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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1175/2025

ATAS/610/2025 du 11.08.2025 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1175/2025 ATAS/610/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 août 2025

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

représentée par Me Alireza MOGHADDAM, avocat

 

recourante

contre

 

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assurée), née en 1976, est réceptionniste de profession.

b. Le 19 octobre 2023, son employeur a mis fin à ses rapports de travail pour le 31 décembre 2023.

c. L'assurée s'est inscrite à l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE) le 6 novembre 2023 afin d'obtenir des prestations à compter du 1er janvier 2024. Lors de son inscription, l'assurée s'est engagée à être atteignable dans les 24 heures ainsi que de relever quotidiennement sa boîte aux lettres et sa messagerie pour prendre connaissance des communications de l'OCE et y donner suite dans les meilleurs délais.

d. Le 29 février 2024, l'assurée a accepté de communiquer avec l'OCE au moyen d'une messagerie standard et l'a autorisé à lui transmettre des documents en lien avec son placement et ses droits et obligations envers l'assurance-chômage via l'e‑mail transmis lors de son inscription.

e. Du 2 au 5 septembre 2024, l'assurée a travaillé en mission temporaire pour B______ SA à Lausanne et C______(Riviera), ainsi que le 7 septembre 2024 pour D______.

B. a. Par courriel du 4 septembre 2024, l'office régional de placement (ci-après : ORP) a assigné l'assurée à postuler pour un emploi d'huissière d'accueil au sein des E______ (ci-après : E______), de durée déterminée de six mois dès le 1er octobre 2024, à un taux de 80%. Un délai lui était imparti au 7 septembre 2024 pour postuler.

b. Le 18 novembre 2024, l'assurée a signé un contrat de travail de durée indéterminée pour un emploi de réceptionniste, à compter du 1er décembre 2024.

L'OCE a donc annulé son dossier de demandeuse d'emploi au 30 novembre 2024.

c. Par courrier du 9 décembre 2024, l'OCE a relevé que l'assurée n'avait pas fait acte de candidature pour le poste d'huissière d'accueil précité. Afin de respecter le droit de l'assurée d'être entendue, l'OCE lui a accordé un délai au 23 décembre 2024 pour transmettre ses observations et justificatifs en lien avec ce manquement.

d. Par courriel du 22 décembre 2024, l'assurée a informé l'OCE qu'elle avait envoyé son dossier de candidature à toutes les assignations, y compris celle pour le poste d'huissière d'accueil, qu'elle avait effectué toutes les démarches nécessaires pour sa recherche d'emploi, qu'elle avait passé plusieurs entretiens d'embauche pendant le mois de novembre 2024, et qu'elle avait réussi à obtenir un emploi dès le 1er décembre 2024.

e. Par décision du 23 décembre 2024, l'OCE a suspendu le droit de l'assurée à l'indemnité de chômage pour une durée de 34 jours dès le 8 septembre 2024, au motif qu'elle n'avait pas apporté la preuve de sa postulation, qu'elle s'était dès lors privée d'un emploi convenable et qu'elle avait ainsi commis une faute grave.

f. Le 4 janvier 2025, l'assurée s'est opposée à cette décision, en précisant que le poste d'huissière d'accueil l'intéressait particulièrement en raison de ses compétences et de ses attentes, et qu'elle n'aurait jamais refusé volontairement une telle opportunité.

Elle a affirmé ne pas avoir reçu l'assignation du 4 septembre 2024, que ce soit par téléphone, par courrier ou par courriel, et que cela l'avait empêchée de prendre connaissance de cette opportunité dans le délai imparti. Elle a expliqué que la période du 2 au 13 septembre 2024 était particulièrement intense au plan professionnel, car elle était temporairement en poste à Lausanne auprès de deux employeurs, préparait activement un entretien d'embauche et avait suivi une formation du 9 au 13 septembre 2024. Elle consacrait parallèlement une part significative de son temps à effectuer des recherches d'emploi et à envoyer plusieurs candidatures.

Elle a relevé que ces éléments montraient qu'en aucun cas elle ne négligeait ses obligations de chômeuse, et que l'absence de réponse à l'offre résultait d'un enchaînement de contraintes, notamment de la brièveté du délai et du défaut de communication, et non d'une intention de sa part.

