Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/812/2025 du 15.10.2025 ( PC ) , ADMIS
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
| A/4225/2024 ATAS/812/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 15 octobre 2025 Chambre 4 | ||
En la cause
| A______
| recourante |
contre
| SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES | intimé |
A. a. A______ (ci-après : l'intéressée), née le ______ 1961, de nationalité suisse, divorcée, mère de deux enfants, nés respectivement les ______ 1998 et ______ 2000, qui percevait une rente d'invalidité entière depuis le 1er septembre 2008, est au bénéfice d'une rente d'invalidité partielle depuis le 1er juillet 2009. Selon la banque de données Calvin de l'office cantonal de la population et des migrations (OCPM), le fils cadet ne vit plus avec l'intéressée depuis le 30 juin 2021, et la fille aînée depuis le 1er janvier 2022.
b. Le 28 janvier 2022, l'intéressée a déposé une demande de prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants (AVS) et invalidité (AI).
B. a. Par décision du 6 juillet 2022, le service des prestations complémentaires (ci‑après : SPC) a nié le droit de l'intéressée auxdites prestations, au motif que sa fortune nette était supérieure au seuil admissible.
L'intéressée n'a pas contesté cette décision.
b. Le 21 décembre 2023, l'intéressée a déposé une nouvelle demande de prestations auprès du SPC. Elle y mentionnait avoir subi une escroquerie qui avait vidé son compte d'épargne.
c. Les pièces au dossier mentionnent à titre de fortune de l'intéressée au 31 décembre 2022, notamment :
- un solde de CHF 2'422.28 auprès de la banque B______ (1______) ;
- une part sociale auprès de la banque B______ (2______) d'une valeur de CHF 200.- ;
- un solde de CHF 514.04 auprès de la banque B______ (3______) ;
- 100 parts sociales auprès de la banque B______ (4______) d'une valeur de CHF 20'000.- ;
- un solde de CHF 538.55 auprès de la C______(C______) ;
- un capital de CHF 68'816.40 (2e pilier) auprès des Rentes Genevoises (police n° 5______) ;
- un capital de CHF 11'794.30 (3e pilier A) auprès des Rentes Genevoises (police n° 6______) ; et
- une épargne de CHF 57'702.- (valeur de rachat ; 3e pilier B) auprès des Rentes Genevoises (police n° 7______).
d. Les pièces au dossier indiquent à titre de fortune de l'intéressée au 31 décembre 2023, en particulier :
- un solde de CHF 52.45 auprès de la banque B______ (1______) ;
- une part sociale auprès de la banque B______ (2______) d'une valeur de CHF 200.- ;
- un solde de CHF 2'110.65 auprès de la banque B______ (3______) ;
- une part sociale de CHF 200.- auprès de la banque B______ (4______) ;
- un solde de CHF 180.25 auprès de la C______ ;
- un capital de CHF 68'954.05 (2e pilier) auprès des Rentes Genevoises (police n° 5______) ;
- un capital de CHF 12'179.20 (3e pilier A) auprès des Rentes Genevoises (police n° 6______) ; et
- une valeur de rachat de CHF 0.- (3e pilier B) auprès des Rentes Genevoises (police n° 7______).
e. Par courrier du 10 mai 2024, l'intéressée a informé le SPC avoir été victime d'une escroquerie et a annexé la plainte pénale qu'elle avait déposée auprès de la Police le 24 octobre 2023 contre inconnu pour utilisation frauduleuse d'un ordinateur et escroquerie. Il y était mentionné que l'événement était survenu entre le 25 septembre et le 24 octobre 2023. La plaignante s'était inscrite sur le site de rencontres « F______.ch ». Elle avait rapidement conversé avec un homme qui s'était fait passer pour un certain D______, directeur de la société E______. Le compte de ce dernier avait été supprimé après quelques contacts. Il l'avait séduite et avait prétexté avoir des problèmes d'argent au sein de son entreprise. Il lui avait fait parvenir des photographies de lui ainsi que de son passeport. Ce document identitaire paraissait clairement avoir été trafiqué. Ils avaient ensuite échangé plusieurs messages par email et sur l'application Whatsapp. La plaignante avait effectué plusieurs versements à cet individu, pour un montant total de CHF 58'500.-. Il avait également essayé de lui faire signer une reconnaissance de dette après avoir tenté de lui faire croire qu'il lui avait versé CHF 160'000.-.
f. Par décision du 3 septembre 2024, le SPC a refusé le droit de l'intéressée aux prestations complémentaires, car sa fortune nette était supérieure au seuil prévu par la loi.
