Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/561/2025 du 24.04.2025 sur JTBL/890/2024 ( SBL ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/2392/2024 ACJC/561/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU JEUDI 24 AVRIL 2025 |
Entre
Madame A______, Monsieur B______, C______ SARL et D______ SARL, recourants contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 17 septembre 2024, représentés par Me Jonathan COHEN, avocat, boulevard des Philosophes 15, 1205 Genève,
et
E______ SA, F______ SA, G______ SA et H______, intimées, tous représentées par [la régie] I______, ______ [GE].
A. Par jugement JTBL/890/2024 du 17 septembre 2024, notifié aux parties le 20 septembre 2024, statuant par voie de procédure sommaire, le Tribunal des baux et loyers (ci-après: le Tribunal) a déclaré irrecevable la requête du 19 janvier 2024 de A______, B______, C______ SARL et D______ SARL tendant à l'exécution du chiffre 6 du dispositif du jugement JTBL/485/2021 du 2 juin 2021 (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3),
B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour civile le 30 septembre 2024, A______, B______, C______ SARL et D______ SARL forment un recours contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation.
Principalement, ils concluent à la constatation du caractère exécutoire du chiffre 6 du dispositif du jugement JTBL/485/2021 rendu le 2 juin 2021 dans la cause C/1______/2016, à ce qu'il soit ordonné à E______ SA, F______ SA, G______ SA et H______ d'exécuter immédiatement ledit chiffre 6 dudit dispositif et à ce qu'il soit dit que faute d'exécution dans les 30 jours suivant l'entrée en force de la décision, les précitées seront condamnées à une amende 1'000 fr. par jour d'inexécution, tandis qu'eux-mêmes seront autorisés à faire exécuter par un tiers les travaux et démarches prévus au chiffre 6 du dispositif susvisé.
b. Dans leur réponse au recours, E______ SA, F______ SA, G______ SA et H______ concluent principalement au déboutement des parties recourantes de toutes leurs conclusions et à la confirmation du jugement entrepris.
Au cas où la requête des recourantes en exécution du chiffre 6 du dispositif du jugement JTBL/485/2021 du 2 juin 2021 serait déclarée recevable, les parties intimées concluent subsidiairement à la suspension de la présente cause jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral dans la cause parallèle 4A_114/2023 les opposant aux recourants. Au cas où cette suspension ne serait pas ordonnée, elles concluent plus subsidiairement à ce qu'un délai raisonnable de dix mois au moins leur soit octroyé pour exécuter les travaux et démarches prévus au chiffre 6 du dispositif du jugement susvisé.
c. Invitées à se déterminer après le prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral du 20 décembre 2024 dans la cause parallèle 4A_114/2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions, à l'exception des conclusions subsidiaires en suspension de l'instance auxquelles les parties intimées ont déclaré renoncer.
d. Les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 18 février 2025.
C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. Par contrat du 22 septembre 2009, A______, B______, C______ Sàrl et D______ Sàrl (ci-après également : les locataires) ont pris à bail une arcade au rez-de-chaussée de l'immeuble sis 19 (in facto 21-23), rue 2______ à Genève.
Les locaux étaient destinés à une salle d'exposition, un petit magasin de vente et un bureau. Par avenant ultérieur au contrat de bail, les parties ont ajouté à ces activités l'exploitation d'un établissement public, avec débit de boisson et restauration.
b. L'immeuble sis 21-23, rue 2______ a changé de propriétaire à plusieurs reprises depuis la conclusion du bail.
Il est actuellement détenu par H______, qui a succédé en cette qualité à E______ SA, F______ SA et G______ SA (ci-après collectivement : les bailleresses).
c. L'immeuble est géré par la régie I______.
d. Entre 2009 et 2012, les locataires ont entrepris divers travaux dans l'arcade louée, qu'ils ont notamment subdivisée en deux parties par la création d'un mur de séparation. Ils ont également procédé à l'installation de prises, de WC, d'un évier eau froide, d'une plonge, d'un écoulement et de meubles de cuisine au bar, ainsi qu'à la construction d'un faux plafond avec isolation phonique.
e. Au mois de mars 2014, les bailleresses ont annoncé aux locataires qu'elles avaient obtenu des autorisations de construire leur permettant de réaliser des travaux de surélévation des immeubles sis 19-21-23, rue 2______ et no. ______, rue 3______, impliquant la construction de nouveaux logements.
