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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/23767/2021

ACJC/23/2025 du 07.01.2025 sur JTBL/1094/2023 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 10.02.2025, 4A_75/25
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23767/2021 ACJC/23/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 7 JANVIER 2025

 

Entre

CAISSE DE PENSIONS A______, sise ______ [ZH], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 15 décembre 2023, représentée par Me Pascal PETROZ, avocat, rue du Mont-Blanc 3, 1201 Genève,

 

et

 

ETAT DE GENEVE, soit pour lui le Département des Infrastructures, Office cantonal des bâtiments, boulevard Saint-Georges 16, 1205 Genève, intimé.

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1094/2023 du 15 décembre 2023, reçu par la A______ le 21 décembre 2023, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a fixé à 1'538'825 fr., charges non comprises, dès le 1er janvier 2023, le loyer annuel de l'immeuble sis nos. ______, chemin 1______ à B______ [GE] occupé par l'ETAT DE GENEVE (ch.1 du dispositif), débouté les parties de toute autre conclusion (ch.2) et dit que la procédure était gratuite (ch.3).

B. a. Par acte expédié le 1er février 2024 à la Cour de justice, la A______ forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut, préalablement, à ce qu'il soit ordonné une expertise permettant de déterminer les loyers usuels dans la localité, et principalement, à ce que la Cour déclare irrecevable, respectivement rejette, la demande de l'ETAT DE GENEVE et le déboute de l'ensemble de ses prétentions.

b. Dans sa réponse du 5 mars 2024, L'ETAT DE GENEVE conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par courrier du 14 juin 2024, la Cour a avisé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Par contrat du 30 juillet 2020 de transfert d'un bail du 11 juillet 2001, l'ETAT DE GENEVE est devenu locataire de locaux commerciaux sis nos. ______, chemin 1______ à B______ (8 étages sur rez, comprenant une surface totale de bureaux de 5'950 m2, divers locaux sur trois niveaux de sous-sol et un parking inférieur comportant 92 places de parc), dont la propriétaire est la A______. Les locaux sont occupés par [le service] C______.

Le bail, conclu initialement du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2022, avec indexation à l'indice suisse des prix à la consommation (ci-après : ISPC), se renouvelle de cinq ans en cinq ans depuis le 1er janvier 2023, le délai de résiliation étant d'une année. La variation de l'ISPC ne peut être notifiée qu'une fois par année et est de 100% de l'augmentation de l'indice (art. 4 a du contrat du 11 juillet 2001).

Le loyer annuel s'élève à 2'074'728 fr., suite à sa majoration pour compensation du renchérissement dès le 1er janvier 2021, selon avis du 9 décembre 2020, adressé au « Service gérance » de l'ETAT DE GENEVE, qui indique que cet avis annule et remplace l’avis du 19.11.20/RACB. Le motif indiqué est : « compensation renchérissement de 108.9 au 30 septembre 2019 à 108 au 31 octobre 2020).

b. Par courrier du 4 octobre 2021, le locataire, sous la signature de D______, gérante d'immeubles auprès du Service de la gérance, Office cantonal des bâtiments, Département des infrastructures de l'ETAT DE GENEVE, a sollicité auprès de E______ SA, alors chargée de la gérance de l'immeuble concerné, une baisse du loyer pour la prochaine échéance de bail, en lien avec la baisse du taux hypothécaire de référence, de 4,5% selon elle lors de la signature du bail à 1,25%.

L'Office cantonal des bâtiments (OCBA) gère l'ensemble des bâtiments et des terrains de l'Etat de Genève, en propriété ou en location (www.ge.ch.ocba).

c. Par courriel du 12 novembre 2021, donnant suite à une relance du même jour, la régie a confirmé à D______ qu'une réponse/contreproposition lui était transmise par pli postal.

d. Le 30 novembre 2021, l'ETAT DE GENEVE a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une requête en diminution de loyer de 28,06% dès le 1er janvier 2023, signée par F______, juriste auprès du Département des infrastructures de l'ETAT DE GENEVE au bénéfice d'une procuration datée du 24 juillet 2018 signée par le chef dudit département.

e. A compter du 1er janvier 2022, G______ SA a repris la gérance de l'immeuble.

f. Non conciliée à l'audience du 11 février 2022, l'affaire a été portée devant le Tribunal le 25 février 2022. La demande signée par F______, était accompagnée de la procuration précitée.

g. Dans sa réponse du 16 août 2022, la A______ a conclu à l'irrecevabilité, respectivement au rejet de la demande. Elle a préalablement sollicité une expertise de l'immeuble litigieux, destinée à déterminer « aujourd’hui son loyer et les loyers du quartier ».

