Skip to main content

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/14753/2019

ACJC/1095/2024 du 12.09.2024 sur JTBL/232/2024 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14753/2019 ACJC/1095/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 12 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

ASSOCIATION A______, sise ______, appelante d'un jugement rendu
par le Tribunal des baux et loyers le 26 février 2024, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

ASSOCIATION B______, sise ______, appelante d'un jugement rendu
par le Tribunal des baux et loyers le 26 février 2024, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

VILLE DE GENEVE, représentée par GERANCE IMMOBILIERE MUNICIPALE, rue de l'Hôtel-de-Ville 5, case postale 3983, 1211 Genève 3, intimée.



EN FAIT

A. Par jugement JTBL/232/2024 rendu le 26 février 2024, le Tribunal des baux et loyers (ci-après: le Tribunal) a ordonné la jonction des causes C/14753/2019 et C/11______/2019 sous le numéro de procédure C/14753/2019 (ch. 1 du dispositif), déclaré valables les congés notifiés à l'association A______ par la Ville de Genève par avis officiels du 28 juin 2019 pour le 31 décembre 2019 relatifs aux dépôts n° 1______ et n° 2______ sis rue 2______ no. 3______ à Genève (ch. 2), constaté la validité de la résiliation du 31 mai 2019 pour le 31 août 2019 notifiée à l'association A______ par la Ville de Genève portant sur les mises à disposition de l'arcade n° 4______ et l'établissement public n° 5______ sis rue 2______ no. 3______ et de l'arcade sise rue 2______ no. 6______ à Genève (ch. 3), condamné l'association A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens, ainsi que de tout tiers l'arcade n° 4______, l'établissement public n° 5______, les dépôts n° 1______ et n° 2______ sis rue 2______ no. 3______ ainsi que l'arcade sise rue 2______ no. 6______, autorisé la Ville de Genève à requérir l'évacuation par la force publique de l'association A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 4), déclaré valable le congé notifié à l'association B______ par la Ville de Genève par avis officiels du 28 juin 2019 pour le 31 décembre 2019 relatif au dépôt n° 7______ sis rue 2______ no. 3______ à Genève (ch. 5), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6) et dit que la procédure était gratuite.

B. a. Par acte expédié le 19 avril 2024 à la Cour de justice (ci-après: la Cour), l'association A______ et l'association B______ ont formé appel contre ce jugement, qu'elles ont reçu le 8 mars 2024, concluant à son annulation et au déboutement de la Ville de Genève de toutes ses conclusions.

b. Par réponse du 24 mai 2024, la Ville de Genève a conclu à l'irrecevabilité de l'appel, et, subsidiairement, à son rejet.

c. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 10 juillet 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure.

a.      L'association A______ a pour but de partager avec toute personne, sans distinction d'âge et d'appartenance culturelle ou religieuse, les principes de l'écologie sociale appliquée par des actions concrètes sur le terrain dans les domaines de l'alimentation, de la santé et de l'environnement, grâce à des espaces d'accueil, de travail et de rencontre.

b.      Le 22 novembre 2007, la Ville de Genève, soit pour elle la Gérance Immobilière Municipale, propriétaire, et l'association A______, locataire, ont conclu deux contrats intitulés "locaux commerciaux - bail à loyer" portant sur la location d'un dépôt n° 1______ et d'un dépôt n° 2______ d'une pièce chacun, au premier sous-sol de l'immeuble sis rue 2______ no. 3______, [code postal] Genève.

A la même date, la Ville de Genève, soit pour elle la Gérance Immobilière Municipale, propriétaire, et l'association B______, locataire, ont conclu un contrat intitulé "locaux commerciaux - bail à loyer" portant sur la location d'un dépôt n° 7______ d'une pièce au premier sous-sol de l'immeuble sis rue 2______ no. 3______, [code postal] Genève.

Les locaux étaient destinés à un dépôt, à l'exclusion de tout autre usage.

Les contrats ont été conclus pour une durée d'une année et quinze jours, du 16 décembre 2007 au 31 décembre 2008, renouvelable ensuite tacitement d'année en année. Le préavis de résiliation était de six mois.

