Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/638/2025 du 14.08.2025 ( AI ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/4037/2024 ATAS/638/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 14 août 2025 Chambre 3 |
En la cause
A______ représentée par ses curateurs B______ et C______ eux-mêmes représentés par Me Daniel SCHAFER, avocat | recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’assurée), née en ______2002, de nationalité suisse, est porteuse du gène de la trisomie 21. Ses parents forment un couple binational, franco-suisse. Son père exerce comme indépendant à Genève, sa mère travaille à l’Aéroport de Genève. L’assurée est née en France et y a grandi en famille, avec ses sœurs. Elle a été scolarisée en France, dans le circuit ordinaire, avec un soutien dans les branches dans lesquelles elle rencontrait des difficultés, et a obtenu l’équivalent d’un certificat d’apprentissage professionnel comme agent polyvalent de restauration en 2020, puis un baccalauréat professionnel en gestion et administration en 2022.
Le 1er septembre 2022, l’assurée a officiellement annoncé le transfert de son domicile de D______ (France) à E______ (Suisse), chez ses grands-parents. Elle a commencé à travailler à 20% dans le cabinet de physiothérapie de son père, situé à Genève, le 1er octobre 2022.
b. Le 1er septembre 2022, l'assurée a déposé une demande de rente auprès de l’office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger (OAIE), qui l’a transmise à l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) comme objet de sa compétence.
c. Le 24 septembre 2022, l’assurée a déposé une demande d’allocation pour impotence auprès de l'OAIE, qui l’a également transmise à l'OAI comme objet de sa compétence.
d. Une infirmière du service extérieur s’est rendue au domicile des grands-parents de l’assurée et a établi un rapport en date du 4 avril 2023. Il en est ressorti que l’assurée dormait trois jours par semaine chez ses grands-parents, le reste de la semaine chez ses parents. Elle suivait des cours d’informatique, d’anglais et de chant à Ferney et à D______. Elle travaillait deux demi-journées par semaine à F______(Suisse).
B. a. Par décision du 29 août 2023, l’OAI a nié à l’assurée le droit à une allocation pour impotent, au motif que son lieu de résidence habituelle se trouvait en France, au domicile de ses parents.
b. Saisie d’un recours de l’assurée, la Cour de céans l’a rejeté en date du 20 juin 2024 (ATAS/494/2024).
La Cour de céans a considéré qu’au moment où la décision litigieuse avait été rendue – soit fin août 2023 –, l’assurée ne pouvait se prévaloir d’un domicile et d’une résidence habituelle en Suisse. Le processus de déménagement n’avait été mené à son terme qu’en septembre 2023 au plus tôt, soit postérieurement à la décision litigieuse. Même si les grands-parents et les cousins de l’assurée résidaient en Suisse, le centre de sa vie familiale se trouvait encore, au moment de la décision du 29 août 2023, en France, auprès de ses parents – désignés par une ordonnance du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (TPAE) du 7 février 2024 aux fonctions de curateurs (curatelle de représentation et de gestion) – et de ses sœurs. L’assurée suivait d’ailleurs divers cours en France (informatique le lundi à Ferney, anglais mardi à D______, chant mercredi à D______). C’était donc à juste titre que l’OAI lui avait nié le droit à l’allocation pour impotence.
C. a. Le 25 septembre 2024, l'OAI a adressé à l'assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il entendait lui nier le droit à une rente d’invalidité.
L’OAI reconnaissait à l’assurée une incapacité de gain de 100% dans toute activité dès l'entrée dans l'âge adulte (début du délai d'attente), taux ouvrant en principe droit à une rente entière. Le droit à une rente ordinaire ne pouvait toutefois lui être reconnu, dès lors que l’intéressée n’en remplissait pas les conditions d’octroi au moment de la survenance de l'invalidité, en date du 1er juin 2020 (mois suivant son 18ème anniversaire). En effet, elle ne pouvait justifier à ce moment-là de trois années au moins de cotisations.
Le droit à une rente extraordinaire d'invalidité, destinée aux personnes handicapées de naissance ou aux invalides précoces, devait également être nié à l’assurée, qui ne remplissait pas les conditions relatives au domicile en Suisse au moment de son 18ème anniversaire.
b. Le 23 octobre 2024, l'assurée a contesté ce projet de décision en faisant valoir, principalement, que l'octroi d'une rente extraordinaire n’était pas subordonné à la condition du domicile en Suisse au moment du 18ème anniversaire. Elle alléguait être domiciliée en Suisse et y vivre six jours par semaine.
c. Par décision du 5 novembre 2024, l'OAI a nié à l'assurée le droit à toute rente d'invalidité, en reprenant en substance la motivation développée dans son projet de décision du 25 septembre 2024.
D. a. Le 4 décembre 2024, l'assurée a interjeté recours contre cette décision en concluant, principalement, à l'octroi d'une rente extraordinaire d'invalidité, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'OAI pour instruction et nouvelle décision, sous suite de frais et dépens.
La recourante soutient que son domicile et sa résidence habituelle se situent en Suisse depuis le 1er septembre 2022, qu'elle est invalide depuis sa naissance et qu'elle remplit les conditions légales pour l'octroi d'une rente extraordinaire d'invalidité.
Elle se plaint en outre d’une violation du droit d'être entendu, l’intimé n’ayant pas discuté dans sa décision finale les arguments qu’elle a fait valoir suite à la communication du projet de décision du 25 septembre 2024.
b. Le 16 décembre 2024, la recourante a adressé à la Cour de céans l’extrait du rassemblement de ses comptes individuels (CI) AVS/AI établi par la caisse interprofessionnelle AVS de la FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES (ci‑après : FER‑CIAM).
c. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 7 janvier 2025, a conclu au rejet du recours.
