dans les contrats bilatéraux, le débiteur ainsi libéré est tenu de restituer, selon les règles de l'enrichissement illégitime, ce qu'il a déjà reçu et il ne peut plus réclamer ce qui lui restait dû (al. 2).

Cette disposition régit l'impossibilité subséquente, par opposition à l'impossibilité originaire, qui rend le contrat nul en vertu de l'art. 20 al. 1 CO. L'impossibilité subséquente peut être matérielle – par exemple le décès d'un cheval dont le débiteur devait assurer l'entretien et le dressage (ATF 107 II 144) – ou juridique – ainsi une interdiction d'exportation qui empêche le débiteur de fournir la prestation (ATF 111 II 352, JdT 1986 I 73); certains auteurs en doctrine distinguent également selon que l'impossibilité est objective, c'est-à-dire que ni le débiteur ni des tiers ne sont en mesure d'effectuer la prestation contractuelle, ou subjective, lorsqu'une prestation devient impossible parce qu'elle se heurte à un obstacle insurmontable pour le débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 4C.344/2002 du 12 novembre 2003 consid. 4.2 et références doctrinales citées).

3.1.2 En matière de droit du bail, la doctrine considère qu'en cas d'impossibilité objective, le bail prend en principe fin sans que l'une des parties n'ait à le résilier ou à indemniser l'autre. Une impossibilité objective subséquente peut résulter de la destruction totale de l'immeuble dans laquelle le bailleur n'a aucune responsabilité. Si l'immeuble n'est que partiellement détruit (impossibilité partielle), on examinera s'il est raisonnable d'exiger du bailleur qu'il le reconstruise. Cela dépendra notamment du coût des travaux en regard de la valeur de l'immeuble. Lorsqu'on peut exiger du bailleur qu'il remette les locaux en état, on procédera selon les règles relatives aux défauts de la chose louée (Lachat, Le bail à loyer, 2019, chapitre 9.3.1 p. 238, chapitre 9.3.3 p. 239 et chapitre 27.4.1 p. 803).

Pour qu'une impossibilité temporaire soit considérée comme durable, au point de rendre l'exécution impossible au sens de l'art. 119 CO, la durée doit à tout le moins être imprévisible au point qu'elle est assimilable à un empêchement durable (arrêt du Tribunal fédéral 4C.344/2002 du 12 novembre 2003 consid. 4.2 et références citées; ACJC/1293/2024 du 15 octobre 2024 consid. 4.1).

3.2 En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'impossibilité passagère de la mise à disposition de l'appartement litigieux n'est pas devenue durable en raison du refus de l'intimé, respectivement de son assurance, de prendre en charge la franchise de son assurance bâtiment et des frais de débarras suite au sinistre. Elle ne saurait subordonner la réalisation des travaux de réfection, pour lesquels elle a dûment obtenu l'autorisation de construire de l'OAC le 6 mars 2024 déjà, au règlement des questions financières précitées par le locataire. Le fait que ce dernier n'ait pas donné suite aux solutions de relogement proposées par la bailleresse, qu'il n'ait pas réglé le montant du loyer depuis octobre 2023 ou qu'il persiste à conclure que le bail n'a pas pris fin, ne rend pas pour autant durable l'impossibilité momentanée de la jouissance de l'appartement. Ces éléments sont impropres à démontrer la réalisation des conditions d'une impossibilité au sens de l'art. 119 CO.

En effet, à teneur de la jurisprudence rappelée supra, pour qu'une impossibilité temporaire soit considérée comme durable, sa durée doit à tout le moins être imprévisible au point qu'elle est assimilable à un empêchement durable. Or, en l'occurrence, le retard causé par les questions financières invoquées par l'appelante ne saurait rendre la durée des travaux de réfection imprévisible; en réalité, ces derniers auraient pu débuter au mois de mars 2024 déjà, si l'appelante avait véritablement souhaité mettre en œuvre l'autorisation de construire qui lui a été délivrée par l'OAC. Toutefois, elle admet n'avoir aucun intérêt, d'un point de vue économique, à reconstruire la chose louée tant et aussi longtemps que le locataire n'aura pas réglé les frais de débarras de ses affaires et la franchise de l'assurance bâtiment. Ces prétentions financières à l'égard de l'intimé ne sont pas pertinentes dans le cadre du présent litige, de sorte que le grief de l'appelante selon lequel le locataire agirait de manière contraire aux règles de la bonne foi, tombe à faux.