Le loyer annuel de chacun des dépôts a été fixé par les contrats à 852 fr. Les clauses particulières du bail prévoyaient notamment le versement d'un montant forfaitaire annuel de 48 fr., représentant les frais d'électricité, payable aux mêmes termes que le loyer.

c.       Les 30 septembre 2014 et 17 février 2015, la Ville de Genève, soit pour elle le Département des finances et du logement, soit pour lui la Gérance Immobilière Municipale, désignée comme le prêteur, et le Département de la cohésion sociale et de la solidarité, d'une part, et l'association A______, désignée comme l'emprunteuse, d'autre part, ont conclu des "conventions de mise à disposition" de locaux portant d'une part sur une arcade n° 4______ et d'autre part sur un établissement public n° 5______, sis rue 2______ no. 3______, [code postal] Genève, lesquelles avaient vocation à remplacer toute convention antérieurement signée pour les mêmes locaux (art. 18).

Les locaux étaient destinés respectivement à l'usage de bureaux et exclusivement à l'association A______.

A l'exception de la mention des termes "location" à l'article 16 des Conventions et "loué(s)" ou "locataire" aux articles 5.3, 8 alinéa 3 et 13 alinéa 4, il est systématiquement fait référence à un prêt de locaux, à un prêteur et à une emprunteuse.

Les conventions ont a été conclues pour une durée d'une année, du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, respectivement du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, renouvelables ensuite tacitement d'année en année, le préavis de résiliation étant d'un mois pour la fin d'un mois, par une note de service.

La valeur locative annuelle des locaux était de 12'692 fr. pour l'arcade et de 9'668 fr. pour l'établissement public. Ces montants étaient pris en charge par le Département de la Cohésion sociale et de la solidarité. Ces subventions en nature devaient être portées dans les comptes de l'occupante astreinte à l'obligation légale de tenir une comptabilité (art. 6 al. 2 et 3).

Les frais d'eau chaude et de chauffage étaient mis à la charge de l'association A______ pour un montant annuel de respectivement 1'440 fr. et 1'104 fr.

d.      Une convention de mise à disposition, à la teneur identique aux précédentes, a été établie le 6 mars 2015 entre la Ville de Genève, soit pour elle le Département des finances et du logement, soit pour lui la Gérance Immobilière Municipale, le Département de la cohésion sociale et de la solidarité ainsi que l'association C______, désignée comme l'emprunteuse.

Cette convention n'a jamais été signée. La Ville de Genève et l'association A______ considèrent toutefois qu'elle concrétise des accords qui les lient. Elle porte sur la mise à disposition d'une arcade au rez-de-chaussée sise rue 2______ no. 6______, [code postal] Genève.

Ce document prévoyait une durée d'une année, du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015. Le préavis de résiliation était d'un mois par une note de service.

La valeur locative annuelle des locaux était de 11'180 fr., montant pris en charge par le Département de la Cohésion sociale et de la solidarité. Cette subvention en nature devait être portée dans les comptes de l'occupante astreinte à l'obligation légale de tenir une comptabilité.

Les frais d'eau chaude et de chauffage étaient mis à la charge de l'association C______ pour un montant annuel de 924 fr.

e.       Par courriers des 14 juin 2014, 27 mai 2015 et 15 février 2016, la Ville de Genève a informé A______ que le Département de la cohésion sociale et de la solidarité avait approuvé des subventions non monétaires de respectivement 22'360 fr. (les arcades n° 4______ et 8______), 9'668 fr. (arcade n° 8______) et 12'692 fr. (arcade n° 4______), et 22'360 fr. (arcades n° 4______ et 8______), relatives aux deux arcades sises no. 3______ rue 2______. Etaient jointes au courrier du 15 février 2016 les "dispositions d'octroi d'une subvention non monétaire. L'art. 1.3 stipulait l'obligation pour l'organisation de faire figurer dans ses comptes la subvention reçue. L'art. 2.1 prévoyait que l'organisation devait remettre au Département, dans le délai imparti, certains documents, dont notamment les comptes annuels de l’exercice concerné, avec budget de l'exercice correspondant et le rapport d'activité annuel. Il n'était fait mention d'aucune prestation en nature à charge de l'association.

f.        Par courrier recommandé du 31 mai 2019 adressé à l'Association A______, la Ville de Genève a résilié, pour le 31 août 2019, les mises à disposition des arcades n° 4______ et 8______, sises rue 2______ no. 3______ et de l'arcade située à la rue 2______ no. 6______.

