Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/770/2025 du 10.06.2025 sur JTBL/951/2024 ( OBL ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/15890/2023 ACJC/770/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU MARDI 10 JUIN 2025 |
Entre
Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 2 octobre 2024, tous deux représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,
et
SI C______ SA, p.a. D______ [agence immobilière], ______, intimée, représentée par Me Olivier ADLER, avocat, quai Gustave-Ador 26, case postale 6253, 1211 Genève 6.
A. Par jugement JTBL/951/2024 du 2 octobre 2024, reçu le 4 octobre 2024 par les parties, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée, a fixé à 2'105 fr., charges non comprises, dès le 1er novembre 2023, le loyer mensuel de l'appartement de cinq pièces loué par A______ et B______ au 9ème étage de l'immeuble sis no. ______, avenue 1______ à Genève (chiffre 1 du dispositif), condamné ces derniers, conjointement et solidairement, à payer 935 fr., avec intérêts à 5% dès le 15 avril 2024 à SI C______ SA (ch. 2), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).
B. a. Par acte déposé le 1er novembre 2024 au greffe universel du Pouvoir judiciaire, A______ et B______ appellent de ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation.
Ils concluent, principalement, à ce que la Cour renvoie la cause au Tribunal pour qu'il rende une décision dûment motivée et, subsidiairement, pour qu'il ordonne à la partie bailleresse de produire les pièces nécessaires à l'établissement d'un calcul de rendement. Plus subsidiairement, ils concluent au déboutement de SI C______ SA de ses conclusions en validation de hausse de loyer.
Ils produisent des pièces nouvelles, soit un extrait du Registre du commerce du 25 octobre 2024 (pièce 3), un extrait du SITG du 31 octobre 2024 (pièce 4), un extrait du Registre fédéral des bâtiments et des logements du 25 octobre 2024 (pièce 5) et un extrait du calculateur de loyer du 25 octobre 2024 (pièce 6).
b. Dans sa réponse du 5 décembre 2024, SI C______ SA conclut à l'irrecevabilité de la partie "en fait" de l'appel formé par A______ et B______ ainsi qu'à la confirmation du jugement entrepris.
c. Les parties ont répliqué et dupliqué à plusieurs reprises, persistant dans leurs conclusions respectives.
d. Par avis du 24 mars 2025, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. SI C______ SA est propriétaire de l'immeuble sis no. ______, avenue 1______ à Genève depuis plus de trente ans.
b. Le 28 janvier 2022, A______ et B______ ont conclu avec SI C______ SA un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de cinq pièces au 9ème étage de cet immeuble.
Le contrat a été conclu pour une durée initiale du 1er avril 2022 au 31 mars 2023, renouvelable tacitement de mois en mois, avec un préavis de résiliation de trois mois.
Le loyer mensuel de l'appartement a été fixé à 2'020 fr., charges non comprises. Ce montant a été motivé par l'"adaptation aux loyers usuels dans la localité ou dans le quartier".
c. Par avis du 27 juin 2023, la bailleresse a déclaré porter le loyer mensuel net de l'appartement à 2'125 fr. dès le 1er novembre 2023.
Cette hausse de loyer était motivée par :
– l'ajustement du taux de référence, de 1.25% au 2 décembre 2021 à 1.5% au 2 juin 2023;
– la compensation du renchérissement, de 101.5 points au 31 décembre 2021 à 106.3 points au 31 mai 2023;
– l'augmentation générale des coûts du 31 décembre 2021 compensée jusqu'au 31 décembre 2022.
d. A______ et B______ ont contesté la hausse de loyer le 20 juillet 2023 par devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers.
e. Non conciliée le 2 novembre 2023, l'affaire a été portée par la bailleresse devant le Tribunal le 4 décembre 2023 qui a conclu à ce que ce dernier valide la majoration de loyer du 27 juin 2023, dise que le loyer mensuel net de l'appartement est fixé à 2'125 fr. dès le 1er novembre 2023 et condamne les locataires à s'acquitter de la différence de loyer depuis le 1er novembre 2023 jusqu'à l'entrée en force du jugement, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2023.
f. Dans leur réponse du 15 février 2024, A______ et B______ ont conclu au déboutement de SI C______ SA de toutes ses conclusions.