Les plans de calcul faisaient état d'une fortune mobilière de CHF 159'427.27 au 31 décembre 2022, et de CHF 159'733.- au 31 décembre 2023 dont un montant de CHF 78'391.- à titre de dessaisissement.
g. Par pli du 22 octobre 2024, l'intéressée s'est opposée à cette décision, en faisant valoir que sa fortune (CHF 66'256.-) auprès des Rentes Genevoises était inférieure au seuil appliqué.
h. Par décision du 19 novembre 2024, le SPC a rejeté l'opposition de l'intéressée.
Les justificatifs fournis à l'appui de la demande de prestations complémentaires à l'AI du 21 décembre 2023 faisaient état d'une diminution de fortune de CHF 78'391.- entre le 31 décembre 2022 et le 31 décembre 2023.
C'était bien volontairement, ou tout du moins par négligence grave, que l'intéressée avait remis la somme de CHF 58'500.- à un parfait inconnu via le site de rencontres « F______.ch ».
Le SPC a toutefois rectifié le montant retenu à titre de bien dessaisi, après avoir tenu compte du montant forfaitaire pour l'entretien usuel multiplié par le facteur correspondant, ainsi que de la consommation admise de 10% de la fortune. Ce faisant, le dessaisissement total se chiffrait à CHF 39'742.- (CHF 78'391 - CHF 15'973 [10% admis] - CHF 22'676 [déficit de revenu]). Cette correction ne permettait toujours pas de reconnaître une fortune déterminante en dessous du seuil de CHF 100'000.- ouvrant un droit au calcul des prestations complémentaires.
C. a. Par acte du 18 décembre 2024, l'intéressée a interjeté un recours contre cette décision sur opposition auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à son annulation, à la constatation qu'elle n'avait procédé à aucun dessaisissement de fortune, et au renvoi de la cause à l'intimé pour nouveau calcul et nouvelle décision.
Elle a allégué qu'elle souffrait d'une pathologie psychiatrique depuis plusieurs années et que sa capacité de discernement était partielle dans certains domaines, notamment ceux liés aux relations intimes (familiales, conjugales ou sentimentales), particulièrement vulnérables lors des périodes de crise. Elle avait été victime d'une arnaque sentimentale, ayant « déclenché une élévation de l'humeur, initialement suggestive d'un épisode hypomaniaque, accompagnée d'une immaturité dans la prise de décisions ». À l'appui de ses allégués, elle a produit un rapport du 5 décembre 2024 de la docteure G______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, qui la suivait depuis le 3 mars 2022.
La recourante a ajouté avoir été victime d'un abus de faiblesse et de confiance de la part d'une personne mal intentionnée qui avait exploité sa vulnérabilité. Piégée dans son emprise, elle s'était trouvée, dans le cadre de leurs échanges, dans un état mental altéré, l'empêchant de concevoir les implications de ses actions, notamment en ce qui concernait les versements qu'elle avait effectués en faveur de cette personne. Son choc émotionnel après cet épisode était tel qu'elle avait dû être hospitalisée pendant trois mois, puis prise en charge au centre ambulatoire CAPPI des Hôpitaux universitaires de Genève.
Ces éléments démontraient clairement qu'elle ne disposait pas de la capacité de discernement nécessaire pour réagir de manière appropriée aux pressions et à la manipulation psychologique que l'individu concerné lui avait fait subir.
La recourante en a tiré la conclusion qu'aucun dessaisissement de fortune ne pouvait être retenu. Le versement de la somme en cause ne relevait pas d'une négligence grave, encore moins d'un acte intentionnel. C'était dans un état d'incapacité de discernement, dans un contexte d'abus de faiblesse, de pression et de santé mentale vulnérable que les versements d'argent avaient eu lieu.
La recourante a également produit la lettre de sortie de la H______ du 1er juillet 2024 relatif à son séjour du 22 mars au 20 juin 2024, qui posait le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques (F33.2).
b. Par réponse du 15 janvier 2025, l'intimé a conclu au rejet du recours.
Il a renvoyé à la décision litigieuse s'agissant de la motivation, en relevant que la recourante n'invoquait aucun argument susceptible de conduire à une appréciation différente du cas.
c. Invitée à répliquer, la recourante ne s'est pas manifestée dans le délai qui lui avait été imparti par la chambre de céans.
d. Le 28 mai 2025, la chambre de céans a tenu une audience de comparution personnelle et d'enquête, au cours de laquelle a été entendue la psychiatre traitante ayant suivi la recourante jusqu'en 2019. À l'issue de l'audience, un délai a été imparti à la recourante pour la production notamment des pièces liées à la procédure pénale.