Elles ont précisé que les travaux allaient affecter directement les locaux des locataires, dès lors que la structure du nouveau bâtiment traverserait intégralement la galette sise au 21-23, rue 2______ et que les fondations seraient entièrement transformées.
f. Un protocole d'accord a été signé le 14 août 2014 entre les locataires et les bailleresses, en vue de réglementer les modalités d'usage des locaux pendant le chantier et les conditions financières de leur occupation.
Les bailleresses se sont notamment engagées à effectuer certains travaux d'aménagement des locaux loués à l'issue des travaux de surélévation.
g. Conformément à cet accord, les bailleresses également ont mis à disposition des locataires des locaux provisoires de remplacement, sous la forme d'un appartement de 4,5 pièces situé dans l'immeuble sis 19, rue 2______.
h. A compter de l'automne 2014, les travaux de surélévation ont donné lieu à un important litige entre les locataires et les bailleresses, dans le cadre duquel les juridictions civiles, pénales et administratives ont été saisies.
i. Par requête déposée le 18 mai 2016 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée lors de l'audience de conciliation du 6 juillet 2016 et portée devant le Tribunal le 5 septembre 2016, les locataires ont assigné les bailleresses en exécution de travaux, en réduction de loyer et en paiement de dommages-intérêts.
La cause a été enregistrée et instruite sous le numéro de cause C/1______/2016.
j. Au mois de septembre 2016, les parties ont entamé des discussions pour convenir de la configuration future des locaux loués et arrêter un plan d'exécution définitif de ceux-ci. Ces discussions n'ont pas abouti, chaque partie accusant l'autre d'un manque de collaboration.
k. Le 9 décembre 2016, les bailleresses ont sommé les locataires de réintégrer l'arcade au plus tard le 16 décembre 2016 et de restituer l'appartement provisoire avant le 21 décembre 2016, sous menace de résiliation immédiate du bail en application de l'art. 257f al. 3 CO.
l. Par courrier du 22 décembre 2016, les locataires ont exposé à la régie que l'arcade était inutilisable et inexploitable, faute pour les bailleresses d'avoir exécuté plusieurs travaux d'aménagement prévus par le protocole d'accord du 14 août 2014, ainsi que d'avoir obtenu les autorisations nécessaires à cet effet. Ils ont refusé de restituer l'appartement mis provisoirement à leur disposition.
m. Par courriers des 13 et 26 janvier 2017, la régie I______ SA a contesté les propos des locataires, estimant notamment qu'une activité fiduciaire pouvait parfaitement être effectuée dans l'arcade. Elle a sommé les locataires de restituer l'appartement avant le 2 février 2017, faute de quoi les baux de l'arcade et de l'appartement seraient résiliés avec effet immédiat.
n. Les locataires ont persisté dans la teneur de leur précédent courrier, indiquant que l'arcade était inutilisable pour une quelconque activité.
o. Par avis officiels notifiés séparément aux locataires le 3 février 2017, les baux portant sur l'appartement de 4,5 pièces situé dans l'immeuble rue 2______ 19 et sur l'arcade située dans l'immeuble rue 2______ 21-23 ont été résiliés avec effet au 31 mars 2017, en application de l'art. 257f al. 3 CO.
Ces congés ont été contestés par les locataires le 2 mars 2017 par-devant la juridiction des baux et loyers (causes C/4______/2017 et C/5______/2017).
p. Par avis officiels notifiés séparément aux locataires le 13 mars 2017, le bail portant sur l'arcade sise au rez-de-chaussée des immeubles sis rue 2______ 21-23 a également été résilié pour justes motifs, pour le 30 juin 2017, en application de l'art. 266g CO. Les avis indiquaient que l'exécution du contrat était devenue intolérable pour les bailleresses.
