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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/25360/2019

ACJC/1663/2023 du 18.12.2023 sur JTBL/699/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CO.256.al1; CO.259d
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25360/2019 ACJC/1663/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 18 DECEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______ et Monsieur B______, p.a. et représentés par la régie C______, ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 26 septembre 2022, tous deux représentés par Me Pascal PETROZ, avocat, rue du Mont-Blanc 3, 1201 Genève,

et

1) Monsieur D______ et Madame E______, domiciliés ______, intimés, tous deux représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

2) VILLE DE GENEVE, rue de l'Hôtel-de-Ville 4, case postale 3983, 1211 Genève 3, autre intimée.



EN FAIT

A. Par jugement JTBL/699/2022 du 26 septembre 2022, communiqué aux parties par pli du 3 octobre 2022, le Tribunal des baux et loyers a donné acte à la VILLE DE GENEVE de ce qu'elle avait accepté la dénonciation d'instance (ch. 1 du dispositif), a dit que le jugement était opposable à la VILLE DE GENEVE (ch. 2), a réduit de 15% du 17 septembre 2018 au 12 décembre 2019 et de 5% du 13 décembre 2019 au 30 avril 2020 le loyer de l'appartement de 6 pièces situé au ______ème étage de l'immeuble sis plateau de Champel no. ______ à Genève (ch. 3), a condamné A______ et B______ à verser à F______ et G______ (recte : D______ et E______) le trop-perçu en découlant, à savoir 10'695 fr. 40 avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2020 (ch. 4), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B. a. Par acte expédié le 3 novembre 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ et B______ (ci-après également : les bailleurs) forment appel contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation des chiffres 3 à 5 de son dispositif et sa confirmation pour le surplus.

Ils produisent, comme pièce nouvelle, le jugement JTBL/835/2021 rendu par le Tribunal le 5 octobre 2021 (pièce n° 2).

b. Dans leur réponse du 6 décembre 2022, D______ et E______ (ci-après également : les locataires) concluent, préalablement, à ce que soit écartée la pièce n° 2 produite par les bailleurs et, principalement, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Dans sa réponse du 7 décembre 2022, la VILLE DE GENEVE conclut à son adhésion aux conclusions des bailleurs, soit à la confirmation des chiffres 1, 2 et 6 et à l'annulation des chiffres 3 à 5 du jugement.

d. Par réplique du 23 décembre 2022 et duplique du 16 février 2023, les bailleurs et la VILLE DE GENEVE ont persisté dans leurs conclusions.

e. Les parties ont été avisées le 21 mars 2023 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Il résulte du dossier les faits pertinents suivants :

a. Le 7 mai 2018, D______ et E______, locataires, et A______ et B______, bailleurs, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de six pièces situé au ______ème étage de l'immeuble sis Plateau de Champel no. ______ à Genève (ci-après : également l'immeuble).

Le contrat a été conclu pour une durée initiale de cinq ans, du 1er juin 2018 au 31 mai 2023, renouvelable tacitement d'année en année, sauf résiliation respectant un préavis de trois mois pour la fin d'un mois.

Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé à 52'200 fr. L'avis de fixation du loyer initial précise que le loyer se situe dans les limites usuelles dans la localité ou dans le quartier et que l'ancien loyer s'élevait à 60'000 fr. depuis le 16 avril 2012.

L'article 17 des clauses particulières du bail intitulé « Nuisances CEVA » mentionnait : « L'attention du locataire est attirée sur le fait que les travaux du CEVA sont actuellement en cours dans le quartier de Champel et que ces derniers peuvent engendrer des nuisances importantes. Dès lors, le locataire ne pourra prétendre à aucune réduction de loyer ou indemnité à ce sujet ».

Cette clause n'a pas fait l'objet de discussions entre les parties.