e. Le 30 mai 2025, la recourante a versé au dossier en particulier le jugement du Tribunal de police du Tribunal d'arrondissement de l'est vaudois du 23 décembre 2024 (PE24.008172-OBU//CMD), condamnant I______ pour blanchiment d'argent, pour avoir transféré à des tiers, dont à un certain D______, des valeurs patrimoniales créditées sur ses comptes bancaires par des plaignantes, dont la recourante, lesquelles provenaient d'infractions commises au préjudice de celles-ci, soit d'escroqueries de type « romance scam ».
f. Le 3 juin 2025, la Dre G______ a transmis un rapport dans lequel elle a répondu aux questions que la chambre de céans lui avait posées par écrit le 28 mai écoulé.
g. À la demande de la chambre de céans, par courrier du 16 juin 2025, l'intimé a détaillé le calcul aboutissant au montant de CHF 22'676.- retenu dans la décision litigieuse à titre de déficit de revenu.
h. Le 17 juin 2025, la chambre de céans a adressé un courrier au Ministère public genevois pour obtenir des informations au sujet de la procédure pénale P/8______/2024 qui avait été ouverte à la suite du dépôt de la plainte pénale par la recourante contre inconnu le 24 octobre 2023 pour utilisation frauduleuse d'un ordinateur et escroquerie.
i. Par écriture du 20 juin 2025, l'intimé a maintenu sa position, en considérant que le rapport de la Dre G______ du 3 juin 2025 ne concluait manifestement pas à une incapacité de discernement de la recourante au moment des faits pertinents.
j. Le 17 juillet 2025, le Ministère public genevois a communiqué à la chambre de céans copie de la procédure P/8______/2024.
k. Dans ses observations du 26 août 2025, l'intimé a encore persisté dans ses conclusions.
Il a exposé que, dans la mesure où il était établi que la capacité de discernement de la recourante était pleine et entière au moment des faits, c'était de manière parfaitement consciente qu'elle avait accepté le risque de remettre d'importantes sommes d'argent à des individus qu'elle ne connaissait pas, soit les dénommés D______ et I______. Un individu moyen placé dans de telles circonstances n'aurait jamais remis de telles sommes d'argent sans aucune garantie à des inconnus sans jamais les avoir rencontrés. Une rapide vérification sur internet aurait notamment permis de mettre en évidence le fait qu'aucun individu portant le prénom « D______ » associé au nom de famille « J______ » n'existe en lien avec la société E______. Cette simple vérification était exigible de la part de la recourante comme étant un minimum de diligence élémentaire avant de procéder au versement de gros montants de la sorte. L'intimé en a inféré que, sur le plan pénal, l'astuce n'était pas réalisée.
l. Invitée à se déterminer, le 29 août 2025, la recourante a indiqué avoir parcouru les différentes pièces du dossier qui était très étayé.
m. Copie de son envoi a été transmise à l'intimé pour information.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).
La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
1.3 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 14 octobre 1965 [LPFC - J 4 20]) ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a LPA) prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations complémentaires, en particulier sur le montant de sa fortune nette à prendre en considération pour déterminer si elle respecte le seuil d'entrée et, dans ce cadre, sur le calcul des biens dessaisis.
3.
3.1 La modification du 22 mars 2019 de la LPC est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (Réforme des PC, FF 2016 7249 ; RO 2020 585).
En l'occurrence, le droit éventuel aux prestations complémentaires naîtrait postérieurement au 1er janvier 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
3.2 Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC, ainsi que les conditions relatives à la fortune nette prévues à l’art. 9a LPC, ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de l’assurance-invalidité conformément à l’art. 4 al. 1 let. c LPC.
Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC).
3.3 En vertu de l'art. 9a al. 1 let. a LPC, les personnes seules dont la fortune nette est inférieure au seuil de CHF 100'000.- ont droit à des prestations complémentaires.
Les parts de fortune visées à l’art. 11a al. 2 à 4 LPC font partie de la fortune nette au sens de l’al. 1 (art. 9a al. 3 LPC).
La fortune nette d'un bénéficiaire de prestations complémentaires comprend notamment les biens mobiliers et immobiliers dont il est propriétaire, tels que les avoirs bancaires, les biens immobiliers sis à l'étranger et la fortune à laquelle il a renoncé (Erwin CARIGIET / Uwe KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 2021, ch. 572).
Selon l'art. 17a al. 1 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301) en lien avec l'art. 9 al. 5 let. b LPC, la fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile.
Selon les principes généraux du droit fiscal, font notamment partie de la fortune les immeubles, les avoirs d'épargne de toute sorte, les actions, les obligations, les parts sociales, les gains de loterie, les prêts accordés ainsi que les successions ouvertes (y compris indivises ; Erwin CARIGIET / Uwe KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 2ème éd. 2009, p. 163).
La fortune nette s'obtient après déduction des dettes, mais sans déduction de la franchise sur la fortune (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires [Réforme des PC] du 16 septembre 2016, FF 2016 7249 p. 7284).