Ce congé a été contesté par les locataires le 29 mars 2017 par-devant la juridiction des baux et loyers (cause C/6______/2017).
q. Par ordonnance du 8 juin 2017, le Tribunal a ordonné la jonction des causes C/4______/2017, C/5______/2917 et C/6______/2017 sous le numéro de cause C/4______/2017.
r. Par jugement JTBL/205/2019 du 8 mars 2019 dans la cause C/4______/2017, le Tribunal a déclaré inefficaces les congés notifiés le 3 février 2017, ainsi que celui notifié le 13 mars 2017.
s. Par arrêt ACJC/1729/2020 du 7 décembre 2020, la Cour de justice a annulé ce jugement en tant qu'il constatait l'inefficacité des congés notifiés le 3 février 2017. Elle a renvoyé la cause au Tribunal concernant ces deux congés, précisant que le Tribunal devait dans un premier temps déterminer si les travaux à charge des bailleresses à l'intérieur de la zone louée étaient terminés et si celles-ci étaient en droit de solliciter des locataires la réintégration de l'arcade et la restitution de l'appartement de remplacement.
t. Un recours formé par les bailleresses contre cet arrêt a été déclaré irrecevable par arrêt du Tribunal fédéral 4A_47/2021 du 24 octobre 2022.
u. Par jugement JTBL/485/2021 du 2 juin 2021 dans la cause C/1______/2016, le Tribunal a notamment condamné les bailleresses à exécuter les termes licites du protocole d'accord du 14 août 2014 relatif à l'arcade située dans l'immeuble sis rue 2______ 21-23, dans la mesure où ces points étaient encore en suspens, à savoir :
- créer deux places de parking pour motos par marquage au sol au fond du garage;
- inscrire comme dépendance du bail, au moyen d'un avenant, les deux places de motos;
- inscrire comme dépendance du bail, au moyen d'un avenant, une cave;
- installer une kitchenette (évier et meubles) dans la partie bureau de l'arcade;
- créer un nouveau bar et son évier, l'évier et le plan de travail dans la cuisine ainsi que le conduit de ventilation et la hotte dans la partie restaurant de l'arcade;
- obtenir les autorisations d'exploiter le bar/restaurant;
- séparer les alimentations électricité côté bureau et alimentation électricité côté bar/restaurant, avec un compteur pour chaque unité;
- prévoir une isolation adéquate sur le mur séparateur des deux unités (bureau/bar restaurant);
- créer et installer un panneau publicitaire lumineux fixé sur la façade.
(ch. 6 du dispositif).
v. Par arrêt ACJC/51/2023 du 16 janvier 2023, statuant sur appel des locataires, la Cour de justice a notamment confirmé le chiffre 6 du dispositif du jugement susvisé, dans la teneur exposée ci-dessus.
La Cour a débouté les locataires de leurs conclusions divergentes concernant l'aménagement des locaux, considérant qu'un manque de collaboration de leur part avait empêché les bailleresses de mettre en œuvre le protocole d'accord du 14 août 2014. La prise en considération des demandes particulières des locataires nécessitait en effet que celles-ci soient communiquées à la direction des travaux et qu'un plan d'exécution alternatif compatible avec les plans ayant fait l'objet de l'autorisation de construire soit proposé, ce qui n'avait pas été fait.
Les locataires n'ayant pas apporté la démonstration de leur collaboration sur ce point, on ne pouvait par ailleurs reprocher au Tribunal de ne pas avoir prévu de mesures d'exécution du chiffre 6 susvisé, telles que la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP; il n'y avait pas davantage lieu de le faire au stade de l'appel.
w. Le 17 février 2023, les locataires ont formé contre l'arrêt susvisé un recours en matière civile au Tribunal fédéral, sans remettre en cause la confirmation du chiffre 6 du dispositif du jugement JTBL/485/2021 du 2 juin 2021.
A l'appui de leur recours, les locataires ont notamment contesté que l'arcade donnée à bail soit exploitable, indiquant que les travaux réalisés par les bailleresses faisaient obstacle à l'exercice de leurs propres activités en conformité avec le droit public. Une demande d'autorisation administrative, qu'elle soit relative aux travaux d'aménagement à exécuter (APA) ou à l'exploitation d'un établissement public, était selon eux vouée à l'échec, de sorte qu'il leur était "légalement impossible" d'utiliser les locaux aux fins prévues par le bail et son avenant.
x. Par arrêt 4A_114/2023 du 20 décembre 2024, le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière civile formé par les locataires, dans la mesure de sa recevabilité.