A cette époque, la parcelle sur laquelle avaient eu lieu les travaux de percement du tunnel ferroviaire et de construction de la gare réalisés par les CFF, était à l'état brut, en ce sens que la gare du CEVA n'était pas terminée et que le terrain autour de celle-ci devait recevoir l'entier de l'aménagement par la VILLE DE GENEVE. Elle était entourée d'une clôture métallique et il y avait des containers et des machines de chantier.

Les bailleurs n'ont pas allégué avoir fourni des renseignements relatifs au chantier du CEVA aux locataires.

b. En septembre 2018, la VILLE DE GENEVE a avisé les riverains qu'elle allait réaménager les espaces publics autour de la gare du futur Léman Express sur le plateau de Champel, conformément à l'autorisation de construire obtenue le 23 novembre 2017.

Ces travaux devaient se faire en parallèle du chantier du CEVA qui se poursuivait en sous-sol.

Le chantier débuterait le 17 septembre 2018 et durerait jusqu'au printemps 2020. Cependant, la plus grande partie des aménagements devait être terminée pour la mise en service du Léman Express en décembre 2019.

Les travaux auraient lieu en plusieurs étapes. Les premières semaines, ils se dérouleraient dans le périmètre du chantier alors en cours, ainsi que sur la parcelle située de l'autre côté de l'avenue de Champel (devant les numéros 35 à 41).

Puis, des interventions auraient lieu sur les avenues Alfred-Bertrand et de Champel et feraient l'objet d'autres feuilles d'information.

Les travaux seraient les suivants :

-                 Travaux de terrassement et de remblayage;

-                 Réalisation de canalisations pour la récolte des eaux de pluie;

-                 Réalisation des différents réseaux d'arrosage pour les futurs arbres;

-                 Réalisation des réseaux pour l'éclairage public;

-                 Réalisation d'îlots végétalisés;

-                 Mise en place d'enrobés bitumeux.

La VILLE DE GENEVE, consciente des désagréments occasionnés par ces travaux, remerciait le public et les riverain-e-s de leur patience et de leur compréhension.

c. Les travaux ont débuté le 17 septembre 2018. Les horaires d'hiver étaient de 07h30 à 17h00 avec une pause de 12h00 à 13h00. En été, le chantier débutait à 07h00.

d. Le chantier s'est déroulé en plusieurs étapes. Fin 2018, une dizaine d'arbres ont été abattus. Puis, il a été procédé à la mise en séparation des canalisations sur le plateau devant l'immeuble, nécessitant de creuser des tranchées de plus de quatre mètres de profondeur, à environ huit mètres de l'immeuble. Ces travaux ont duré entre deux et trois mois avec une interruption à Noël. Début 2019, les travaux d'aménagement côté rue de Miremont ont débuté et en été 2019 ont commencé ceux des îlots depuis la rue de Miremont en direction de l'immeuble. Ces aménagements ont nécessité le sciage d'un certain nombre de bordures en béton, engendrant du bruit, avec l'utilisation d'un brise-roche. Beaucoup de terre a dû être amenée sur le chantier pour mettre à niveau le terrain et du bitume a dû être enlevé.

e. Des engins habituels pour ce genre de travaux ont été utilisés pendant toute la durée du chantier, à savoir des pelles, des camions, des chargeuses et des rouleaux notamment. Des marteaux-piqueurs ont été utilisés par moment ainsi que des plaques vibrantes pour compresser le sol. Certaines de ces machines ont provoqué des vibrations mais ont été utilisées de manière ponctuelle à raison de quelques heures par jour et pas quotidiennement. Les machines étaient toutes équipées de filtres à particules. Les supports secs étaient arrosés pour limiter la production de poussière. Durant tout le chantier, les accès aux immeubles ont été garantis, notamment au moyen de plans élaborés par l'Office cantonal du transport, par des passerelles métalliques provisoires et des planches en bois d'environ 1m50 de large.


