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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/13279/2021

ACJC/830/2024 du 25.06.2024 sur JTBL/748/2023 ( OBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13279/2021 ACJC/830/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 25 JUIN 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 18 septembre 2023, représentée par Me Agrippino RENDA, avocat, route des Acacias 6, 1227 Genève,

 

 

et

FONDATION communale immobilière de B______, sise ______, intimée, représentée par Me Aurèle MULLER, avocat, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8.

 

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/748/2023 du 18 septembre 2023, reçu par A______ le 2 octobre 2023, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valable le congé du 3 juin 2021 notifié par la FONDATION communale immobilière de B______ à A______ pour le 31 juillet 2021 portant sur l’appartement de 3 pièces au 2ème étage de l’immeuble sis avenue 1______ no. ______ à C______ [GE] (ch. 1 du dispositif), a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens, ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec elle, l’appartement en question ainsi que la cave n° 3______ située au sous-sol dudit immeuble (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, les premiers juges ont retenu que les conditions permettant de prononcer une résiliation anticipée du bail étaient réunies et qu’il ne se justifiait par conséquent pas de prolonger le bail. La locataire ne disposant d’aucun titre, elle devait au surplus évacuer le logement.

B. a. Par acte déposé le 1er novembre 2023 au greffe universel du Pouvoir judiciaire, A______ forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut, principalement, à ce que la Cour annule les congés notifiés le 3 juin 2021 pour les 31 juillet, respectivement 30 septembre 2021, subsidiairement, prolonge le bail pour une durée de quatre ans.

b. Dans sa réponse du 1er décembre 2023, la FONDATION communale immobilière de B______ conclut à la confirmation du jugement entrepris et à l’autorisation de son exécution anticipée.

c. Par déterminations du 18 décembre 2023, A______ s’est opposée à l’exécution anticipée du jugement et a persisté dans ses conclusions sur le fond.

d. Par arrêt du 19 décembre 2023, la Cour a constaté la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement attaqué et a rejeté la requête d’exécution anticipée dudit jugement.

e. A______ a répliqué le 15 janvier 2024 et a conclu à l’octroi d’un délai supplémentaire au 19 février 2024 pour compléter sa réplique et a persisté dans ses conclusions pour le surplus. Un délai au 31 janvier 2024 a été accordé.

f. La FONDATION communale immobilière de B______ a dupliqué le 27 février 2024 et a persisté dans ses conclusions.

g. Les parties ont été avisées le 28 février 2024 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. La FONDATION communale immobilière de B______ est propriétaire de l’immeuble sis avenue 1______ no. ______ à C______.

La gérance de l’immeuble est confiée à la régie D______ SA (ci-après : la régie).

b. Par contrat du 4 septembre 2017, A______ a pris à bail un appartement de 3 pièces au 2ème étage dudit immeuble, ayant pour dépendance une cave n° 3______ située au sous-sol.

Le contrat a été conclu pour une durée d’un an, du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018, renouvelable ensuite tacitement d’année en année, sauf résiliation signifiée trois mois avant l’échéance.

Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé par le contrat à 13'200 fr.

c. La locataire a sous-loué l’appartement à sa sœur, E______, laquelle l’occupe avec ses deux filles.

A______ est pour sa part domiciliée au chemin 2______ no. ______ à F______ [GE], dans un appartement qu’elle loue depuis le 15 août 2017.

d. Dans le courant du mois d’avril 2021, la régie a appris de l’Office cantonal de la population et des migrations que l’appartement sis à l’avenue 1______ serait en réalité occupé par E______.

e. Par courrier du 16 avril 2021, la FONDATION communale immobilière de B______ a mis en demeure A______ de réintégrer le logement avant le 31 mai 2021 ou de le restituer libre de tout objet et de tout occupant, à défaut de quoi le bail serait résilié.

f. E______ a répondu à la régie le 28 avril 2021 qu’il lui était impossible de libérer les lieux dans le délai imparti et lui a proposé que sa sœur lui remette le bail, même si l’appartement ne lui convenait pas et qu’elle cherchait un logement de cinq pièces.

g. Par avis de résiliation du 3 juin 2021, la FONDATION communale immobilière de B______ a résilié le bail de façon anticipée pour le 31 juillet 2021.