Elle a motivé sa décision par la non-conformité des règles applicables aux mises à disposition, notamment, en raison :

- du retard dans la remise des comptes 2015 ;

- de l'absence de comptabilité en 2016 ;

- de l'absence de remise des documents permettant de finaliser la convention relative à l'arcade de la rue 2______ no. 6______, suite à la dissolution de C______;

- de plusieurs plaintes des membres de la coopérative de l'immeuble concernant des problèmes d'insalubrité de la cour intérieure et du jardin potager ;

- de l'utilisation des locaux par une autre association, sans autorisation du Département de la Cohésion sociale et de la solidarité ;

- du non-respect du délai fixé au 15 décembre 2018 pour présenter la nouvelle organisation de l'association A______, le document ayant finalement été envoyé par courriel le 25 février 2019, après plusieurs relances ;

- de la fermeture de l'arcade de la rue 2______ no. 3______ de manière contraire au règlement du plan d'utilisation du sol.

g.      Le 1er juillet 2019, l'association A______ a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une demande en constatation de l'existence d'un contrat de bail et en constatation de droit, et conclu à ce que soit constatée l'existence de contrats de bail entre les parties, portant sur l'arcade n° 4______ et l'établissement public n° 5______, no. 3______ rue 2______, ainsi que sur l'arcade sise no. 6______ rue 2______, à la constatation de la nullité de la résiliation du 31 mai 2019 portant sur lesdits objets, et à la constatation de ce qu'elle n'avait pas à restituer les locaux.

La cause a été inscrite sous C/14753/2019.

h.      Parallèlement, par avis de résiliation du 28 juin 2019 adressés à l'association A______ et à l'association B______, la Ville de Genève a résilié les contrats de bail relatifs aux dépôts n° 1______, n° 2______ et n° 7______ pour le 31 décembre 2019 au motif de la résiliation des mises à disposition des arcades situées au rez-de-chaussée des immeubles sis rue 2______ no. 3______ et 6______.

Par requêtes déposées le 25 juillet 2019 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, l'association A______ et l'association B______ ont chacune contesté les résiliations de bail et sollicité, subsidiairement, une prolongation des contrats de six ans.

Les causes ont été inscrites sous C/9______/2019 (dépôt n° 1______), C/10______/2019 (dépôt n° 2______) et C/11______/2019 (dépôt n° 7______).

i.        Lors de l'audience de conciliation du 19 janvier 2021, toutes les causes précitées ont été déclarées non conciliées et les autorisations de procéder ont été délivrées.

j.        Le 18 février 2021 dans la cause C/14753/2019 (mises à disposition concernant l'arcade n° 4______, l'établissement public n° 5______ et l'arcade no. 6______ rue 2______), A______ a saisi le Tribunal, concluant à la constatation que des contrats de bail liaient les parties s'agissant de l'arcade n° 4______, de l'établissement public n° 5______, situés no. 3______ rue 2______, et de l'arcade rue 2______ no. 6______, et à la constatation de la nullité de la résiliation du 31 mai 2019 ainsi qu'à la constatation qu'elle n'avait pas à restituer les locaux.

Le même jour, A______ et B______ ont également saisi le Tribunal, concluant à l'annulation des résiliations du 28 juin 2019 portant sur les dépôts n° 1______, n° 2______ et n° 7______ et, subsidiairement, à l'octroi d'une prolongation de bail d'une durée de six ans (C/9______/2019, C/10______/2019 et C/11______/2019).

Par ordonnance du 22 avril 2021, le Tribunal a ordonné la jonction des causes C/14753/2019, C/10______/2019 et C/9______/2019 (concernant A______) sous la cause C/14753/2019.

k.      Dans son mémoire de réponse du 19 avril 2021, dans la cause l'opposant à l'association B______ (C/11______/2019), la Ville de Genève a conclu à la validation de la résiliation de bail portant sur le dépôt n° 7______ rue 2______ no. 3______ à Genève. Elle n'a pas pris de conclusion en évacuation.

