Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/895/2025 du 20.11.2025 ( PC ) , IRRECEVABLE
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
| A/2222/2025 ATAS/895/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 20 novembre 2025 Chambre 5 | ||
En la cause
| A______
| recourant |
contre
| SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES | intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’intéressé), né en ______ 1982, a déposé une demande de prestations complémentaires qui a été reçue par le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) en date du 3 mai 2024.
b. Le SPC a demandé au bénéficiaire de lui faire parvenir divers documents. Par rappel du 30 septembre 2024, le SPC a fixé à l’intéressé un délai échéant au 26 octobre 2024 pour lui faire parvenir les documents manquants, soit la décision de rente de l’assurance-invalidité, le justificatif des cotisations AVS/AI/APG pour l’année 2024, le relevé détaillé du compte UBS pour l’année 2024 ainsi que la copie de la décision de rente de prévoyance professionnelle de la fondation LPP. Un deuxième rappel a été adressé au bénéficiaire pour faire parvenir les documents manquants au 10 novembre 2024.
c. Par courrier du 16 janvier 2025, l’intéressé a informé le SPC qu’il attendait une décision de la caisse de prévoyance des rentes genevoises, mais que cette dernière était actuellement en suspens car son ex-épouse refusait de la signer et d’aller de l’avant et attendait la décision du tribunal concernant le divorce.
B. a. Par décision du 4 février 2025, le SPC a refusé d’entrer en matière sur la demande de prestations complémentaires en raison du fait, qu’après examen du dossier, la fortune nette de l’intéressé s’élevait à CHF 121’513.83, alors que le seuil de fortune pour une personne seule ne devait pas excéder CHF 100’000.-.
b. Par courrier du 5 mars 2025, l’intéressé s’est opposé à la décision du 4 février 2025 au motif qu’il n’était pas une personne seule car il n’avait pas changé de train de vie depuis le prononcé des mesures protectrices de l’union conjugale (ci‑après : MPUC) et que la décision des époux de dormir dans des appartements différents avait été prise en raison de sa dépression et non pas pour préparer une véritable séparation ou un divorce. Pour cette raison, il concluait à l’annulation de la décision et que le seuil de fortune de CHF 200’000.- lui soit appliqué.
c. Par décision sur opposition du 27 mars 2025, le SPC a rejeté l’opposition et a confirmé la décision du 4 février 2025 au motif que le tribunal de première instance, par jugement du 7 février 2022, avait donné suite à la requête de MPUC déposée le 27 septembre 2021 par l’épouse de l’intéressé et avait autorisé les époux à vivre séparément. De plus, il avait attribué la garde des enfants à leur mère et condamné l’intéressé à pourvoir à leur entretien ; il avait fixé le montant des contributions dues aux enfants et à la conjointe et avait également attribué la jouissance exclusive du domicile conjugal à la conjointe et ceci pour une durée indéterminée. De ce fait, la situation économique conjugale avait totalement changé après la séparation et le prononcé des MPUC, raison pour laquelle, contrairement à ce que soutenait l’intéressé, il se justifiait d’appliquer le seuil de fortune pour une personne seule, soit CHF 100’000.-.
C. a. Par acte posté en date du 27 juin 2025, l’intéressé a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), contre la décision sur opposition du 27 mars 2025, pour les raisons déjà invoquées dans son opposition. Il ne soutenait pas ne pas atteindre le seuil de CHF 100'000.- mais estimait que c’était le seuil de CHF 200'000.-, fixé pour les couples, qui devait lui être appliqué. Il ajoutait que sa situation financière actuelle était provisoire dès lors qu’il restait dans l’attente d’un jugement définitif concernant son statut matrimonial et la répartition des actifs des époux ; de ce fait, sa situation financière pouvait encore changer et il estimait qu’après répartition des avoirs de prévoyance, sa fortune ne dépasserait pas CHF 50’000.-.
b. Par réponse du 30 juillet 2025, le SPC a relevé que la décision sur opposition du 27 mars 2025 avait été adressée au recourant par courrier recommandé mais n’avait pas été retirée. Ladite décision avait été retournée au SPC, en date du 7 avril 2025, avec la mention « non retiré » ; de ce fait, il fallait considérer que la décision sur opposition avait été valablement notifiée le 4 avril 2025, soit à l’expiration du délai de garde. Sur le fond, le SPC se référait à la décision querellée selon laquelle le seuil de fortune qui devait être retenu était celui d’une personne seule, soit CHF 100’000.-.
