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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1805/2025

ATAS/820/2025 du 28.10.2025 ( PC ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1805/2025 ATAS/820/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 octobre 2025

Chambre 10

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : le bénéficiaire), né le ______ 1989, célibataire, père d’une fille née en 2013, est au bénéfice de prestations complémentaires fédérales et cantonales à sa rente d’invalidité.

b. Dans le cadre de la révision de son droit aux prestations, le bénéficiaire a transmis, le 11 mars 2024, plusieurs documents au service des prestations complémentaires (ci-après : SPC), dont une attestation de rente de la Fondation de prévoyance de la métallurgie du bâtiment (ci-après : la fondation de prévoyance) pour les années 2022 et 2023, mentionnant un total de rentes de CHF 5'490.- pour ces deux années, comprenant la rente de l’intéressé de CHF 4'574.70 et la rente de sa fille de CHF 915.20.

c. Le 2 mai 2024, le SPC a recalculé le droit à la rente de l’intéressé dès le
1er juin 2024, tenant compte d’une rente du 2ème pilier de CHF 4'574.70.

d. Par courrier du 22 mai 2024, le bénéficiaire a contesté la prise en compte de sa 13ème rente du 2ème pilier, qu’il avait reçue en cadeau en 2023, mais plus en 2024.

Il a joint un courrier de la fondation de prévoyance du 3 février 2023, aux termes duquel une rente supplémentaire serait « cette année encore » attribuée exceptionnellement.

e. Le 5 juin 2024, le SPC a admis l’opposition du bénéficiaire et recalculé son droit aux prestations dès le 1er mars 2024 sans tenir compte de la 13ème rente.

B. a. Par décision du 24 avril 2025, le SPC a recalculé le droit du bénéficiaire aux prestations complémentaires depuis le 1er janvier 2022 et lui a réclamé la restitution d’un montant de CHF 720.- à titre de prestations indûment versées. Selon ses plans de calcul joints, il a retenu une rente annuelle du 2ème pilier de CHF 4'574.70 pour la période du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023.

b. Le 1er mai 2025, le bénéficiaire a formé opposition à l’encontre de cette décision, relevant le caractère exceptionnel de la 13ème rente qui ne lui avait pas été versée en 2024.

c. Par décision du 14 mai 2025, le SPC a rejeté l’opposition du bénéficiaire, rappelant que la décision contestée reprenait le calcul des prestations complémentaires au 1er janvier 2022 afin de tenir compte de la 13ème rente du 2ème pilier servie durant les années 2022 et 2023, laquelle ressortait des certificats de rente pour ces années. Il avait ainsi pris en considération le montant annuel effectif de CHF 4'574.70 (CHF 351.90 x 13), au lieu du montant initialement retenu de CHF 4'222.80 (CHF 351.90 x 12). Cette 13ème rente n’avait plus été prise en compte après le 31 décembre 2023.

C. a. Par acte du 22 mai 2025, le bénéficiaire a interjeté recours contre la décision précitée. Il a fait valoir que la 13ème rente lui était attribuée exceptionnellement certaines années par sa caisse de pension, selon son bilan. Cette prestation tombait comme un cadeau, puisqu’il vivait avec le minimum vital et l’aidait à améliorer son pouvoir d’achat. De plus, vivant au jour le jour et n’ayant aucune économie. Il était dans l’impossibilité de rembourser le montant demandé. Il était honnête et sans source de revenu.

b. Dans sa réponse du 20 juin 2025, l’intimé a conclu au rejet du recours, au motif que la législation ne prévoyait pas de règle permettant d’écarter la prise en compte de la 13ème rente en raison de son caractère exceptionnel. Il a rappelé que les prestations complémentaires étaient subsidiaires à toute autre ressource et que sa décision du 24 avril 2025 faisait suite aux attestations de rente reçues le
11 mars 2024 dans le cadre de la révision périodique du dossier, de sorte que les délais de péremption étaient respectés.