La A______ a fait valoir que la demande en réduction de loyer était irrecevable, respectivement devait être rejetée, faute pour l'ETAT DE GENEVE d'avoir été valablement représenté dans le cadre de la demande de baisse du loyer du 4 octobre 2021. Sur le fond, la A______ a excipé un facteur absolu, soit celui des loyers du quartier à déterminer par l'expertise sollicitée. Elle a également excipé de la compensation avec le renchérissement.

Se référant à son échange de correspondance de novembre 2021 avec D______, elle a allégué qu'elle était « en discussion avec le locataire ».

h. Dans sa réplique du 4 novembre 2022, l'ETAT DE GENEVE a exposé avoir versé au précédent locataire un montant de plus de 9'000'000 fr. correspondant au montant non amorti de ses investissements, puis investi lui-même près de 26'000'000 fr. pour éliminer des défauts notamment dans le réseau de distribution de chauffage, les installations de production de froid, la protection solaire de la façade et les installations d'automatismes du bâtiment, précisant que les loyers comparatifs devaient correspondre à des locaux bruts uniquement.

i. Dans sa duplique du 5 décembre 2022, la A______ a persisté dans sa conclusion tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée, en raison de la spécificité de l'immeuble et des activités du locataire.

j. Par ordonnance du 17 mars 2023, le Tribunal a rejeté la demande d'expertise de la bailleresse.

k. A l'audience du Tribunal du 12 mai 2023, H______, ingénieur auprès de l'Office cantonal de bâtiments, a confirmé que l'ETAT DE GENEVE avait procédé à une rénovation complète des installations d'automatismes du bâtiment.

l. Dans ses plaidoiries finales, l'ETAT DE GENEVE a porté la diminution du loyer sollicitée à 26,47% et a soutenu que la A______ n'avait pas apporté la preuve que le loyer litigieux se situait dans les prix du quartier.

Par répliques spontanées des 27 juillet et 23 août 2023, l'ETAT DE GENEVE a persisté dans ses conclusions.

m. La A______ a persisté dans ses conclusions, notamment à réclamer une expertise « du loyer de l'immeuble litigieux ainsi que des loyers usuels dans la localité » et à contester la "validité" du courrier du 4 octobre 2021.

Elle a produit deux pièces complémentaires, soit des statistiques privées auxquelles elle s'est référée pour soutenir que le loyer au mètre carré de l'immeuble litigieux se situait dans la fourchette basse des loyers pratiqués dans le quartier. Subsidiairement, elle a opposé à la demande de baisse de loyer l'évolution du renchérissement, de 4,7% entre octobre 2020 et janvier 2023.

n. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a admis les pièces nouvelles produites par la A______.

Sur la question de la demande de baisse de loyer du 4 octobre 2021 pour le 1er janvier 2023, le Tribunal a retenu que le délai d'une année avant l'échéance du bail en cours avait été respecté et que l'indexation du loyer initial ne s'opposait pas à la demande de baisse de loyer se basant sur l'évolution du taux hypothécaire.

Sur la question soulevée par la A______ relative au défaut de pouvoir de D______, signataire de la demande de baisse de loyer pour le compte de l'ETAT DE GENEVE, le Tribunal a considéré qu'aucune forme n'était requise par l'art. 270a al.2 CO et que la procuration datée du 24 juillet 2018 produite attestait que D______ était habilitée à représenter l'ETAT DE GENEVE le 4 octobre 2021. La procédure et les délais ayant été respectés, il y avait lieu d'examiner les motifs de baisse invoqués.