À l'appui de son opposition, l'assurée a produit les contrats des missions du 2 au 5 septembre 2024, la fiche de salaire correspondante, une attestation de gain intermédiaire pour la mission du 7 septembre 2024, le contrat de formation du 9 au 13 septembre 2024 et la fiche de salaire correspondante.

g. Par décision sur opposition du 3 mars 2025, l'OCE a rejeté l'opposition de l'assurée et a confirmé sa décision du 23 décembre 2024, au motif que l'assurée n'avait apporté aucun élément permettant de revoir la décision litigieuse. L'assurée a expliqué dans un premier temps qu'elle avait bien donné suite à l'assignation, et a soutenu dans un second temps, soit après avoir reçu la décision de sanction y relative, qu'elle n'avait pas reçu le document d'assignation. Le courriel du 4 septembre 2024 contenant l'assignation avait été envoyé à l'adresse électronique que l'assurée avait communiquée aux instances de l'assurance-chômage, et des échanges avaient déjà eu lieu avec ladite adresse de messagerie, de sorte qu'il appartenait à l'assurée d'être atteignable dans les 24 heures et de consulter quotidiennement sa boîte aux lettres et sa messagerie, comme elle s'était d'ailleurs engagée à le faire lors de son inscription à l'OCE. La sanction prononcée était conforme au barème du Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO), et respectait le principe de la proportionnalité.

h. Par décision du 4 mars 2025, la caisse cantonale genevoise de chômage a réclamé à l'assurée le remboursement d'un montant de CHF 5'546.05, représentant les indemnités indûment perçues durant 34 jours, du « 8 au 30 septembre 2024 et en octobre 2024 ».

C. a. Par acte du 3 avril 2025, agissant par l'intermédiaire d'un conseil, l'assurée a recouru devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision sur opposition du 3 mars 2025. Par cet acte, la recourante a conclu, sous suite de dépens, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif s'agissant de la décision de remboursement du 4 mars 2025, à la production du dossier de la cause par l'OCE, à ce qu'il soit procédé à son audition et, principalement, à l'annulation de la décision sur opposition du 3 mars 2025, et à l'annulation de la décision prononçant une suspension de 34 jours de son droit à l'indemnité de chômage.

b. Invité à se déterminer, l'intimé a considéré par courrier du 15 avril 2025 qu'il était manifeste que le recours de l'assurée n'avait pas d'effet suspensif de par la loi, de sorte qu'il ne pouvait pas le restituer. L'intimé a également produit le dossier de la cause.

c. Par arrêt incident du 22 avril 2025 (ATAS/281/2025), la chambre de céans a rejeté la demande de restitution de l'effet suspensif.

d. Dans sa réponse du 2 mai 2025, l'intimé a intégralement persisté dans les termes de sa décision sur opposition du 3 mars 2025.

e. Par courrier du 6 mai 2025, la chambre de céans a transmis la réponse de l'intimé à la recourante, et lui a accordé un délai au 28 mai 2025 pour consulter le dossier de la procédure et répliquer.

f. Par réplique du 28 mai 2025, la recourante a persisté dans les termes de son recours.

g. Le 16 juin 2025, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle. La recourante a expliqué avoir été très occupée entre le 4 et le 7 septembre 2024, période correspondant au délai de postulation, car elle travaillait à Lausanne alors qu'elle habitait à Genève. Lorsqu'elle avait reçu le courrier de l'OCE du 9 décembre 2024, elle ne comprenait pas à quoi il faisait référence. Ce n'était qu'après réception de ce courrier qu'elle avait consulté son dossier de courriers indésirables et y avait découvert le courriel du 4 septembre 2024. Ce message ne provenait pas de sa conseillère, qui était en vacances du 4 au 22 septembre 2024, mais de la direction employeur de l'OCE. En effet, chaque fois que sa conseillère lui adressait une assignation à un emploi ou à un stage, elle recevait un SMS l'invitant à consulter ses courriels, mais aucun SMS ne lui avait été envoyé à l'occasion du courriel du 4 septembre 2024. Par ailleurs, aucun courriel envoyé par sa conseillère n'avait jamais été dirigé vers ses courriers indésirables. Durant la période du 2 au 7 septembre 2024, où elle effectuait une mission temporaire, elle n'avait pas vérifié ses courriers indésirables. Avant cette période, elle contrôlait occasionnellement le dossier des indésirables, mais n'y avait jamais trouvé de message de l'OCE. Enfin, lors d'un entretien avec sa conseillère le 24 octobre 2024, cette dernière ne lui avait pas fait mention du courriel du 4 septembre 2024.

h. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai de 30 jours prévus par la loi (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension du droit de la recourante à l'indemnité de chômage pour une durée de 34 jours.

3.              

3.1 Pour avoir droit à l’indemnité de chômage, l’assuré doit notamment satisfaire aux exigences de contrôle, en vertu de l’art. 8 al. 1 let. g LACI.