Ils ont invoqué la méthode absolue pour s'opposer à l'augmentation de loyer et sollicité en conséquence la production de pièces par SI C______ SA permettant d'effectuer un calcul de rendement.
g. Par ordonnance du 8 avril 2024, le Tribunal a rejeté la requête de A______ et B______ tendant à la production de pièces au motif que l'immeuble était ancien et que la bailleresse s'opposait à un tel calcul.
h. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 17 mai 2024, A______ et B______ ont sollicité, à titre préalable, que le Tribunal rouvre l'administration des preuves et ordonne à la bailleresse de produire les pièces permettant d'effectuer un calcul de rendement.
Les parties ont pour le surplus persisté dans leurs conclusions respectives.
i. Dans le jugement querellé, le Tribunal a notamment retenu que dans la mesure où l'immeuble litigieux était ancien, A______ et B______ ne pouvaient pas se prévaloir d'un calcul de rendement, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de procéder à la réouverture de l'instruction. Les précités déduisaient à tort de l'ATF 147 III 14 consid. 3.4.1 (recte : ATF 147 III 32) que le locataire aurait aussi une prétention à obtenir un calcul de rendement même si l'immeuble était ancien.
Les locataires n'avaient par ailleurs pas produit d'exemples de loyers de logements comparables, échouant ainsi à s'opposer à la hausse de loyer signifiée par la bailleresse.
1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales de première instance si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).
En matière de contestation de hausses de loyers, la valeur litigieuse est déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 91 al. 1 CPC); si la durée de prestations périodiques est indéterminée, le montant annuel est multiplié par vingt (art. 92 al. 2 CPC). La valeur litigieuse correspond à la différence entre l'augmentation proposée et le montant accepté par le locataire par mois, annualisée et capitalisée sur vingt ans (arrêt du Tribunal fédéral 4A_484/2011 du 2 novembre 2011 consid. 1).
1.2 En l'espèce, l'intimée a demandé une augmentation de loyer de 105 fr. par mois, que les appelants ont entièrement contestée. Ce montant, annualisé et capitalisé sur vingt ans, donne une valeur litigieuse de 25'200 fr.
La voie de l'appel est ainsi ouverte.
1.3 L'intimée fait valoir que la partie "en fait" de l'appel devrait être déclarée irrecevable au motif qu'elle ne répondrait pas aux exigences de motivation de l'art. 311 al. CPC, puisqu'il s'agirait, d'une part, d'un copié-collé des faits allégués en première instance et, d'autre part, d'allégués nouveaux invoqués tardivement.
1.3.1 Pour satisfaire à son obligation de motivation de l'appel prévue par l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; 138 III 374 consid. 4.3.1). Il doit donc exposer où et comment la première instance a appliqué le droit de manière incorrecte ou constaté les faits de manière inexacte (arrêt du Tribunal fédéral5A_89/2021 du 29 août 2022 consid. 3.4.2).
Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).
1.3.2 En l'occurrence, les appelants se prévalent de faits qu'ils avaient déjà invoqués dans leur réponse du 15 février 2024, sans toutefois soulever de grief de constatation inexacte des faits. Il n'y a dès lors pas lieu d'en tenir compte, étant précisé qu'ils sont en tout état sans incidence sur l'issue du litige.
S'agissant des faits nouveaux invoqués, leur recevabilité peut souffrir de demeurer indécise, dès lors qu'ils sont également sans incidence sur l'issue du litige. Il en va de même des pièces nouvelles produites à l'appui de ces faits.
1.3.3 Pour le surplus, l'appel a été interjeté dans le délai utile de trente jour (art. 142 al. 1, 143 al. 1 et 311 al. 1 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 122 let. a LOJ). Il est donc recevable.
