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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/421/2024

ATAS/604/2025 du 18.08.2025 ( AI ) , REJETE

En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/421/2024 ATAS/604/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 août 2025

Chambre 16

 

En la cause

A______

représenté par l'Association pour la permanence de défense des patients et des assurés (APAS)

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______, ressortissant du Sri Lanka d'origine tamoule né le ______ 1986, est arrivé le 7 octobre 2015 en Suisse, où il a été mis au bénéfice du statut de réfugié. Marié depuis le 22 mars 2014, son épouse l'a rejoint en Suisse en 2020. De leur union est issu un enfant, né le ______ 2022. Il n'a jamais exercé d'activité lucrative en Suisse.

b. Par formulaire du 6 juillet 2021, reçu par l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : AI et OAI) le 13 juillet 2021, il a sollicité des prestations pour adultes (mesures professionnelles/rente).

Il avait de multiples séquelles secondaires à des actes de torture répétés au Sri Lanka de 2000 à 2009, rendant impossible tout travail physique et ayant généré des atteintes à sa santé psychique avec un syndrome post-traumatique chronique. Il avait été emprisonné et torturé jusqu'à fin 2010.

c. Le 23 août 2021, la docteure B______, médecin spécialiste en médecine interne générale au sein de la consultation pour victimes de torture et guerre (ci‑après : CTG) du département de médecine communautaire, de premier recours et des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), a transmis un rapport médical à l'OAI concernant l'assuré, qu'elle voyait une fois par mois.

D'origine tamoule, son patient présentait de multiples séquelles physiques et psychiques secondaires à des actes de torture perpétrés au Sri Lanka, où il avait été détenu de 2000 à 2009, lesquelles étaient pour la plupart irréversibles.

Il souffrait de troubles fonctionnels variés ; d'épisodes dissociatifs ; de trouble dépressif récurrent ; de lombalgies chroniques avec raideur des muscles ilio‑psoas, limitation mécanique de la hanche gauche à quinze degrés ; d'un status post-plaies par balles au niveau de l'avant-bras gauche (cicatrice de 6 cm x 3 cm rétractée sur versant palmaire de l'avant-bras distal), avec atteinte des nerfs sous‑jacents (nerf médian et branche superficielle du nerf radial) et séquelle de fracture consolidée de la diaphyse distale du radius gauche ; de douleurs chroniques à l'épaule droite en lien avec une arthropathie acromio-claviculaire (balle de fusil reçue au niveau proximal humérus droit, corps étranger radio opaque linéaire de 5 mm en surprojection de la diaphyse humérale proxymale) ; d'un corps radio-opaque de 3.6 cm visible en projection du petit bassin.

Sa médication comprenait un antalgique (Lyrica 150 mg 2x/24h) et des psychotropes (Sertraline 150 mg/24h et Seroquel 50 mg le soir).

Les traitements proposés étaient pour la plupart purement conservateurs et purement symptomatiques (infiltration de corticoïdes et de lidocaïne). Une prise en charge pour une tendonèse du long chef du biceps à droite avait été proposée mais n'avait pas pu avoir lieu en raison de la situation due au Covid-19.

Les diagnostics avec incidence sur la capacité de travail étaient les suivants : syndrome de stress post-traumatique dissociatif (F43.1), trouble dissociatif (F44.8) et diagnostics posés en 2016. Était également retenu le diagnostic, sans incidence sur la capacité de travail, de trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission sous traitement antidépresseur. Il se trouvait en état d'incapacité de travail à 100%. Depuis son arrivée en Suisse en 2015, son état n'avait pas permis de débuter une activité professionnelle. Les limitations fonctionnelles correspondaient aux troubles de la concentration, à des problèmes mnésiques et à des symptômes neurovégétatifs quotidiens lorsqu'il était confronté à des situations de stress. Il n'était pas envisageable qu'il travaille, vu les séquelles psychiques et physiques, sa capacité de travail étant donc nulle. Sur le plan physique, les séquelles étaient définitives. Le syndrome post-traumatique était actuellement stabilisé, mais le patient avait toujours des périodes dissociatifs survenant de manière imprévisible.

d. Par communication du 17 mai 2022, l'OAI a indiqué à l'assuré que, selon ses investigations, aucune mesure de réadaptation n'était alors possible en raison de son état de santé.

e. Le 13 octobre 2022, le service médical régional de l'AI pour la Suisse romande (ci-après : SMR), soit pour lui le docteur C______, a rendu un avis médical, proposant d'adresser des questionnaires pour spécialiste aux divers médecins, psychiatre et généraliste, ayant pris en charge l'assuré.

f. Le 28 mars 2023, la docteure D______, cheffe de clinique au sein de la CTG, a transmis à l'OAI un rapport complémentaire à celui de la Dre B______ du 23 août 2021.

Étaient mentionnés dans le status détaillé :

-          trouble de stress post-traumatique ;

-          douleurs neuropathiques du membre supérieur gauche : cicatrice rétractée face palmaire gauche d'environ 6 x 3 cm ; radiographie de 2015 : séquelles de fracture consolidée de la diaphyse distale du radius gauche ; infiltration de l'articulation radio-carpien et radio-ulnaire distal sous contrôle échographique en 2020 ; US de 2020 : compliqué de deux névromes du nerf médian ;

-          scapulalgies de l'épaule droite : radiographie de 2015 : corps étranger radio‑opaque linéaire de 5 mm en sur-projection de la diaphyse humérale proximale ; infiltration acromio-claviculaire en 2016 et 2020 ;

-          rachialgies chroniques : radiographie en 2015 et 2016 : corps étranger radio‑opaque de 3.6 mm visible en projection du petit bassin ; corps étranger radio-opaque en sur-projection des tissus mous en retard du tiers distale de la diaphyse fémorale à droite ; infiltration des articulations inter-facettaires L5‑S1 sous contrôle CT en 2021 ;

-          céphalées chroniques : trois types de céphalées diagnostiquées par les neurologues, soit céphalées de tension chronique constrictives et bilatérales, migraines sans aura et névralgie d'Arnold droite ; CT cérébral en mars 2022 sans particularité ;

-          asthme et rhinite allergique : orchidectomie gauche suite à une explosion de bombe (2009).