Le Tribunal a constaté une baisse du taux d'intérêt hypothécaire de référence de 4,25% à 1,25%, qui induisait un potentiel droit du locataire à une baisse de loyer de 26,47%. Suite à la répercussion de la part admissible de l'évolution de l'ISPC soit les 40% de la différence de 1,6% entre décembre 2020 et octobre 2021, soit 0,64%, le Tribunal a fixé la baisse de loyer à 25,83%, le loyer ainsi réduit s'élevant à 1'538'825.75 fr.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

S'agissant d'un contrat de bail reconductible tacitement, soit de durée indéterminée (ATF 114 II 165 consid. 2b), la valeur litigieuse déterminante doit être calculée en fonction de la baisse de loyer requise, fixée annuellement et multipliée par vingt (art. 92 al. 2 CPC; ATF 139 III 209 consid. 1.2; 137 III 580 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4C_169/2002 du 16 octobre 2002).

En l'espèce, compte tenu de la baisse de loyer requise, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 145 al. 1 let. c, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.4   Selon l’art. 243 al. 2 let. c CPC, la procédure simplifiée s’applique aux litiges portant sur des baux et loyers d’habitation et de locaux commerciaux en ce qui concerne la consignation du loyer, la protection contre les loyers abusifs, la protection contre les congés ou la prolongation du bail. La maxime inquisitoire sociale régit la procédure (art. 247 al. 2 let. a CPC).

2. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir violé l'art. 270a al.2 CO, en admettant que l'intimé était valablement représenté lorsque, par courrier du 4 octobre 2021, il a requis la baisse de loyer litigieuse. Elle soutient que la demande de baisse de loyer serait irrecevable.

2.1 Le locataire doit adresser par écrit sa demande de diminution au bailleur, qui a un délai de 30 jours pour se déterminer. Si le bailleur ne donne pas suite à la demande, qu'il ne l'accepte que partiellement ou qu'il ne répond pas dans le délai prescrit, le locataire peut saisir l'autorité de conciliation dans un délai de 30 jours (art. 270a al. 2 CO). La procédure préalable ainsi prévue, qui se déroule de manière interne entre les parties, est une condition de recevabilité pour faire valoir des prétentions en diminution de loyer. Cette phase préliminaire en matière de baisse de loyer n'a qu'un caractère informel, contrairement au formalisme qui prévaut en matière de hausse de loyer (LACHAT/STASNY, Le bail à loyer, 2019, p. 521, n. 5.3.1; ATF 132 III 702 consid. 4.2 – JT 2007 I 47, p. 49).

2.2 De manière générale, la manifestation de volonté de celui qui agit au nom d'autrui lie le représenté lorsque le représentant dispose des pouvoirs nécessaires à cet effet (art. 32 al. 1 CO) ou lorsque le représenté ratifie l'acte accompli en son nom (art. 38 CO) ou encore lorsque le tiers peut se fier de bonne foi aux pouvoirs qui lui sont communiqués (art. 33 al. 3, art. 34 al. 3 et art. 37 CO) (ATF 131 III 511 consid. 3.1).

2.3 En l'espèce, la demande préalable de baisse de loyer du 4 octobre 2021 a été adressée par écrit à la bailleresse par une collaboratrice du Service de la gérance de l'Office cantonal des bâtiments, office qui gère les bâtiments dont l'ETAT DE GENEVE est propriétaire ou locataire. La bailleresse avait d'ailleurs adressé audit service la majoration de loyer du 9 décembre 2020. Elle admet en outre qu'en novembre 2021, lorsqu'elle négociait avec ladite collaboratrice, elle était en discussion avec le locataire. Il est rappelé que la phase préliminaire en matière de baisse de loyer n'a qu'un caractère informel, de sorte que la collaboratrice en question n'était pas tenue de justifier de ses pouvoirs de représentation par la remise d'une procuration à la bailleresse. A aucun moment, l'appelante ne s'est trouvée dans une situation d'incertitude au sujet de la demande de baisse de loyer. En toute hypothèse, il n'est pas contestable que l'intimé a ratifié les actes de son Office des bâtiments en initiant la présente procédure, dans laquelle il a déposé une procuration générale en faveur de la collaboratrice précitée, signée par le chef du Département des infrastructures de l'époque.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le Tribunal a admis que les démarches préalables prévues par l'art. 270a al.2 CO avaient été respectées, de sorte que la demande judiciaire de baisse de loyer ne pouvait pas être déclarée irrecevable. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir violé les art. 270a CO, 168 al.1 let.d et 183 CPC, en refusant d'ordonner une expertise. Elle soutient que, compte tenu des spécificités de l'immeuble, il se justifiait d'ordonner une expertise immobilière, afin de recueillir cinq exemples comparatifs, permettant de déterminer le prix au mètre carré dans le quartier.

