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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/25529/2023

ACJC/705/2024 du 31.05.2024 sur JTBL/132/2024 ( SBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25529/2023 ACJC/705/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU VENDREDI 31 MAI 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant et recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 1er février 2024, représenté par
Me Pierre-Bernard PETITAT, avocat, rue Patru 2, case postale 110, 1211 Genève 4,

 

et

SI B______ SA, sous gérance légale de l'Etat de Genève, soit pour lui l'Office cantonal des poursuites, rue du Stand 46, 1204 Genève, intimée, représentée par la Régie C______.

 


EN FAIT

A. a. Le 6 août 2013, SI B______ SA, en qualité de bailleresse, et E______ SARL et A______, en qualité de locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 4 pièces n° 1______ situé au 5ème étage de l'immeuble sis rue 2______ no. ______, [code postal] Genève. La gérance de l'immeuble a été confiée à [la régie immobilière] F______, puis à G______.

Le contrat a été conclu pour une durée déterminée d'une année, du 1er août 2013 au 31 juillet 2014. Il s'est ensuite renouvelé tacitement.

Le loyer annuel a été fixé à 30'000 fr. (2'500 fr. par mois) et la provision annuelle pour charges à 1'800 fr. (150 fr. par mois).

b. E______ SARL, dont A______ était le gérant président avec signature individuelle, a été radiée du registre du commerce le ______ 2020.

c. A l'automne 2022, SI B______ SA (ci-après également la bailleresse) a été placée sous la gérance légale de l'Etat de Genève, soit pour lui l'Office cantonal des poursuites, lequel a confié la gérance de l'immeuble susvisé à la Régie C______ (ci-après : la régie).

d. A la même époque, A______ (ci-après également le locataire) a pris du retard dans le paiement du loyer. Par avis comminatoire du 16 décembre 2022, la bailleresse l'a sommé de s'acquitter sous 30 jours du montant de 5'300 fr. à titre d'arriéré de loyers et de charges pour les mois de novembre et décembre 2022.

e. Par avis comminatoire du 17 juillet 2023, la bailleresse a mis en demeure le locataire de lui régler sous 30 jours le montant de 16'200 fr. (18'550 fr. sous déduction d'un acompte versé de 2'350 fr.), à titre d'arriéré de loyers et de charges pour la période de janvier à juillet 2023, et l'a informé de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

f. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été réglée dans le délai imparti, la bailleresse a, par avis officiel du 28 août 2023, résilié le bail pour le 30 septembre 2023.

g. Le 26 octobre 2023, la bailleresse a fait notifier au locataire un commandement de payer, poursuite n° 3______, portant sur la somme de 23'850 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 15 mai 2023, à titre d'arriéré de loyers et de charges pour les mois de janvier à septembre 2023.

Ce commandement de payer a été frappé d'opposition.

h. Par requête en protection des cas clairs formée le 24 novembre 2023 devant le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal), SI B______ SA a requis l'évacuation de A______ de l'appartement loué avec mesures d'exécution directe. Elle a en outre conclu à la condamnation du locataire au paiement des sommes de 23'850 fr., avec intérêts à 5 % l'an dès le 15 mai 2023, pour les arriérés de loyers et de charges de janvier à septembre 2023 et de 2'650 fr., avec intérêts à 5 % l'an dès le 31 octobre 2023, pour l'indemnité du mois d'octobre 2023, sous déduction d'un acompte déjà versé en 2'350 fr., ainsi qu'au prononcé de la mainlevée de l'opposition faite à la poursuite n° 3______.

i. Lors de l'audience du Tribunal du 1er février 2024, SI B______ SA, représentée par la régie, a précisé qu'au 31 janvier 2024, l'arriéré s'élevait à 33'790 fr. 25 (arriérés de loyers/charges de janvier 2023 à janvier 2024 et solde de décompte de chauffage, sous déduction de l'acompte en 2'350 fr.), de sorte qu'elle amplifiait ses conclusions en paiement à hauteur de ce montant.