En substance, il rappelle que, dans son arrêt du 20 juin 2024, la Cour de céans a confirmé qu'en août 2023, la recourante n'était pas domiciliée en Suisse. Il en tire la conclusion qu’elle ne l’était pas non plus au moment de la survenance de l'invalidité, soit le 1er juin 2020.
Quant à la violation du droit d'être entendu invoquée, l’intimé argue que la recourante a pu discerner les motifs ayant guidé la décision litigieuse.
d. Par écriture du 30 janvier 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions, en faisant valoir que l’exigence d’un domicile en Suisse au moment de la survenance du cas d'assurance ne ressort pas de la loi.
e. Par écriture du 20 février 2025, l'intimé a persisté dans ses conclusions, en rappelant que les conditions d'assurance doivent être remplies au moment de la survenance de l'invalidité.
f. Par écriture du 10 mars 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions.
g. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.
1.3 La procédure devant la Cour de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).
1.4 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Respectant la forme et le délai prévus par la loi, le recours a été interjeté en temps utile.
1.5 Compte tenu de la curatelle dont la recourante fait l'objet, la Cour de céans rappelle ce qui suit.
1.5.1 La capacité d’être partie et la capacité d’ester en justice du recourant sont des conditions de recevabilité du recours, que le tribunal examine d’office. Pour le recourant majeur, privé de la capacité d’ester en justice par une mesure de curatelle, le consentement de l’autorité de protection de l’adulte est également nécessaire. Si une partie qui n’a pas l’exercice des droits civils interjette seule un recours, le juge impartira à son représentant un délai pour le ratifier, et si nécessaire, pour produire une décision d’approbation de l’autorité de protection de l’adulte (Jean METRAL in Commentaire romand LPGA, nn. 1 et 6 ad art. 59 LPGA).
L’art. 394 du Code civil suisse (CC - RS 210) prévoit qu’une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d’aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée (al. 1). L’autorité de protection de l’adulte peut limiter en conséquence l’exercice des droits civils de la personne concernée (al. 2). Même si la personne concernée continue d’exercer tous ses droits civils, elle est liée par les actes du curateur (al. 3).
Une curatelle de représentation n’entraîne ainsi pas une restriction de jure de la capacité civile de la personne concernée. Cette dernière continue donc à pouvoir effectuer seule tout acte juridique pour peu qu’elle soit capable de discernement. En dépit de cette curatelle, la personne capable de discernement conserve le pouvoir de prendre des engagements et de disposer de ses biens. Dans le champ de compétences du curateur, elle dispose de pouvoirs qui sont parallèles à ceux du curateur (Audrey LEUBA in Commentaire romand, Code civil I, 2023, nn. 18 et 19 ad art. 394 CC).
La compétence du curateur découle de la loi, plus précisément de la décision de l’autorité reposant sur les dispositions de la loi. Le curateur n’a donc pas besoin d’une procuration supplémentaire de la personne pour pouvoir la représenter ou avoir accès aux informations nécessaires à l’exécution de ses tâches (Audrey LEUBA, Commentaire romand Code civil I, 2023, n. 15 ad art. 394 CC). Le curateur institué devient le représentant légal de la personne concernée dans le cadre des tâches qui lui sont confiées ; il l'engage valablement par ses actes ou omissions. L'institution d'une curatelle de représentation n'entraîne pas automatiquement une limitation de l'exercice des droits civils de la personne concernée, à moins que l'autorité de protection de l'adulte n'en décide autrement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_32/2024 du 4 novembre 2024 consid. 7.3). Les procurations (art. 32 ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 [CO - RS 220]) ou mandats (art. 394 ss CO) que la personne concernée a précédemment conférés à des tiers ne s’éteignent pas automatiquement lors de l’institution d’une curatelle de représentation qui ne comprend pas de limitation de l’exercice des droits civils. L’autorité ou le curateur peuvent en revanche les révoquer (LEUBA, op cit., n. 21 ad art. 394 CC).
1.5.2 En l'espèce, la recourante est au bénéfice d'une curatelle de représentation et de gestion instituée par ordonnance du TPAE du 7 février 2024. À teneur de cette ordonnance, le tribunal a confié aux curateurs, soit ses parents, la tâche de la représenter dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques.
La procuration produite à l'appui du recours ayant été signée par la recourante et les curateurs, la Cour de céans constate que cette dernière est valablement représentée dans le cadre de la présente procédure.
Le recours est donc recevable.
2. La recourante fait grief à l'intimé d'avoir violé son droit d'être entendue au motif que la décision litigieuse est identique au projet de décision du 25 septembre 2024 et ne contient aucune discussion des arguments qu’elle a fait valoir le 23 octobre 2024.
Ce grief, de nature formelle, doit être examiné en premier lieu (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa ; 124 V 90 consid. 2 notamment).
2.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, consacré à l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision ; elle n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les arguments invoqués par les parties. Il n'y a violation du droit d'être entendu que si l'autorité ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner les problèmes pertinents (ATF 129 I 232 consid. 3.2 ; 126 I 97 consid. 2b). La motivation d'une décision est suffisante lorsque l'intéressé est mis en mesure d'en apprécier la portée et de la déférer à une instance supérieure en pleine connaissance de cause (ATF 122 IV 14 consid. 2c). La jurisprudence a également déduit du droit d'être entendu, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; 135 II 286 consid. 5.1 ; 132 V 368 consid. 3.1).
Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa). Par exception au principe de la nature formelle de ce droit, la jurisprudence admet qu'une violation de ce dernier est considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 133 I 201 consid. 2.2 ; 127 V 431 consid. 3d/aa ; 126 V 130 consid. 2b). La réparation d'un vice éventuel doit cependant demeurer l'exception (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa ; 126 V 130 consid. 2b) ; même en cas de violation grave du droit d'être entendu, un renvoi de la cause pour des motifs d'ordre formel à l'instance précédente peut être exclu, par économie de procédure, lorsque cela retarderait inutilement un jugement définitif sur le litige, ce qui n'est dans l'intérêt ni de l'intimé, ni de l'administré dont le droit d'être entendu a été lésé (ATF 132 V 387 consid. 5.1). Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/304/2013 du 14 mai 2013 consid. 4. c).
2.2 En l'espèce, à teneur de la décision litigieuse, l'intimé a indiqué, sous le titre « résultat de nos constatations après audition », avoir pris connaissance des arguments soulevés par l’assurée dans sa détermination du 23 octobre 2024 et estimé que ceux-ci n'étaient pas susceptibles de modifier son appréciation du cas, au motif que « la notion du domicile en Suisse au moment de l'ouverture du possible droit à une rente extraordinaire n'est pas remplie ». Pour le reste, cette décision contient la motivation déjà développée dans le projet du 25 septembre 2024.
La Cour de céans constate que la motivation de la décision litigieuse est en effet succincte et n'écarte pas de manière motivée les arguments invoqués par l’assurée le 23 octobre 2024. Cette motivation apparaît toutefois suffisante pour comprendre les motifs du refus d'octroi d'une rente ordinaire et extraordinaire, étant rappelé que l’office n'avait pas l'obligation de discuter tous les arguments invoqués par la recourante.
En tout état de cause, et conformément à la jurisprudence fédérale, une éventuelle violation du droit d'être entendu a pu être réparée dans le cadre de la présente procédure, dès lors que la Cour de céans dispose d'un plein pouvoir d'examen.
3. À titre liminaire, il convient de circonscrire l'objet du litige.
3.1 L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui – dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision – constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaquée. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 125 V 414 consid. 1b et 2 et les références citées).
Les questions qui – bien qu'elles soient visées par la décision administrative et fassent ainsi partie de l’objet de la contestation – ne sont plus litigieuses, d'après les conclusions du recours, et qui ne sont donc pas comprises dans l’objet du litige, ne sont examinées par le juge que s'il existe un rapport de connexité étroit entre les points non contestés et l’objet du litige (ATF 125 V 413 consid. 1b et les références).
3.2 En l'espèce, il est rappelé que, dans sa décision du 5 novembre 2024, l'intimé a nié à l’assurée le droit tant à une rente ordinaire qu’à une rente extraordinaire.
La recourante conclut uniquement à l’octroi d'une rente extraordinaire d'invalidité et la motivation de son recours porte exclusivement sur les conditions de l'octroi d'une telle rente, ce qui permet de retenir qu’elle ne conteste pas le refus d'octroi d'une rente ordinaire.
Par conséquent, le litige se limite à la question de savoir si les conditions d’octroi d’une rente extraordinaire d’invalidité sont remplies.
4.
4.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
4.2 En l'occurrence, l’éventuel droit à une rente d'invalidité naîtrait au plus tôt le 1er mars 2023, soit six mois après le dépôt de la demande du 1er septembre 2022 (cf. art. 29 al. 1 et 3 LAI), de sorte que les dispositions légales pertinentes seront citées dans leur nouvelle teneur.
5.
5.1 Le droit aux prestations de l’assurance-invalidité se fonde sur la notion d’invalidité figurant à l’art. 8 al. 1 LPGA (auquel renvoie l’art. 4 al. 1 LAI), soit une incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident, soit une diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 al. 1 LPGA).
5.2 La date de survenance de l’invalidité est déterminante pour fixer la naissance du droit aux prestations et pour juger, notamment, si les conditions de la durée minimale de cotisation ouvrant droit à la rente sont réalisées. Les conditions d’assurance doivent être remplies au moment de la survenance de l’invalidité (ATF 126 V 5 consid. 2c, 114 V 13 consid. 2b et 111 V 110 consid. 3d). Aux termes de l’art. 4 al. 2 LAI, l’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération.
Le moment de la survenance de l’invalidité ne dépend ni de la date à laquelle la demande est présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation est requise ; il ne coïncide pas nécessairement avec le moment où l’assuré apprend pour la première fois que son atteinte à la santé peut lui ouvrir droit à des prestations. Il n’est pas forcément le même pour chaque catégorie de prestations (Michel VALTERIO, Commentaire, Loi fédérale sur l'assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 36 ad art. 4).
5.3 Selon l’art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l’assuré.
À teneur du chiffre 3029 des directives concernant les rentes de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale, éditées par l'OFAS (ci-après : DR), dans leur version en vigueur au 1er janvier 2025, si une personne dont la rente ne peut être versée que si elle est domiciliée et a sa résidence habituelle en Suisse (cf. ch. 2107 ss de la Circulaire sur l’invalidité et les rentes dans l’assurance-invalidité [CIRAI]) transfère son domicile de l'étranger en Suisse, le droit à la rente naît au plus tôt six mois après la demande de prestations (art. 29 al. 1 LAI ; cf. ch. 2111 CIRAI). L'art. 29bis RAI peut être appliqué par analogie.
En vertu de l’art. 28 LAI, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (al. 1 let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (al. 1 let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (al. 1 let. c).
L’art. 28b LAI, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, dispose que la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2). Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). L’al. 4 détaille les taux de rente correspondant aux degrés d’invalidité entre 40% et 50%.