S'agissant du trouble de stress post-traumatique, le suivi psychiatrique avait été stoppé en 2022 au dernier changement de médecin psychiatre. La psychothérapie avait été poursuivie avec le psychologue à raison d'une fois par mois (dernières consultations les 27 février et 27 mars 2022). Il était traité par Sertraline à raison de 100 mg une fois par jour. Il y avait une chronicisation de la symptomatologie avec une probable modification permanente de la personnalité, un trouble du sommeil persistant, une tristesse, un sentiment de culpabilité et une inquiétude pour sa famille restée au Sri Lanka, des troubles mnésiques et des troubles de la concentration, de symptômes neuro-végétatifs en cas de confrontation à toute situation de stress et des antécédents de scarifications des avant-bras lors des moments de fortes émotions négatives liées à des souvenirs traumatiques du passé (2019-2022).

S'agissant des limitations de santé, le travail en position statique prolongée, le port de charges de plus de 5 kg, les mouvements répétés, le travail en milieu fermé, non aéré ou poussiéreux étaient contre-indiqués. Étaient mentionnés des troubles de la mémoire et de la concentration et une tolérance limitée aux situations de stress, même minime. Il pouvait être possiblement capable d'exercer une activité professionnelle adaptée.

Elle a annexé à son rapport quinze rapports médicaux datés de décembre 2015 à mars 2023.

g. Le 25 mai 2023, le Dr C______ a rendu un nouvel avis médical pour le SMR, concluant à la nécessité d'une expertise bi-disciplinaire rhumatologique et psychiatrique.

L'assuré n'avait plus de suivi par un spécialiste en psychiatrie depuis 2022, bénéficiait d'un suivi mensuel par un psychologue, se construisait un avenir en Suisse avec une famille stable dans le contexte d'une probable modification de la personnalité à la suite du syndrome de stress post-traumatique. La Dre D______ ne se prononçait pas sur la capacité de travail mais estimait que possiblement, l'assuré était capable d'exercer une activité professionnelle adaptée à son état de santé. Le SMR n'était pas en mesure de se prononcer sur la capacité de travail résiduelle ni d'apprécier la sévérité et la notion de durabilité des limitations fonctionnelles en lien avec les atteintes rhumatologiques et psychiatriques.

h. Sur mandat de l'OAI, les docteurs E______, médecin spécialiste en rhumatologie, et F______, médecin spécialiste en psychiatrie et expert certifié SIM, ont mené une expertise les 24 et 29 août 2023, à la suite de laquelle ils ont rendu un rapport le 16 octobre 2023.

L'expert rhumatologue a retenu, comme diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail, une omalgie droite type SLAP associée à une tendinopathie du long chef du biceps, une douleur chronique neurogène du poignet gauche (blessure par balle, fracture mal consolidée) après status post multi traumatismes, une douleur chronique neurogène des poignets à prédominance gauche (blessure par balle, fracture mal consolidée à gauche) après status post multi traumatismes, une lombalgie chronique sur trouble postural et une probable fasciite plantaire gauche. Il a par ailleurs retenu, comme diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail, un status post plaies par balles aux membres, de l'asthme, une céphalée de tension et une orchidectomie suite à une explosion par bombe.

Les mesures médicales prises jusqu'alors étaient adéquates. Un programme de réhabilitation du dos (physiothérapie active intensive) et une opération de l'épaule droite étaient des mesures encore possibles, la première ayant été refusée par les médecins des HUG en raison du manque de motivation et la seconde ayant été refusée par l'assuré. L'évaluation de la participation au traitement, à la guérison et aux mesures de réadaptation était mauvaise en raison de la barrière linguistique, culturelle et du manque de motivation et de compliance. Il était probable que le manque de ressources avait un impact sur sa coopération. Le pronostic était médiocre, mais cela pourrait changer s'il y avait une meilleure adhérence de la part de l'assuré. Il n'y avait pas de contre-indication à des stages, mais la motivation pouvait faire défaut.

L'assuré semblait sous-estimer ses capacités. Il pensait ne pouvoir faire aucune activité, même adaptée, mais arrivait bien à faire une partie du ménage. Il disait ne pas pouvoir faire des exercices seul prétextant gêner ses voisins, mais pourrait réaliser les exercices dans une salle de fitness ou à l'extérieur. Comme ressources, il avait sa femme, ses médecins, l'Hospice général et les cours de français suivis. Comme difficultés, il n'avait pas de formation ni d'expérience professionnelle, ne parlait pas le français et quelques mots d'anglais seulement. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : port de poids inférieurs à 5 kg, pas de travail avec le membre supérieur droit au-delà de 90°, travail de force de la main gauche, position assise pendant plus de deux heures, pas de mouvement de rotation du rachis, fatigue. L'activité adaptée correspondait à un travail léger, avec alternance de position possible, sans force, sans port de charge, à raison de six heures maximum par jour, ceci à 75%, sans réduction de la performance. La capacité de travail était de 100% depuis 2003 jusqu'en 2009-2010, puis de 75% depuis 2010. En cas de compliance optimale, l'assuré aurait pu faire de la physiothérapie active, participer au programme du dos des HUG et accepter l'option chirurgicale, ce qui pourrait améliorer la capacité de travail en six mois à une année.

L'expert psychiatre n'a retenu que des diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail, soit des difficultés liées à l'environnement social (Z60) et une accentuation de certains traits de personnalité (Z73), à l'exclusion de diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail. Les limitations fonctionnelles étaient de type découragement, évitement et sentiment d'incapacité devant la tâche, indécision et démotivation. Ces atteintes n'étaient vraisemblablement pas uniformes au niveau des activités similaires dans tous les domaines de la vie de l'assuré et ne justifiaient sur le plan psychiatrique pas une incapacité de travail. Il avait une pleine capacité de travail (8 h/jour) depuis son arrivée en Suisse en 2015 dans toute activité adaptée à ses problèmes physiques.