c. Le 7 août 2025, le recourant a exposé qu’il n’avait pas les moyens de rembourser la dette réclamée et qu’il avait reçu malgré lui les 13ème rentes. Il s’est en outre plaint d’un « acharnement » de l’intimé qui le traitait comme un escroc, ce qui nuisait à sa santé et expliquait qu’il prenait parfois beaucoup de temps à répondre.

d. Copie de cette écriture a été transmise à l’intimé et la cause gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du
6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du
6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA ; art. 9 de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 14 octobre 1965 [LPFC ‑ J 4 20] ;
art. 43 LPCC).

Interjeté en temps utile et dans le respect des exigences de forme prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA et art. 89B LPA), le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision du 14 mai 2025, par laquelle l’intimé a réclamé au recourant la restitution d’un montant de CHF 720.- à titre de prestations complémentaires indûment versées pour la période du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023, singulièrement sur la prise en compte dans les revenus déterminants de la 13ème rente du 2ème pilier.

3.             Selon l'art. 25 al. 1 1ère phrase LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du
11 septembre 2002 (OPGA ; RS 830.11), les prestations indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers.

L’art. 3 al. 1 OPGA précise que l’étendue de l’obligation de restituer est fixée par une décision.

3.1 Au plan cantonal, l'art. 24 al. 1 1ère phrase LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées.

Conformément à l’art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

L'art. 14 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) précise que le SPC doit demander la restitution des prestations indûment touchées au bénéficiaire, à ses héritiers ou aux autres personnes mentionnées à l'art. 2 OPGA appliqué par analogie (al. 1). Il fixe l'étendue de l'obligation de restituer par décision (al. 2).

3.2 L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références ; 138 V 426 consid. 5.2.1 et les références ; 130 V 318 consid. 5.2 et les références).

L’art. 53 LPGA dispose que les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant (al. 1). L’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

À cet égard, la jurisprudence constante distingue la révision d'une décision entrée en force formelle, à laquelle l'administration est tenue de procéder lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 129 V 200 consid. 1.1 ;
127 V 466 consid. 2c et les références), de la reconsidération d'une décision formellement passée en force de chose décidée sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à laquelle l'administration peut procéder pour autant que la décision soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable. Ainsi, par le biais d'une reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit (ATF 147 V 167 consid. 4.2 et la référence). L'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps n’est pas liée à une violation de l'obligation de renseigner (ATF 122 V 134 consid. 2e). Il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal après la découverte du fait nouveau (arrêt du Tribunal fédéral 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.1).

3.3 Selon l'art. 53 al. 1 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l'assuré ou l'assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient pas être produits auparavant.

Cela vaut aussi lorsque les prestations ont été accordées sans avoir fait l'objet d'une décision formelle mais que leur versement a acquis force de chose décidée (ATF 130 V 380 consid. 2.1 ; 129 V 110 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_793/2023 du 5 décembre 2024 consid. 4.4 et la référence).

La notion de faits ou moyens de preuve nouveaux s'apprécie de la même manière en cas de révision (procédurale) d'une décision administrative (art. 53 al. 1 LPGA), de révision d'un jugement cantonal (art. 61 let. i LPGA). La révision suppose ainsi la réalisation de cinq conditions : 1° le requérant invoque un ou des faits ; 2° ce ou ces faits sont « pertinents », dans le sens d'importants (« erhebliche »), c'est-à-dire qu'ils sont de nature à modifier l'état de fait qui est à la base du jugement et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte ; 3° ces faits existaient déjà lorsque le jugement a été rendu : il s'agit de pseudo-nova (« unechte Noven »), c'est-à-dire de faits antérieurs au jugement ou, plus précisément, de faits qui se sont produits jusqu'au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables ; 5° le requérant n'a pas pu, malgré toute sa diligence, invoquer ces faits dans la procédure précédente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_793/2023 du
5 décembre 2024 consid. 4.5 et la référence). 