A______ a conclu à l'irrecevabilité de la requête, faisant valoir qu'il avait contesté la résiliation de son bail devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, qui avait ouvert une procédure sous le numéro de cause C/4______/2023. Il a produit une copie de sa requête en contestation de congé datée du 23 septembre 2023, ainsi que de la page de garde du bordereau de pièces annexé à cette requête. Il a déclaré qu'à compter de l'année 2018, il avait effectué - par le biais de E______ SARL - divers travaux en faveur de l'ayant droit économique de la bailleresse. D'entente avec G______, l'ancienne régie en charge de l'immeuble, il s'était acquitté du loyer de l'appartement par compensation avec lesdits travaux. Il s'estimait à ce titre encore créancier de la bailleresse à hauteur de 50'000 fr., montant qu'il faisait valoir en compensation. Il a encore précisé que G______ lui avait conseillé d'agir contre H______ SA, société qui avait le même ayant droit économique que la bailleresse, à savoir I______. Il avait initié des poursuites contre cette société et requis sa mise en faillite. Le locataire a finalement déclaré n'avoir aucune solution de relogement.

La bailleresse a contesté la créance invoquée par le locataire et précisé que celui-ci n'avait pas réagi aux avis comminatoires des 16 décembre 2022 et 17 juillet 2023.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

B. Par jugement JTBL/132/2024 du 1er février 2024, reçu par A______ le 7 février 2024, le Tribunal a condamné le précité à évacuer immédiatement de sa personne, de ses biens et de toute autre personne faisant ménage commun avec lui l'appartement de 4 pièces n° 1______ situé au 5ème étage de l'immeuble sis rue 2______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), autorisé SI B______ SA à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), condamné le précité à verser à SI B______ SA les sommes de 23'850 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 15 mai 2023 et de 9'940 fr. 25 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2023 (ch. 3), écarté l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 3______ (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

Le Tribunal a retenu que les conditions d'une résiliation selon l'art. 257d al. 1 CO étaient manifestement réunies, de sorte que la bailleresse était fondée à donner le congé, ce qu'elle avait fait en respectant les conditions de l'art. 257d al. 2 CO. Bien qu'il ait allégué être titulaire d'une créance envers la bailleresse d'un montant supérieur à celui réclamé, le locataire n'avait pas fait valoir cette créance en compensation dans le délai comminatoire, de sorte qu'il était désormais forclos à s'en prévaloir pour faire échec à la résiliation du bail. Au demeurant, le locataire n'alléguait pas détenir une créance directement contre la bailleresse, mais contre un tiers, à savoir l'ayant droit économique supposé de SI B______, I______. A ce titre, il avait fait valoir sa créance contre une autre société, H______ SA, dont I______ était l'administrateur. Les conditions d'une éventuelle compensation n'étaient donc pas réalisées, vu l'absence d'identité entre le débiteur allégué et la bailleresse. En continuant à occuper les locaux, le locataire violait l'art. 267 al. 1 CO qui prévoyait l'obligation de restituer la chose à la fin du bail. Il convenait de faire droit à la requête tendant à son évacuation, de même qu'aux mesures d'exécution requises par la bailleresse. Enfin, il ressortait des pièces produites que la bailleresse était fondée à réclamer au locataire le paiement des montants réclamés, de sorte qu'il convenait de faire droit à ses conclusions en paiement et en mainlevée de l'opposition.

C. a. Par actes expédiés le 16 février 2024 à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé appel, respectivement recours contre ce jugement, dont il a sollicité l'annulation.

Cela fait, il a pris les conclusions principales suivantes : (i) dire qu'il n'y a pas lieu de condamner le locataire à évacuer l'appartement; (ii) dire qu'il n'y a pas lieu de condamner le locataire à verser à la bailleresse les sommes de 23'850 fr. et 9'940 fr. 25 intérêts en sus; (iii) dire qu'il y a lieu d'attendre le jugement définitif dans la procédure en contestation de la résiliation de bail (C/4______/2023) pour déterminer les montants que le locataire reste devoir à la bailleresse; (iv) dire qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 3______; (v) débouter SI B______ SA de toutes ses conclusions et la condamner aux frais et dépens. Subsidiairement, il a conclu à ce qu'un délai raisonnable lui soit accordé pour évacuer l'appartement.

Il a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles.

b. Par arrêt du 28 février 2024, la Cour a constaté que la requête de A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire du jugement attaqué était dépourvue d'objet, l'appel ayant un effet suspensif automatique de par la loi.

c. Dans sa réponse du 26 février 2024, SI B______ SA a conclu à l'irrecevabilité du recours, respectivement au rejet de l'appel, ainsi qu'à la confirmation du jugement attaqué. Elle a par ailleurs conclu à l'irrecevabilité des faits nouveaux allégués par le locataire.

Elle a produit deux pièces nouvelles.

d. La cause a été gardée à juger le 27 mars 2024, ce dont les parties ont été avisées le jour même.