Dans le consilium interdisciplinaire, il était retenu comme diagnostics pertinents une omalgie droite type SLAP associée à une tendinopathie du long chef du biceps, une douleur chronique neurogène du poignet gauche (blessure par balle, fracture mal consolidée) après status post multi traumatisme, une lombalgie chronique sur trouble postural et une probable fasciite plantaire gauche. La capacité de travail dans une activité adaptée était de 75%, sans baisse de rendement, depuis 2015.

i. Le 23 octobre 2023, le Dr C______ a rendu un rapport pour le SMR.

Les diagnostics retenus étaient convaincants et basés sur des éléments objectifs (anamnèse, éléments cliniques). Les diagnostics étaient étayés avec degré de gravité et cohérents avec la description clinique. Il existait une cohérence entre les limitations fonctionnelles retenues et les activités comparables de la vie. Les ressources mobilisables autant sur le plan social que personnel étaient bonnes, mais sous-estimées par l'assuré. Le rapport d'expertise était convaincant et il n'y avait pas de raison de s'écarter de ses conclusions.

Les atteintes à la santé incapacitantes étaient une omalgie droite type SLAP associée à une tendinopathie du long chef du biceps (atteinte principale) ainsi qu'une douleur chronique neurogène du poignet gauche (blessure par balle, fracture mal consolidée) après status post multi traumatismes, une douleur chronique neurogène des poignets à prédominance gauche (blessure par balle, fracture mal consolidée à gauche) après status post multi traumatismes, une lombalgie chronique sur trouble postural et une probable fasciite plantaire gauche (autres atteintes). La capacité de travail exigible était de 75% dans une activité adaptée dès 2015. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : port de poids inférieurs à 5 kg, pas de travail avec le membre supérieur droit au-delà de 90°, travail de force de la main gauche, position assise pendant plus de deux heures, pas de mouvement de rotation du rachis, fatigue, privilégier une activité dans un environnement aéré, non poussiéreux.

j. Le 6 novembre 2023, l'OAI a informé l'assuré de son intention de rejeter sa demande.

k. Par décision du 9 janvier 2024, l'OAI a rejeté la demande.

Le statut était celui d'une personne se consacrant à temps complet à son activité professionnelle. Dans une activité adaptée, la capacité de travail de l'assuré était de 75% depuis son arrivée en Suisse. Ses revenus sans et avec invalidité s'élevaient à CHF 70'311.- et CHF 49'950.-, de sorte que la perte de gain se montait à CHF 20'361.- et l'invalidité à 29%. Dès le 1er janvier 2024, l'approche de la déduction forfaitaire était modifiée et les revenus sans et avec invalidité s'élevaient à CHF 62'354.- et CHF 44'529.-, portant la perte de gain à CHF 17'825.-, l'invalidité restant de 29%. Un taux inférieur à 40% n'ouvrait pas de droit à des prestations AI sous forme de rente. Dans son cas, des mesures professionnelles ne seraient pas de nature à réduire le dommage de manière notable, dans la mesure où elles ne permettraient pas d'augmenter la capacité de gain. Il était à même de réduire sa perte de gain sans l'intervention du service de réadaptation.

B. a. Par acte du 6 février 2024, l'assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant à son annulation et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité.

Il ne disposait pas d'une capacité de travail de 75% dans une activité adaptée comme retenu par l'OAI.

Il a annexé à son recours un courrier non daté dans lequel le docteur G______, chef de clinique à la CTG, indiquait que l'assuré ne pouvait avoir une capacité de travail de 75%. Il présentait des séquelles physiques et psychiques de traumatisme de guerre. Il avait été blessé par balle et à la suite de bombardements. Sur le plan physique, il présentait des douleurs chroniques grevant ses capacités fonctionnelles : omalgie droite, lombalgie, douleur du membre inférieur droit limitant la station debout prolongée, douleur neuropathique du membre supérieur gauche sur deux névromes du nerf médian gauche limitant les capacités de portage et de motricité fine, céphalée. Sur le plan psychique et cognitif, son trouble de stress post-traumatique était chronique. Il présentait un trouble du sommeil persistant, des troubles mnésiques et troubles de la concentration, des symptômes neuro-végétatifs en cas de confrontation à une situation de stress. Depuis son arrivée en Suisse, il avait présenté un asthme allergique péri-annuel. Dans le cas d'un travail remplissant des conditions physiques supportables, il présentait des troubles mnésiques, de concentration et une faible résistance au stress qui le rendait difficilement à même d'effectuer un travail compatible avec ses capacités physiques limitées. La capacité de travail était estimée limitée à 30%.

b. Par réponse du 12 mars 2024, l'OAI a conclu au rejet du recours.

L'expertise bi-disciplinaire remplissait tous les réquisits jurisprudentiels pour se voir reconnaître pleine valeur probante.

c. Par réplique du 30 avril 2024, l'assuré a maintenu son recours et a sollicité la comparution personnelle des parties, l'audition de H______, psychologue-psychothérapeute au sein de la CTG, et la conduite d'une nouvelle expertise bi-disciplinaire.

Le rapport d'expertise devait se voir priver de toute valeur probante. S'agissant du volet orthopédique, le rapport était émaillé de jugements de valeurs et omettait de manière extraordinaire l'ensemble de son passé traumatologique. S'agissant du volet psychiatrique, il était incompréhensible et balayait presque huit ans de constatations du corps médical sans aucune justification, sur la base d'un examen médical de deux heures. Les auteurs du rapport n'avaient procédé à aucun consilium discernable.

d. Par duplique du 3 juin 2024, l'OAI a persisté dans ses conclusions.

L'expert s'était limité à retranscrire les constatations objectives faites lors de l'entretien et à discuter de manière détaillée sa position par rapport aux avis médicaux figurant au dossier. L'expert rhumatologue indiquait partager l'avis du docteur I______, médecin adjoint au sein du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur des HUG. Il avait rempli sa mission d'expert. L'expert psychiatre avait tenté de contacter la psychologue par téléphone, sans succès, mais avait constaté que sur le plan psychiatrique, le tableau clinique était clair. Il avait expliqué pourquoi il ne retenait pas le diagnostic de trouble de stress post-traumatique comme invalidant. L'analyse de la vie quotidienne indiquait qu'il n'existait pas de limitation uniforme dans toutes les activités de la vie quotidienne et montrait qu'il disposait des ressources personnelles préservées. L'expertise comportait un avis définitif et complet sur la capacité de travail de l'assuré fondé sur un consilium entre les experts.

e. Les 16 juin et 15 juillet 2024, l'assuré a persisté dans sa position.