L'art. 2 al. 2 OPC-AVS/AI, intitulé « seuil d'entrée lié à la fortune » énonce que si une personne dépose une demande de prestation complémentaire annuelle, la fortune déterminante pour le droit à cette prestation est la fortune disponible le premier jour du mois à partir duquel la prestation est demandée.
Dans un arrêt de principe, la chambre de céans a retenu que le seuil de fortune déterminant pour l’octroi des prestations complémentaires fédérales en vigueur depuis le 1er janvier 2021 est également applicable en matière de prestations complémentaires cantonales (ATAS/521/2023 du 29 juin 2023 consid. 12.5).
3.4 La réforme des prestations complémentaires a introduit un nouvel art. 11a LPC, relatif à la renonciation à des revenus ou parts de fortune, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Conformément à celui-ci, les autres revenus, parts de fortune et droits légaux ou contractuels auxquels l'ayant droit a renoncé sans obligation légale et sans contre-prestation adéquate sont pris en compte dans les revenus déterminants comme s'il n'y avait pas renoncé (al. 2). Un dessaisissement de fortune est également pris en compte si, à partir de la naissance d'un droit à une rente de survivant de l'AVS ou à une rente de l'AI, plus de 10% de la fortune est dépensé par année sans qu'un motif important ne le justifie, étant précisé que si la fortune est inférieure ou égale à CHF 100'000.-, la limite est de CHF 10'000.- par année, et que le Conseil fédéral règle les modalités, en définissant en particulier la notion de « motif important » (art. 11a al. 3 LPC). L'al. 3 s'applique aux bénéficiaires d'une rente de vieillesse de l'AVS également pour les dix années qui précèdent la naissance du droit à la rente (art. 11a al. 4 LPC). L'art. 17e al. 1 OPC-AVS/AI, également entré en vigueur le 1er janvier 2021, prévoit que le montant de la fortune qui a fait l'objet d'un dessaisissement au sens de l'art. 11a al. 2 et 3 LPC et qui doit être pris en compte dans le calcul de la prestation complémentaire est réduit chaque année de CHF 10'000.-. Selon l'al. 3 des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019, l'art. 11a al. 3 et 4 LPC ne s'applique qu'à la fortune qui a été dépensée après l'entrée en vigueur de la présente modification (arrêt du Tribunal fédéral 9C_329/2023 du 21 août 2023 consid. 4.2).
Selon l'art. 17b OPC-AVS/AI, il y a dessaisissement de fortune lorsqu’une personne aliène des parts de fortune sans obligation légale et que la contre‑prestation n’atteint pas au moins 90% de la valeur de la prestation (let. a), ou a consommé, au cours de la période considérée, une part de fortune excédant ce qui aurait été admis sur la base de l’art. 11a al. 3 LPC (let. b).
Pour qu'un dessaisissement de fortune puisse être pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires, la jurisprudence soumet cet acte à la condition qu'il ait été fait « sans obligation juridique », respectivement « sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente ». Les deux conditions précitées ne sont pas cumulatives, mais alternatives (ATF 131 V 329 consid. 4.4).
L'art. 11a al. 2 LPC contient une définition claire de la notion de dessaisissement qui faisait défaut dans le cadre de l'art. 11 al. 1 let. g aLPC, sans qu'il ne modifie toutefois la pratique actuelle en matière de renonciation à des ressources ou de dessaisissement de fortune. En particulier, une contre-prestation est considérée comme adéquate si elle atteint au moins 90% de la valeur de la prestation. Pour les biens de consommation ou les services, la contre-prestation obtenue est considérée comme adéquate si la preuve d’achat est apportée par la personne demandant les prestations complémentaires. Les jeux de hasard, les jeux de loterie et les jeux de casino n’offrent au contraire aucune contre-prestation adéquate et la fortune perdue de cette manière constitue un dessaisissement de fortune au même titre qu’une donation. Il en va de même lorsque la fortune a fait l’objet d’un investissement imprudent qu’une personne raisonnable n’aurait, au vu des circonstances, pas effectué (FF 2016 7249 pp. 7322 et 7323).
Lorsque la fortune diminue de façon substantielle sans que le bénéficiaire des prestations complémentaires puisse prouver l’utilisation qu’il en a faite, on suppose, en principe, qu’il y a dessaisissement (Directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI établies par l'Office fédéral des assurances sociales - DPC, dans leur état au 1er janvier 2024, ch. 3532.09).