3.1.1 Les conditions de l'art. 8 al. 1 LACI, qui sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2), sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02), ainsi que – dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 et références citées) – par les instructions édictées par le SECO en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais de la Directive LACI IC – marché du travail/assurance-chômage (TC ; ci-après : Bulletin LACI IC).

3.1.2 L’art. 16 al. 1 LACI prescrit qu’en règle générale, l’assuré doit accepter immédiatement tout travail en vue de diminuer le dommage.

3.1.3 Aux termes de l’art. 17 al. 1 LACI, l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit, avec l’assistance de l’office du travail compétent, entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger. Il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu’il exerçait précédemment. Il doit pouvoir apporter la preuve des efforts qu’il a fournis. L’assuré est tenu d’accepter tout travail convenable qui lui est proposé (art. 17 al. 3 1re phr. LACI).

3.1.4 Est assimilé à un refus d'emploi convenable le fait de ne pas donner suite à une assignation à un travail réputé convenable (ATF 122 V 34 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral C 141/06 du 24 mai 2007 consid. 3). Selon la jurisprudence, il y a refus d'une occasion de prendre un travail convenable non seulement lorsque l'assuré refuse expressément un travail convenable qui lui est assigné, mais également déjà lorsque l'intéressé s'accommode du risque que l'emploi soit occupé par quelqu'un d'autre ou fait échouer la perspective de conclure un contrat de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_756/2020 du 3 août 2021 consid. 3.1). Une suspension ne suppose pas nécessairement un lien de causalité entre le comportement de l’assuré et le prolongement du chômage et du dommage causé à l’assurance-chômage. Il suffit que certains comportements ou omissions comportent le risque d’un dommage pour qu’ils soient sanctionnés (ATF 141 V 365 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_468/2020 du 27 octobre 2020 consid. 3.2 et les références). Tel est notamment le cas d’une absence de candidature par l’assuré à un poste qui lui a été assigné (arrêt du Tribunal fédéral 8C_339/2016 du 29 juin 2016 consid. 4.5.3).

3.2 La violation de ces obligations expose l'assuré à une suspension de son droit à l'indemnité.

En vertu de l'art. 30 al. 1 let. d LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment refuse un travail convenable. Une telle mesure constitue une manière appropriée et adéquate de faire participer l'assuré au dommage qu'il cause à l'assurance-chômage en raison d'une attitude contraire à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral C 141/06 du 24 mai 2007 consid. 3). La suspension du droit à l'indemnité de chômage n'est toutefois pas subordonnée à la survenance d'un dommage effectif ; est seule déterminante la violation par l'assuré des devoirs qui sont le corollaire de son droit à l'indemnité de chômage, soit en particulier des devoirs posés par l'art. 17 LACI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_491/2014 du 23 décembre 2014 consid. 2 ; C 152/01 du 21 février 2002 consid. 4). Selon l'art. 30 al. 2 LACI, l’autorité cantonale prononce les suspensions au sens de l’al. 1 let. d lorsqu’il s’agit d’une violation de l’obligation de fournir des renseignements à ladite autorité ou à l’office du travail, ou de les aviser. Dans les autres cas, les caisses statuent. Conformément à l'art. 30 al. 3 3e phr. LACI, la durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de suspension, 60 jours.

3.2.1 La durée de la suspension du droit à l'indemnité de chômage est fixée compte tenu non seulement de la faute, mais également du principe de proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_675/2014 du 12 décembre 2014 consid. 5.3 ; 8C_425/2014 du 12 août 2014 consid. 5.1 et la référence citée).

3.2.2 Selon l’art. 45 al. 3 OACI, la suspension dure de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a) ; de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c). Au sens de l'art. 45 al. 4 let. b OACI, il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l’assuré refuse un emploi réputé convenable.

Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s'agir, dans le cas concret, d'un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 141 V 365 consid. 4.1 ; 130 V 125 consid. 3.5). Constituent de telles circonstances le type d’activité proposée, la durée de l’activité, lorsqu’il est certain qu’elle sera courte, le salaire offert, l’horaire de travail, la situation personnelle de l’assuré. En revanche ne constituent pas des circonstances de ce genre, de faibles chances d’obtenir le poste assigné, le fait que l’inscription au chômage soit récente ou encore l’imprécision de la description du poste assigné. Si des circonstances particulières le justifient, il est donc possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31 jours. Toutefois, les motifs de s'écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_283/2021 du 25 août 2021 consid. 3.2).

3.3 La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_547/2023 du 12 avril 2024 consid. 4.3).

Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.2 ; 8C_601/2012 consid. 4.2, non publié in ATF 139 V 164 et les références).