EN DROIT

1. La Chambre des baux et loyers de la Cour de justice connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, il y a lieu de prendre en compte la durée prévisible pendant laquelle l'usage des locaux se prolongerait si le congé était éventuellement invalidé, soit la période de protection de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF
144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3, JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239).

En l'espèce, le locataire conteste son expulsion en tant que telle, mais également la résiliation du bail et sa condamnation à payer divers montants à la bailleresse. Vu la quotité du loyer et des montants concernés, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte sur ces questions.

1.2 Seul le recours est recevable contre les décisions du juge de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

1.3 L'appel et le recours, écrits et motivés (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC), doivent être formés dans un délai de dix jours si la décision a été rendue en procédure sommaire (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), laquelle est applicable aux cas clairs (art. 248 let. b et 257CPC).

Pour satisfaire à l'obligation de motivation prévue par l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique. Même si l'instance d'appel applique le droit d'office (art. 57 CPC), le procès se présente différemment en seconde instance, vu la décision déjà rendue. L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner à simplement reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. Lorsque la motivation de l'appel est identique aux moyens qui avaient déjà été présentés en première instance ou si elle ne contient que des critiques toutes générales de la décision attaquée, elle ne satisfait pas aux exigences de l'art. 311 al. 1 CPC et l'instance d'appel ne peut pas entrer en matière (arrêts du Tribunal fédéral 4A_621/2021 du 30 août 2022 consid. 3.1 et les arrêts cités). Les exigences de motivation sont les mêmes dans le cadre d'un recours (art. 321 al. 1 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5D_190/2014 du 12 mai 2015 consid. 2 et les références citées).

En l'espèce, l'appel et le recours sont recevables en tant qu'ils ont été interjetés en temps utile devant l'autorité compétente. En revanche, la question de leur recevabilité se pose eu égard à leur motivation et aux conclusions prises devant la Cour (cf. infra consid. 2 et 3).

Par souci de simplification, A______ sera désigné ci-après comme l'appelant ou le locataire.

1.4 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Dans le cadre d'un recours, la cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.5 La maxime des débats est applicable à la procédure de protection des cas clairs (art. 55 al. 1 et 255 a contrario CPC). Il en résulte que les faits non contestés par la partie défenderesse sont considérés comme prouvés (ATF 144 III 462 consid. 4).

2. Se fondant pour l'essentiel sur des faits et moyens de preuve nouveaux, l'appelant fait grief au Tribunal de l'avoir condamné à évacuer l'appartement loué et à payer divers montants à l'intimée. Il a formulé des conclusions nouvelles devant la Cour.

2.1.1 Selon l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).

L'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve doit être rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure pour les cas clairs est exclue et la requête irrecevable. A l'inverse, le cas clair doit être retenu lorsque sont émises des objections manifestement mal fondées ou inconsistantes sur lesquelles il peut être statué immédiatement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_550/2020 du 29 avril 2021 consid. 5.2 et les références citées). La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvée (ATF 144 III 462 consid. 3.1).

Si le tribunal parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le tribunal doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (Ibidem).

2.1.2 Selon l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

L'action en expulsion pour défaut de paiement du loyer au sens de l'art. 257d CO, selon la procédure de protection dans les cas clairs (art. 257 CPC), présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO). Le tribunal doit donc trancher à titre préjudiciel la question de la validité de la résiliation, laquelle ne doit être ni inefficace, ni nulle, ni annulable. Les conditions de l'art. 257 al. 1 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 142 III 515 consid. 2.2.4; 141 III 262 consid. 3.2 in fine).

Il appartient au bailleur, conformément à l'art. 8 CC, d'alléguer et de prouver les conditions de l'art. 257d CO (faits générateurs de droit), conformément aux exigences de l'art. 257 CPC. En revanche, il incombe au locataire d'invoquer les faits dirimants ou destructeurs en invoquant des objections ou des exceptions telle l'extinction de sa dette ou la compensation avec une contre-créance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023 consid. 3).

Si le cas est clair, afin d'obtenir rapidement l'évacuation forcée des locaux loués, le bailleur peut mettre en œuvre la procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC alors même que le locataire a éventuellement introduit une action en annulation du congé sur la base des art. 271, 271a et 273 CO; la litispendance n'est pas opposable au bailleur (ATF 141 III 262 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_115/2019 du 17 avril 2019 consid. 7).

2.1.3 Selon l'art. 120 CO, lorsque deux personnes sont débitrices l'une envers l'autre de sommes d'argent ou d'autres prestations de même espèce, chacune d'elles peut compenser sa dette avec sa créance, si les deux dettes sont exigibles (al. 1). Le débiteur peut opposer la compensation même si la créance est contestée (al. 2).