 

f. La VILLE DE GENEVE a fait parvenir plusieurs bulletins d'information aux riverains au cours du chantier :

- En janvier 2019, elle a informé les riverains que le chantier s'étendrait sur l'avenue Alfred-Bertrand, sur le tronçon situé entre l'avenue Peschier et le temple de Champel, pour la rénovation de la chaussée et des trottoirs, du 14 janvier 2019 jusqu'à fin février 2019, sous réserve de conditions météorologiques favorables.

- En février 2019, les riverains ont été avisés que les travaux se poursuivraient sur le deuxième tronçon de l'avenue Alfred-Bertrand situé entre le temple de Champel et l'avenue Dumas, du 4 mars 2019 jusqu'à fin avril 2019, sous réserve de conditions météorologiques favorables.

- En avril 2019, les riverains ont été avisés que les travaux se poursuivraient sur le troisième tronçon de l'avenue Alfred-Bertrand situé entre l'avenue Dumas et l'avenue Miremont, du 8 avril 2019 jusqu'à fin juin 2019, sous réserve de conditions météorologiques favorables.

g. Des coupures d'eau ont eu lieu dans le bâtiment des locataires les vendredis 29 mars 2019 de 08h00 à 12h00, mercredi 3 avril 2019 de 13h00 à 17h00 et jeudi 4 avril 2019 de 9h00 à 16h00.

h. Durant les nuits du 4 au 7 juin 2019, des travaux sur les lignes aériennes des TPG ont eu lieu à l'avenue de Champel Gare CEVA, pouvant occasionner des nuisances sonores selon l'information aux riverains.

i. Les travaux ont eu lieu à deux reprises le samedi, à savoir le 9 novembre 2019 de 07h00 à 19h00 pour la pose du revêtement phonoabsorbant le long de l'avenue de Champel et le 23 novembre 2019 de 07h00 à 17h00 pour la réalisation des escaliers sur le Plateau de Champel.

Le dimanche 10 novembre 2019, le revêtement phonoabsorbant a été posé sur l'avenue de Champel entre l'avenue de Miremont et l'avenue Peschier.

j. La plantation des arbres a débuté le 13 novembre 2019 et a duré un mois et demi environ.

k. Les travaux sur le grand plateau se sont terminés le 12 décembre 2019, lors de l'inauguration du CEVA et les travaux sur le petit plateau situé en face ont été terminés en avril 2020. Les containers de chantier ont été évacués entre le 13 et le 18 juin 2020.

l. Les travaux ont engendré de la poussière, des vibrations et du bruit, empêchant le bébé de la locataire de dormir entre 07h00 et 16h00, étant précisé que les travaux se sont déroulés à environ 5 mètres de leur appartement, la salle à manger, le salon et deux chambres de l'appartement des locataires donnant côté chantier, la cuisine et deux autres chambres donnant quant à elles côté avenue Peschier.

Les machines commençaient à 07h00 tous les matins et dégageaient une forte odeur de carburant les obligeant à fermer les fenêtres. Leurs balcons ont été inutilisables pendant toute la durée des travaux. L'accès au bâtiment avait été restreint et il était difficile d'y accéder avec une poussette. Les deux derniers mois, les travaux ont consisté en la pose d'arbres, de sorte que les nuisances étaient moins intenses mais toujours présentes.

m. Le 16 janvier 2019, les locataires ont écrit à la régie que lors de la signature du bail, il leur avait été dit que les travaux à l'extérieur étaient presque terminés. Or, la situation était « terrible ». Ils avaient appris que d'autres locataires avaient obtenu une réduction de loyer et ils en sollicitaient une à leur tour.

n. La régie a répondu le 24 janvier 2019 que les bailleurs n'étaient pas disposés à entrer en matière sur une éventuelle réduction de loyer, au vu de la teneur de l'article 17 du contrat et du fait que le loyer tenait compte des travaux.