c. Par réplique du 25 août 2025, le recourant a précisé que son compte de libre passage auprès de LEMANIA était crédité d’un montant de CHF 108’200.38 mais que, comme il était séparé depuis le 4 avril 2022 et qu’une demande de divorce était en cours, une partie de ses avoirs de prévoyance allait être attribuée à son « ex-épouse ». De plus, il faisait l’objet de poursuites à hauteur de CHF 20’986.-, selon le relevé de l’office cantonal des poursuites daté du 3 juillet 2025 et joint à sa réplique.
d. Sur ce, la cause a été gardée juger, ce dont les parties ont été informées.
e. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À titre préalable, il sied d’examiner si les conditions de recevabilité sont remplies, notamment en ce qui concerne le délai de recours.
2.1 Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n’est pas ouverte sont sujettes à recours dans les 30 jours suivant la notification de la décision sujette à recours (art. 56 et 60 LPGA ; cf. également l’art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Les délais commencent à courir le lendemain de leur communication ou de l'événement qui les déclenche. Le délai fixé par semaines, par mois ou par années expire le jour qui correspond par son nom ou son quantième à celui duquel il court ; s'il n'y a pas de jour correspondant dans le dernier mois, le délai expire le dernier jour dudit mois. Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile. Les écrits doivent parvenir à l'autorité ou être mis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit. Les délais sont réputés observés lorsqu'une partie s'adresse par erreur en temps utile à une autorité incompétente (cf. art. 38 à 39 LPGA et art. 17 LPA).
Le délai légal ne peut être prolongé (art. 40 al. 1 LPGA et 16 al. 1 LPA). En effet, la sécurité du droit exige que certains actes ne puissent plus être accomplis passé un certain laps de temps : un terme est ainsi mis aux possibilités de contestation, de telle manière que les parties sachent avec certitude que l’acte qui est l’objet de la procédure est définitivement entré en force (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. 2, Berne 1991, p. 181).
2.2 Selon la jurisprudence, une décision ou une communication de procédure est considérée comme étant notifiée, non pas au moment où le justiciable en prend connaissance, mais le jour où elle est dûment communiquée ; s'agissant d'un acte soumis à réception, la notification est réputée parfaite au moment où l'envoi entre dans la sphère de puissance de son destinataire. Point n'est besoin que celui-ci ait eu effectivement en mains le pli qui contenait la décision. Il suffit ainsi que la communication soit entrée dans sa sphère de puissance de manière qu'il puisse en prendre connaissance (ATF 122 III 319 consid. 4 et les références ; GRISEL, Traité de droit administratif, p. 876 et la jurisprudence citée ; KNAPP, Précis de droit administratif, 4e éd., n. 704 p. 153 ; KÖLZ/HÄNER, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., n. 341 p. 123). Lorsque la notification intervient par pli recommandé, elle est réputée parfaite lorsque l'intéressé ou toute personne qui le représente ou dont on peut légitimement penser qu'elle le représente (cf. ATF 110 V 37 consid. 3) a reçu le pli ou l'a retiré au guichet postal en cas d'absence lors du passage du facteur (ATFA non publié du 11 avril 2005, C 24/05 consid. 4.1).
Un envoi est réputé notifié à la date à laquelle son destinataire le reçoit effectivement ou, lorsque ce dernier ne peut pas être atteint et qu'une invitation à retirer l'envoi est déposée dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, à la date effective du retrait ou, si l'envoi n'est pas retiré dans le délai de garde de sept jours. La notification consiste à faire parvenir l'information dans la sphère de compétence du destinataire. Son existence ne peut être retenue que s'il est établi qu'une invitation à retirer un pli recommandé a bien été déposée dans la boîte aux lettres du destinataire (arrêts du Tribunal fédéral 8C_621/2007 du 5 mai 2008 consid. 4.2 ; 6A.100/2006 du 28 mars 2007 consid. 2.2.1). La jurisprudence établit une présomption de fait - réfragable - selon laquelle l'employé postal a correctement inséré l'avis de retrait dans la boîte à lettres du destinataire et la date de ce dépôt, telle qu'elle figure sur la liste des notifications, est exacte. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire : si ce dernier ne parvient pas à établir l'absence de dépôt dans sa boîte postale au jour attesté par le facteur, la remise est censée avoir eu lieu en ces lieu et date. Le délai de garde de sept jours commence alors à courir et, à son terme, la notification est réputée avoir lieu (fiction), avec les conséquences procédurales que cela implique (arrêts du Tribunal fédéral 2C_146/2011 du 14 février 2011 ; 2C_86/2010 du 4 octobre 2010 consid. 2 ; ATF 130 III 396 consid. 1.2.3).