La compensation exige un rapport de réciprocité entre deux personnes, qui sont débitrices l'une de l'autre. En d'autres termes, celles-ci doivent être à la fois débitrices et créancières l'une de l'autre. En dehors de ce rapport de réciprocité, la compensation est exclue : le débiteur ne peut compenser en invoquant la prétention d'un tiers contre son créancier, ni même sa propre créance envers un tiers. Seul le critère juridique est relevant pour juger de l'existence ou non du rapport de réciprocité, à l'exclusion d'autres critères comme celui de l'unité économique (JEANDIN/HULLIGER, in CR CO I, 3ème éd. 2021, n. 2 ad art. 120 CO et les références citées).

Conformément à l'art. 120 CO, le locataire peut opposer à la créance de loyer une autre créance qu'il détient lui-même contre le bailleur si, parmi d'autres conditions, la créance compensante est échue et exigible (arrêt du Tribunal fédéral 4A_422/2020 du 2 novembre 2020 consid. 4.2).

La compensation présuppose une déclaration de compensation (art. 124 al. 1 CO). Le locataire doit informer le bailleur de manière non équivoque, de préférence par écrit et sous pli recommandé, de sa décision d'invoquer la compensation. La déclaration du locataire doit exprimer clairement sa volonté de procéder à la compensation et permettre au bailleur de comprendre quelles sont la créance compensée et la créance compensante, et quel est le montant de cette dernière (LACHAT, Le bail à loyer, 2019, pp. 380-381).

La possibilité d'opposer en compensation une contre-créance contestée existe aussi pour le locataire mis en demeure de payer un arriéré de loyer (art. 257d CO). Toutefois, le locataire qui oppose la compensation doit alléguer et prouver que, sommé de payer son loyer sous menace de résiliation, il a fait la déclaration de compensation avant l'échéance du délai de grâce de l'art. 257d al. 1 CO (arrêts du Tribunal fédéral 4A_157/2021 du 15 juin 2021 consid. 7.2; 4A_422/2020 du 2 novembre 2020 consid. 4.2 et les arrêts cités). En outre, il doit être en mesure de prouver sans retard l'existence et le montant de sa contre-créance. Il convient en effet de tenir compte des particularités du système légal : la loi prévoit que si le paiement du loyer n'intervient pas durant le délai de grâce, le congé peut être donné de façon anticipée (art. 257d al. 2 CO), cela sans que le locataire puisse prétendre à une prolongation du bail (art. 272a al. 1 let. a CO). Cette réglementation signifie que le locataire mis en demeure doit évacuer l'objet loué dans les plus brefs délais s'il ne paie pas le loyer en retard. L'obligation du juge de se prononcer sur la contre-créance invoquée en compensation ne saurait prolonger la procédure en contestation du congé de façon à contrecarrer la volonté du législateur de permettre au bailleur de mettre fin au bail et d'obtenir rapidement l'évacuation du locataire. Invoquer la compensation avec une contre-créance contestée ne doit pas être un moyen susceptible de conduire à une prolongation du séjour indu du locataire dans l'objet loué. La contre-créance invoquée en compensation doit dès lors pouvoir être prouvée sans délai; si une procédure relative à la contre-créance est pendante devant une autre instance, il ne saurait être question de suspendre la procédure en contestation du congé jusqu'à droit connu dans l'autre procédure, sauf si une décision définitive est imminente (arrêt du Tribunal fédéral 4A_140/2014 du 6 août 2014 consid. 5.2).

Pour faire obstacle à son expulsion par la voie du cas clair, il ne suffit pas au locataire d'invoquer en compensation des créances non chiffrées et non établies qui découleraient de défauts de l'objet loué (arrêt du Tribunal fédéral 4A_333/2022 du 9 novembre 2022 destiné à la publication consid. 5.2).

En d'autres termes, le locataire doit invoquer en compensation une créance certaine dans le délai comminatoire de l'art. 257d al. 1 CO. A défaut, il ne pourra pas faire obstacle à la résiliation anticipée du bail (LACHAT, op. cit., p. 381) ni à son expulsion forcée selon la procédure en protection des cas clairs.