Dans son mémoire de réponse du 26 mai 2021 (C/14753/2019), la Ville de Genève a conclu au rejet des demandes de l'association A______, "en constatant l'existence de conventions de mise à disposition pour l'arcade n° 4______ sise rue 2______ no. 3______, pour l'établissement public n° 5______ situé au rez-de-chaussée, et pour l'arcade située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 2______ no. 6______", à la constatation de la fin de mise à disposition de ces objets au 30 juin 2019 et à la déclaration que le courrier de fin de mise à disposition du 31 mai 2019 était pleinement valable, à la condamnation de l'association A______ à restituer les locaux et à évacuer ceux-ci immédiatement et à l'autorisation de la Ville de Genève, par le biais d'un huissier judiciaire qu'elle aura mandaté, à requérir l'expulsion par la force publique des associations dès l'entrée en force du jugement.

A______ a répliqué le 29 juin 2021, persistant dans ses conclusions.

l.        Lors de l'audience du 28 septembre 2021 dans les causes C/14753/2019 et C/11______/2019, les parties ont persisté dans leurs conclusions, la Ville de Genève précisant qu'elle concluait à la validation des résiliations concernant les dépôts n° 1______, n° 2______ et n° 7______.

D______, pour le compte de l'association A______, a déclaré que celle-ci était partie depuis 1986 aux baux portant sur les arcades et les dépôts. Les immeubles avaient été rénovés et l'association avait dû quitter les locaux pendant un certain temps. Lorsqu'elle les avait repris, les loyers avaient triplé. La Ville avait alors proposé une subvention non-monétaire afin qu'elle puisse rester. Avant la convention, elle versait un loyer et des charges mais ne touchait pas de subvention. Après la signature de la convention de mise à disposition, l'association ne s'acquittait plus d'un loyer en mains de la Gérance Immobilière Municipale mais payait seulement les charges pour un montant de moins de 1'000 fr. par mois.

D______ a ajouté que l'association n'avait pas eu plus d'explications au sujet de la convention. Elle avait compris que celle-ci ne devait plus verser de loyer en mains de la Gérance Immobilière Municipale. Il s'agissait du fonctionnement de la subvention non-monétaire. Pour elle, l'association avait toujours conservé un statut de locataire, par le fait qu'elle avait des droits juridiques valables et qu'elle était protégée par la loi. Si l'association ne touchait plus de subventions, elle devrait payer un loyer et trouver des fonds pour cela. Elle n'avait pas compris que la Ville leur prêtait des locaux par ces conventions.

Elle a admis des faiblesses administratives au sein de l'association, raison pour laquelle la gestion administrative avait été confiée à E______. De l'aide avait été demandée à d'autres associations pour trouver d'autres locaux. L'association n'avait pas de rentrées d'argent en dehors des dons et des cotisations des membres.

F______, pour la Gérance Immobilière Municipale, a déclaré que le système de la convention était une mise à disposition des locaux tripartite en lien avec le Département concerné. Une subvention non monétaire était octroyée à l'association avec la mise à disposition de locaux. La Ville devait ensuite faire figurer cette subvention non-monétaire dans son bilan. Il n'y avait pas d'échanges d'argent et pas de sorties de loyers ni de la part des bénéficiaires ni de la Gérance. Les bénéficiaires s'acquittaient seulement des charges.

m.    Lors de l'audience du Tribunal du 16 novembre 2021, G______, employée de Département de la cohésion sociale et de la solidarité, entendue en qualité de témoin, a déclaré qu'elle s'occupait des conventions de mise à disposition de locaux. Il s'agissait d'octroyer à des associations, qui avaient une activité en lien avec le Département, des subventions non monétaires sur la base de divers critères. La Ville devait faire figurer ces subventions dans ses comptes et les associations indiquaient également les loyers dans leurs comptes. En réalité, il ne s'agissait pas de loyers mais de la valeur monétaire du bien.

H______, juriste à la Direction du Département de la cohésion sociale et de la solidarité, entendue en qualité de témoin, a déclaré avoir rédigé le courrier du 31 mai 2019 et a confirmé les motifs exposés. Elle a expliqué que lorsque les critères d'octroi de la subvention n'étaient plus respectés, la convention de prêt était résiliée. En l'occurrence, les documents requis avaient été remis en retard par l'association. Il y avait également un problème de constitution des organes de celle-ci, en particulier du comité. Un problème de viabilité de l'association avait également été soulevé. Les deux associations A______ et B______ n'avaient plus d'activités malgré leurs intentions manifestes. Les locaux étaient inoccupés. "L'association" avait des dettes envers les fournisseurs et les personnes internes à l'association de sorte qu'il était peu envisageable que les dettes soient remboursées. Il n'y avait pas d'entrées autres que les dons de personnes et des cotisations. Le Département n'avait pas eu d'autre choix que de résilier la convention de prêt après avoir permis à "l'association" de se mettre en conformité.