o. Par pli du 12 février 2019, des résidents de l'immeuble sis plateau de Champel no. ______ se sont plaints auprès de la régie en charge de l'immeuble des nuisances liées au bruit, des émissions de carburant et de la poussière dues aux travaux exécutés en face et à côté de leur bâtiment. Depuis quatre semaines, la rue était impraticable. La plupart des résidents s'étaient consultés et une personne avait déjà reçu une réduction de loyer en raison des inconvénients. Une réduction de loyer de 30% avec effet rétroactif au 17 septembre 2018 était demandée.

p. Le 14 juin 2019, la régie a accordé une réduction de 1'000 fr. par mois du 1er juillet au 31 décembre 2019, à un couple de voisins des locataires, tout en indiquant qu'ils étaient au courant de l'existence du chantier lors de la signature du contrat.

Le loyer de l'appartement de six pièces situé au ______ème étage de l'allée d'à côté (no. ______ plateau de Champel) a été réduit pendant les travaux de 62'400 fr. (en vigueur depuis le 16 avril 2011) à 58'800 fr. dès le 1er mai 2018, puis à 54'000 fr. à partir du 1er mai 2019.

q. Par requête déposée le 7 novembre 2019 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée à l'audience de conciliation du 29 janvier 2020 puis portée devant le Tribunal le 30 janvier 2020, les locataires ont conclu à une réduction de loyer de 30% dès le 17 septembre 2018 jusqu'à la fin des travaux, avec remboursement du trop-perçu de loyer.

r. Le 20 mars 2020, les bailleurs ont informé la VILLE DE GENEVE qu'ils lui avaient officiellement dénoncé l'instance concernant la procédure les opposant aux locataires.

s. Par mémoire réponse et dénonciation d'instance du 24 mars 2020, les bailleurs ont conclu, préalablement, à ce qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils avaient dénoncé l'instance à la VILLE DE GENEVE le 20 mars 2020, principalement, au déboutement des locataires de leurs conclusions et, subsidiairement, à ce qu'il leur soit donné acte de ce que le loyer était réduit de 15% dès le 17 septembre 2018 jusqu'à la fin des travaux.

t. Le 9 juin 2020, la VILLE DE GENEVE a conclu au déboutement des locataires de leurs conclusions.

u. Des audiences se sont tenues au Tribunal les 26 janvier, 27 avril et 19 octobre 2021 et 11 janvier et 24 mai 2022.

Les locataires ont produit des photos et des vidéos du chantier sur lesquelles on peut constater la proximité des machines stockées dans l'enceinte du chantier au pied de l'immeuble, l'accès difficile à ce dernier et l'ampleur des travaux sur le plateau de Champel.

Ils ont déclaré qu'à la signature du bail, la régie leur avait dit que les travaux étaient complètement terminés. Lorsqu'ils avaient visité l'appartement, il n'y avait pas de chantier actif, ni d'engins. Le locataire travaillait à l'extérieur, sauf un jour toutes les deux semaines. La locataire était en congé maternité lors de leur emménagement, leur bébé avait alors deux mois. S'ils avaient su que des travaux allaient avoir lieu, ils n'auraient pas signé le bail, ayant deux enfants. Le locataire a précisé que les travaux avaient également eu lieu un samedi par mois.

H______, gérant auprès de la régie, a déclaré qu'il avait rédigé le contrat de bail à loyer des locataires et que la clause n° 17 du contrat avait été insérée du fait que les travaux du CEVA étaient en cours et que les nuisances y relatives étaient connues. Chaque demande de réduction de loyer en lien avec le CEVA avait été traitée au cas par cas, à savoir que certaines fois, une réduction avait été accordée et d'autres fois non.