3.1 Lorsque le locataire démontre que la baisse du taux hypothécaire (art. 269a let.b CO et 13 OBLF) justifie une réduction du loyer, le bailleur peut encore apporter la preuve que le loyer non réduit se situe dans les prix du quartier (art. 265A let.a CO) en produisant cinq exemples comparatifs au minimum (LACHAT/STASNY, op. cit., p. 701, n. 5.5.2).

C'est à la partie qui se prévaut des loyers comparatifs qu'il incombe de fournir des exemples en nombre suffisant (art. 8 CC) et, pour chacun d'entre eux, des données détaillées, soit en pratique une fiche descriptive quant à l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état d'entretien et l'époque de construction. Prudemment, la partie chargée du fardeau produira également des photos et un plan de la chose louée. Le nom du propriétaire de l'objet proposé en comparaison doit être indiqué (LACHAT/STASNY, op. cit., pp. 583-584, n. 2.2.13 et les références citées).

Le juge ne peut pas suppléer les carences des parties en matière de preuve par sa propre connaissance d'exemples comparatifs. Tout au plus peut-il, par ses questions, faire comprendre à la partie qui se prévaut de loyers usuels du quartier ou de la localité qu'elle n'a pas produit suffisamment d'exemples comparatifs ou que ceux produits sont incomplets. Par ce biais, le tribunal peut amener la partie concernée à compléter ses preuves. Par ailleurs, ne peuvent pas valoir moyens de preuve quant au niveau du loyer usuel du quartier ou de la localité, la production d'une expertise sur la valeur de rendement du bien-fonds, une expertise privée sur les loyers usuels dans tel quartier, pour les habitations, une expertise-arbitrage prévue par une clause compromissoire du bail ou l'audition d'employés de la régie (LACHAT/STASNY, op. cit., pp. 584-585, n. 2.2.15 et les références citées).

Les statistiques « privées », établies par les seuls milieux immobiliers, ne peuvent pas être prise en considération dans le cadre de la comparaison. Ces statistiques peuvent refléter l'avis de celui qui les produit (LACHAT/STASNY, op. cit., p. 582, n. 2.2.11 et note 88).

L'expertise est l'un des moyens de preuve admis par le CPC (art. 168 al.1 let.d et art. 183 ss CPC). Une expertise est imposée par l'art. 8 CC, lorsque le juge n'est pas à même de résoudre, à la lumière de ses propres connaissances, la question qui lui est soumise (ATF 117 II 231 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2015 du 19 avril 2016 consid. 5.1.3.).

3.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'intimé a démontré que la baisse du taux hypothécaire justifiait une réduction du loyer de 26,47%. L'appelante se prévaut des loyers comparatifs. Il lui incombait donc d'apporter la preuve que le loyer non réduit se situait dans les prix du quartier. Pour ce faire, elle était tenue, selon les principes sus-rappelés, de fournir au Tribunal au moins cinq exemples comparatifs avec, pour chacun d'eux, des données détaillées. C'est donc à tort qu'elle soutient que lesdits exemples devaient être recueillis par le biais d'une expertise immobilière ordonnée par le Tribunal. Celui-ci aurait été parfaitement à même, sur la base des exemples à fournir par la bailleresse, de procéder à un examen comparatif, sans devoir recourir à une expertise.

C'est ainsi à juste titre que le Tribunal a considéré que l'appelante n'avait pas établi, au moyen des loyers usuels du quartier, que le loyer n'était pas abusif malgré la modification des bases de calcul.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point également.