E______, entendu en qualité de témoin, a déclaré que B______ n'existait plus comme association depuis 2017 ou 2018 car son activité avait été reprise par A______. Il a expliqué avoir repris la comptabilité de l'association A______ en fin d'année 2019. Dans les comptes, il devait faire figurer la subvention qui n'était pas versée sous forme monétaire. L'association n'était plus tellement viable mais elle vivait grâce à certains bénévoles qui laissaient leur argent et des membres qui avaient renoncé à leurs créances.

Il avait vu des personnes qui discutaient ou offraient à manger dans les locaux mais, depuis 2020, le COVID avait tout bloqué et les locaux étaient fermés pour cause de dégâts d'eau. L'arcade la plus utilisée n'était plus exploitable à cause de ces dégâts.

n.      Lors des audiences du Tribunal des 11 janvier et 12 avril 2022, I______, J______, K______, L______, M______ et N______ ont été entendus en qualité de témoins.

Tous ont déclaré connaitre "l'association", décrite comme offrant un espace de vie où les personnes, habitantes du quartier ou de passage, se retrouvaient, discutaient et participaient à des activités organisées par elle, dont notamment des cours de cuisine ou de la restauration, qui était l'activité essentielle.

J______ et K______ ont affirmé que le COVID et les inondations survenues dans l'arcade avaient eu un impact sur les activités proposées et l'utilisation de l'arcade inondée. L______ et M______ ont déclaré qu'il n'y avait pas d'activités à l'intérieur en raison des prescriptions sanitaires mais que l'association avait redistribué ses forces en se concentrant sur des évènements ouverts sur l'extérieur.

Ils ont souligné l'importance de D______ pour le quartier grâce à sa proactivité et aux arcades qui avaient permis de créer un lien et une ouverture du quartier sur l'extérieur.

o.      Par ordonnance du 30 septembre 2022, le Tribunal a ordonné la suspension de la procédure pour permettre aux parties de négocier.

Par ordonnance du 6 juillet 2023, le Tribunal a ordonné la reprise de la procédure au motif de l'échec des discussions.

p.      Les parties ont déposé des plaidoiries finales le 26 septembre 2023, persistant dans leurs conclusions respectives.

La cause a été gardée à juger dans un délai de quinze jours à compter de la notification de leurs écritures respectives aux parties.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

En l'espèce, en prenant en compte les valeurs locatives respectivement les loyers des locaux concernés, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC).

L’appel doit être motivé. L’appelant a ainsi le fardeau d'expliquer les motifs pour lesquels le jugement attaqué doit être annulé et modifié, par référence à l'un et/ou l'autre motif(s) prévu(s) à l'art. 310 CPC. La maxime inquisitoire (art. 55 al. 2 et 247 al. 2 CPC) et la maxime d'office (art. 58 al. 2 CPC) ne dispensent pas l'appelant de motiver correctement. Un simple renvoi aux écritures et pièces de première instance ne serait pas conforme à l'exigence de motivation de l'art. 311 al. 1 CPC. L'instance supérieure doit pouvoir comprendre ce qui est reproché au premier juge, sans avoir à rechercher des griefs par elle-même, ce qui exige une certaine précision quant à l'énoncé et à la discussion des griefs (ACJC/150/2019 consid. 3.1 ; Jeandin in : Bohnet/Haldy/Jeandin/-Schweizer/Tappy, Code de procédure civile commenté 2019, ad art. 311, § 3 et les références citées).

En l'espèce, l'appel, rédigé par des justiciables agissant en personne, répond aux exigences de motivation précitées, interprétées avec indulgence, en ce qui concerne l'arcade n° 4______, l'établissement public n° 5______ et l'arcade no. 6______ rue 2______ (ch. 3 et 4 – sauf en ce qui concerne les dépôts n° 1______ et n° 2______ - du dispositif). En effet, on comprend que les appelantes reprochent au Tribunal d'avoir considéré qu'elles n'étaient pas liées à l'intimée par des contrats de bail sur ces objets au motif qu'elles ne payeraient pas de loyer.