I______, garde d'enfants au service des locataires, a confirmé les nuisances de bruit, de poussière et d'accès au bâtiment et le fait que le bébé n'arrivait pas à faire ses siestes. Selon elle, les nuisances avaient duré de septembre 2018 à mai 2020 et avaient été constantes durant tout le chantier. Les travaux s'arrêtaient en général à 17h00 mais parfois duraient jusqu'à 19h00 ou 20h00.

v. Les parties ont produit des déclarations d'autres locataires de l'immeuble, faites dans le cadre de procédures parallèles, à savoir J______, F______ et G______, K______, L______, V______ et M______, N______ et O______ et P______, ainsi que les déclarations de Q______, garde d'enfants habitant chez un locataire de l'immeuble, et R______, amie d'un couple de locataires.

Toutes les personnes ayant signé un bail pendant les travaux ont indiqué que la régie leur avait dit que les travaux touchaient à leur fin. Elles ont confirmé que les nuisances liées au CEVA s'étaient calmées fin 2017 et qu'elles avaient repris en septembre 2018 avec le début des travaux de la VILLE DE GENEVE. Toutes ont décrit du bruit toute la journée, parfois mais rarement, le weekend et la nuit, de la poussière, ayant développé des allergies chez certaines d'entre elles, des vibrations et tremblements, des coupures d'eau, des odeurs de carburants et un accès restreint et difficile à l'immeuble. Elles ont fait état de beaucoup de camions et de machines de chantier stockées à proximité immédiate de l'immeuble. Les nuisances ont perduré jusqu'à décembre 2019 pour J______. N______ a déclaré que les nuisances étaient fortes jusqu'en novembre 2019 et que par la suite, elles étaient acceptables.

S______, habitant au ______ème étage de l'immeuble sis no. ______, plateau de Champel depuis 2008, et T______, habitant le même immeuble depuis novembre 2018, ont déclaré ne pas avoir été vraiment dérangées par les travaux, la première travaillant à W______ [VD] toute la journée, précisant que les travaux avaient tout de même généré du bruit, de la poussière et des tremblements, surtout au début. U______, médecin ayant son cabinet dans l'immeuble, a déclaré que le bruit demandait parfois des interruptions de quelques secondes dans la conversation et qu'il évitait d'ouvrir les fenêtres côté chantier. Il a ajouté ne pas avoir constaté de péjoration des nuisances ou de changement d'intensité des travaux en 2018.

w. Dans leurs plaidoiries finales du 29 juillet 2022, les locataires ont conclu à ce que les bailleurs, conjointement et solidairement entre eux, soient condamnés à leur verser la somme de 25'617 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 1er juillet 2020.

Par mémoires de plaidoiries finales du 29 août 2022, les bailleurs et la VILLE DE GENEVE ont conclu au déboutement des locataires de leurs conclusions.

x. Par réplique du 19 septembre 2022, les locataires ont persisté dans leurs conclusions. Puis, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; JEANDIN, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

1.2 En l'espèce, la valeur litigieuse s'élève à 25'617 fr., somme à laquelle ont conclu en dernier lieu les locataires devant le Tribunal. Elle est donc supérieure à 10'000 fr.

La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.3 Selon l'art. 311 al. 1 et 2 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier.

L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; HOHL, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 2314 et 2416; RETORNAZ in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

2. 2.1 Les appelants ont produit à l'appui de leur appel, comme pièce nouvelle, le jugement JTBL/835/2021 rendu par le Tribunal le 5 octobre 2021.

2.2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (JEANDIN, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2011, n. 6 ad art. 317 CPC).

Les faits notoires sont ceux dont l'existence est certaine au point d'emporter la conviction du juge, qu'il s'agisse de faits connus de manière générale du public ou seulement du juge, qui ne doivent pas être prouvés (art. 151 CPC).

2.2.2 En l'espèce, le jugement du Tribunal JTBL/835/2021 concernant d'autres parties n'est pas notoire, de sorte qu'il aurait dû être produit devant le Tribunal. En outre, les appelants ne soutiennent pas qu'ils n'auraient pas été en mesure de le produire auparavant. Ce jugement est donc irrecevable, ainsi que les faits qu'il contient.