L'éventuel manque de motivation de certains griefs, qui ne rend pas l'ensemble de l'appel irrecevable, sera cas échéant examiné dans les considérants concernés.
1.4 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).
2. Se prévalant d'une violation de leur droit d'être entendus, sous l'angle du droit d'obtenir une décision motivée, les appelants reprochent au Tribunal de ne pas avoir examiné leur argument selon lequel la combinaison de l'ATF 147 III 32 consid. 3.4.1 – qui permet au bailleur, face à une demande de baisse de loyer et à titre de moyen de défense, de toujours exiger du juge qu'il vérifie au moyen de la méthode absolue du rendement si le loyer en vigueur est abusif ou non – et de l'arrêt du Tribunal fédéral 4C_291/2001 du 9 juillet 2002 consid. 2 – qui consacrerait le principe de l'égalité de traitement entre locataire et bailleur – leur permettait d'exiger le calcul du rendement net, y compris lorsque l'immeuble était ancien.
2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. impose au juge de motiver sa décision, permettant ainsi au justiciable d'exercer son droit de recours en connaissance de cause et à l'autorité de recours d'exercer un contrôle efficace. Il suffit que le juge mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision. Il n'est pas tenu d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et arguments invoqués par les parties, mais peut se limiter aux éléments qui peuvent être tenus pour pertinents. Du moment que le lecteur peut discerner les motifs ayant guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 5A_226/2022 du 22 juin 2022 consid. 3.2.1 et les références citées; 4A_215/201 du 15 janvier 2019 consid. 3.2).
La jurisprudence admet qu'une violation du droit d'être entendu peut être considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée. Une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte aux droits procéduraux de la partie lésée qui n'est pas particulièrement grave, mais elle peut également se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (arrêts du Tribunal fédéral 5A_226/2022 précité consid. 3.2.1 et les références citées; 4A_215/201 précité consid. 3.2).
2.2 En l'espèce, les appelants soutiennent à tort que le Tribunal n'aurait pas examiné leur raisonnement ni les jurisprudences invoquées. En effet, bien qu'il ait cité de manière erronée l'ATF 147 III 14 au lieu de l'ATF 147 III 32, il a reproduit le considérant 3.4.1 de l'ATF 147 III 32 dont les appelants se prévalent et considéré que ceux-ci en déduisaient sans raison que le locataire aurait aussi une prétention à obtenir un calcul de rendement même si l'immeuble était ancien. Ce faisant, il s'est prononcé – certes brièvement – sur le raisonnement des appelants.
Le fait que le Tribunal n'ait pas examiné la combinaison des deux arrêts cités par les appelants n'est pas déterminant, dès lors que selon le consid. 3.4.1 in fine de l'ATF 147 III 32 – sur lequel il s'est prononcé – en cas de hausse de loyer par le bailleur fondée sur la méthode relative, le locataire peut invoquer, comme moyen de défense, la majoration abusive en se prévalant de la méthode absolue du rendement; la citation de l'arrêt du Tribunal fédéral 4C_291/2001 n'est donc pas nécessaire pour arriver à ce constat.
Au vu de ce qui précède, aucune violation du droit d'être entendu des appelants ne peut être reprochée au Tribunal.
Quand bien même une telle violation devrait être reconnue, elle pourrait être réparée par la Cour, qui dispose du même pouvoir de cognition que le Tribunal en l'espèce.
3. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir retenu qu'ils ne pouvaient pas exiger un calcul de rendement, alors que celui-ci était réalisable. Ils reprennent leur argument selon lequel la combinaison de l'ATF 147 III 32 consid. 3.4.1 et de l'arrêt du Tribunal fédéral 4C_291/2001 du 9 juillet 2002 consid. 2 les autoriserait à se prévaloir du rendement net, même lorsque l'immeuble est ancien.
