Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/485/2025 du 08.04.2025 ( SBL )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/4109/2024 ACJC/485/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU MARDI 8 AVRIL 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 18 mars 2025, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,
et
FONDATION B______, sise ______ [GE], intimée, représenté par Me Tatiana GURBANOV, avocate, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève.
Vu la requête en constatation de la nullité de deux congés déposée le 7 juin 2024 par A______ par devant le Tribunal des baux et loyers;
Vu la réponse de FONDATION B______ du 11 juillet 2024, avec demande reconventionnelle en évacuation et en paiement;
Vu la réponse à la demande reconventionnelle;
Vu l'ordonnance de preuve du 7 novembre 2024, réservant notamment l'audition de A______, hospitalisé;
Vu l'écriture sur faits nouveaux de FONDATION B______ du 11 novembre 2024;
Vu l'audience du Tribunal du 22 novembre 2024, lors de laquelle un témoin a été entendu et à l'issue de laquelle le Tribunal a imparti un délai à A______ au 6 décembre 2024 pour l'informer des modalités de son audition;
Vu le courrier du Conseil de A______ du 5 décembre 2024, informant le Tribunal de ce que son client était sorti de l'hôpital, et sollicitant son audition;
Vu le courrier au Tribunal de FONDATION B______ du 7 février 2025 demandant qu'il soit renoncé à l'audition du précité, par appréciation anticipée des preuves;
Vu le courrier du Conseil de A______ du 13 février 2025, persistant à solliciter l'audition du précité;
Vu l'ordonnance du 18 mars 2025, aux termes de laquelle le Tribunal a dit qu'il n'y avait pas lieu de procéder à l'audition de A______, a clôturé les débats et imparti un délai au 11 avril 2025 pour déposer leurs plaidoiries finales;
Vu, EN FAIT, le recours expédié le 31 mars 2025 à la Cour de justice par A______ contre cette ordonnance, sollicitant son annulation et concluant à ce qu'il soit procédé à son audition;
Qu'il a conclu préalablement à l'octroi de l'effet suspensif;
Qu'invitée à se déterminer, FONDATION B______ a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif, et, sur le fond, à l'irrecevabilité du recours;
Que les parties ont été avisées par plis du greffe du 8 avril 2025 de ce que la cause était gardée à juger sur effet suspensif;
Considérant, EN DROIT, que la décision querellée est une ordonnance d'instruction, soit une ordonnance de preuves (art. 124 CPC), susceptible du seul recours, recours dont la recevabilité est subordonnée à l'existence d'un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC), la cognition de la Cour étant limitée à l'appréciation manifestement inexacte des faits et à la violation de la loi (art. 321 al. 2 CPC);
Que le recours ne suspend pas la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision entreprise, l'autorité de recours (soit la Cour de céans) pouvant suspendre le caractère exécutoire en ordonnant au besoin des mesures conservatoires ou le dépôt de sûretés (art. 325 CPC);
Que, saisie d'une demande de suspension de l'effet exécutoire, l'autorité de recours doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; qu'elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 137 III 475 consid. 4.1);
Que, selon les principes généraux, l'autorité procède à une pesée des intérêts en présence et doit se demander, en particulier, si la décision est de nature à provoquer une situation irréversible; qu'elle prend également en considération les chances de succès du recours (arrêts du Tribunal fédéral 4A_337/2014 du 14 juillet 2014 consid. 3.1; 4D_30/2010 du 25 mars 2010 consid. 2.3);
Que la notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF relatif aux recours dirigés contre des décisions préjudicielles ou incidentes, dès lors qu'elle ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), pourvu qu'elle soit difficilement réparable. Que l'instance supérieure doit se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette dernière condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu (cf. ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2, SJ 2012 I 73; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 22 ad art. 319 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2485);
Que cela suppose que la partie recourante soit exposée à un préjudice de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale qui lui serait favorable; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 138 III 333 consid. 1.3.1;
134 III 188 consid. 2.1 et 2.2); qu'ainsi, une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (Spühler, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3ème éd., 2017, n. 7 ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC);
Que de même, le seul fait que la partie ne puisse se plaindre d'une administration des preuves contraire à la loi qu'à l'occasion d'un recours sur le fond n'est pas suffisant pour retenir que la décision attaquée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable (Spühler, op. cit., n. 8 ad art. 319 CPC; Colombini, Condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise relative à l'appel et au recours en matière civile, in JdT 2013 III p. 131 ss, p. 155); que la décision refusant ou admettant des moyens de preuve ne cause en effet pas de préjudice difficilement réparable, puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (arrêts du Tribunal fédéral 4A_248/2014 du 27 juin 2014, 4A_339/2013 du 8 octobre 2013 consid. 2 et 5A_315/2012 du 28 août 2012 consid. 1.2.1; Colombini, Code de procédure civile, Lausanne 2018, p. 1024);
Qu'en l'espèce, par application des principes susmentionnés, il ne sera pas fait droit à la requête d'effet suspensif;
Qu'en effet, il appartiendra au recourant, cas échéant et s'il s'y estime fondé, de recourir contre le jugement rendu au fond, pour se plaindre d'une administration des preuves contraire à la loi. Qu'ainsi, le rejet de la requête ne cause aucun préjudice difficilement réparable au recourant.
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La Présidente de la Chambre des baux et loyers :
Rejette la requête de suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance du 18 mars 2025 rendue par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/4109/2024.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
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Indications des voies de recours :
La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (137 III 475 consid. 1) est susceptible d'un recours en matière civile, les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 à 119 et 90 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.