Par avis du même jour, elle a également résilié le bail pour son échéance au 30 septembre 2021.

h. Par requête du 5 juillet 2021, déclarée non conciliée à l’audience de la Commission de conciliation du 15 septembre 2021 et portée devant le Tribunal le 15 octobre 2021, A______ a conclu, principalement, à l’annulation des congés du 3 juin 2021 et, subsidiairement, à l’octroi d’une prolongation de bail de quatre ans (causes C/13279/2021 pour la contestation du congé ordinaire et C/13280/2021 pour la contestation du congé extraordinaire).

i. Par ordonnances du 20 décembre 2021, le Tribunal a notamment joint les causes C/13279/2021 et C/13280/2021 sous numéro C/13279/2021.

j. Dans sa réponse du 23 février 2022, la FONDATION communale immobilière de B______ a conclu à la validation des résiliations et au refus de toute prolongation et, sur demande reconventionnelle, à l’évacuation de A______ du logement concerné, sous menace de la peine prévue à l’art. 292 CP.

k. Dans sa réponse à la demande reconventionnelle, A______ a conclu au déboutement de la FONDATION communale immobilière de B______ de ses conclusions; elle a persisté dans ses conclusions pour le surplus.

l. Lors de l’audience du Tribunal du 17 janvier 2023, les débats principaux ont été ouverts à la suite des débats d’instruction, les parties persistant dans leurs conclusions lors des premières plaidoiries.

A______ a déclaré au Tribunal que lors de sa recherche d’appartement, deux offres s’étaient succédé à trois semaines d’intervalle, la première pour le logement qu’elle occupait et la deuxième pour l’appartement litigieux. Sa sœur se trouvant dans une situation très précaire suite à sa séparation, elle lui avait proposé ce second appartement. Elle n’avait alors pas pensé à avertir la régie et faire conclure un bail au nom de sa sœur dans la mesure où l’appartement lui avait été proposé à elle. Sa sœur effectuait des recherches depuis fin 2020 – début 2021 pour trouver un nouveau logement. Elle-même s’était plusieurs fois portée garante, mais les recherches n’avaient pas abouti.

G______, pour la FONDATION communale immobilière de B______, a déclaré que les critères d’attribution des logements étaient très précis, celui de l’urgence étant notamment pris en compte. Lors de son inscription, A______ était enceinte, avec un terme en août suivant, et l’attribution de l’appartement avait été principalement basée sur cet élément. La FONDATION communale immobilière de B______ n’avait jamais reçu de dossier complet concernant la sœur de la locataire et ses enfants pour un appartement de cinq pièces et elle n’avait pas non plus été approchée par ces dernières pour régulariser la situation.

m. Par écritures des 1er et 6 juin 2023, la FONDATION communale immobilière de B______, respectivement A______, ont persisté dans leurs conclusions. La cause a ensuite été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

Lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée (art. 91 al. 2 CPC). La détermination de la valeur litigieuse suit les mêmes règles que pour la procédure devant le Tribunal fédéral (Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 363; Spühler, Basler Kommentar, Schweizeriche Zivilprozessordnung, 3ème édition, 2017, n. 9 ad art. 308 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

En l'espèce, le loyer annuel du logement, charges comprises, s'élève à 13’200 fr., de sorte que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr.

1.2 Selon l'art. 311 CPC, l'appel est introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier d'appel.

En l’espèce, ces conditions sont remplies, de sorte que l’appel est recevable sous cet angle.