L'expert psychiatre avait retenu que l'assuré ne présentait aucun symptôme de syndrome de stress post-traumatique. Il n'aurait même pas vécu les événements comme traumatisants, ce qui devait conduire à s'interroger sur le sérieux de l'expertise. Soit l'assuré n'avait pas compris la question (la barrière de langage étant importante et l'assuré était assisté d'un interprète), soit il n'avait pas été en mesure d'y répondre. L'expert psychiatre ne discutait pas le contenu des rapports pertinents. L'appréciation quant à ses pleurs était choquante. Le Dr F______ ne l'avait soumis à aucun questionnaire et n'avait fait référence à aucune méthodologie pour établir l'existence ou non d'un syndrome de stress post‑traumatique. Outre le fait que les constatations étaient en contradiction complète avec l'anamnèse, elles n'étaient justifiées par aucune méthode scientifique.

Il a versé à la procédure un courrier du Dr G______ du 12 juillet 2024 répondant à des questions. Le patient avait été pris en charge dès septembre 2018 par la docteure J______, cheffe de clinique à la CTG, à la fréquence d'une fois par semaine à une fois par mois. La docteure K______ avait repris le suivi psychiatrique à la même fréquence du 7 janvier au 4 novembre 2021. Le suivi avait été complété d'une consultation par le médecin interniste de la CTG, à fréquence très variable, en moyenne une fois par mois, à partir de janvier 2020 avec la Dre B______, puis avec la Dre D______ dès le 24 novembre 2021, puis avec lui-même dès mai 2023. Les syndromes dissociatifs avaient été identifiés au moyen du SDQ-20 à 46 points, avec des manifestations de déréalisation. À l'examen du dossier médical du patient suivi par deux psychiatres et une psychologue pendant trois ans, le patient souffrait d'un trouble de stress post-traumatique simple au minimum, avec des reviviscences, trouble de l'humeur, trouble du sommeil, trouble de la concentration. Il présentait aussi des éléments cliniques d'un trouble de stress post-traumatique complexe, avec altérations persistantes du fonctionnement affectif, réactivité émotionnelle accrue, difficultés à se remettre de stress mineurs, expressions intenses des émotions, comportements de mise en danger de soi et automutilations. Il pouvait y avoir un engourdissement émotionnel, y compris une incapacité à ressentir des sentiments avec une tendance à la dépersonnalisation et à la déréalisation. Des déclencheurs internes ou externes entraînaient des intrusions et, par la suite, des affects intenses. Il y avait des altérations persistantes du fonctionnement par rapport à soi-même, sentiment d'identité durablement altéré, conviction marquée d'être inférieur et sans valeur, sentiments d'échec, de culpabilité et de honte, voire crises de honte, altérations persistantes du fonctionnement relationnel, restrictions dans la capacité d'interagir sur un pied d'égalité et en partenariat de maintenir ces relations, et difficultés à faire confiance aux autres et à se sentir émotionnellement proche des autres. Le patient avait été fortement marqué par les évènements auxquels il avait participé ou dont il avait été victime. Il était particulièrement difficile pour le patient de se confronter à ces souvenirs traumatiques, d'autant plus dans le contexte d'une consultation avec un soignant dont il n'avait pas pu apprécier la confiance. La torture blanche/psychologique visait à faire taire les victimes et les rendait rarement volubiles sur ce qu'elles avaient vécu. Compte tenu de la complexité du cas et des comorbidités et des difficultés du patient à entrer en lien avec les personnes, il lui semblait difficile d'évaluer le patient en une seule séance. L'intégration des symptômes psychiatriques et somatiques devait aboutir à une compréhension de l'évaluation fonctionnelle globale du patient. Le point nodal était la douleur. Les troubles de l'humeur, de la concentration et du sommeil constituaient des éléments notables chez un patient pourtant traité et bénéficiant d'une psychothérapie depuis plusieurs années. Le patient avait bénéficié d'une consultation de la douleur des HUG, le 27 juin 2022 avec le professeur L______, qui avait abouti à la modification de son traitement. Le cadre de consultation était d'une importance capitale chez les patients victimes de tortures, puisqu'ils ne pouvaient souvent pas entrer en matière face à un inconnu, quand bien même médecin ou soignant. Dans la psychologie de ces patients, certains symptômes étaient tellement bruyants et douloureux qu'ils pensaient superflu de rentrer dans les détails des autres symptômes, priorisant ceux qui étaient invalidants.

f. Le 12 septembre 2024, l'OAI a maintenu sa position.

Dans l'avis médical du 13 juillet 2021 annexé, le Dr C______, pour le SMR, a conclu que la nouvelle pièce médicale n'était pas susceptible de modifier ses conclusions.

Le suivi actuel par une psychologue une fois par mois et l'absence d'hospitalisation pour raisons psychiatriques parlaient contre une décompensation de l'assuré, qui s'était principalement concentré sur ses problèmes physiques lors de l'entretien avec l'expert psychiatre. Il y avait une cohérence entre absence de décompensation psychiatrique et absence d'atteinte psychiatrique notable et durable retenue par les experts. L'assuré avait indiqué oublier souvent son traitement de Sertraline, destinée à traiter le syndrome du stress post-traumatique. Les symptômes neurovégétatifs n'étaient pas considérés comme des symptômes typiques du syndrome de stress post-traumatique et l'expert psychiatre n'avait pas constaté ces symptômes chez l'assuré. L'utilisation du questionnaire SDQ prévu pour une évaluation d'une atteinte somatoforme n'était pas convaincante dans le contexte où ce type d'atteinte n'était pas retenu chez l'assuré de manière consensuelle, également par le Dr G______. L'expert psychiatre s'était prononcé de manière précise et exhaustive sur les appréciations médicales divergentes concernant le syndrome du stress post-traumatique. Un tel syndrome entraînait une altération significative du fonctionnement du patient notamment dans le domaine familial. Or, l'assuré disposait d'une force (ressource) de se reconstruire avec la fondation d'une vie sentimentale durable depuis 2014 avec la mère de son fils et la création d'un environnement sûr et aimant pour son fils.

g. Le 3 juin 2025, la chambre de céans a convoqué une audience de comparution personnelle et d'enquêtes pour le 30 juin 2025, pour entendre comme témoin H______, laquelle a toutefois, par courrier du 8 juin 2025, indiqué se trouver en arrêt de travail de longue durée pour cause de maladie.

