Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/226/2025 du 13.02.2025 sur JTBL/941/2024 ( SBL ) , IRRECEVABLE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/12977/2024 ACJC/226/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU JEUDI 13 FEVRIER 2025 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 26 septembre 2024,
et
CAISSE DE PENSIONS B______, p.a. C______, ______ (VD), intimée.
A. Par jugement JTBL/941/2024 du 26 septembre 2024, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec elle l'appartement de 5 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis chemin 1______ 11, [code postal] D______ [GE] ainsi que le garage n° 6 dans l'immeuble sis chemin 1______ 1-13, [code postal] D______ (ch. 1 du dispositif), autorisé la CAISSE DE PENSIONS B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ après l'échéance d'un délai de deux mois après l'entrée en force de son jugement (ch. 2), précisé, s'agissant de l'appartement, que l'exécution du jugement par la force publique devait être précédée de l'intervention d'un huissier judicaire (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).
B. a. Par acte expédié le 17 octobre 2024 au Tribunal des baux et loyers et transmis à la Cour de justice le 23 octobre 2024, A______ a formé recours contre ce jugement. Sans prendre de conclusions, elle a exposé qu'elle n'était pas en mesure de trouver un nouveau logement dans le délai de deux mois fixé par le Tribunal et qu'elle s'engageait à régler sa dette dans les plus brefs délais et à payer régulièrement son loyer à l'avenir.
b. Dans sa réponse du 5 septembre 2024, la B______ s'est opposée à ce qu'un délai supplémentaire soit accordé à A______, rappelant que le bail avait été résilié pour le mois de mars 2024 et que la dette de la locataire s'élevait à 21'333 fr. 65.
c. Le 20 novembre 2024, le Tribunal a transmis à la Cour un courrier que A______ lui avait adressé le 14 novembre 2024 dans lequel elle sollicitait une dernière chance de pouvoir régler sa dette, ce qui devrait être possible au mois de janvier 2025 puisqu'elle allait percevoir un arriéré d'allocations familiales. Elle a produit diverses pièces nouvelles.
d. Les parties ont été avisées le 17 décembre 2024 par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. Les parties ont été liées par deux contrats de bail portant sur un appartement de 5 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis chemin 1______ 11, [code postal] D______ pour le premier, et sur un garage n° 6 dans l'immeuble sis chemin 1______ 1-13, [code postal] D______ pour le second.
Le montant mensuel du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 2'045 fr. pour l'appartement et à 130 fr. pour le garage.
b. Par avis comminatoires du 18 janvier 2024, la bailleresse a mis en demeure la locataire de lui régler dans les 30 jours les montants de 11'239 fr. 65, à titre d'arriéré de loyers et de charges de l'appartement pour les mois de novembre et décembre 2022 ainsi que février, septembre et décembre 2023, sous déduction d'un acompte, et de 780 fr., à titre d'arriéré de loyers du garage pour les mêmes mois, et l'a informée de son intention, à défaut du paiement intégral des sommes réclamées dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.
c. Considérant que les sommes susmentionnées n'avaient pas été intégralement réglées dans le délai imparti, la bailleresse a, par avis officiels du 6 mars 2024, résilié les baux pour le 30 avril 2024.
d. Par requête formée le 10 juin 2024, la bailleresse a introduit action en évacuation devant le Tribunal et a en outre sollicité l'exécution directe de l'évacuation de la locataire.
e. Lors de l'audience du 26 septembre 2024 devant le Tribunal, à laquelle la locataire n'était ni présente ni représentée, la bailleresse a persisté dans ses conclusions, exposant que le montant dû s'élevait désormais à près de 19'000 fr., ce qu'elle a documenté par un extrait de compte.
f. Dans son jugement du 26 septembre 2024, le Tribunal a considéré que les conditions d'une résiliation du bail selon l'art. 257d al. 1 CO étaient manifestement réunies en l'espèce, de sorte que la bailleresse était fondée à donner congé, ce qu'elle avait fait en respectant les conditions de l'art. 257d al. 2 CO. Depuis l'expiration du terme fixé, la locataire ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux loués et en continuant à les occuper, elle violait l'art. 267 al. 1 CO.