2. 2.1 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd. 2010, n. 2314 et 2416; Retornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

Aux termes de l’art. 311 al. 1 CPC, l’appel doit être motivé. L’appelant a ainsi le fardeau d'expliquer les motifs pour lesquels le jugement attaqué doit être annulé et modifié, par référence à l'un et/ou l'autre motif(s) prévu(s) à l'art. 310 CPC. La maxime inquisitoire (art. 55 al. 2 et 247 al. 2 CPC) et la maxime d'office (art. 58 al. 2 CPC) ne dispensent pas l'appelant de motiver correctement. Un simple renvoi aux écritures et pièces de première instance ne serait pas conforme à l'exigence de motivation de l'art. 311 al. 1 CPC. L'instance supérieure doit pouvoir comprendre ce qui est reproché au premier juge, sans avoir à rechercher des griefs par elle-même, ce qui exige une certaine précision quant à l'énoncé et à la discussion des griefs (ACJC/150/2019 consid. 3.1 ; Jeandin in : bohnet/haldy/jeandin/-schweizer/tappy, Code de procédure civile commenté 2019, ad art. 311, § 3 et les références citées).

2.2 En l’espèce, l’appelante répète les arguments qu’elle avait développés dans le cadre de la procédure de première instance, sans expliquer en quoi le Tribunal aurait raisonné de manière erronée ou mal appliqué le droit.

Il en découle que l’appel, rédigé par un avocat, ne remplit pas les exigences de motivation sur ce point, ce qui le rend irrecevable.

3. L’intimée relève, dans sa réponse, que l’appel serait irrecevable pour un autre motif à savoir au sens de l’art. 59 al. 1 let. a CPC en raison de l’inexistence d’un intérêt digne de protection de l’appelante.

3.1 Le juge n'entre en matière que sur les requêtes pour lesquelles les requérants ont un intérêt digne de protection (art. 59 al. 1 et al. 2 let. a CPC). L'absence d'un intérêt digne de protection doit être relevée d'office, à tous les stades de la procédure. L'intérêt doit exister au moment du jugement (arrêt du Tribunal fédéral 4P.239/2005 du 21 novembre 2005 consid. 4.1). La condition de l'intérêt digne de protection implique en particulier que la ou les conclusions en question aient une utilité concrète pour la partie qui les formule (Zürcher, in Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger, ZPO Kommentar., 2ème éd., 2013, n. 13 ad art. 59 CPC). Parmi les conditions de recevabilité de l'action que le Tribunal doit vérifier d'office figure l'intérêt du requérant, qui doit être digne de protection (art. 59 al. 1 et 2 let. a CPC; ATF 130 III 102 consid. 1.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_90/2015 du 1er avril 2015 consid. 1.1).

Même si le CPC ne connaît pas de réglementation expresse à cet égard, il suppose, pour la légitimation au recours, une lésion du recourant. Celui qui a pris part comme partie à la procédure devant l'instance précédente, a formulé des conclusions et a ainsi succombé en tout ou partie, est tout d'abord formellement lésé. Pour être légitimé au recours, il faut en outre une lésion matérielle c'est-à-dire un intérêt pratique et actuel au recours. Il n'y a d'intérêt pratique que lorsque la décision sur recours peut influencer la situation de fait ou de droit du recourant. L'admission du recours doit pouvoir procurer au recourant un avantage concret (arrêts du Tribunal fédéral 5A_916/2016 du 7 juillet 2017 consid. 2.3; 4A_304/2018 du 23 octobre 2018 consid. 3.2.1, non publié in ATF 145 III 42).

3.2 En l’occurrence, l’appelante, qui ne vit, ni n’a l’intention d’aller vivre dans l’appartement litigieux, ne fait état de désavantages en lien avec la fin du bail qu’indirectement, soit du fait que sa sœur et ses nièces auraient plus de logement. La fin du bail n’a, ainsi dans les faits, pas d’impact concret sur la situation de l’appelante, qui ne le prétend d’ailleurs pas. L’admission des conclusions de l’appelante ne lui permettrait pas d’obtenir un avantage concret, même si l’appelante dispose d’un intérêt juridique à conserver son droit sur l’appartement litigieux.

Au vu du considérant 2 ci-dessus et de l’irrecevabilité de l’appel pour défaut de motivation, la question de l’irrecevabilité en raison de l’inexistence d’un intérêt digne de protection de l’appelante peut en l’occurrence souffrir de rester ouverte.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


Déclare irrecevable l'appel interjeté le 1er novembre 2023 par A______ contre le jugement
JTBL/748/2023 rendu le 18 septembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/13279/2021.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Nicolas DAUDIN, Madame Zoé SEILER, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.