La docteure M______, médecin à la CTG remplaçant le Dr G______ depuis août 2024, qui avait contacté la chambre de céans pour savoir si un autre professionnel pouvait remplacer H______, a indiqué penser que cette dernière ne pourrait pas non plus répondre à des questions écrites, qu'elle-même avait vu l'assuré à quatre reprises depuis son arrivée à la CTG, qu'une nouvelle psychologue avait repris le suivi depuis août 2024 et avait ensuite été absente en raison d'une incapacité de travail et que cette dernière avait vu l'assuré deux fois, la dernière fois en février 2025 après son retour au travail.

L'audience a en conséquence été annulée.

h. Le 30 juin 2025, invité par la chambre de céans à indiquer s'il souhaitait solliciter l'audition d'un autre professionnel de la santé susceptible de témoigner de sa situation sur le plan psychique au moment de la décision attaquée, l'assuré a renoncé à l'audition de H______ et a renoncé à demander celle de N______, psychologue-psychothérapeute à la CTG le suivant actuellement, qui porterait sur une période postérieure à la décision attaquée, et a sollicité le maintien d'une audience de comparution personnelle.

i. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme prévue par la loi (art. 61 let. b LPGA et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) et en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA), le recours est recevable.

2.             Le recours porte sur la conformité au droit du refus de prestations de l'AI au recourant.

3.             3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

3.2 En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt en janvier 2022, soit six mois après le dépôt de la demande du 6 juillet 2021 (art. 29 al. 1 LAI).

Les dispositions applicables seront par conséquent citées dans leur teneur en vigueur dès le 1er janvier 2022.

4.             4.1 Selon l’art. 6 LAI, les ressortissants suisses et étrangers ainsi que les apatrides ont droit aux prestations conformément aux dispositions ci-après. L’art. 39 est réservé (al. 1). Les étrangers ont droit aux prestations de l’AI, sous réserve de l’art. 9 al. 3, aussi longtemps qu’ils conservent leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse, mais seulement s’ils comptent, lors de la survenance de l’invalidité, au moins une année entière de cotisations ou dix ans de résidence ininterrompue en Suisse (al. 2).

Selon l’art. 36 al. 1 LAI, a droit à une rente ordinaire l'assuré qui, lors de la survenance de l'invalidité, compte trois années au moins de cotisations.

La condition de la durée minimale de cotisations doit être remplie au moment de la survenance de l'invalidité. Les périodes accomplies après ce terme n'entrent pas en ligne de compte (RCC 1959, p. 449 ; voir également Office fédéral des assurances sociales [ci-après : OFAS], Circulaire sur l’invalidité et les rentes dans l’assurance-invalidité [ci-après : CIRAI], n. 2100).

4.2 L'invalidité est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (art. 4 al. 2 LAI). Ce moment doit être déterminé objectivement, d’après l’état de santé de l’assuré ; des facteurs externes fortuits n’ont pas d’importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l’assuré apprend, pour la première fois, que l’atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d’assurance (ATF 126 V 5 consid. 2b et la référence).

S’agissant d’une rente, tel est le cas au plus tôt lorsqu’en vertu de cette disposition et de l’art. 8 al. 1 LPGA, en conjonction avec l’art. 28 LAI, un assuré a présenté une incapacité de travail d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide à 40% au moins (arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2019 du 22 mai 2019 consid. 2.3). La date à laquelle une demande de prestations a été présentée – l’art. 29 al. 1 LAI prévoyant que le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations – n’est ainsi pas déterminante pour dater la survenance de l’invalidité, qui dépend des conditions d’octroi de la prestation en cause, qu'il s'agisse d'une rente ordinaire ou extraordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_655/2015 du 14 décembre 2015 consid. 4).

5.             A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

Une rente n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter n'ont pas été épuisées (art. 28 al. 1bis LAI).

6.             6.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

6.2 Selon la jurisprudence, si l'assuré peut prétendre à des prestations de l'assurance-invalidité, l'allocation d'une rente d'invalidité à l'issue du délai d'attente (art. 28 al. 1 LAI) n'entre en considération que si l'intéressé n'est pas, ou pas encore, susceptible d'être réadapté professionnellement en raison de son état de santé (principe dit de la priorité de la réadaptation sur la rente ; ATF 121 V 190 consid. 4c). La preuve de l'absence de capacité de réadaptation comme condition à l'octroi d'une rente d'invalidité doit présenter un degré de vraisemblance prépondérante. Dans les autres cas, une rente de l'assurance‑invalidité ne peut être allouée avec effet rétroactif que si les mesures d'instruction destinées à démontrer que l'assuré est susceptible d'être réadapté ont révélé que celui-ci ne l'était pas (ATF 121 V 190 consid. 4d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_559/2021 du 14 juillet 2022 consid. 2.2 et les références). 

6.3 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

6.4 Selon l’art. 54a LAI, les SMR établissent les capacités fonctionnelles de l’assuré qui sont déterminantes pour l’assurance-invalidité en vertu de l’art. 6 LPGA, pour l’exercice d’une activité lucrative raisonnablement exigible ou pour l’accomplissement des travaux habituels (al. 3).

Lors de la détermination des capacités fonctionnelles, la capacité de travail attestée médicalement pour l’activité exercée jusque-là et pour les activités adaptées est évaluée et justifiée en tenant compte, qualitativement et quantitativement, de toutes les ressources et limitations physiques, mentales et psychiques (art. 49 al. 1bis RAI).