Le pouvoir d’examen de l'autorité judiciaire de première instance n'est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (Angemessenheits-kontrolle). En ce qui concerne l'opportunité de la décision prise dans un cas concret, l'examen du tribunal cantonal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration. Il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_127/2020 du 23 juillet 2020 consid. 3.3).

3.4 En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème indicatif à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour les organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances du cas d'espèce, tant objectives que subjectives, et de fixer la sanction en fonction de la faute (arrêts du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 5 ; 8C_425/2014 du 12 août 2014 consid. 5.1). Parmi ces circonstances figurent en particulier : le mobile, les circonstances personnelles (soit l'âge, l'état civil, l'état de santé, une dépendance éventuelle, l'environnement social, le niveau de formation, les connaissances linguistiques, etc.), les circonstances particulières (soit le comportement de l'employeur ou des collègues de travail, le climat de travail [par exemple des pressions subies au lieu de travail], etc.), de fausses hypothèses quant à l'état de fait, par exemple quant à la certitude d'obtenir un nouvel emploi (Bulletin LACI IC, ch. D64). Les difficultés financières de l'assuré ne sont toutefois pas à prendre en considération lors de la fixation de la durée de la suspension (arrêt du Tribunal fédéral 8C_373/2024 du 18 décembre 2024 consid. 7.1 et les références citées).

Le Bulletin LACI IC dans sa version en vigueur dès le 1er janvier 2025 prévoit notamment dans l’échelle figurant au chiffre D79 les durées de suspension suivantes en cas de refus d’un emploi convenable à durée déterminée assigné à l’assuré : 3 à 5 jours pour un emploi d'une semaine, 6 à 10 jours pour un emploi de deux semaines, 10 à 15 jours pour un emploi de trois semaines, 15 à 20 jours pour un emploi de quatre semaines, 20 à 27 jours pour un emploi de deux mois, 23 à 30 jours pour un emploi de trois mois, 27 à 34 jours pour un emploi de quatre mois, 30 à 37 jours pour un emploi de cinq mois, et 34 à 41 jours pour un emploi de six mois.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 3 OACI pose une règle dont l’administration et le juge des assurances peuvent s’écarter lorsque des circonstances particulières le justifient. Dans ce sens, leur pouvoir d’appréciation n’est pas limité par la durée minimum de suspension fixée par cette disposition pour les cas de faute grave (ATF 130 V 125 consid. 4). Lorsque la suspension infligée s’écarte des échelles de suspension, l’autorité qui la prononce doit assortir sa décision d’un exposé des motifs justifiant sa sévérité ou sa clémence particulière (Bulletin LACI IC, ch. D73 et D74).

3.5 Dans un arrêt du 18 décembre 2024 (8C_373/2024), le Tribunal fédéral a confirmé la décision du Tribunal cantonal fribourgeois, qui avait réduit de 21 à 3 jours la suspension du droit à l'indemnité de chômage infligée à un assuré. Ce dernier avait fait preuve de négligence en ne consultant pas à temps un courriel, qui s'était retrouvé dans le dossier des courriers indésirables, l'assignant à un programme d'emploi temporaire. Toutefois, le Tribunal a relevé que l'assuré avait rapidement reconnu son erreur et participé à la mesure sans intention de s'y soustraire. En conséquence, la gravité de la faute a été requalifiée en faute légère, conformément au barème du SECO. Le Tribunal a estimé que la juridiction cantonale n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en requalifiant la faute et a rejeté le recours du Service public de l'emploi fribourgeois.

3.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

4.              

4.1 En l'occurrence, il est établi que la recourante n'a pas donné suite au courriel de l'intimé du 4 septembre 2024 contenant une assignation pour un emploi d'huissière d'accueil. Il n'est pas contesté que cet emploi était convenable au regard de l'expérience de la recourante.

L'intimé a retenu que la recourante s'était privée d'un emploi convenable et avait ainsi commis une faute grave, justifiant une suspension de son droit à l'indemnité de chômage d'une durée de 34 jours.

La recourante fait valoir que c’est sans faute de sa part qu’elle n’a pas répondu à l’assignation du 4 septembre 2024 dès lors qu'elle n'avait pris connaissance du courriel du 4 septembre 2024 qu'après réception du courrier de l'intimé du 9 décembre 2024, ce courriel ayant été dirigé dans ses courriers indésirables. Elle ajoute qu'elle était en mission pour deux employeurs à Lausanne entre le 2 et le 7 septembre 2024, et que l'intimé aurait dû doubler le courriel d'un téléphone ou d'un SMS la prévenant qu'un e-mail important lui avait été adressé.