L'appel, déposé dans la forme et le délai prescrits sera donc déclaré recevable en ce qu'il vise les chiffres 3 et 4 - sauf en ce que ce dernier vise les dépôts n° 1______ et n° 2______ – du dispositif du jugement entrepris.

En revanche, il sera déclaré irrecevable en ce qu'il concerne la résiliation des baux relatifs au dépôts n° 1______, n° 2______ et n° 7______ (ch. 2, partiellement 4 et 5 du dispositif), compte tenu de l'absence de griefs à cet égard.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. Le Tribunal a considéré que les conventions intitulées "de mise à disposition des locaux" portant sur l'arcade n° 4______, l'établissement public n° 5______ et l'arcade de la rue 2______ no. 6______ excluaient les règles du contrat de bail. La réalité claire juridique voulue par les parties était celle de la mise à disposition gratuite d'un local à une association. Les art 271ss CO n'étaient pas applicables. L'intimée avait mis un terme aux conventions et était en droit de requérir l'évacuation faute pour les appelantes de disposer d'un titre juridique les autorisant à rester dans les locaux.

Dans leur appel, les appelantes reprochent au Tribunal de ne pas avoir retenu qu'elles étaient tenues au paiement d'un loyer en nature, et qu'elles s'étaient toujours acquittées de celui-ci. Les règles du bail seraient applicables. Elles ne remettent pas en cause leurs manquements administratifs, mais estiment que "ces motifs formels ne sauraient éclipser le travail considérable mené de manière constante depuis 1987".

L'intimée soutient qu'il n'était aucunement convenu que les appelantes devaient fournir un quelconque travail en sa faveur, fait au demeurant allégué pour la première fois en appel de manière irrecevable. Une mise à disposition gratuite était convenue entre les parties. Les manquements administratifs reprochés justifiaient la résiliation des conventions de mise à disposition.

2.1.1 Aux termes de l'article 253 CO, le bail à loyer est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder l'usage d'une chose au locataire, moyennant un loyer.

La loi ne prescrit aucune forme pour le contrat de bail (art. 11 al. 1 CO). Selon les articles 1 al. 1 et 2 et 2 al. 1 CO, le contrat est conclu lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, expresse ou tacite, manifesté leur volonté sur tous les points essentiels. Si les parties ne se sont pas mises d'accord sur tous les éléments essentiels du contrat, celui-ci n'est pas venu à chef.

Le loyer est la rémunération due par le locataire au bailleur pour la cession de l'usage de la chose (art. 257 CO). Le loyer représente ainsi non seulement la contrepartie de la délivrance et du maintien de la chose louée dans un état approprié à l'usage convenu, mais aussi la contrepartie d'autres prestations du bailleur, par exemple celle d'assurer la sécurité et la protection du locataire (WESSNER, L'obligation du locataire de payer le loyer et les frais accessoires in 9ème séminaire sur le droit du bail, 1996, p. 4).

Un loyer déterminé ou déterminable est un point essentiel du bail. A défaut d'entente sur le montant du loyer, le contrat ne vient pas à chef même si les parties étaient en principe d'accord sur une cession d'usage à titre onéreux et si l'utilisation a déjà commencé (BOHNET/CARRON/MONTINI, Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n° 65 ad art. 253 CO; LACHAT/BOHNET, Commentaire romand CO I, 2021, n° 13 ad art. 253 CO).

Sans paiement d'un loyer, il n'y a pas de bail. Le "bail gratuit" est un contrat de prêt à usage (LACHAT, op. cit., p. 67).

Le loyer ne doit pas nécessairement consister en une somme d'argent. La prestation du locataire peut être convenue en nature (exemple: livraison d'une certaine quantité de marchandise par mois) ou en travail (exemple: contrat de conciergerie). Dans ces hypothèses, on est en présence d'un contrat mixte, ou de contrats composés (LACHAT, op. cit., p. 68). Selon les circonstances et le problème posé, on appliquera au contrat mixte ou au contrat composé qui comporte un aspect de bail à loyer ou à ferme les règles des art. 253ss CO ou 275ss CO ou celles d'un autre type de contrat (travail, mandat, etc.) (LACHAT, op. cit., p. 75).