6.5 Les limitations dues à l’atteinte à la santé au sens étroit, à savoir les restrictions à l’exercice d’une activité lucrative au sens de l’art. 8 LPGA de nature quantitative et qualitative, dues à l’invalidité et médicalement établies, doivent systématiquement être prises en compte pour l’appréciation de la capacité fonctionnelle. Il s’agit là de l’estimation du temps de présence médicalement justifié, d’une part (capacités fonctionnelles quantitatives, par ex. en nombre d’heures par jour), et des capacités fonctionnelles qualitatives durant ce temps de présence, d’autre part (limitation de la charge de travail, limitations qualitatives, travail plus lent par rapport à une personne en bonne santé, etc.). En règle générale, ces deux composantes sont ensuite combinées pour obtenir une appréciation globale en pourcentage de la capacité de travail, autrement dit des capacités fonctionnelles. Ainsi, par exemple, une productivité réduite pendant le temps de présence exigible ou un besoin de pauses plus fréquentes doivent être systématiquement déduits lors de l’indication de la capacité fonctionnelle résiduelle. Cela permet également de tenir compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle la capacité de travail attestée par un médecin donne des indications sur l’effort pouvant être effectivement exigé, mais pas sur la présence éventuelle sur le lieu de travail. Dans certaines circonstances, il peut être nécessaire de demander des renseignements auprès du médecin traitant afin que le SMR puisse établir une évaluation globale et compréhensible de la capacité fonctionnelle résiduelle, qui tienne compte de tous les facteurs médicaux influents (OFAS, Dispositions d’exécution relatives à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité [Développement continu de l’AI], rapport explicatif [après la procédure de consultation] du 3 novembre 2021 [ci-après : le rapport explicatif], ad art. 49 al. 1bis, p. 60).

7.             7.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

7.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

7.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

7.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (ATF 143 V 409 consid. 4.5.3 et 418 consid. 7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_43/2023 du 29 novembre 2023 consid. 5.2 ; 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

7.5 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources ; ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

7.6 Le trouble de stress post-traumatique (CIM-10 ; F43) constitue une réponse différée ou prolongée à une situation ou à un événement stressant (de courte ou de longue durée), exceptionnellement menaçant ou catastrophique et qui provoquerait des symptômes évidents de détresse chez la plupart des individus. Dans certains cas, le trouble peut présenter une évolution chronique, durer de nombreuses années, et entraîner une modification durable de la personnalité (ATF 142 V 342 consid. 5.1 et les références). Selon la jurisprudence, pour que le diagnostic d'état de stress post-traumatique de survenue différée puisse être retenu, l'ensemble des critères diagnostiques du DSM-5 et de la CIM-10 doit être présent au plus tard six mois après l'événement (ATF 142 V 342 consid. 5.2.2). Une motivation particulière est nécessaire dans les cas où, exceptionnellement et pour des motifs déterminés, une durée supérieure à six mois doit être prise en compte (arrêts du Tribunal fédéral 9C_571/2023 du 11 janvier 2024 consid. 6.2 et la référence ; 9C_480/2021 du 8 novembre 2022 consid. 5.3.2 et les références).

7.7 Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

8.             8.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

8.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

8.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le but des expertises multidisciplinaires est de recenser toutes les atteintes à la santé pertinentes et d'intégrer dans un résultat global les restrictions de la capacité de travail qui en découlent. L'évaluation globale et définitive de l'état de santé et de la capacité de travail revêt donc une grande importance lorsqu'elle se fonde sur une discussion consensuelle entre les médecins spécialistes participant à l'expertise. La question de savoir si, et dans quelle mesure, les différents taux liés aux limitations résultant de plusieurs atteintes à la santé s'additionnent, relève d’une appréciation spécifiquement médicale, dont le juge ne s'écarte pas, en principe (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2023 du 9 octobre 2023 consid. 2.3 et les références).

8.3.2 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

8.3.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

8.3.4 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion distincte. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_458/2023 du 18 décembre 2023 consid. 3.2 et la référence). 

8.4 Le Tribunal fédéral a affirmé à plusieurs reprises, en se référant à l'ATF 127 V 294 consid. 4c, que dans l'assurance-invalidité, la possibilité de traiter une affection ne s'oppose pas de manière absolue à la survenance d'une invalidité donnant droit à une rente. En effet, la possibilité de traitement, considérée en soi, ne dit encore rien sur le caractère invalidant d'une atteinte à la santé. Une atteinte à la capacité de gain doit être établie et son ampleur déterminée dans chaque cas particulier, indépendamment de la classification diagnostique d'une affection et, en principe, indépendamment de son étiologie. La question déterminante est de savoir si l'on peut raisonnablement exiger de la personne assurée qu'elle fournisse une prestation de travail. La naissance du droit à une rente d'invalidité suppose donc toujours et uniquement qu'une incapacité de travail d'au moins 40% ait existé pendant un an (sans interruption notable) et qu'une incapacité de gain justifiant le droit à une rente subsiste. Un refus ou une réduction des prestations au motif que l'assuré n'utilise pas tous les moyens de traitement présuppose une procédure selon l'art. 21 al. 4 LPGA. En l’absence d’une telle procédure, les atteintes à la santé ne peuvent pas être ignorées, lors de la détermination de la capacité de l'assuré, au seul motif qu’elles peuvent être traitées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_327/2022 du 10 octobre 2023 consid. 4.2 et la référence). 

9.             9.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

9.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 e l'ancienne Constitution fédérale du 29 mai 1874 (aCst.) étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

10.         10.1 En l'espèce, le recourant conteste avoir une capacité de travail de 75% dans une activité adaptée et ainsi l'invalidité retenue de 29%. Il affirme avoir une capacité de travail de 30% seulement, en raison de ses atteintes physiques et psychiques.

Pour rendre sa décision du 9 janvier 2024, l'intimé s'est fondé sur le rapport d'expertise bi-disciplinaire rhumatologique et psychiatrique du 16 octobre 2023, que le SMR a estimé convaincant le 23 octobre 2023. C'est donc la valeur probante de ce rapport d'expertise qu'il convient d'examiner.