5.4 Selon l'art. 36 al. 1 LAI, a droit à une rente ordinaire l’assuré qui, lors de la survenance de l’invalidité, compte trois années au moins de cotisations. Cette condition de durée minimale de cotisations de trois années est réalisée lorsque la personne a été assurée obligatoirement ou facultativement pendant plus de deux années et onze mois au total et que, pendant cette période, elle a versé la cotisation minimale, était mariée avec un conjoint ayant versé au moins le double de la cotisation minimale ou avait droit à la prise en compte de bonifications pour tâches éducatives ou d’assistance (art. 29 al. 1 LAVS et 50 RAVS).
La durée minimale de cotisation de trois ans a pour but d’éviter que des personnes s’annoncent par précaution après seulement un an de séjour en Suisse. Cette durée de cotisation ne prive pas de tout droit aux prestations les personnes dont la durée de cotisation est inférieure à trois ans. En effet, lorsque cette durée minimale de cotisation n’est pas réalisée, une rente extraordinaire peut, le cas échéant, entrer en considération (art. 39 LAI ; cf. ATAS/1276/2021 du 14 décembre 2021 consid. 4.3).
5.5 Selon l’art. 39 al. 1 LAI (que réserve d’ailleurs l’art. 6 al. 1 phr. 2 LAI), le droit aux rentes extraordinaires de l’assurance-invalidité est déterminé conformément aux dispositions de la LAVS. Ainsi, à teneur de l’art. 42 al. 1 LAVS, il est ouvert aux ressortissants suisses ayant leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse (art. 13 LPGA) qui comptent le même nombre d’années d’assurance que les personnes de leur classe d’âge, mais n’ont pas droit à une rente ordinaire parce qu’ils n’ont pas été soumis à l’obligation de verser des cotisations pendant une année entière au moins. Donc, en plus de n’avoir pas cotisé pendant les trois années requises pour une rente de l'assurance-invalidité, il faut que l’intéressé présente, au moment de la survenance du cas d’assurance (donc in casu de l’invalidité), une durée d’assurance complète (cf. ATAS/1276/2021 du 14 décembre 2021 consid. 4.4).
La rente extraordinaire est octroyée lorsque la condition de durée minimale de cotisations exigible pour l’octroi d’une rente ordinaire n’est pas remplie, mais que le bénéficiaire de la prestation a néanmoins été assuré pendant le même nombre de mois que sa classe d’âge (ch. 7001 DR).
La condition de la durée d'assurance complète est réalisée lorsqu'une personne a été assurée obligatoirement ou facultativement sans interruption depuis le 1er janvier qui suit l'accomplissement de sa 20ème année jusqu'à la survenance de l'événement assuré ; il n'est par contre pas nécessaire que la personne ait séjourné en Suisse depuis sa naissance (ch. 7003 DR).
Sont mises au bénéfice de la rente extraordinaire d’invalidité les personnes invalides de naissance ou dès leur enfance qui sont domiciliées en Suisse (art. 39 al. 1 LAI). Il s’agit des personnes invalides depuis leur naissance ou qui sont devenues invalides selon un taux justifiant l’octroi d’une rente avant le 1er décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle elles ont atteint 22 ans révolus, mais qui n’ont pas acquis le droit à une rente ordinaire (ch. 7006 DR).
L'exigence selon laquelle les personnes concernées doivent avoir « le même nombre d'années d'assurance que les personnes de leur classe d'âge » ne vise pas toutes les années d'assurance dès la naissance, mais seulement celles pour lesquelles la loi prévoit une obligation générale de cotiser, telles qu'elles sont en principe déterminantes pour le calcul d'une rente ordinaire. Il s'agit donc des années d'assurance accomplies dès le 1er janvier qui suit la date où la personne a eu 20 ans révolus (cf. art. 2 LAI en corrélation avec l'art. 3 LAVS ainsi que art. 36 al. 2 LAI en corrélation avec les art. 29 al. 2, 29bis et 29ter LAVS). Cela ressort des travaux préparatoires, notamment des procès-verbaux de la Commission du Conseil national pour la sécurité sociale. En effet, le représentant de l'OFAS expliqua, lors d'une séance de cette commission, relative à la 10e révision de l'AVS, que la nouvelle exigence d'une durée d'assurance complète, telle que prévue – dans le projet du Conseil fédéral – aux art. 39 LAI en corrélation avec l'art. 42 al. 1 LAVS, ne signifiait pas que la personne assurée doive avoir séjourné en Suisse dès sa naissance ; il suffisait qu'elle fût assurée dès sa 20ème année. Sur le vu de ces explications, un membre de ladite commission parlementaire retira sa proposition tendant au maintien de l'ancienne réglementation sur ce point. La solution proposée par le Conseil fédéral, en ce qui concerne l'art. 39 al. 1 LAI et l'art. 42 al. 1 LAVS, fut ainsi adoptée par le législateur (cf. Message du Conseil fédéral du 5 mars 1990 concernant la dixième révision de l'assurance-vieillesse et survivants, FF 1990 II 1 [ci-après: Message 1990], p. 166 et 176 ; RO 1996 2466, 2480 et 2495 ; ATF 131 V 390 consid. 2.3 et 2.4 ; ATAS/1276/2021, op. cit., consid. 4.4).