L’art. 11a al. 3 LPC complète l’al. 2 en précisant que, même en présence d’une contre-prestation adéquate, la consommation de la fortune ne doit pas dépasser un certain plafond. En d’autres termes, indépendamment des preuves d’achat fournies, le calcul de la prestation complémentaire tiendra compte d’un dessaisissement de fortune lorsque celle-ci aura été dépensée dans un court laps de temps sans que la personne se soit souciée de l’avenir. Les pertes de fortune involontaires qui ne sont pas imputables à une action intentionnelle ou une à imprudence du bénéficiaire des prestations complémentaires ne sont pas considérées comme une consommation de la fortune et ne tombent donc pas sous le coup de cette disposition. Aucun dessaisissement n’est par exemple pris en compte en cas de perte imprévisible sur un placement financier raisonnable ou en cas d’irrécouvrabilité d’un prêt qui n’était pas prévisible au moment où le prêt a été consenti. Les limites fixées permettent de déterminer si la fortune a été dépensée trop rapidement ou non. Dans la mesure où l’organe d’exécution constate l’existence d’un dessaisissement de fortune, le montant de CHF 10'000.- par année prévu à l’art. 17a al. 1 OPC-AVS/AI doit être pris en compte, comme c’est actuellement le cas (FF 2016 7249 p. 7323 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_50/2022 du 17 mai 2022 consid. 3.1).
3.5 Le dessaisissement suppose que l’assuré ait la capacité de discernement s’agissant de la diminution de sa fortune (arrêt du Tribunal fédéral 9C_934/2009 du 28 avril 2010 consid. 5.1). Selon l’art. 16 du code civil (CC - RS 210), toute personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d'ivresse ou d'autres causes semblables est capable de discernement au sens de la présente loi. Cette disposition comporte deux éléments, un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets d'un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2). La capacité de discernement est relative : elle ne doit pas être appréciée dans l'abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l'acte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_209/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.2). Une personne n'est privée de discernement au sens de la loi que si sa faculté d'agir raisonnablement est altérée, en partie du moins, par l'une des causes énumérées à l'art. 16 CC, dont la maladie mentale, la faiblesse d'esprit ou une autre altération de la pensée semblable, à savoir des états anormaux suffisamment graves pour avoir effectivement altéré la faculté d'agir raisonnablement dans le cas particulier et le secteur d'activité considérés. Par maladie mentale, il faut entendre des troubles psychiques durables et caractérisés qui ont sur le comportement extérieur de la personne atteinte des conséquences évidentes, qualitativement et profondément déconcertantes pour un profane averti (arrêt du Tribunal fédéral 4A_194/2009 du 16 juillet 2009 consid. 5.1.1).
La preuve de la capacité de discernement pouvant se révéler difficile à apporter, la pratique considère que celle-ci doit en principe être présumée, sur la base de l’expérience générale de la vie. Cette présomption n’existe toutefois que s’il n’y a pas de raison générale de mettre en doute la capacité de discernement de la personne concernée, ce qui est le cas des adultes qui ne sont pas atteints de maladie mentale ou de faiblesse d’esprit. Pour ces derniers, la présomption est inversée et va dans le sens d’une incapacité de discernement (ATF 134 II 235 consid. 4.3.3). Toute atteinte à la santé mentale ne permet pas de présumer l’incapacité de discernement. Il faut que cette atteinte crée une dégradation durable et importante des facultés de l’esprit (arrêt du Tribunal fédéral 9C_5/2016 du 12 février 2016 consid. 4.2).
3.6 Selon la jurisprudence, une diminution du patrimoine due à des actes punissables (p. ex. escroquerie) ne peut pas être qualifiée de dessaisissement de fortune, étant donné que le propre d'une telle diminution du patrimoine est précisément que la victime de l'acte punissable n'est pas consciente de l'ampleur du risque de l'investissement réalisé ou qu'elle est trompée astucieusement à ce sujet (arrêt du Tribunal fédéral 9C_493/2022 du 28 septembre 2023 consid. 5).
Aux termes de l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
L'escroquerie consiste à tromper la dupe par des affirmations fallacieuses, par la dissimulation de faits vrais ou par un comportement qui la conforte dans son erreur. Par tromperie, il faut entendre tout comportement destiné à faire naître chez autrui une représentation erronée des faits (arrêt du Tribunal fédéral 6B_653/2021 du 10 février 2022 consid. 1.3.1).
Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas ; il faut encore qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 al. 1 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 147 IV 73 consid. 3.2 ; 142 IV 153 consid. 2.2.2 ; 135 IV 76 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral précité 6B_653/2021 consid. 1.3.1).
L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances. Une coresponsabilité de la dupe n'exclut toutefois l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 147 IV 73 consid. 3.2 ; 143 IV 302 consid. 1.4.1 ; 142 IV 153 consid. 2.2.2 ; 135 IV 76 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral précité 6B_653/2021 consid. 1.3.1).