La chambre de céans constate en premier lieu que ce rapport a été rendu en pleine connaissance du dossier, dont il comporte une synthèse en début de rapport. Les deux experts ont par ailleurs chacun procédé à une anamnèse approfondie, comprenant en particulier une anamnèse personnelle, familiale et professionnelle, décrit une journée-type et fait échos des plaintes de l'assuré (anamnèse systématique). Ils ont également chacun procédé à un examen médical et exposé leurs constatations, comprenant un status détaillé. Ils ont ensuite, chacun pour leur spécialité, abouti à des diagnostics et une appréciation de la capacité de travail du recourant clairs, bien motivés et convaincants, ainsi que répondant aux questions posées par l’assurance, étant relevé qu'en l'absence d'indice clair en faveur d'une incapacité de travail durable pour les diagnostics retenus sur le plan psychiatrique, une analyse des indicateurs n'était pas nécessaire. Finalement, et contrairement à ce qu'affirme le recourant en se plaignant de l'absence de « consilium discernable », les experts ont procédé à une évaluation consensuelle dont les résultats sont cohérents, eu égard aux conclusions des deux volets de l'expertise et en particulier à l'absence de diagnostic incapacitant retenu sur le plan psychiatrique, dont il découle que la question de la potentielle addition de différents taux d'incapacité de travail ne se posait pas.

Au vu de ce qui précède, le rapport d'expertise bi-disciplinaire répond aux critères jurisprudentiels pour que lui soit reconnue une pleine valeur probante.

10.2 S'agissant du volet rhumatologique de l'expertise, le recourant ne critique pas les diagnostics retenus, avec répercussion sur la capacité de travail (omalgie droite type SLAP associée à une tendinopathie du long chef du biceps, douleur chronique neurogène du poignet gauche après status post multi traumatisme, douleur chronique neurogène des poignets à prédominance gauche après status post multi traumatisme, lombalgie chronique sur trouble postural et probable fasciite plantaire gauche) ou sans dite répercussion (status post plaies par balles aux membres, asthme, céphalée de tension et orchidectomie suite à une explosion par bombe), lesquels apparaissent cohérents avec les rapports médicaux figurant au dossier.

Il critique en revanche l'existence d'un problème motivationnel retenu par l'expert rhumatologue, qui n'existait pas, son comportement devant être mis en lien avec le syndrome du choc post-traumatique dont il souffrait et ne découlant pas d'un défaut de motivation. Néanmoins, l'existence ou non d'un problème motivationnel n'a été pris en compte ni au niveau des diagnostics, ni au niveau de l'évaluation de la capacité de travail dans une activité adaptée, arrêtée à 75%. Il a uniquement été pris en compte par l'expert rhumatologue pour retenir qu'une compliance optimale (physiothérapie active, participation au programme du dos des HUG et acceptation de l'intervention chirurgicale à l'épaule droite) pourrait améliorer la capacité de travail dans une activité adaptée, et donc lui permettre d'être plus élevée que les 75% retenus, en six mois. Le point critiqué par le recourant n'a ainsi aucune répercussion sur la décision de l'intimé, qui aurait d'ailleurs dû suivre la procédure prévue par l'art. 21 al. 4 LPGA s'il avait voulu en déduire des conséquences, ce qu'il n'a pas fait.

Pour le reste, s'agissant des affections rhumatologiques du recourant, le médecin interniste suivant le recourant au CTG a indiqué, dans l'attestation versée à la procédure à l'appui du recours, qu'il présentait, sur le plan physique, des douleurs chroniques grevant ses capacités fonctionnelles, puis, dans son courrier du 16 juillet 2024, qu'il partageait les limitations fonctionnelles du rhumatologue, de sorte que ces pièces vont dans le même sens que les conclusions de l'expert rhumatologue.

10.3 En ce qui concerne le volet psychiatrique de l'expertise, le recourant conteste l'absence de diagnostic incapacitant et en particulier le fait que l'expert n'a pas retenu de diagnostic de syndrome du stress post-traumatique.

Or, l'expert a exposé ses constatations lors de l'entretien et motivé les raisons pour lesquelles il a écarté ce diagnostic, que la Dre B______ retient dans son rapport du 21 août 2021. Ainsi, il a d'emblée indiqué que même si l'assuré n'avait pas fourni de détails exhaustifs sur les événements traumatiques vécus, il n'y avait alors pas d'éléments cliniques significatifs pour présumer de la causalité d'une incapacité de travail en lien avec un diagnostic d'état de stress post-traumatique, et ceci sans que des mécanismes de défense (déni, évitement) soient identifiés ou puissent être liés. S'agissant de ses constatations, l'expert psychiatre a ensuite noté dans son anamnèse systématique qu'il n'y avait pas eu de réaction de peur intense, de sentiment d'impuissance ou d'horreur face à l'événement traumatisant (soit le fait d'avoir été enfant soldat à partir de 13 ans, puis d'avoir été emprisonné et torturé pendant un an et demi), ni de réponse émotionnelle extrêmement intense caractérisée par une peur profonde, un sentiment d'impuissance ou une horreur face à la situation traumatisante vécue, ni de reviviscence de l'événement traumatique, de moment où le souvenir de l'évènement était revenu de manière intrusive et perturbatrice, causant une détresse significative, ni de rêves répétitifs et persistants liés à l'événement traumatique, ni de sensation de revivre l'évènement sous forme d'illusions, d'hallucinations ou de flash-back, ni de sentiment de détachement d'autrui, ni de manifestation d'activation neurovégétative observée, ni d'hypovigilance rapportée. Ensuite, dans l'évaluation médicale, il a noté qu'en dépit des séquelles physiques et psychologiques de la période traumatisante vécue et malgré les épreuves subies, l'assuré avait trouvé vraisemblablement la force de se reconstruire peu à peu. Une des étapes les plus significatives de sa reconstruction avait été la fondation d'une vie sentimentale durable depuis 2014 avec la mère de son fils. Il avait trouvé une lueur d'espoir en émigrant à Genève en 2015, ce qui n'avait cependant pas été sans défis, la barrière linguistique et les ajustements culturels ayant ajouté des couches supplémentaires de complexité à son parcours déjà tumultueux. L'arrivée de son fils en janvier 2022 semblait indéniablement avoir catalysé le processus d'apaisement de l'assuré, la paternité lui ayant offert un objectif clair et vraisemblablement une source de motivation pour se reconstruire et créer un environnement sûr et aimant pour son fils. Même s'il était important de prendre en considération le vécu et l'ensemble de la situation de l'assuré, y compris ses expériences passées et traumatisantes et les obstacles surmontés, il était alors crucial de souligner que lors de l'entretien d'expertise, même en bénéficiant d'un interprète de sa langue maternelle, l'assuré n'avait pas présenté de symptômes psychologiques caractéristiques d'un diagnostic de syndrome de stress post‑traumatique qui puisse justifier de manière plausible une incapacité de travail en lien avec un tel diagnostic. L'entretien avait plutôt mis en évidence que l'assuré se concentrait sur ses douleurs, qui selon ses dires entravaient sa capacité à gérer ses activités quotidiennes. L'expert psychiatre a donc conclu qu'il n'y avait en somme pas de limitation fonctionnelle significative du point de vue psychiatrique et d'éléments cliniques justifiant alors une incapacité à travailler dans une activité adaptée à ses limitations physiques. Dans la discussion sur les diagnostics, l'expert psychiatre a à nouveau souligné que, même si les traumatismes liés à la guerre et à l'emprisonnement pouvaient certainement avoir laissé des cicatrices profondes sur le plan psychologique, il était important de noter qu'à ce stade, il n'y avait pas de signes cliniques suffisants observés pour établir un diagnostic plausible de stress post-traumatique justifiant une incapacité de travail.