3.1.1 Si le locataire demande une baisse de loyer fondée sur la méthode relative (art. 270a CO), le bailleur peut toujours, à titre de moyen de défense, exiger du juge qu'il vérifie au moyen de la méthode absolue du rendement si le loyer en vigueur est abusif ou non. Si le bailleur invoque la méthode relative pour augmenter le loyer en fonction de la hausse du taux hypothécaire de référence (art. 269d CO), le locataire peut invoquer, de son côté (c'est-à-dire comme moyen de défense), que la majoration est abusive en se prévalant de la méthode absolue du rendement (ATF 147 III 32 consid. 3.4.1).
3.1.2 La méthode absolue sert à vérifier concrètement que le loyer ne procure pas un rendement excessif au bailleur compte tenu des frais qu'il doit supporter ou des prix du marché. Dans l'application de cette méthode, les deux critères absolus que sont le critère du rendement net (fondé sur les coûts) et le critère des loyers du marché (c'est-à-dire les loyers comparatifs appliqués dans la localité ou le quartier) sont antinomiques, et partant exclusifs l'un de l'autre (ATF 147 III 14 consid. 4.1 et les références citées).
Le critère du rendement net de l'art. 269 CO se base sur le rendement net des fonds propres investis. Le loyer doit, d'une part, offrir un rendement raisonnable par rapport aux fonds propres investis et, d'autre part, couvrir les charges immobilières. Le loyer est ainsi contrôlé sur la base de la situation financière de la chose louée à un moment donné, sans égard aux accords antérieurs passés avec le locataire, lesquels ne sont pris en considération que dans l'application de la méthode relative (ATF 147 III 14 consid. 4.1.1 et les références citées).
Le critère absolu des loyers usuels de la localité ou du quartier de l'art. 269a let. a CO est fondé sur les loyers du marché. L'art. 11 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF; RS 221.213.11) détermine les loyers déterminants pour le calcul de ceux-là : il s'agit des loyers de logements comparables à la chose louée quant à l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de construction (al. 1), à l'exclusion des loyers découlant du fait qu'un bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché (al. 3). Les statistiques officielles doivent être prises en considération (al. 4; ATF 147 III 14 consid. 4.1.2 et les références citées).
La preuve des loyers usuels dans la localité ou le quartier (art. 269a let. a CO) peut être apportée au moyen de deux méthodes (cf. art. 11 al. 1 et 4 OBLF). Premièrement, il est possible de se baser sur des logements de comparaison, lesquels doivent être au nombre minimal de cinq et présenter, pour l'essentiel, les mêmes caractéristiques que le logement litigieux quant à l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de construction, tout en tenant compte de l'évolution récente de leurs loyers au regard du taux hypothécaire et de l'indice suisse des prix à la consommation. Secondement, le juge peut appliquer la méthode des statistiques officielles (art. 11 al. 4 OBLF). Celles-ci doivent satisfaire aux exigences de l'art. 11 al. 1 OBLF et, partant, contenir des données chiffrées suffisamment différenciées et dûment établies selon les critères précités (ATF 147 III 14 consid. 4.1.2, 4.1.2.1 et 4.1.2.2 et les références citées).
Pour que le juge puisse appliquer la méthode des statistiques officielles, il faut qu'il existe de telles statistiques au niveau cantonal, satisfaisant aux exigences de l'art. 11 al. 1 OBLF (ATF 141 III 569 consid. 2.2.1 et 2.2.2; 123 III 317 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_271/2022 du 15 août 2023 consid. 5.1.1).
A l'heure actuelle, il n'existe pas à Genève de statistiques officielles au sens de l'art. 11 al. 4 OBLF (ATF 123 III 317 consid. 4c/cc; arrêt du Tribunal fédéral 4A_63/2024 du 17 juin 2024 consid. 5.2). Le recours à celles-ci est admissible lorsque le juge est amené à fixer le loyer initial présumé abusif (ATF 148 III 209 consid. 3.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_271/2022 du 15 août 2023 consid. 5.2.3). Cette possibilité n'est en revanche pas ouverte dans le contexte d'une hausse de loyer motivée par les loyers usuels du quartier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_271/2022 précité consid. 5.2.3). La question des loyers usuels doit ainsi être appréciée au moyen de la méthode des logements comparatifs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_215/2021 du 22 octobre 2021 consid. 7.2).