En exigeant une astuce, la loi veut prendre en compte la coresponsabilité de la victime. En conséquence, pour apprécier si l'auteur a usé d'astuce, il ne suffit pas de se livrer à un examen objectif et de se demander comment une personne moyennement prudente et expérimentée aurait réagi à la tromperie ; il faut plutôt prendre en considération la situation concrète et le besoin de protection de la dupe, telle que l'auteur la connaît et l'exploite. Tel est le cas en particulier si la victime est faible d'esprit, inexpérimentée ou diminuée en raison de l'âge ou d'une maladie, mais aussi si elle se trouve dans un état de dépendance, d'infériorité ou de détresse faisant qu'elle n'est guère en mesure de se méfier de l'auteur. L'exploitation de semblables situations constitue précisément l'une des caractéristiques de l'astuce (ATF 128 IV 18 consid. 3a ; 126 IV 165 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral précité 6B_653/2021 consid. 1.3.2). De même, il faut tenir compte des connaissances particulières et de l'expérience en affaires de la dupe (ATF 126 IV 165 consid. 2a).
Les états de dépendance, d'infériorité ou de détresse qui amollissent les réflexes de méfiance concernent notamment les personnes souffrant de solitude et d'isolement social. Celles-ci sont en effet grandement susceptibles de donner leur confiance à celui qui sait exploiter ces sentiments. Le manque d'esprit critique, et même la crédulité aveugle de telles victimes sont notamment compréhensibles lorsque l'auteur leur fait fallacieusement croire qu'il éprouve envers elles des sentiments amoureux, comme dans le cas classique de « l'escroquerie au mariage ». Dans de telles circonstances, le besoin impératif de trouver un partenaire tend à prédominer sur tout esprit critique, au point que la crainte de perdre le partenaire trouvé étouffe tout doute dans l'œuf. L'escroc au mariage - ou à l'amour - touche ainsi au psychisme de sa victime de manière à lui faire oublier sa prudence et sa retenue habituelle (arrêt du Tribunal fédéral précité 6B_653/2021 consid. 1.3.3).
3.7 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).
4.
4.1 En l'espèce, il ressort de la banque de données Calvin de l'OCPM que, à l'époque où la recourante s'est inscrite pour la première fois sur un site de rencontres en automne 2023, elle vivait seule. Elle a certes un compagnon mais ils n'habitent pas ensemble. Quand bien même elle entretient de bonnes relations avec ses deux enfants, qui sont de jeunes adultes, ces derniers préfèrent « être à distance » (procès-verbal de comparution personnelle du 28 mai 2025 p. 1 et 3). La recourante, qui souffre de troubles psychiques depuis plusieurs années (rapport de la Dre G______ du 5 décembre 2024), présente une certaine vulnérabilité sur le plan sentimental et amical, et peut avoir un « moment d'aveuglement » (procès‑verbal d'enquêtes du 28 mai 2025 p. 1). Elle peut faire preuve d'un enthousiasme excessif et adopter une vision idéalisée des relations interpersonnelles (rapport de la Dre G______ du 3 juin 2025 p. 2). Si son entourage et sa psychiatre traitante, la Dre G______, l'ont mise en garde quant à l'authenticité de sa relation avec l'homme (un certain D______) avec lequel elle conversait via ce site de rencontres, la recourante restait convaincue d'être aimée, choisie et engagée dans une véritable histoire d'amour. Elle idéalisait fortement cette relation, en affirmant que « personne ne lui enlèverait un peu d'amour ». Elle reprochait à son entourage de l'empêcher d'être heureuse (rapport de la Dre G______ du 3 juin 2025 p. 2-3).