3. Les appelants font griefs au Tribunal d'avoir constaté inexactement les faits et d'avoir violé les art. 9 Cst, 4 CC, 256, 259a et 259d CO.

3.1 Aux termes de l'art. 256 al. 1 CO, le bailleur est tenu de délivrer la chose louée à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle est louée, et l'entretenir dans cet état.

La chose louée est défectueuse lorsqu'elle ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise ou lorsqu'elle ne présente pas une qualité sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu (ATF 135 III 345 consid. 3.2).

Le bailleur répond en principe des défauts qui lui sont imputables même en cas de méconnaissance ou de comportement irréprochable, puisqu'il assume une obligation de garantie (BOHNET/MONTINI, Droit du bail à loyer, 2011, ad art. 256 CO n. 1).

De manière générale, les parties peuvent convenir, pour autant qu'elles le fassent expressément, d'un usage inférieur à la norme. Dans un tel cas, la chose ne disposera pas, au moment de sa remise, de toutes les propriétés requises pour un usage "normal". Mais alors le loyer doit tenir compte de cet élément (BOHNET/MONTINI, op. cit., n. 19, ad art. 256 CO).

Un usage de la chose inférieur à la norme doit trouver son reflet, de manière reconnaissable et proportionnelle, dans la fixation du loyer ou dans le calcul d'une indemnité à charge du bailleur (THEVENOZ/WERRO, Commentaire romand du Code des obligations I, ad art. 256, §10).

La responsabilité du bailleur n'est pas engagée pour les défauts que le preneur connaissait lors de la conclusion du contrat ou qu'il aurait dû connaître en déployant l'attention commandée par les circonstances existant à l'époque de la conclusion initiale du contrat (arrêt du Tribunal fédéral du 24 septembre 1985, SJ 1986 p. 195; jugement du Tribunal des baux du canton de Vaud du 23 janvier 2003 = Cahier du bail 2004, p. 58).

La doctrine n'est pas unanime quant aux conséquences à donner à la connaissance du défaut par le locataire lors de la conclusion du bail. Le fait décisif est de savoir si le locataire était suffisamment renseigné au moment de la signature du bail au sujet des atteintes qui ont finalement justifié une réduction de loyer. Sauf modification considérable des circonstances, une demande en réduction de loyer devrait donc dans ce cas lui être refusée, au risque sinon de constituer un abus de droit (BOHNET/MONTINI, op. cit. n. 32 ad art. 259d CO). Cependant, le fait qu'un locataire connaisse un défaut ne signifie pas forcément qu'il l'accepte dans toutes ses conséquences (art. 258 al. 2 CO). Une réduction de loyer est due s'il ne ressort ni du contrat ni des circonstances, que les parties aient tenu compte des nuisances pour fixer le loyer (BOHNET/MONTINI, op. cit., n. 32 ad art. 256 CO, n. 41 et ad art. 259d CO). Dans une telle hypothèse, afin qu'une telle convention soit valable, le locataire doit être conscient de l'étendue des travaux, des désagréments ainsi que de la moins-value qui s'en suit (qui correspond à la prétention en réduction de loyer); la renonciation est alors concrète et non abstraite; elle ne concerne toutefois pas ce qui dépasserait l'ampleur des travaux prévus (arrêt du Tribunal fédéral 4A_269/2009 du 19 août 2009 consid. 2.1).

3.2 En l'espèce, les premiers juges ont retenu à raison que les locataires étaient en droit de réclamer une réduction de loyer. Ils ont considéré qu'au moment de la signature du bail, les locataires étaient conscients que le chantier n'était pas terminé mais qu'il touchait à sa fin.

Ils ont également retenu que la clause préimprimée 17 du contrat n'était pas suffisamment détaillée et qu'elle n'avait pas été discutée entre les parties au contrat. Enfin, le loyer ne prenait pas en compte, selon eux, les nuisances liées aux travaux.