4.2 Lors de son inscription au chômage, la recourante a expressément accepté de communiquer avec l'intimé par courriel et s’est engagée à relever quotidiennement sa messagerie. Par la suite, elle a signé une autorisation d'utilisation d'une messagerie standard, acceptant que l'intimé lui transmette des documents relatifs à son placement et à ses droits et obligations envers l'assurance-chômage via l'e‑mail transmis lors de son inscription.

Dans ces conditions, la recourante devait vérifier régulièrement le contenu de sa messagerie, y compris le dossier des courriers indésirables (à cet égard arrêt du Tribunal fédéral 8C_373/2024 du 18 décembre 2024 précité).

La recourante a ainsi été négligente dans l’accomplissement de ses obligations de demandeuse d'emploi. Sur le principe, c’est à bon droit que l'intimé a prononcé une suspension du droit de la recourante à l'indemnité de chômage.

4.3 Concernant la quotité de la suspension, l'intimé soutient que la durée prononcée, soit 34 jours, correspond au barème du SECO pour le premier manquement reproché. Il en conclut qu'il n'y a pas lieu de s'en écarter, la proportionnalité ayant été respectée.

Or, à l’instar de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_373/2024 précité, le manquement de la recourante, qui ne constitue qu’une simple inattention dans le relevé de sa boite de courriers indésirables, ne traduit aucune volonté de sa part de se soustraire à l’assignation en cause.

Plusieurs éléments peuvent, dans ce sens, être pris en considération pour justifier une suspension moins sévère lors de l'appréciation du comportement de la recourante.

4.3.1 Tout d’abord, la conseillère personnelle de la recourante était en congé du 4 au 22 septembre 2024, période correspondant au délai de postulation. Le courriel litigieux n'a pas été envoyé par cette conseillère, mais par la direction employeur de l'intimé. La recourante a affirmé avoir toujours reçu les courriels de sa conseillère, qui n'ont jamais été dirigés vers le dossier des courriers indésirables. Il n’est pas contesté par l’intimé que le courriel envoyé par sa direction employeur a été identifié comme indésirable par la messagerie et classé comme tel dans le dossier réservé à ces courriels, sans envoi simultané de SMS. Or, la recourante avait pour habitude de recevoir un SMS en parallèle de chaque courriel envoyé par sa conseillère. L’absence de SMS en parallèle du courriel litigieux, contrairement à la pratique habituelle de l’intimé, et l’arrivée dans le dossier des courriers indésirables atténuent ainsi la faute de la recourante.

4.3.2 Par ailleurs, aucun élément ne permet de conclure que la recourante avait la volonté de se soustraire à l'emploi assigné : d’une part, elle a affirmé de façon convaincante à plusieurs reprises dans ses écritures et lors de l'audience de comparution personnelle qu'elle y aurait postulé si elle avait pris connaissance de l'assignation dans le délai, d’autre part, il ressort de son formulaire de preuves de recherches d’emploi du mois de septembre 2024 qu’elle a effectivement postulé à deux offres d’emplois similaires aux E______.

4.3.3 Enfin, le dossier fait ressortir que la recourante a fait preuve d'un sérieux constant durant son inscription au chômage. Elle soumettait systématiquement les postulations qui lui étaient assignées, accomplissait de nombreuses missions en gains intermédiaires et respectait les instructions de l'assurance-chômage. Elle était à ce titre en mission temporaire à Lausanne (alors qu'elle habite à Genève) du 2 au 7 septembre 2024, soit pendant le délai de postulation à l'emploi assigné. Elle a réussi à sortir du chômage grâce à sa reprise d'emploi au 1er décembre 2024. Elle remplissait ainsi ses obligations pour limiter le dommage pour l'assurance.

5.             Au vu de l'ensemble des circonstances, la recourante a commis une faute légère au sens de l'art. 45 al. 3 OACI, laquelle justifie une suspension du droit à l'indemnité de chômage de 1 à 15 jours. En effet, la situation peut être assimilée à une inobservation d’autres instructions de l’autorité cantonale ou de l'ORP au sens du Bulletin LACI IC, qui prévoit une suspension de 3 à 10 jours pour le premier manquement.

Vu les circonstances précitées, la chambre de céans réduira la suspension du droit à l'indemnité de la recourante à 3 jours.

6.             Le recours sera donc partiellement admis et la décision litigieuse réformée.

La recourante, assistée par un avocat et obtenant partiellement gain de cause, a droit à une indemnité à titre de participation à ses dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Réforme la décision de l'intimé du 3 mars 2025 et réduit de 34 à 3 jours la durée de suspension du droit de la recourante à l'indemnité de chômage.

4.        Alloue à la recourante, à charge de l'intimé, une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le