5.6 Selon la jurisprudence, les conditions d'assurance, dont font notamment partie l'exigence de la constitution d'un domicile en Suisse, la nationalité ou le nombre d'années d'assurance minimal requis et desquelles dépend la naissance du droit aux prestations, doivent en principe être remplies au moment de la survenance de l'invalidité (ATF 111 V 110 consid. 3d ; 108 V 61 consid. 4b). Le Tribunal fédéral a toutefois eu l'occasion de rappeler que ce principe n'était pas absolu, l'absence au moment de la survenance du cas d'assurance d'une condition permettant l'ouverture du droit aux prestations ne pouvant pas empêcher, de manière générale et pour une durée illimitée, tout réexamen du cas (arrêt 9C_1042/2008 du 23 juillet 2009 consid. 3.3 et les références). À cet égard, la jurisprudence a notamment précisé que si un ressortissant étranger acquérait à un moment déterminé la nationalité suisse, l'examen de son droit à des prestations des assurances sociales suisses devait se faire, à compter de ce moment précis, selon les règles applicables aux ressortissants suisses (arrêt I 142/04 du 19 septembre 2006 consid. 6.3, in SVR2007 IV n. 20 p. 70). Il découle de ce qui précède que si, au moment de la survenance de l'invalidité, l'assuré ne remplit pas l'une des conditions indispensables à l'octroi de la prestation sollicitée, le droit aux prestations pourra être réexaminé plus tard s'il remplit par la suite la condition qui faisait alors défaut, pour autant que cette condition puisse encore être réalisée ; tel est notamment le cas de l'exigence liée au domicile (arrêt du Tribunal fédéral 9C_446/2013 du 21 mars 2014 consid. 6.2).
6.
6.1 Selon l’art. 13 al. 1 LPGA, le domicile d’une personne est déterminé par les art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC ; RS 210). Selon l’art. 13 al. 2 LPGA, une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée.
Le domicile de toute personne est le lieu où elle réside avec l’intention de s’établir (art. 23 al. 1, 1ère phrase CC). C’est le domicile volontaire, librement choisi par la personne indépendante, par opposition, d’une part, aux domiciles légaux que la loi fixe pour certaines personnes, indépendamment du lieu où elles se trouvent effectivement (cf. art. 25 et 26 CC) et, d’autre part, aux domiciles fictifs (ou subsidiaires) des personnes qui n’ont pas (ou plus) de domicile volontaire ou légal (art. 24 CC ; Henri DESCHENAUX/ Paul-Henri STEINAUER, Personnes physiques et tutelles, 4ème éd. 2001, p. 112 ss).
Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles (art. 23 al. 2 CC).
6.2 Le domicile volontaire au sens de l’art. 23 al. 1 CC suppose qu’une personne réside en un certain lieu, c’est-à-dire qu’elle y séjourne une certaine durée et y crée des rapports assez étroits (ATF 87 II 7 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_914/2008 du 31 août 2009) ce, dans l’intention de s’y établir. Cette intention n’est pas interne, subjective ou cachée, mais doit ressortir de circonstances extérieures et objectives reconnaissables pour les tiers (ATF 138 V 23 consid. 3.1.1 ; 136 II 405 consid. 4.3 ; 133 V 309 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_713/2014 du 4 mai 2015). En font notamment partie : le lieu où une personne est déclarée (ATF 125 III 100), où elle exerce son droit de vote et paie ses impôts (ATF 81 II 327), où elle paie ses assurances sociales (ATF 120 III 8). Il en va de même de documents administratifs ou encore d'indications figurant dans des décisions judiciaires ou des publications officielles (ATF 96 II 161). La présomption que ces indices créent peut être renversée par des preuves contraires (SJ 1995, p. 52 consid. 2c). L’opération peut parfois se révéler délicate pour les personnes partageant leur existence entre plusieurs endroits. Toutefois, il découle du principe de l’unité du domicile (art. 23 al. 2 CC) que s’il y a divergence entre le centre des relations personnelles et le centre des relations économiques ou professionnelles, c’est celui avec lequel l’intéressé a les relations les plus étroites qui l’emporte (Henri DESCHENAUX/ Paul-Henri STEINAUER, op. cit., p. 116, n. 377a). Il s’agira le plus souvent du centre des relations personnelles (ATF 111 Ia 41).
7.
7.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
7.2 Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). Les faits survenus postérieurement doivent cependant être pris en considération dans la mesure où ils sont étroitement liés à l’objet du litige et de nature à influencer l’appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue (ATF 99 V 102 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral I.321/04 du 18 juillet 2005 consid. 5).
8.
8.1 En l'espèce, concernant la question du droit à une rente ordinaire d'invalidité, exorbitante au présent litige (cf. ci-dessus), la Cour de céans se limitera à confirmer que la recourante, née le 31 mai 2002, qui n’a commencé à cotiser qu’en octobre 2022 (cf. extrait du rassemblement de ses CI AVS/AI), ne satisfait pas à la condition d'avoir versé des cotisations à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité suisse durant trois années au moins lors de la survenance de l'invalidité, le 1er juin 2020. Aucune période de cotisations accomplie dans un pays tiers, en particulier en France, ne saurait au demeurant être prise en considération, la recourante ne l'ayant ni allégué, ni démontré. C'est donc à bon droit que le droit à une rente ordinaire lui a été refusé par l'intimé.
8.2 L’intimé soutient que, de la même manière, les conditions d'octroi d'une rente extraordinaire d'invalidité ne sont pas remplies, puisque l’assurée ne remplissait pas les conditions du domicile en Suisse au moment de son 18ème anniversaire.
8.2.1 En l'occurrence, l’intimé, se ralliant à un avis émis par le Service médical régional (SMR) en date du 31 janvier 2024, a reconnu, dans sa décision du 5 novembre 2024, la totale incapacité de travail de l’assurée dès le 1er juin 2020, date de la survenance de l’invalidité et lendemain des 18 ans de l’intéressée. Les parties ne contestent ni le degré d’incapacité de travail, ni le moment de sa survenance.