Il ne peut pas être déduit de la clause préimprimée 17 l'acceptation par les locataires d'un usage des locaux inférieur à la norme, ni une réduction de loyer en conséquence et ce, d'autant plus que cette clause ne portait que sur les travaux du CEVA à l'exclusion des travaux d'aménagement extérieur de la gare réalisés par la VILLE DE GENEVE.

Les locataires n'ont donc pas été suffisamment informés au moment de la conclusion du contrat et ladite clause ne peut pas être interprétée comme une renonciation de leur part à se prévaloir d'une baisse de loyer.

Partant, les locataires sont fondés à obtenir une réduction de loyer pour la période entre le 17 septembre 2018 et le 30 avril 2020 conformément à leurs conclusions.

3.3 La réduction du loyer se calcule sur le loyer net, sans les frais accessoires (LACHAT, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 316). Pour le calcul de la réduction du loyer, on procède en principe selon la méthode dite "proportionnelle". On compare l'usage de la chose louée, affectée de défauts, avec son usage conforme au contrat, exempt de défauts. En d'autres termes, il s'agit de réduire le loyer dans un pourcentage identique à la réduction effective de l'usage des locaux, de rétablir l'équilibre de prestations des parties (ATF 130 III 504 consid. 4.1; 126 III 388 consid. 11c; LACHAT, op. cit. p. 315).

Lorsqu'un calcul concret de la diminution de valeur de l'objet entaché du défaut n'est pas possible, notamment lorsque l'intensité des nuisances est variable et se prolonge sur une longue période, de sorte que les preuves de l'intensité des nuisances et de l'entrave à l'usage ne peuvent être fournies au jour le jour, le tribunal procède à une appréciation en équité, par référence à l'expérience générale de la vie, au bon sens et à la casuistique (ATF 130 III 504 consid. 4.1; ACJC/1016/2017 du 28 août 2017 consid. 3.1; BURKHALTER/MARTINEZ-FAVRE, Le droit suisse du bail à loyer, 2011, p. 244; arrêt du Tribunal fédéral 4C.219/2005 du 24 octobre 2005 consid. 2.3 et 2.4).

A cet égard, le juge doit apprécier objectivement la mesure dans laquelle l'usage convenu se trouve limité, en tenant compte des particularités de chaque espèce, au nombre desquelles la destination des locaux prévus dans le contrat joue un rôle important (arrêt du Tribunal fédéral 4A_582/2012 du 28 juin 2013 consid. 3.2 et 3.3).

3.4 En matière de défauts liés à des nuisances provenant d'un chantier, les taux de réduction de loyer sont en général compris selon la casuistique entre 10% et 25%. Les cas où les nuisances sonores ont conduit à des réductions de loyer de 5% à 10% sont plutôt des situations de bruits intermittents qui, bien que gênants, n'empiètent généralement pas sur la période nocturne. Une réduction de 15% a également été retenue dans le cadre d'un chantier relatif à la construction d'un complexe de quatre immeubles à proximité de l'objet loué, en raison du bruit, de la poussière, des trépidations engendrées par ce type de travaux, ce qui représentait une moyenne entre les périodes objectivement les plus pénibles et celles plus calmes (ACJC/550/2015 du 11 mai 2015 consid. 4.1; ACJC/202/2013 du 18 février 2013 consid. 6.1).

En matière de baux d'habitation, la Cour a confirmé une diminution de loyer à hauteur de 20%, pris en tant que taux moyen, pendant une année et demie à l'occasion d'importants travaux entrepris sur des voies et ses quais situés à 30 mètres du logement de la locataire et effectués momentanément 24 heures sur 24 ou le week-end. S'y étaient ajouté le chantier du CEVA et la construction d'une nouvelle ligne de tramway également à proximité de l'immeuble. La Cour a notamment retenu que le bruit généré par les chantiers était sensiblement plus gênant que celui de la circulation routière et ferroviaire auquel l'appartement était exposé. Durant la période concernée, le repos des habitants du quartier avait été particulièrement affecté par des travaux effectués pendant la nuit ou le week-end (ACJC/578/2009 du 11 mai 2009 consid. 4.2).