Cependant, cet homme s'est présenté à la recourante sous le nom de D______ et il a allégué être directeur de la société E______ (plainte pénale du 24 octobre 2023). La recourante a appris qu'il s'agissait d'une entreprise prestigieuse (procès-verbal de comparution personnelle précité p. 3). Il lui a affirmé que son profil sur le site de rencontres lui plaisait énormément. Elle a été séduite par une première lettre, la photo de son profil et sa manière de se présenter. Ils échangeaient fréquemment, par écrit ou par téléphone. Il lui a déclaré qu'il prenait sa retraite [en 2024] et qu'il devait de l'argent à ses associés. Il lui a demandé de l'aider, tout en soulignant ne pas pouvoir s'adresser à sa famille, avec qui il était brouillé. La recourante a alors, sur le compte d'une tierce personne dont il lui avait communiqué les coordonnées, transféré plusieurs virements pour un montant total de CHF 58'500.-, entre les 12 et 23 octobre 2023. Il avait expliqué que ce tiers était la cheffe des opérations chez E______. La recourante avait effectué des recherches sur Google et constaté que le nom qu'il lui avait indiqué correspondait à celui d'un économiste. Cela l'avait confortée. Elle avait eu l'impression que D______ était sérieux et qu'il travaillait avec des gens de haut vol. Il avait signé une reconnaissance de dettes pour le premier versement et lui avait envoyé une photocopie de son passeport pour lui prouver son identité. Elle avait souhaité le rencontrer physiquement, et il lui avait proposé des dates. Il trouvait toutefois des excuses pour éviter de se retrouver face à elle, telles que le décès d'un ami, ou un séjour à Madrid pour finaliser des opérations avec ses associés. Lorsqu'elle lui posait des questions, il s'énervait et lui reprochait de ne pas lui faire confiance. Il savait très bien manier le chaud et le froid, en adoptant un discours amoureux. Aveuglée par l'amour, elle lui faisait confiance (Jugement du Tribunal de police vaudois du 23 décembre 2024 p. 5-7). Elle pensait que cet homme, qu'elle croyait être millionnaire, la rembourserait. Elle restait persuadée d'accomplir un acte juste et généreux, en soulignant qu'il était « impressionnant que même des hommes forts et riches puissent être aidés par de pauvres femmes à l'AI ». Lorsque sa psychiatre a exprimé des soupçons, la recourante a persisté sur le fait qu'il fallait croire à la magie de l'amour (rapport de la Dre G______ du 3 juin 2025 p. 3). La recourante était très amoureuse et sous emprise (procès-verbal de comparution personnelle du 28 mai 2025 p. 1).
Or, il s'avère que cet homme a trompé la recourante sur son identité, son activité, ses intentions et sa situation financière. Il a inventé un faux profil sur le site de rencontres pour lui soutirer de l'argent. Il lui a faussement fait croire qu'il éprouvait pour elle des sentiments amoureux et a réussi à susciter en elle un amour sincère. Elle s'est donc retrouvée dans un état de dépendance psychique. En exploitant cet état de dépendance et en comptant sur la confiance quasi aveugle qu'il avait créée chez la recourante, il l'a déterminée à lui prêter d'importantes sommes d'argent.
Il ne peut pas être reproché à la recourante un défaut d'attention, étant donné qu'elle a tenté de le rencontrer physiquement et, quoi qu'en dise l'intimé, fait des recherches sur Internet qui l'ont confortée dans son opinion selon laquelle cet homme était sérieux. Il a ainsi élaboré des stratagèmes pour la rassurer sur sa capacité de remboursement (CEO d'une société réalisant un chiffre d'affaires en milliard de dollars). Certes, le dénommé « D______ » n'apparaît pas sur Internet en rapport avec la société E______. Cette dernière a toutefois été fondée par J______, et la famille J______ se place précisément parmi les gens les plus riches du monde. L'homme concerné s'est montré inventif pour ne pas donner suite à leurs rendez-vous ainsi que sur les raisons pour lesquelles il ne pouvait pas solliciter un emprunt auprès de sa famille « J______ ». L'astuce doit ainsi être admise.
À cet égard, le Tribunal de police vaudois a du reste retenu que la recourante avait été victime d'une escroquerie de type « romance scam », en relevant que d'après le rapport de police du 19 avril 2024, le « mode opératoire élaboré de ce type d'escrocs reposait sur des techniques sophistiquées de manipulation psychologique et d'ingénierie sociale. Ils utilisent souvent un ensemble de fausses informations pour construire des personnages crédibles et convaincre leurs victimes. Ils créent notamment de faux profils sur des plateformes de rencontre en ligne, des réseaux sociaux ou des sites de chat. Ces profils sont souvent accompagnés de photos attrayantes volées sur d'autres profils en ligne et d'une histoire de vie inventée pour susciter l'intérêt des victimes potentielles » (jugement du 23 décembre 2024 p. 26). Ce rapport de police, dont la copie intégrale figure dans le dossier communiqué à la chambre de céans par le Ministère public genevois dans la procédure P/8______/2024, ajoute que « les escrocs fabriquent souvent de faux passeports – comme en l'occurrence -, cartes d'identité, permis de conduire ou autres documents officiels pour corroborer l'identité qu'ils ont inventée. Ces documents peuvent être utilisés pour donner l'impression de légitimité lorsqu'ils sont partagés avec leur victime. In fine, les auteurs recourent à des outils techniques tels que des VPN pour dissimuler leur identité en ligne, rendant ainsi leur identification particulièrement difficile ».