S'agissant des délais applicables en matière de révision, l'art. 53 al. 1 LPGA n'en prévoit pas. En vertu du renvoi prévu par l'art. 55 al. 1 LPGA, sont déterminants les délais applicables à la révision de décisions rendues sur recours par une autorité soumise à la loi fédérale sur la procédure administrative du
20 décembre 1968 (PA - RS 172.021 ; ATF 143 V 105 consid. 2.1). Ainsi, conformément à l'art. 67 al. 1 PA, un délai (de péremption) relatif de 90 jours dès la découverte du motif de révision s'applique, en plus d'un délai absolu de dix ans dès la notification de la décision administrative ou de la décision sur opposition (ATF 148 V 277 consid. 4.3 ; 143 V 105 consid. 2.1 ; 140 V 514 consid. 3.3).

En principe, le moment à partir duquel le motif de révision aurait pu être découvert se détermine selon le principe de la bonne foi. Le délai de 90 jours commence à courir dès le moment où la partie a une connaissance suffisamment sûre du fait nouveau ou du moyen de preuve déterminant pour pouvoir l’invoquer, même si elle n’est pas en mesure d’en apporter une preuve certaine ; une simple supposition voire des rumeurs ne suffisent pas et ne sont pas susceptibles de faire débuter le délai de révision (ATF 143 V 105 consid. 2.4 et les références). Si l’assureur social manque de prendre les mesures nécessaires, le délai commence à courir au moment où il aurait pu compléter l’état de fait en faisant preuve de l’engagement attendu et exigible de sa part (arrêt du Tribunal fédéral 8C_665/2020 du 8 juin 2021 consid. 5.2 et les références).

Lorsque la décision de restitution des prestations indûment touchées se fonde sur l’existence d’un motif de révision procédurale de la décision entrée en force, il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, si les conditions de fond de l’art. 53 al. 1 LPGA sont remplies, et si le délai relatif de 90 jours dès la découverte du motif de révision et le délai absolu de 10 ans dès la notification de la décision administrative ont été respectés (ATF 143 V 105 consid. 2.1 et 2.5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_742/2021 du 4 mars 2022 consid. 5.4.3 non publié in ATF 148 V 327 ; 8C_665/2020 du 8 juin 2021 consid. 5.2).

4.             En l'espèce, la décision de restitution repose sur l'existence d'un motif de révision procédurale, soit la découverte d'un fait nouveau, à savoir la perception d’une 13ème rente du 2ème pilier durant les années 2022 et 2023.

Il ressort du dossier de l’intimé que ce dernier a reçu, en date du 11 mars 2024, l’attestation des rentes versées par la fondation de prévoyance pour les années 2022 et 2023. Dès cette date, il avait ainsi connaissance de ce fait nouveau. Partant, le délai de 90 jours pour mettre en œuvre une révision procédurale est arrivé à échéance au mois de juin 2024.

Dans sa décision du 2 mai 2024, l’intimé a uniquement statué sur le droit aux prestations du recourant à compter du mois de juin 2024, sans se prononcer pour la période antérieure, et donc sans procéder à la révision des décisions précédentes entrées en force.

Ce n’est que dans sa décision du 24 avril 2025, alors que le délai de 90 jours dès la découverte du motif de révision était échu, que l’intimé a calculé le droit aux prestations du recourant avant effet rétroactif au 1er janvier 2022 et lui a réclamé la restitution des prestations litigieuses. L'intimé a donc manifestement tardé à agir.

Partant, les conditions d'une révision procédurale n’étant pas remplies, l’intimé n’était pas en droit de demander la restitution de la 13ème rente du 2ème pilier pour les années 2022 et 2023 en application de l'art. 25 LPGA.

5.             Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision litigieuse annulée.

Le recourant, qui agit en personne et n’a pas fait valoir de frais engendrés par la procédure, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).

 

 

 

 

 

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 14 mai 2025.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF -RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le