8.2.2 Dans son recours, la recourante allègue avoir grandi en France et avoir ensuite déménagé en Suisse, chez ses grands-parents à E______, en septembre 2022.
Dans l'ATAS/494/2024 du 20 juin 2024 – désormais entré en force –, la Cour de céans a retenu que l’assurée ne pouvait, au vu des circonstances extérieures objectivement reconnaissables pour les tiers, justifier ni d’un domicile, ni d’une résidence habituelle en Suisse, fin août 2023 (cf. consid. 5.3).
Il en découle que l’existence antérieure d’un domicile en Suisse doit également être niée, tant le 31 mai 2020, date du 18ème anniversaire de la recourante, que le lendemain, jour de la survenance du cas d'assurance (invalidité).
8.2.3 La jurisprudence fédérale prévoit toutefois que, si au moment de la survenance de l'invalidité, un assuré ne remplit pas l'une des conditions indispensables à l'octroi de la prestation sollicitée, son droit aux prestations pourra être réexaminé plus tard s'il remplit par la suite la condition qui faisait alors défaut, pour autant que cette condition puisse encore être réalisée, par exemple s’agissant de l'exigence liée au domicile (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_446/2013 du 21 mars 2014 consid. 6.2).
Dès lors, en application de cette jurisprudence, l'absence de domicile et de résidence habituelle en Suisse de la recourante au moment de son 18ème anniversaire ne permet pas de lui nier d’emblée le droit à une rente extraordinaire, de manière générale et pour une durée illimitée. Il lui est loisible de chercher à démontrer qu’elle s’est constitué un domicile en Suisse postérieurement au mois d'août 2023 – date de la décision lui niant le droit à une allocation pour impotence – mais antérieurement au 4 novembre 2024 – date de la décision faisant l’objet du litige soumis à la Cour de céans.
Dès lors, l’intimé ne pouvait se contenter de nier à l’assurée le droit à une rente extraordinaire sans procéder à un nouvel examen de la condition du domicile et de la résidence habituelle en Suisse de l'intéressée.
8.2.4 À titre liminaire, la Cour de céans relèvera qu'en application de la jurisprudence fédérale, l'ordonnance du TPAE du 7 février 2024, instituant, en faveur de la recourante, une curatelle de représentation et de gestion (art. 394 CC) – et non pas de portée générale (art. 398 CC) – ne permet pas de fonder un domicile au siège de l'autorité de protection de l'adulte, en l'occurrence à Genève, dès lors qu'elle n'a aucun effet sur le domicile civil (Antoine EIGENMANN, in Commentaire romand Code civil I, 2023, n. 7 ad art. 26 CC).
8.2.5 La Cour de céans examinera ci-après les autres éléments de preuve versés au dossier dans le cadre de la procédure.
La recourante produit un contrat de bail à loyer signé le 24 juillet 2024, à teneur duquel l'intéressée habite un logement de trois pièces à H______ depuis le 1er septembre 2024 (cf. pièce n°9 – recourante). Elle explique en outre que les membres de sa famille la rejoignent la nuit pour la rassurer (son père, les dimanches et mardis soirs, sa mère, les lundis et les mercredis soirs, et l’une de ses sœurs, les jeudis soirs) et qu'elle entretient des relations étroites avec ses parents – qui travaillent à Genève – et ses grands-parents – établis à E______.
Sur le plan professionnel, il ressort du contrat de travail du 30 septembre 2022 et de son avenant du 15 août 2024 (daté du 26 août 2024) (cf. pièce n°5 – recourante ; pièce n°124 – intimé) que la recourante a commencé à travailler au sein du cabinet de physiothérapie de son père, en qualité de secrétaire, à 20% le 1er octobre 2022 et qu'elle a ensuite augmenté son temps de travail au taux de 40% dès le 1er septembre 2024 (ce qui correspond à 16 heures par semaine [lundi de 16h00 à 18h00, mardi de 16h00 à 18h00, jeudi de 10h00 à 14h00 et vendredi de 12h00 à 15h00]). Selon l'extrait du rassemblement des CI AVS/AI établi par la FER CIAM et les fiches de salaire émanant de son employeur, la recourante réalise un revenu soumis à cotisations depuis octobre 2022 (cf. pièce n°124 – intimé ; pièce n°6 – recourante).
Enfin, s'agissant des activités extraprofessionnelles de la recourante, il ressort des pièces du dossier qu'elle a suivi un cours de théâtre à H______ les lundis, de 20h15 à 21h45, du 16 septembre 2024 au 2 juin 2025 (cf. pièce n°10 – recourante) et un cours d’espagnol, à H______ également, les mardis, de 18h45 à 20h00, du 24 septembre 2024 au 3 juin 2025 (cf. pièce n°11 – recourante).