À titre de comparaison, dans un arrêt 6S.380/2001 du 13 novembre 2001 (publié à l'ATF 128 IV 255), le Tribunal fédéral a confirmé l'existence d'une escroquerie dans le cas d'un prévenu qui avait pris contact avec une employée en la trompant sur son identité, son activité, ses intentions et sa situation financière. Après divers téléphones, il lui avait affirmé qu'il travaillait pour une société active dans la production de films. Par la suite, il avait gagné sa confiance en l'appelant à de très nombreuses reprises et en lui faisant croire, par téléphone et par écrit, qu'il souhaitait entretenir une relation amoureuse avec elle. La victime n'avait toutefois jamais pu le rencontrer physiquement, le prévenu trouvant régulièrement des excuses, en apparence plausibles, pour éviter de lui être confronté. Elle lui avait néanmoins fait confiance, croyant à la sincérité des innombrables lettres et messages qu'il lui adressait et de ses appels téléphoniques répétés. Fort de cette confiance, elle avait commandé pour lui une grande quantité de disques pour plusieurs dizaines de milliers de francs, respectivement acheté pour son compte un appareil téléphonique portable. De même, il avait fait en sorte qu'elle souscrive pour lui, mais à ses frais, deux abonnements de téléphone auprès de Swisscom, dont il avait profité à concurrence d'environ CHF 15'000.-. Par des affirmations mensongères, il avait en outre fait croire à la victime qu'il entretenait des relations bancaires et que ses actifs lui permettaient d'assumer ses obligations.
4.2 Il n'est pas certain que l'auteur D______ soit formellement identifié et qu'un jugement pénal soit rendu. Dans ces circonstances, au vu des développements qui précédent, il convient de retenir, à titre préjudiciel (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_213/2016 du 4 novembre 2016 consid. 5.2), que le prétendu D______ a intentionnellement suscité et renforcé un sentiment amoureux chez la recourante dans le but de l'amener à lui verser des valeurs patrimoniales et de bénéficier d'un enrichissement illégitime. Il a donc commis une escroquerie. Aussi la diminution de patrimoine de la recourante, due à un acte punissable, ne peut-elle pas être qualifiée de dessaisissement de fortune (cf. consid. 3.6 supra).
Le montant que la recourante a versé en faveur du prétendu D______, à savoir CHF 61'000.- (CHF 58'500.- versés sur le compte de la tierce personne auxquels s'ajoutent les montants directement versés à lui en Bitcoins [jugement du Tribunal de police vaudois précité p. 6]), ne peut donc pas être comptabilisé dans la fortune de la recourante. Il s'ensuit que la fortune de la recourante se chiffrait à CHF 83'876.60.- au 31 décembre 2023, soit le solde de CHF 52.45 auprès de la banque B______ (1______), la part sociale auprès de la banque B______ (2______) d'une valeur de CHF 200.-, le solde de CHF 2'110.65 auprès de la banque B______ (3______), une part sociale de CHF 200.- auprès de la banque B______ (4______), un solde de CHF 180.25 auprès de la C______, un capital de CHF 68'954.05 (2e pilier) auprès des Rentes Genevoises (police n° 5______) et un capital de CHF 12'179.20 (3e pilier A) auprès des Rentes Genevoises (police n°6______), dont elle était libre de se faire verser le capital selon les relevés d'épargne au dossier. La fortune de CHF 83'876.60 étant inférieure au seuil de CHF 100'000.- pour les personnes seules, à l'instar de la recourante, cette dernière a en principe droit à des prestations complémentaires (cf. art. 9a al. 1 let. a LPC).
À toutes fins utiles, on parvient aussi à une fortune inférieure audit seuil en retranchant de la fortune existante au 31 décembre 2022 la somme de CHF 61'000.-, soit CHF 159'427.27 moins CHF 61'000.-, ce qui aboutit à une fortune de CHF 98'427.27.
L'on constate également que la consommation effective en 2023 était de CHF 75'550.67 (CHF 159'427.27 [fortune existante au 1er janvier 2023] ‑ CHF 83'876.60 [fortune existante au 31 décembre 2023]). En déduisant du montant de CHF 75'550.67 la somme aliénée de CHF 61'000.-, de même que la consommation admise de 10%, soit CHF 10'000.- (159'427.27 - 61'000 = 98'427.27, montant inférieur à CHF 100'000.- ; art. 11a al. 3 2e phrase LPC), ainsi que le déficit de revenu de CHF 22'676.- (art. 17d al. 3 let. b ch. 6 OPC-AVS/AI en lien avec l'art. 11a al. 3 3e phrase LPC), il en résulte un montant inférieur à CHF 0.-. Partant, aucun dessaisissement de fortune ne doit être pris en compte in casu.
5. En conséquence, le recours sera admis et la décision sur opposition du 19 novembre 2024 annulée. La cause sera renvoyée à l'intimé pour calcul des prestations complémentaires auxquelles la recourante pourrait prétendre et nouvelle décision.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet.
3. Annule la décision sur opposition du 19 novembre 2024.
4. Renvoie la cause à l'intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Janeth WEPF |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le