Une deuxième notification est en principe privée d’effet si la première a été faite régulièrement (ATF 119 V 89 consid. 4b ; ATA/743/2003 du 7 octobre 2003 ; Pierre MOOR, op. cit., p. 353).
2.3 La fiction de la notification n'est toutefois opposable au destinataire de la décision que si celui-ci devait s'attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication. Dans une telle situation, il lui appartenait de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3 et les réf.).
3.
3.1 En l’occurrence, dans son mémoire de recours posté le 27 juin 2025, le recourant soutient que le délai de recours de 30 jours, dès réception de la décision, venait en principe à échéance le 23 avril 2025 ; toutefois, après application de la suspension des délais du 11 avril au 28 avril, le délai pour former recours aurait été reporté au 12 mai 2025, ce qui rendrait son recours recevable.
On peine à suivre le raisonnement du recourant. En effet, quand bien même son délai pour former recours aurait été, comme il l’explique, reporté au lundi 12 mai 2025, le mémoire de recours posté le 27 juin 2025 serait de toute façon tardif car, même en suivant le raisonnement du recourant, le délai de 30 jours serait arrivé à échéance le mercredi 11 juin 2025, dernier jour du délai.
3.2 Le calcul effectué par le recourant est erroné car, selon les pièces figurant au dossier, le pli recommandé contenant la décision a été posté le 27 mars et le recourant a été avisé pour retrait le 28 mars 2025. Le délai de garde de 7 jours s’est achevé le 4 avril 2025 sans que le recourant ne soit allé chercher son courrier.
Partant, le premier jour du délai de recours était le 5 avril 2025 et en dépit de la suspension des délais sept jours avant et sept jours après Pâques (soit le dimanche 20 avril 2025), le délai de 30 jours était largement dépassé lorsque le recourant a posté son mémoire de recours, le 27 juin 2025.
L’envoi de la copie de la décision par courrier simple du 11 avril 2025, effectué par le SPC après que ce dernier eût reçu en retour le pli recommandé du 27 mars 2025, est privé d’effet car la première notification a été faite régulièrement. Le SPC a pris la précaution de préciser ce point dans son courrier du 11 avril 2025, qui explique que « la copie figurant en annexe ne vaut pas nouvelle notification ».
Il sied encore d’ajouter que le recourant pouvait s’attendre à la notification d’une décision par pli recommandé, suite à son opposition du 5 mars 2025.
3.3 Il reste à examiner si une restitution de délai peut être accordée. Tel peut être le cas, de manière exceptionnelle, à condition que le requérant ait été empêché, sans sa faute, d’agir dans le délai fixé (art. 41 LPGA) et pour autant qu’une demande de restitution motivée, indiquant la nature de l’empêchement, soit présentée dans les 30 jours à compter de celui où il a cessé. Il s’agit-là de dispositions impératives auxquelles il ne peut être dérogé (Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération [JAAC] 60/1996, consid. 5.4, p. 367 ; ATF 119 II 87 consid. 2a ; 112 V 256 consid. 2a).
Le recourant n’a fait valoir aucun empêchement d’agir dans le délai de 30 jours dans ses écritures, se bornant à considérer que le délai de 30 jours était respecté selon le raisonnement figurant supra sous ch. 3.1.
Compte tenu du fait que le recours est tardif et donc irrecevable, il n’est pas nécessaire d’examiner la question du montant du seuil de la fortune du recourant.
4.
4.1 En l'absence de motif valable de restitution de délai, le recours doit être déclaré irrecevable pour cause de tardiveté.
4.2 Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours irrecevable pour cause de tardiveté.
2. Dit que la procédure est gratuite.
3. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le