Au demeurant, les frais que l'appelante aurait à engager pour la rénovation de l'appartement litigieux n'apparaissent pas disproportionnés, à l'instar de ce que le Tribunal a retenu. D'une part, seul l'objet loué a été détruit par l'incendie, de sorte que les travaux ne concernent pas tout l'immeuble, ni même d'autres appartements adjacents, et, d'autre part, l'appelante allègue un montant de 50'000 fr. à sa charge à titre de franchise d'assurance bâtiment, ce qui n'apparaît pas déraisonnable pour la réfection totale d'un logement de deux pièces.

A ce stade déjà, il appert que l'appelante ne parvient pas à démontrer que l'impossibilité de satisfaire à son obligation contractuelle serait durable.

3.3 Par ailleurs, les références jurisprudentielles qu'elle mentionne dans ses écritures ne lui sont d'aucun secours, dans la mesure où elles ne sauraient s'appliquer au cas d'espèce. Dans l'arrêt du Tribunal cantonal de Soleure du 7 juillet 2000 (consid. 4), les juges ont admis l'existence d'une impossibilité objective au sens de l'art. 119 CO, en faveur des locataires, en raison du fait qu'il ne leur était psychologiquement plus possible d'occuper leur logement, lequel avait été dévasté par deux incendies criminels, dont les auteurs n'avaient toujours pas été appréhendés; l'impossibilité durable ne résultait donc pas, dans cette affaire, de travaux de rénovation qui auraient duré longtemps, ceux-ci avaient d'ailleurs été exécutés en trois mois. En l'espèce, l'appelante ne démontre pas que son cas serait assimilable au cas soleurois, pas plus qu'elle ne parvient à établir que les travaux de réfection de l'appartement litigieux seraient de longue durée.

L'appelante évoque ensuite deux arrêts du Tribunal fédéral publiés sous ATF 57 II 532 et ATF 62 II 42, lesquels rappellent notamment que les conséquences d'une impossibilité au sens de l'art. 119 CO sont l'extinction des obligations réciproques et, en matière de bail, la libération des locaux auparavant loués; il ressort du premier arrêt susmentionné que le locataire qui invoque l'impossibilité et qui cesse le paiement des loyers doit abandonner les locaux. Or, en l'espèce, ce n'est pas le locataire qui se prévaut de l'impossibilité mais la bailleresse. Pour le surplus, on peine à comprendre en quoi ces deux arrêts seraient similaires au présent cas, étant donné qu'ils visaient des cas particuliers : dans l'arrêt le plus ancien (ATF 57 II 532) il s'agissait d'un bail portant sur un local commercial à usage spécifique (exploitation d'un cabinet de dentiste) remis en location à une dentiste où l'impossibilité durable a été confirmée suite à un changement de législation qui visait précisément l'exercice de sa profession. Dans l'arrêt le plus récent (ATF 62 II 42), la locataire (F______ SA) tentait de faire constater l'impossibilité de rester dans le local loué en raison d'un arrêté vaudois lui interdisant d'ouvrir des succursales dans le canton, néanmoins, le bail ne portant pas sur des locaux à usage spécifique, l'exécution du contrat demeurait possible.

Partant, à l'instar de ce qui a été retenu par les premiers juges, l'appelante ne saurait se prévaloir in casu d'une impossibilité durable au sens de l'art. 119 CO.

3.4 Au vu des considérants qui précèdent, l'appelante ne parvient pas à démontrer que le Tribunal aurait violé les art. 2 CC et 119 CO en retenant que son impossibilité à remettre la jouissance de l'appartement litigieux à l'intimé n'est que passagère en l'état et que, par conséquent, le bail n'a pas pris fin.

Les griefs de l'appelante étant infondés, ils doivent être rejetés. Le locataire n'ayant pas contesté la décision du Tribunal de le débouter de ses conclusions tendant à ce qu'il soit constaté qu'aucun loyer n'était dû jusqu'à la remise des clés de l'appartement, le jugement entrepris sera confirmé.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 18 novembre 2024 par A______ AG contre le jugement JTBL/1023/2024 rendu le 14 octobre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/26471/2023.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.