Le Tribunal fédéral a notamment retenu que les locataires échouaient à démontrer que la Cour aurait arbitrairement retenu un défaut de collaboration active de leur part, laquelle était nécessaire pour l'aménagement de l'arcade. Ils se contentaient de substituer leur propre appréciation des preuves à ce propos, sans remettre valablement en cause les faits pris en compte par la Cour pour établir leur comportement obstructif et causal dans l'inexécution de certains points du protocole d'accord (consid. 5.5).
D. a. Dans l'intervalle, les locataires ont saisi le Tribunal, en date du 19 janvier 2024, d'une requête en exécution du chiffre 6 du dispositif du jugement JTBL/485/2021 rendu le 2 juin 2021 à l'encontre des bailleresses dans la cause C/1______/2016. Cette requête fait l'objet de la présente cause C/2392/2024.
Principalement, les locataires ont conclu à ce qu'il soit ordonné aux bailleresses d'exécuter immédiatement le chiffre 6 du dispositif du jugement susvisé, à ce qu'il soit dit que faute d'exécution dans les 30 jours, les bailleresses seraient condamnées, sur requête des locataires, à une amende d'ordre de 1'000 fr. par jour d'inexécution, tandis que les locataires seraient autorisés à faire exécuter par un tiers les travaux et démarches prévus au chiffre 6 du dispositif du jugement JTBL/485/2021 du 2 juin 2021, aux frais des bailleresses.
Les locataires ont exposé que le point du dispositif susvisé était désormais exécutoire, ce dont le Tribunal avait attesté, et que les bailleresses n'avaient aucun motif de s'opposer à l'exécution des travaux d'aménagement concernés.
b. Dans leurs déterminations écrites du 4 juin 2024, les bailleresses ont conclu principalement à l'irrecevabilité de la requête et subsidiairement à son rejet. Plus subsidiairement, elles ont conclu à la suspension de la cause jusqu'à droit jugé sur le recours alors pendant au Tribunal fédéral; plus subsidiairement encore, elles ont sollicité l'octroi d'un délai de six mois pour s'exécuter.
Les bailleresses ont exposé que les locataires abusaient de leur droit en requérant l'exécution des travaux, alors qu'ils soutenaient devant le Tribunal fédéral que l'arcade était totalement inexploitable, notamment pour défaut d'autorisation. Les bailleresses ont ajouté que les locataires avaient sous-loué sans droit les locaux à un tiers et étaient redevables d'arriérés de loyers, ce qui les avaient conduites à résilier le bail des locaux.
c. Les locataires ont persisté dans leurs conclusions et se sont opposés à la suspension de la cause dans leurs déterminations du 20 juin 2024, à réception desquelles le Tribunal a gardé la cause à juger.
E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que, bien que le chiffre 6 du dispositif du jugement du 2 juin 2021 soit exécutoire, les locataires n'avaient pas d'intérêt digne de protection à requérir l'exécution des travaux ordonnés sur ce point, dès lors qu'ils tenaient pour établi que ces travaux n'étaient pas autorisables et que l'autorisation d'exploiter les locaux ne saurait être délivrée, cela en raison d'autres travaux réalisés sur l'immeuble par la bailleresse. Les locataires n'avaient pas davantage d'intérêt légitime à voir le litige se poursuivre dans le cadre de requêtes tendant au prononcé d'amendes d'ordre, ensuite de la possible inexécution par les bailleresses de démarches qu'ils considéraient eux-mêmes comme étant vouées à l'échec. Partant, la requête en exécution était irrecevable.
1. 1.1 La décision querellée porte sur des mesures d'exécution, de sorte que seule la voie du recours est ouverte en l'espèce (art. 309 let. a et art. 319 let. a CPC).
S'agissant d'une affaire soumise à la procédure sommaire (art. 339 al. 2 CPC), le recours doit être introduit dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 314 al. 1 CPC).
1.2 Formé en temps utile (art. 142 al. 1 CPC), dans les formes prévues par la loi (art. 130 et 131 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 122 let. a LOJ), le recours est recevable, ce qui n'est pas contesté.
1.3 S'agissant d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour de céans est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CP).
Par ailleurs, le juge n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties; il peut se limiter aux questions décisives pour l'issue du litige (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_75/2018 du 15 novembre 2018 consid. 3.1.1).