3.1.3 Le critère absolu du rendement net a la priorité sur celui des loyers usuels de la localité ou du quartier, en ce sens que le locataire peut toujours tenter de prouver que le loyer permet au bailleur d'obtenir un rendement excessif (art. 269 CO), et ce n'est donc qu'en cas de difficulté ou d'impossibilité de déterminer le caractère excessif du rendement net qu'il pourra être fait application du critère des loyers usuels de la localité ou du quartier (ATF 147 III 14 consid. 4.2).
Pour les immeubles anciens, la hiérarchie des critères absolus est inversée : le critère des loyers usuels de la localité ou du quartier l'emporte sur le critère du rendement net des fonds propres investis. Pour de tels immeubles, en effet, les pièces comptables nécessaires pour déterminer les fonds propres investis en vue de calculer le rendement net font fréquemment défaut ou font apparaître des montants qui ne sont plus en phase avec la réalité économique actuelle (ATF 147 III 14 consid. 4.2; 140 III 433 consid. 3.1). Pour que soit respecté le principe de l'égalité des armes, le critère des loyers usuels de la localité ou du quartier doit valoir aussi bien dans les procédures de majoration du loyer et de contestation du loyer initial que dans celles de baisse du loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_400/2017 du 13 septembre 2018 consid. 2.2.1 non publié in ATF 144 III 514). Pour un immeuble ancien, le bailleur peut donc se prévaloir de la prééminence du critère des loyers usuels de la localité ou du quartier; le fait que ce critère ait la priorité ne l'empêche toutefois pas d'établir que l'immeuble ne lui procure pas un rendement excessif à l'aide du rendement net (ATF 147 III 14 consid. 4.2).
Est ancien un immeuble dont la construction ou la dernière acquisition remonte à trente ans au moins, au moment où débute le bail; autrement dit, ce délai de trente ans commence à courir soit à la date de la construction de l'immeuble, soit à celle de sa dernière acquisition, et doit être échu au moment où débute le bail (ATF 147 III 14 consid. 4.2; 144 III 514 consid. 3.2).
3.1.4 Le bailleur ne peut prétendre à une adaptation au taux des loyers usuels (dans la localité ou dans le quartier) que si le marché a évolué depuis la dernière fixation du loyer, et cela au cours d'une période suffisante au regard des lois de la statistique (ATF 118 II 130 consid. 3.b in JdT 1993 I p. 143).
3.2.1 En l'espèce, les appelants se méprennent sur la portée des jurisprudences qu'ils invoquent. En effet, l'ATF 147 III 32 permet certes au locataire de se prévaloir, à titre défensif, de la méthode absolue du rendement pour contester une hausse de loyer, sans que l'arrêt 4C_291/2001 ne soit nécessaire pour arriver à ce constat comme déjà rappelé ci-dessus. Cette jurisprudence ne permet toutefois pas au locataire d'exiger l'application d'un des critères absolus dans le cadre de la méthode absolue, l'ordre de priorité entre le critère du rendement net et celui des loyers du marché étant défini par la jurisprudence en fonction de l'ancienneté de l'immeuble.
A cet égard, les appelants soutiennent à tort que l'ATF 147 III 14, qui rappelle cet ordre de priorité consacré par l'ATF 140 III 433, ne serait pas applicable au motif que cette jurisprudence concernerait une contestation du loyer initial dans laquelle les locataires invoquaient la méthode absolue à titre offensif. En effet, la manière dont la méthode absolue est invoquée, soit à titre offensif ou défensif, ne détermine pas le critère absolu qui doit trouver application dans le cadre de cette méthode. Le Tribunal fédéral a du reste précisé que pour respecter le principe de l'égalité des armes, le critère absolu des loyers du marché s'appliquait, en présence d'immeubles anciens, aussi bien dans les procédures de majoration du loyer et de contestation du loyer initial que dans celles de baisse du loyer, confirmant au besoin que la manière dont la méthode absolue est invoquée, soit à titre offensif ou défensif, est sans pertinence.