4.                  L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir considéré que l'augmentation de loyer visant à compenser le renchérissement pour le capital exposé aux risques ne pouvait dépasser 40% de la hausse de l'indice suisse des prix à la consommation. A son avis, conformément à l'art. 17 OBLF en relation avec l'art. 4a du contrat de bail du 11 juillet 2001, le renchérissement devrait être pris en considération à 100%. Par ailleurs, l'appelante soutient qu'il faudrait prendre en considération l'ISPC de 108.0 en octobre 2020 (base mai 2000 = 100) et l'ISPC de 113.0 en janvier 2023 (même base), ce qui conduirait à une hausse du loyer de 4,7% et non pas de 1,6% (à 100%) ou de 0,64 % (à 40%) comme retenu par le Tribunal.

4.1   Lorsque le locataire lui soumet une demande de baisse (généralement basée sur des facteurs relatifs), le bailleur peut en premier lieu y opposer un autre facteur relatif, en particulier, une diminution du taux hypothécaire peut être compensée notamment par l’augmentation de l’indice suisse des prix à la consommation. Le bailleur peut s’en prévaloir dans le cadre du litige et doit en apporter la preuve (ATF 119 II 32, consid. 3c/bb; MONTINI/WAHLEN, in Commentaire pratique du droit du bail à loyer et à ferme, Bâle 2017, N 30 ad art. 270a CO et références citées).

L'augmentation de loyer visant à compenser le renchérissement pour le capital exposé aux risques ne peut pas dépasser 40 % de la hausse de l'ISPC (art. 16 OBLF).

4.2 En limitant la compensation du renchérissement à la seule part du capital exposée aux risques, le législateur a exclu toute indexation de la part de loyer destinée à rémunérer la fraction du financement qui peut être assurée par des fonds étrangers. On présume en effet que ces fonds, qui couvrent en principe 60% de l’investissement total, sont généralement garantis par un gage immobilier et ne sont par conséquent pas exposés aux risques en cas de résiliation forcée (ATF 120 II 100 consid. 5b, DB 1994 N 12). La loi reprend ainsi le modèle théorique du financement applicable à l’art. 269a let. b CO. Tous les loyers sont ainsi concernés par l’adaptation au renchérissement, quelle que soit la structure de financement ou l’âge de l’immeuble concerné (BOHNET/BROQUET, op. cit., N 118 ad art. 269a CO).

Sont déterminants l’indice en vigueur le mois précédant la fixation du loyer initial ou la dernière notification de hausse et l’indice relatif au mois qui précède la notification du nouveau loyer. Pour fixer le deuxième moment déterminant, seront retenus les facteurs en vigueur au moment où la prétention est formulée (LACHAT/STASNY, op. cit., p. 685, n. 2.1.5). L’Office fédéral du logement, par son site internet, permet de calculer aisément le renchérissement et exprime la variation en pour-cent (calculatrice du renchérissement) (BOHNET/BROQUET, op. cit., N 121 ad art. 269a CO).

4.3 En l'espèce, par avis de majoration de loyer du 9 décembre 2020, l'appelante a modifié le loyer en se basant sur l'évolution de l'ISPC pour le 1er janvier 2021. C'est ainsi l'indice en vigueur le mois précédent la notification du nouveau loyer qui doit être pris en considération, indépendamment des indices contenus dans le ledit dernier avis de majoration, soit celui de novembre 2020, l’avis de majoration ayant été notifié en décembre 2020 (101 points en novembre 2020; base : décembre 2010 = 100). La demande de baisse ayant été formulée en octobre 2021, c'est bien l'indice connu à cette date, qui doit être pris en considération (102,5 en octobre 2021, base : décembre 2015 = 100). Selon ce qui a été exposé ci-dessus, ce sont uniquement les 40% qui doivent être répercutés, soit 0,6%. C'est à tort que la bailleresse se réfère à l'art. 17 OBLF, qui vise les loyers indexés (art. 269b CO) de manière générale et non pas le cas particulier du renchérissement sur le capital exposé aux risques opposé à la baisse du taux hypothécaire. Il en découle que la répercussion de l’ISPC aurait dû être inférieure de 0,04%.

L’intimé n’ayant toutefois pas conclu à une baisse de loyer supérieure à celle accordée par le Tribunal, la diminution accordée sera confirmée.

En définitive, le jugement entrepris sera intégralement confirmé.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 1er février 2024 par la A______ contre le jugement JTBL/454/2023 rendu le 15 décembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/23767/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Damien TOURNAIRE, Madame Sibel UZUN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.