L’ensemble de ces éléments permet de constater que la recourante a créé des rapports étroits (logement, travail et loisirs) avec la Suisse, en particulier avec le canton de Genève, à tout le moins depuis septembre 2024, date à laquelle elle a déménagé dans un appartement indépendant sis à H______, où elle réside la majeure partie de la semaine (à tout le moins du dimanche au vendredi). Elle déploie une activité professionnelle quatre jours par semaine à F______ et participe à deux cours dispensés deux soirs par semaine à H______. À la différence de la situation qui prévalait fin août 2023, soit au moment de l'examen de la condition du domicile par la Cour de céans dans l'ATAS/494/2024, les parents de l'intéressée, ainsi que l’une de ses sœurs, la rejoignent cinq nuits par semaine dans son appartement de H______. Étant rappelé que les grands-parents de la recourante habitent à E______, à proximité directe de H______, il convient d’admettre que le centre des relations personnelles et de la vie familiale de la recourante s’est déplacé à Genève, à tout le moins dès septembre 2024, à savoir dès le moment où elle a véritablement pris son indépendance et a occupé un logement individuel à Genève cinq jours et cinq nuits sur sept à tout le moins, tout en y travaillant et en y ayant des activités de loisirs. S’y ajoute le fait que la recourante consulte son médecin et sa psychologue à Genève (le Dr G______ à H______, Madame I______ à J______ ; cf. pièces n°7 et 8 – recourante). Il ressort de l’ensemble de la situation décrite ci-dessus que l’intention de la recourante de résider en Suisse est désormais reconnaissable pour les tiers.
En définitive, l'intensité des liens avec la Suisse l'emporte, au degré de la vraisemblance prépondérante, sur les liens existant encore avec la France, et ce, dès septembre 2024 (cf. ATF 125 III 100 consid. 3).
Au regard des circonstances du cas d'espèce, l’existence d’un domicile civil et d’une résidence habituelle en Suisse depuis le 1er septembre 2024 est admise, au sens de l'art. 42 al. 1 LAVS, applicable par renvoi de l'art. 39 al. 1 LAI.
8.2.6 Or, les citoyens suisses peuvent prétendre des rentes extraordinaires de survivants ou d’invalidité indépendamment d’une durée déterminée de séjour en Suisse (ch. 7027 DR).
Il convient donc d'examiner si la recourante remplit la seconde condition énoncée par l'art. 42 al. 1 LAVS, à savoir si elle compte le même nombre d'années d'assurance que les personnes de sa classe d'âge.
En l'occurrence, la recourante, née le 31 mai 2002, a atteint l'âge de 20 ans révolus le 31 mai 2022, de sorte que, pour justifier d'une période d'assurance identique à celle des personnes de sa classe d'âge, elle devait commencer à cotiser le 1er janvier 2023 au plus tard. Or, il ressort de l'extrait du rassemblement de ses CI AVS/AI que tel est le cas, puisque la recourante a commencé à cotiser en octobre 2022 (cf. pièce n°6 – recourante).
Cette seconde condition est donc remplie.
8.3 Il découle de ce qui précède que les conditions d’octroi d’une rente extraordinaire d'invalidité sont remplies depuis le 1er septembre 2024.
Dans ces circonstances, le recours doit être admis et la cause renvoyée à l'intimé pour calcul de la rente extraordinaire d'invalidité due à la recourante.
Il est à ce propos précisé que, conformément à l'art. 40 al. 3 LAI, la rente extraordinaire octroyée à la recourante, devenue invalide le 1er juin 2020, soit avant le 1er décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle elle a atteint l'âge de vingt ans révolus (in casu avant le 1er décembre 2023), devra s'élever à 1331/3% du montant minimum de la rente ordinaire complète qui lui correspond.
9. La recourante étant une ressortissante suisse, travaillant en Suisse depuis le 1er octobre 2022, mais domiciliée en France jusqu'à fin août 2024, le litige présente un aspect transfrontalier.
Il convient dès lors encore d'examiner si la recourante peut déduire un droit à la prestation litigieuse des dispositions du droit communautaire pour la période d'octobre 2022 à août 2024.
9.1 Conformément à l'Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, conclu le 21 juin 1999 (ci-après : ALCP ; RS 0.142.112.681), une coordination des systèmes de sécurité sociale a été mise en place entre la Suisse et les États membres de l'UE.
L'annexe II de l'ALCP règle cette coordination des systèmes de sécurité sociale (art. 8 ALCP). Dans ce contexte, l'ALCP fait référence, depuis le 1er avril 2012, au règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci-après : règlement n° 883/2004, RS 0.831.109.268.1), ainsi qu'au règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 (ci-après : règlement n°987/2009, RS 0.831.109.268.11 ; art. 1 al. 1 de l'annexe II en relation avec la section A de l'annexe II). À compter du 1er janvier 2015, sont également applicables dans les relations entre la Suisse et les États membres de l’Union européenne (UE) les modifications apportées notamment au règlement n°883/2004 par les règlements (UE) n° 1244/2010 (RO 2015 343), n° 465/2012 (RO 2015 345) et n° 1224/2012 (RO 2015 353).