Enfin, le fait que le bailleur puisse choisir d'établir que l'immeuble ne lui procure pas un rendement excessif au moyen du critère du rendement net ne saurait conférer le même droit au locataire pour établir le contraire. Le Tribunal fédéral a en effet défini l'ordre de priorité des critères absolus en présence d'immeubles anciens, non seulement en raison du défaut fréquent des pièces comptables nécessaires pour déterminer les fonds propres investis, mais également au motif que lesdites pièces font apparaître des montants qui ne sont plus en phase avec la réalité économique actuelle. Permettre au locataire d'exiger le calcul du rendement net d'un immeuble ancien reviendrait ainsi à vider cette jurisprudence de sa substance.
Dans ces conditions, il n'est pas non plus pertinent que l'intimée dispose – par hypothèse – des pièces comptables permettant de réaliser un calcul de rendement net.
Au vu de ce qui précède, le Tribunal était fondé à retenir que dans la mesure où l'immeuble était ancien, les appelants ne pouvaient pas exiger le calcul du rendement net, et à refuser d'ordonner à l'intimée de produire les pièces permettant de procéder audit calcul.
3.2.2 Les appelants font ensuite valoir que la hausse de loyer serait abusive au motif qu'elle s'écarterait du loyer que l'intimée avait elle-même fixé sur la base du loyer usuel dans le quartier en 2022, lequel ne pouvait évoluer qu'au cours d'une période suffisante au regard des lois de la statistique, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
Ce faisant, les appelants se contentent de répéter leur argument formulé en première instance, sans remettre en cause le raisonnement du Tribunal selon lequel ils n'ont produit aucun exemple de loyers pour des logements comparables. Leur appel se révèle donc irrecevable sur ce point, faute de motivation suffisante au sens de l'art. 311 al. 1 CPC. Les développements complémentaires contenus dans leur réplique sur ce sujet sont tardifs, dans la mesure où la motivation de l'appel doit être entièrement contenue dans l'acte d'appel et ne saurait être complétée ou corrigée ultérieurement (arrêts du Tribunal fédéral 4A_463/2023 du 24 avril 2024 consid. 4.1; 5A_356/2020 du 9 juillet 2020 consid. 3.3; 5A_206/2016 du 1er juin 2016 consid. 4.2.2).
En tout état de cause, leur argument est infondé. En effet, la règle dont ils se prévalent s'applique uniquement lorsque le bailleur invoque les loyers usuels dans le quartier ou dans la localité comme motif de majoration du loyer, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la majoration se fondant sur l'ajustement du taux de référence, la compensation du renchérissement et l'augmentation générale des coûts.
De plus, la preuve des loyers du marché ne peut être apportée qu'au moyen de deux méthodes, à savoir celle des logements de comparaison ou celle des statistiques officielles.
Comme rappelé ci-dessus, il n'existe pas, à Genève, de statistiques officielles au sens de l'art. 11 al. 4 OBLF. Même s'il peut y être recouru pour fixer le loyer initial, tel n'est pas le cas pour démontrer que la hausse de loyer serait abusive; les appelants le reconnaissent eux-mêmes, en admettant que les statistiques dont ils se prévalent n'ont pas vocation à servir de moyen de prouver les loyers usuels du quartier, mais à appuyer leur argument précité.
La question des loyers usuels doit donc être appréciée au moyen de la méthode des logements comparatifs. Dans la mesure où les appelants n'ont présenté aucun logement de comparaison, c'est à raison que le Tribunal a retenu qu'ils ont échoué à s'opposer à la hausse de loyer.
L'examen des premiers juges relatif au bien-fondé de la hausse de loyer n'étant pour le surplus pas remis en cause, le jugement entrepris sera confirmé.
4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).
* * * * *
La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 1er novembre 2024 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/951/2024 rendu le 2 octobre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/15890/2023.
Au fond :
Confirme ce jugement.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Monsieur
Jean-Philippe ANTHONIOZ, Monsieur Damien TOURNAIRE, Madame
Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.