2.1.2 Le prêt à usage diffère du bail à loyer en tant que la cession de l'usage intervient à titre gratuit (LACHAT, op. cit., p. 72). Lorsque le prêt à usage a été convenu pour une durée indéterminée, le prêteur peut exiger en tout temps la restitution des locaux (art. 310 CO).

2.1.3 Conformément à l'article 18 CO, en présence d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou déterminations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention. Déterminer ce que chaque contractant savait et voulait au moment de conclure relève des constatations de faits et constitue une interprétation subjective du contrat. Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si les volontés intimes divergent, le juge doit interpréter les déclarations et les comportements selon la théorie de la confiance, en recherchant comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances, interprétation dite objective qui relève du droit (arrêt du Tribunal fédéral 5A_878/2012, consid. 5.1.1).

Le principe de la confiance permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s'il ne correspond pas à sa volonté intime. Le sens d'un texte, apparemment clair, n'est pas forcément déterminant, de sorte que l'interprétation purement littérale est prohibée. Même si la teneur d'une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le texte de ladite clause ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu. Il n'y a cependant pas lieu de s'écarter du sens littéral du texte adopté par les intéressés lorsqu'il n'existe aucune raison sérieuse de penser qu'il ne correspond pas à leur volonté (ATF 136 III 186).

Il incombe à la partie qui prétend déduire des droits d'un accord d'apporter la preuve de la réalité de cet accord, le cas échéant des circonstances qui l'amènent à conclure, au regard du principe de la confiance, à la volonté de son cocontractant (art. 8 CC; ATF 116 II 695 consid. 2b/bb).

2.2 En l'espèce, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que les règles du contrat de bail, en particulier l'art. 271 CO, n'étaient pas applicables aux relations entre les parties, telles que définies par les "conventions de mise à disposition". En effet, celles-ci désignent les parties comme "prêteur" et "emprunteuse"; elles ne font mention que de "valeur locative" et de "subventions non monétaires", à l'exclusion de tout loyer. La seule utilisation, dans quelques dispositions de ces conventions, des termes "loués" ou "locataire" est insuffisante à retenir l'existence d'un contrat de bail et relève manifestement d'une erreur de formulation, dont l'appelante A______ ne saurait tirer argument.

La représentante de la précitée a par ailleurs déclaré en audience au Tribunal qu'avant l'établissement de ces conventions elle payait un loyer, et qu'aujourd'hui tel n'était plus le cas, admettant ainsi un changement de situation. Elle ne saurait donc prétendre de manière convaincante qu'elle n'avait pas compris que l'intimée leur prêtait des locaux, alors qu'elle a admis qu'en tout état l'association n'aurait pas été en mesure d'acquitter un loyer.

Elle a insisté sur le rôle important de l'association dans le quartier, ce que plusieurs témoins ont d'ailleurs confirmé et qui n'est au demeurant pas contesté, mais n'a pas soutenu devant le Tribunal que celle-ci était tenue envers l'intimée de fournir des prestations en nature. Les "dispositions d'octroi d'une subvention non monétaire", jointes au courrier du 15 février 2016, ne prévoient rien de tel. Il sera encore relevé à cet égard qu'il ressort des témoignages que les arcades ne sont plus utilisées depuis la survenance de dégâts d'eau.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer plus avant sur la recevabilité de l'allégation de loyer convenu en nature.

3. La procédure est gratuite (art. 22 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 19 avril 2024 par ASSOCIATION A______ contre le jugement JTBL/232/2024 rendu le 26 février 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/14753/2019 en ce qu'il vise les chiffres 3 et 4 – sauf en ce que ce dernier chiffre concerne les dépôts n° 1______ et n° 2______ – de son dispositif.

Déclare irrecevable l'appel interjeté le 19 avril 2024 par ASSOCIATION A______ et ASSOCIATION B______ contre le jugement précité, en ce qu'il vise les chiffres 2, partiellement 4 (soit ce qui concerne les dépôts n° 1______ et n° 2______) et 5 de son dispositif.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur
Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.