Le recourant affirme que ces constatations seraient en contradiction claire avec son suivi auprès de la CTG depuis plus de huit ans.

Cependant, en 2021, selon la Dre B______, si le recourant avait toujours des périodes dissociatives survenant de manière imprévisible, le syndrome post-traumatique était stabilisé. Par ailleurs, en 2023, la Dre D______ estimait le recourant possiblement capable d'exercer une activité professionnelle adaptée. Il ressort en outre du dossier que le recourant ne bénéficie plus de suivi psychiatrique depuis 2022, voire novembre 2021 selon le Dr G______, et qu'il est uniquement suivi au rythme d'une fois par mois, voire moins, par une psychologue. Ces éléments tendent à confirmer l'absence de diagnostic incapacitant sur le plan psychiatrique tel que retenu par l'expert psychiatre.

Par ailleurs, le recourant n'a produit aucun élément concernant son suivi psychiatrique et psychologique qui conduirait à remettre en cause les conclusions du rapport d'expertise. Il n'a en effet produit aucun rapport médical établi par les psychiatres et psychologues ayant diagnostiqué et traité le syndrome du stress post‑traumatique. De plus, si, dans les rapports produits durant la procédure de recours, le Dr G______ conclut à l'existence d'un trouble du stress post-traumatique simple au minimum, avec limitations fonctionnelles en la forme de troubles mnésiques, de concentration et de faible résistance au stress, le Dr G______ indique se prononcer « à l'examen du dossier médical du patient suivi par deux psychiatres et une psychologue pendant trois ans » et donc sur la base du dossier établi par ses collègues, lui-même n'étant pas spécialisé en psychiatrie. Il n'existe dès lors aucun élément objectif précis justifiant, d'un point de vue médical, d'envisager la situation selon une perspective différente ou, à tout le moins, de mettre en œuvre une nouvelle expertise.

Finalement, le recourant ne conteste pas la journée‑type retenue par les deux experts, lesquels ont fait des constatations similaires. Or, il en ressort qu'il se lève vers 7h, effectue sa toilette, puis accomplit ses prières, prend du thé, accompagne son fils à la crèche, effectue des petites courses avec sa femme, déjeune chez lui en famille, rend visite à ses amis au magasin tamoul ou fait une promenade en solitaire et dîne avec son épouse. Il apparaît donc qu'il existe une structure quotidienne, entouré de sa famille et de ses amis. Ces éléments tendent à confirmer l'absence de trouble psychique incapacitant retenue par l'expert psychiatre.

Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de s’écarter des conclusions de l'expertise, qui revêt pleine valeur probante, et la capacité de travail du recourant doit donc être considérée, au jour de la décision litigieuse, comme s'élevant à 75% depuis 2010 dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

10.4 Eu égard à tout ce qui précède et au vu du dossier contenant les éléments nécessaires pour trancher le litige, le recourant ayant par ailleurs eu l'occasion d'exprimer sa position par écrit à plusieurs reprises, devant l'intimé puis devant la chambre de céans, les demandes de comparution personnelle et d'expertise bi‑disciplinaire du recourant doivent être rejetées, par appréciation anticipée des preuves.

10.5 Le recourant présentant, conformément au rapport d'expertise, une incapacité de travail de 25% depuis 2010, il ne remplit pas la condition d'une incapacité d'au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable prévue par l'art. 28 al. 1 let. b LAI.

Par ailleurs, le recourant ne remplit pas non plus la condition d'une année de cotisations ou de dix ans de résidence en Suisse au moment de la survenance de l'invalidité prévue par l'art. 6 al. 2 LAI. En effet, l'expertise fixe le début de l'incapacité de travail du recourant à 2010 et il ressort du dossier que ladite incapacité a été engendrée par les traumatismes vécus dans son pays en tant qu'enfant soldat, puis lors de son emprisonnement jusqu'en 2009. L'incapacité de travail et l'éventuelle invalidité en découlant sont ainsi survenues avant l'arrivée du recourant en Suisse en 2015, de sorte que les conditions d'assurance ne sont pas réalisées.

Au vu de ce qui précède, l'intimé était fondé à refuser d'octroyer une rente au recourant, de même que des mesures professionnelles.

11.         Dans ces circonstances, le recours est mal fondé et sera rejeté.

12.         Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant (art. 69 al. 1bis LAI), et il ne lui sera pas alloué de dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Justine BALZLI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le