2. Les recourants dénoncent en premier lieu une constatation manifestement inexacte des faits.
En tant que de besoin, l'état de fait retenu par le Tribunal a été rectifié et complété ci-dessus, de sorte que le grief des recourants en lien avec la constatation inexacte des faits ne sera pas traité plus avant.
3. Sur le fond, les recourants reprochent au Tribunal d'avoir considéré qu'ils ne disposaient pas d'un intérêt digne de protection à requérir l'exécution du point 6 du dispositif du jugement litigieux, de sorte que leur requête était irrecevable.
3.1 Conformément à l'art. 59 al. 2 let. a CPC, le justiciable qui fait valoir une prétention doit démontrer qu'il a un intérêt digne de protection à voir le juge statuer sur sa demande. L'existence d'un intérêt digne de protection est ainsi une condition de recevabilité de toute demande en justice : le demandeur doit obtenir un avantage, factuel ou juridique, du résultat de la procédure. L'absence d'un tel intérêt - qui doit être constatée d'office (art. 60 CPC) - entraîne ainsi l'irrecevabilité de la demande (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_729/2021 du 24 février 2022 consid. 3.1.2.2; 5A_282/2016 du 17 janvier 2017 consid. 3.2.1).
3.1.1 Par intérêt digne de protection, on vise un intérêt juridique, voire un intérêt de fait, à certaines conditions. L'intérêt juridique dépend du droit affirmé. Si celui-ci protège la partie qui l'invoque, un intérêt juridique existe en principe. L'intérêt juridique fait défaut, alors même que la partie invoque un droit dont elle titulaire, si ce droit affirmé n'a pas besoin de protection en ceci qu'il n'est pas contesté ou parce qu'il n'y pas (ou plus) d'atteinte ou de risque d'atteinte. Pour cette raison, une demande abusive doit être déclarée irrecevable (Bohnet, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 89a ad art. 59 CPC).
Il revient au demandeur d'apporter les éléments permettant de conclure à l'existence d'un intérêt, et ce, selon les règles procédurales applicables en matière de présentation des faits et des preuves (arrêts du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 5.2; 4A_688/2016 du 5 avril 2017 consid. 3.3; Bohnet, op. cit., n. 92 ad art. 59 CPC). Comme toute condition de recevabilité, l'intérêt doit exister au moment du jugement (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4). L'absence initiale d'intérêt est guérissable, sauf abus manifeste (Bohnet, op. cit., ad art. 52 n. 24).
3.1.2 Quiconque participe à la procédure doit se conformer aux règles de la bonne foi (art. 52 CPC).
L'abus de droit est en particulier réalisé lorsqu'une institution juridique est utilisée à l'encontre de son but, pour réaliser des intérêts qu'elle n'entend pas protéger. Il y a également abus en l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, en cas de disproportion manifeste des intérêts en présence, d'exercice d'un droit sans ménagement ou d'attitude contradictoire (ATF 135 III 162 consid. 2; 134 III 52 consid. 2.1; Bohnet, op. cit., ad art. 52 n. 8 ).
3.2 En l'espèce, la requête des recourants vise l'exécution des travaux d'aménagement que les parties intimées ont été condamnées à effectuer dans les locaux loués selon le chiffre 6 du dispositif du jugement JTBL/485/2021 du 2 juin 2021.
Il n'est pas contesté que le point du dispositif susvisé soit désormais exécutoire, ni que les recourants aient un intérêt présumé à l'exécution des travaux concernés.
3.2.1 Avec les intimées, il convient cependant d'observer que les recourants ont eux-mêmes soutenu devant le Tribunal fédéral, parallèlement au présent procès, que l'arcade donnée à bail n'était pas exploitable, dès lors que les travaux réalisés par les bailleresses feraient obstacle à l'exercice de leurs propres activités en conformité avec le droit public. Ils ont notamment affirmé qu'une demande d'autorisation serait vouée à l'échec, en ce qu'elle vise les travaux d'aménagement à exécuter ou l'exploitation d'un établissement public. Dans ces conditions, il faut comme le premier juge admettre que l'attitude des recourants est contradictoire et que ceux-ci échouent à démontrer qu'ils disposent d'un intérêt digne de protection à l'exécution des travaux d'aménagement litigieux, puisque qu'ils considèrent eux-mêmes que nonobstant l'exécution desdits travaux, ils ne pourraient pas exercer licitement leurs activités dans les locaux loués. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, le premier juge n'a d'ailleurs pas seulement considéré qu'ils soutenaient devant le Tribunal fédéral que les travaux d'aménagement dont requéraient l'exécution n'étaient pas autorisables; le premier juge a également retenu, correctement, que les recourants alléguaient devant le Tribunal fédéral que les travaux réalisés par les intimées dans l'immeuble ne leur permettaient plus d'y exercer leurs activités en conformité avec les exigences du droit public, et ce indépendamment de l'exécution des travaux d'aménagement litigieux.