9.1.1 L'art. 7 du règlement (CE) n° 883/2004 prévoit, sous le titre "Levée des clauses de résidence", que les prestations en espèces dues en vertu de la législation d'un ou de plusieurs États membres ou dudit règlement ne peuvent faire l'objet, à moins que ledit règlement n'en dispose autrement, d'aucune réduction, modification, suspension, suppression ou confiscation du fait que le bénéficiaire ou les membres de sa famille résident dans un État membre autre que celui où se trouve l'institution débitrice. Cette disposition correspond en substance à l'art. 10 par. 1 du règlement n° 1408/71 applicable jusqu'au 31 mars 2012 dans les relations entre la Suisse et les États membres de l'UE. Selon l'interprétation qu'a donnée la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, anciennement Cour de justice des Communautés européennes [CJCE]) de l'art. 10 par. 1 du règlement n° 1408/71, le principe de la levée des clauses de résidence implique non seulement que la personne intéressée conserve le droit de bénéficier des pensions, rentes et allocations acquises en vertu de la législation de l'un ou de plusieurs États membres même après avoir fixé sa résidence dans un autre État membre, mais également qu'on ne puisse lui refuser l'acquisition d'un tel droit pour la seule raison qu'elle ne réside pas sur le territoire de l'État où se trouve l'institution débitrice. En vertu de ce principe, les prestations en espèces doivent par conséquent être exportées dans l'État (membre de l'UE) où réside le bénéficiaire ou les membres de sa famille (ATF 141 V 530 consid. 7.1.2 ; 130 V 145 consid. 4.1 et références ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-492/2022 du 29 août 2024 consid. 6.4.1, C-6010/2015 du 24 novembre 2017 consid. 6.1 et
C-2229/2015 du 6 janvier 2016 consid. 6.1.1)
Toutefois, selon l'art. 70 par. 1 et 3 du règlement (CE) n° 883/2004, l'art. 7 du règlement (CE) n° 883/2004 et les autres chapitres du titre III du règlement (CE) n° 883/2004 ne s'appliquent pas aux « prestations spéciales en espèces à caractère non contributif » relevant d'une législation qui, de par son champ d'application personnel, ses objectifs et/ou ses conditions d'éligibilité, possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale visée à l'art. 3 par. 1 du règlement (CE) n° 883/2004 et d'une assistance sociale. En vertu de l'art. 70 par. 4 du règlement (CE) n° 883/2004, ces prestations sont octroyées exclusivement dans l'État membre dans lequel la personne intéressée réside et conformément à sa législation ; ces prestations sont servies par l'institution du lieu de résidence et à sa charge.
Aux termes de l'art. 70 par. 2 du règlement (CE) n° 883/2004, on entend par « prestations spéciales en espèces à caractère non contributif » les prestations :
a) qui sont destinées :
i) soit à couvrir à titre complémentaire, subsidiaire ou de remplacement, les risques correspondant aux branches de sécurité sociale visées à l'art. 3, par. 1, et à garantir aux intéressés un revenu minimal de subsistance eu égard à l'environnement économique et social dans l'État membre concerné,
ii) soit uniquement à assurer la protection spécifique des personnes handicapées, étroitement liées à l'environnement social de ces personnes dans l'État membre concerné ; et
b) qui sont financées exclusivement par des contributions fiscales obligatoires destinées à couvrir des dépenses publiques générales et dont les conditions d'attribution et les modalités de calcul ne sont pas fonction d'une quelconque contribution pour ce qui concerne leurs bénéficiaires. Les prestations versées à titre de complément d'une prestation contributive ne sont toutefois pas considérées, pour ce seul motif, comme des prestations contributives ; et
c) qui sont énumérées à l'annexe X.
9.1.2 Conformément à la let. d de l'inscription de la Suisse à l'annexe X du règlement (CE) n° 883/2004, constituent des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif « les rentes extraordinaires non contributives en faveur d'invalides (art. 39 LAI) qui n'ont pas été soumis, avant leur incapacité de travail, à la législation suisse sur la base d'une activité salariée ou non salariée ».
9.1.3 Dans l'ATF 141 V 530, le Tribunal fédéral a retenu que la rente extraordinaire de l'assurance-invalidité suisse, octroyée en faveur d’invalides qui n’ont pas été soumis, avant leur incapacité de travail, à la législation suisse sur la base d’une activité salariée, est une prestation spéciale en espèces à caractère non contributif au sens de l'art. 70 par. 2 let. a point i du règlement (CE) n° 883/2004. Elle n'est pas soumise au principe de l’exportation des prestations prévu par l'art. 7 du règlement n° 883/2004 (cf. ATF 141 V 530 consid. 7.4).
La Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH), dans l'affaire Belli/Arquier-Martinez c. Suisse (cf. ACEDH Belli/Arquier-Martinez c. Suisse du 11 mars 2019, req. n° 65550/13, § 111-113 et 124) a remarqué que le fait que la Suisse fasse dépendre le versement d'une rente extraordinaire du domicile et de la résidence habituelle sur le territoire national (élément territorial des conditions d'assurance) ne constitue pas une violation des art. 8 et 14 de la CEDH puisqu'il s’agit là d'une prestation non contributive (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_833/2018 du 15 février 2019 consid. 2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-492/2022 du 29 août 2024 consid. 6.4.5 et les références).
9.2 En l'espèce, il est admis que la recourante a commencé à travailler et à verser des cotisations salariales en Suisse dès octobre 2022, soit postérieurement à la survenance du cas d'assurance, le 1er juin 2020. L'intéressée n'était donc pas soumise à la législation suisse sur la base d'une activité salariée avant son incapacité de travail. La rente extraordinaire d'invalidité litigieuse constitue donc une prestation spéciale à caractère non contributif au sens de l'art. 70 par. 2 let. a point i du règlement (CE) n°883/2004 dont l'intéressée ne pouvait pas bénéficier lorsqu'elle était domiciliée en France, pendant la période d'octobre 2022 à août 2024.
10. Au vu de ce qui précède, le recours est admis et la cause renvoyée à l’intimé pour calcul des prestations dues. La décision du 5 novembre 2024 est réformée en ce sens que le droit à une rente extraordinaire d'invalidité est reconnu à compter de septembre 2024.
La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'000.- lui est accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 500.- (art. 69 al. 1bis LAI).
***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet.
3. Réforme la décision de l'intimé du 5 novembre 2024 en ce sens que le droit de recourante à une rentre extraordinaire d'invalidité dès le 1er septembre 2024 est reconnu.
4. Renvoie la cause à l'intimé pour calcul des prestations dues.
5. Condamne l'intimé à verser à la recourante une indemnité de dépens de CHF 2'000.-.
6. Met un émolument de CHF 500.- à la charge de l'intimé.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Diana ZIERI |
| La présidente
Karine STECK
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Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le