2.1.4 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables en appel qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. Les nova improprement dits (ou faux ou pseudo-nova) ne sont recevables qu'à deux conditions : (1) la partie qui s'en prévaut ne pouvait les invoquer avant, malgré sa diligence et (2) elle les présente sans retard. Ainsi, ne sont pas recevables les contestations et objections que le locataire soulève pour la première fois en instance d'appel. Le locataire doit invoquer ces moyens de défense en temps utile, conformément au principe de la simultanéité des moyens d'attaque et de défense (maxime éventuelle ou maxime de concentration), qui vaut aussi en procédure sommaire de protection dans les cas clairs, soumise à la maxime des débats (arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid. 4.2.2 et les références citées; 4A_470/2022 du 4 janvier 2023 consid. 4.1).

Selon l'art. 317 al. 2 CP, la demande ne peut être modifiée devant l'instance d'appel que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies (let. a) et si la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (let. b).

2.2 En l'espèce, les nova dont se prévaut l'appelant sont irrecevables, dès lors qu'ils se rapportent à des faits survenus avant que la cause ait été gardée à juger par le Tribunal, sans que l'appelant explique en quoi il aurait été empêché de s'en prévaloir en première instance. Il en va de même des pièces nouvelles produites par l'intimée. Les conclusions (i) à (v) de l'appelant - nouvellement formulées devant la Cour - sont irrecevables, dès lors qu'elles ne se fondent sur aucun fait ou moyen de preuve nouveaux. En tout état, de telles conclusions n'ont pas leur place en procédure sommaire de protection dans les cas clairs (cf. supra consid. 2.1.1 in fine).

Dans ses écritures de seconde instance, l'appelant se borne à présenter sa propre version des faits et à substituer sa propre appréciation à celle du Tribunal, sans critiquer la motivation du jugement attaqué. En particulier, l'appelant ne conteste pas que l'intimée a résilié le contrat de bail en se conformant aux exigences posées par les art. 257d al. 1 et 2 CO. A cet égard, il ne conteste pas qu'il était en retard dans le paiement du loyer et des charges lorsque la sommation du 17 juillet 2023 lui a été adressée, d'une part, et qu'il ne s'est pas acquitté de l'arriéré dans le délai fixé, d'autre part. En outre, il n'allègue pas - et a fortiori n'établit pas - avoir excipé de compensation avec une contre-créance durant le délai comminatoire. L'intimée a donc valablement résilié le contrat pour défaut de paiement. Au surplus, l'appelant ne critique pas le raisonnement du Tribunal en tant que celui-ci a retenu - avec raison - que les conditions d'une compensation n'étaient quoi qu'il en soit pas réalisées in casu. Il a en effet reconnu que la contre-créance dont il s'était prévalu ne concernait pas l'intimée mais un ou des tiers, soit l'ayant économique supposé de l'intimée et/ou la société H______ SA. Or l'appelant ne saurait compenser sa dette de loyer envers l'intimée avec une créance dont il serait titulaire envers un tiers, faute de rapport de réciprocité au sens évoqué supra (cf. consid. 2.1.3). Enfin, l'appelant ne remet pas en cause l'exactitude et le bien-fondé des montants qu'il a été condamné à payer à l'intimée à titre d'arriéré de loyers et de charges pour la période du 1er janvier 2023 au 31 janvier 2024.

Faute de griefs motivés contre le jugement attaqué sur ces différents points, l'appel est irrecevable.

3. A titre subsidiaire, le locataire sollicite l'octroi d'un "délai raisonnable" pour pouvoir évacuer son mobilier et trouver une solution provisoire de relogement.

3.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8).

3.2 En l'espèce, la conclusion tendant à l'octroi d'un sursis humanitaire, que le locataire formule pour la première fois devant la Cour, est nouvelle et, partant, irrecevable (art. 326 al. 1 CPC). Au demeurant, le locataire n'indique pas quel délai devrait lui être accordé avant l'exécution forcée de l'évacuation. Or, il ne saurait prétendre à un report sine die de son expulsion de l'appartement, ce qui équivaudrait à une prolongation du bail à laquelle il n'a pas droit (art. 272a al. 1 let. a CO).

Le recours est par conséquent irrecevable.

En tout état de cause, le locataire - qui a déjà bénéficié de facto d'un sursis de plusieurs mois depuis que le bail est arrivé à échéance - ne se prévaut d'aucune circonstance qui justifierait de surseoir à l'évacuation.

4. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (l'art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


Déclare irrecevables l'appel et le recours interjetés le 16 février 2023 par A______ contre le jugement JTBL/132/2024 rendu le 1er février 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/25529/2023.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe FERRERO et Madame Sibel UZUN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.