Les allégations des recourants selon lesquelles les travaux dont ils sollicitent l'exécution auraient précisément pour but de remédier au caractère inexploitable de l'arcade ne sont nullement démontrées, notamment en ce qui concerne le respect des normes de droit public. Elles se heurtent frontalement à leurs précédentes allégations, telles que rapportées ci-dessus, et ne sont pas davantage convaincantes. Le seul fait que le Tribunal fédéral n'ait pas retenu le caractère inexploitable des locaux invoqué par les recourants ne permet pas de retenir sans autre que leur intérêt à l'exécution des travaux litigieux serait aujourd'hui établi. Dans son récent arrêt, notre Haute Cour a laissé intactes les constatations de l'autorité précédente selon lesquelles les recourants n'avaient pas fait preuve de la collaboration nécessaire et adopté un comportement obstructif, entraînant l'inexécution de certains points du protocole d'accord; elle a débouté les recourants notamment pour ce motif. Or, non seulement cela ne revient pas à constater que les locaux seraient exploitables moyennant exécution des travaux d'aménagement litigieux, mais il apparaît également que le fait de requérir aujourd'hui l'exécution desdits travaux, après avoir fait obstacle à l'application du protocole les prévoyant, est abusif de la part des recourants.
3.2.2 Ceci est d'autant plus vrai en l'espèce que dans l'intervalle, le bail des locaux litigieux a été résilié et que la question de la validité de cette résiliation n'a pas encore été définitivement tranchée. Il n'est en effet pas exclu que le Tribunal, puis éventuellement les instances supérieures, tiennent pour efficaces les congés notifiés par les intimées aux recourants le 3 février 2017, et ce au terme de l'instruction ordonnée dans la cause C/4______/2017. En pareil cas, les travaux d'aménagement qui pourraient être exécutés par les intimées dans l'intervalle le seraient essentiellement en vain. Or, les recourants n'exposent pas en quoi l'exécution des travaux litigieux ne pourrait attendre que la question de la résiliation du bail soit tranchée. Compte tenu de leur attitude obstructive passée, il faut au contraire admettre qu'une telle attente peut leur être imposée. On constate ainsi une disproportion manifeste entre l'intérêt supposé des recourants à requérir l'exécution immédiate des travaux litigieux et l'intérêt des intimées à s'assurer que ceux-ci ne soient pas exécutés en pure perte. Pour ce motif également, la requête d'exécution est en l'espèce abusive et par conséquent irrecevable, conformément aux principes rappelés ci-dessus.
3.2.3 Enfin, le fait que devant le Tribunal, les intimées n'aient conclu à l'irrecevabilité de la requête qu'en lien avec la résiliation de bail susvisée, et non avec l'abus de droit retenu ci-dessus, n'a aucune incidence sur le bien-fondé de la décision entreprise, contrairement à ce que soutiennent les recourants. Ainsi que cela a été rappelé ci-dessus, le juge examine en effet d'office les conditions de recevabilité de l'action et n'est pas lié par les conclusions des parties sur ce point.
Par conséquent, le Tribunal a retenu à bon droit que les recourants n'avaient en l'espèce pas d'intérêt digne de protection à l'exécution requise. Le recours ne saurait être admis pour les motifs susvisés.
4. Dans un dernier grief, les recourants reprochent au Tribunal de ne pas les avoir interpellés au sujet de la recevabilité de leur requête et de ne pas leur avoir donné l'occasion de clarifier ou de compléter celle-ci sur ce point.