La bailleresse avait requis qu'il prononce également l'exécution de l'évacuation, ce à quoi le Tribunal, siégeant dans la composition prévue à l'art. 30 LaCC, a fait droit.
Enfin, la locataire occupait l'appartement litigieux avec ses deux filles âgées de respectivement 15 et 17 ans, de sorte qu'afin d'éviter que ces dernières ne se trouvent soudainement privées de tout abri, il se justifiait de prévoir que le jugement pourrait être exécuté après l'échéance d'un délai de deux mois après son entrée en force.
1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).
1.2 Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3,
JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, pp. 69-70).
En l'occurrence, la résiliation du bail n'est pas contestée. La locataire expose qu'elle n'est pas en mesure de retrouver un logement dans le délai de deux mois imparti par le Tribunal, tout en alléguant être en mesure de régler sa dette et de respecter ses obligations de paiement, ce qui pourrait permettre de penser qu'elle conteste également l'évacuation.
Au vu du montant du loyer, la valeur litigieuse s'élève à 13'050 fr (6 × [2'045 fr. + 130 fr.]), il sera dès lors considéré que la voie de l'appel est ouverte contre la décision d'évacuation, alors que celle du recours l'est contre l'exécution de ladite évacuation.
1.3
1.3.1 En vertu de l'art. 311 al. 1 CPC, il incombe à l'appelant de motiver son appel. Selon la jurisprudence, il doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique. Même si l'instance d'appel applique le droit d'office (art. 57 CPC), le procès se présente différemment en seconde instance, vu la décision déjà rendue. L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner à simplement reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. A défaut, son appel est irrecevable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_621/2021 précité consid. 3.1; 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 3.1; 4A_651/2012 du 7 février 2013 consid. 4.2; 5A_635/2015 du 21 juin 2016 consid. 5.2).
La motivation d'un recours doit, à tout le moins, satisfaire aux exigences qui sont posées pour un acte d'appel (arrêts du Tribunal fédéral 4A_462/2022 du 6 mars 2023, consid. 5.1.1; 5A_206/2016 du 1er juin 2016, consid. 4.2.1).
1.3.2 En l'espèce, la locataire ne soutient pas qu'elle aurait versé la somme réclamée dans l'avis comminatoire du 18 janvier 2024 dans le délai imparti, que le montant réclamé était erroné ou qu'elle aurait été à jour dans le paiement des loyers. Elle ne remet dès lors pas en cause de manière motivée le jugement attaqué en tant qu'il a considéré que les conditions pour le prononcé de l'évacuation étaient remplies.
Concernant l'exécution de l'évacuation, la locataire indique ne pas être en mesure de retrouver un logement dans le délai de deux mois octroyé par le Tribunal. Outre le fait que plus de neuf mois se sont écoulés depuis l'échéance du bail et quatre mois depuis que le Tribunal a rendu son jugement, la locataire limite ses explications à cette simple affirmation. Elle n'allègue par exemple pas avoir effectué des recherches de logement qui seraient restées vaines. Elle ajoute s'engager à régler ses dettes dans les plus brefs délais et à s'acquitter de ses obligations à l'avenir, sans exposer ni quand elle pourrait régler l'arriéré de loyers, qui s'élève à plus de 20'000 fr. selon l'intimée, ni comment elle serait en mesure à l'avenir d'être ponctuelle dans le paiement des loyers.
Au vu de ce qui précède, l'appel et le recours formés par la locataire ne répondent pas aux exigences minimales de motivation, même interprétées de manière large à l'égard d'un plaideur en personne. Ils sont donc irrecevables.
En tout état de cause, il ressort de la procédure que les conditions pour le prononcé de l'évacuation étaient remplies, en l'absence de contestation du montant de l'arriéré et d'allégation selon laquelle ledit montant aurait été payé dans le délai imparti. En outre, en accordant un délai de deux mois à la locataire, le Tribunal n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation, étant rappelé que le délai d'exécution ne doit pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque, comme en l'espèce, cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).
2. À teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).
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PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :
Déclare irrecevables l'appel et le recours interjetés le 17 octobre 2024 par A______ contre le jugement JTBL/941/2024 rendu le 26 septembre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/12977/2024.
Dit que la procédure est gratuite.
Siégeant :
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.
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Indication des voies de recours :
Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.