Dans un arrêt du 2 avril 2007 (ACJC/377/2007), la Cour a accordé une réduction du loyer de 15% durant 18 mois, en lien avec la construction de la troisième voie de chemin de fer entre Genève et Coppet, à des locataires occupant une villa située en bordure de cette voie de chemin de fer. Elle a retenu l'importance du chantier, comportant des travaux de nuit, ainsi qu'un loyer relativement élevé, mais aussi les nuisances préexistantes inhérentes à une habitation en bordure d'une voie ferrée très fréquentée.

Enfin, dans un arrêt du 3 octobre 2022 (ACJC/1277/2022) relatif au chantier du CEVA, la Cour a considéré que ne violait pas le droit la fixation de la réduction de loyer faite par le Tribunal des baux et loyers fixée en équité à 15%, face à l'impossibilité de déterminer précisément l'ampleur de chaque nuisance et la temporalité de celles-ci et en particulier s'agissant de locaux dans lesquels était exercée une activité professionnelle.

3.5 En l'espèce, le Tribunal a accordé à juste titre une réduction de 15% du 17 septembre 2018 au 12 décembre 2019.

Cette réduction correspond aux travaux d'aménagement extérieur de la gare réalisés par la VILLE DE GENEVE, ayant provoqué des nuisances au-delà de ce qui était tolérable en milieu urbain.

Les premiers juges ont retenu à raison que ces travaux ont généré beaucoup de bruit entre 07h00/07h30 et 17h00 à raison de plusieurs heures par jour. De nombreux engins de chantier ont été utilisés et des tranchées de trois ou quatre mètres de profondeur creusées en vue des travaux de canalisations, générant des nuisances, notamment sonores.

Plusieurs habitants de l'immeuble ont indiqué que ces travaux avaient généré de la poussière, les forçant à fermer les fenêtres en permanence, les empêchant de jouir de leur balcon en semaine, certains habitants ayant développé des allergies qui ont disparues suite à leur déménagement. Ils ont également ressenti de fortes vibrations et tremblements et subi plusieurs coupures d'eau pendant le chantier.

Certains travaux ont eu lieu à proximité immédiate de l'immeuble des locataires créant une impression d'enfermement, avec la présence de machines, barrières de chantier et mouvements de camions, étant précisé que la salle à manger, le salon, une chambre et deux balcons de l'appartement des locataires donnaient côté chantier. Enfin, l'accès à l'immeuble se faisait par des planches provisoires et étroites.

Cela étant, les nuisances n'ont pas été constantes, les travaux n'ayant pas toujours lieu au même endroit et pas toujours à proximité immédiate de l'immeuble. Les machines causant des vibrations n'ont pas été utilisées tous les jours et uniquement quelques heures dans la journée. Elles étaient conçues spécialement pour fonctionner en milieu urbain. Les nuisances ont été atténuées dans la mesure du possible, en arrosant par exemple la terre. Enfin, les travaux n'ont pas eu lieu la nuit et durant quelques samedis mais pas de manière constante les week-ends.

S'agissant de la réduction de 5% accordée par le Tribunal pour la période du 13 décembre 2019 au 30 avril 2020, elle correspond principalement dans la plantation de nombreux arbres, générant des nuisances moins importantes.

Contrairement aux allégations des bailleurs, les premiers juges n'ont pas constaté inexactement les faits, ni violé les dispositions légales sur les défauts de la chose louée. La Cour confirmera donc le jugement entrepris.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel interjeté le 3 novembre 2022 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/699/2022 rendu le 26 septembre 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/25360/2019-6-OSD.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur
Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.