4.1 Selon l'art. 56 CPC, le tribunal interpelle les parties lorsque leurs actes ou déclarations sont peu clairs, contradictoires, imprécis ou manifestement incomplets et leur donne l'occasion de les clarifier ou de les compléter. Le devoir d'interpellation du juge constitue une atténuation de la maxime des débats, selon laquelle les parties doivent en principe alléguer les faits constituant le cadre du procès. Le but de l'art. 56 CPC est ainsi d'éviter qu'une partie ne soit déchue de ses droits parce que ses allégués de fait et ses offres de preuves sont affectés de défauts manifestes (arrêts du Tribunal fédéral 5A_375/2015 du 26 janvier 2016 consid. 7.1, non publié in ATF 142 III 102; 5A_921/2014 du 11 mars 2015 consid. 3.4.2, 4A_78/2014 et 4A_80/2014 du 23 septembre 2014 consid. 3.3.3).
De jurisprudence constante, le devoir d'interpellation du juge ne doit pas servir à réparer des négligences procédurales (arrêts du Tribunal fédéral 4A_375/2015 du 26 janvier 2016 consid. 7.1, non publié in ATF 142 III 102; arrêts précités 5A_921/2014 consid. 3.4.2; 4A_78/2014 et 4A_80/2014 consid. 3.3.3). L'étendue de l'intervention du juge dépend des circonstances du cas d'espèce, notamment de l'inexpérience de la partie concernée (arrêts du Tribunal fédéral précités 4A_375/2015 consid. 7.1; 4A_78/2014 consid. 3.3.3). Lorsque les parties sont représentées par un avocat, l'obligation du juge de poser des questions n'a qu'une portée très limitée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_336/2014 du 18 décembre 2014 consid. 7.6; 4A_57/2014 du 8 mai 2014 consid. 1.3.2; 4D_57/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2).
L'intervention du juge ne doit pas non plus avantager unilatéralement une partie et aboutir à une violation du principe de l'égalité des armes (arrêts du Tribunal fédéral précités 4A_375/2015 consid. 7.1, non publié in ATF 142 III 102; 4A_78/2014 et 4A_80/2014 consid. 3.3.3; 4A_444/2013 consid. 6.3.3). L'interpellation est limitée par le cadre du procès; le juge ne doit ainsi pas rendre les parties attentives à des faits qu'elles n'ont pas pris en considération, ni les aider à mieux présenter leur cause, ni leur suggérer des arguments pertinents
(ATF 146 III 413 consid. 4.2; 142 III 462 consid. 4.3).
4.2 En l'espèce, les recourants soutiennent que si le premier juge les avait interpellés au sujet de l'apparente contradiction entre leur position défendue devant le Tribunal fédéral et celle exposée dans le présent procès, ils auraient pu davantage attirer son attention sur le fait que les travaux ayant rendu les locaux inexploitables n'étaient pas les mêmes que les travaux d'aménagement dont ils sollicitaient l'exécution. Ils en déduisent que leur intérêt à requérir l'exécution de ces derniers travaux aurait en conséquence été reconnu.
Outre que les recourants étaient représentés par un conseil devant le Tribunal, et qu'il leur incombait donc au premier chef de démontrer que les conditions de recevabilité de leur requête étaient réunies, les recourants perdent encore une fois de vue que le Tribunal n'a pas seulement retenu qu'ils alléguaient devant le Tribunal fédéral que les travaux d'aménagement litigieux n'étaient pas susceptibles d'être autorisés – ce qu'ils ont effectivement soutenu. Le Tribunal a également tenu compte du fait que les recourants alléguaient devant notre Haute Cour qu'en raison des autres travaux effectués par les intimées sur l'immeuble, ils ne pourraient exercer les activités prévues dans les locaux loués en conformité avec les exigences du droit public, et ce indépendamment de l'exécution des travaux d'aménagement litigieux.
Il faut dès lors admettre que le premier juge n'avait aucun devoir d'interpeller les recourants sur la recevabilité de leur requête, puisqu'il a parfaitement saisi le point de vue exposé par ceux-ci. Aucun élément pertinent supplémentaire n'aurait par ailleurs pu être apporté par ceux-ci, s'il les avait interpellés.
Par conséquent, le grief tombe également à faux et le recours sera rejeté.
5. Il n'est pas prélevé de frais, ni alloué de dépens, dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).
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La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 30 septembre 2024 par A______, B______, C______ SARL et D______ SARL contre le jugement JTBL/890/2024 rendu le 17 septembre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/2392/2024‑14.
Au fond :
Rejette le recours.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.