Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3091/2024

ATAS/572/2025 du 24.07.2025 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3091/2024 ATAS/572/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 juillet 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représentée par Me Jean-Michel DUC, avocat

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assurée), née en ______ 1961, est au bénéfice d’une formation d’infirmière en oncologie et soins palliatifs.

b. L’assurée a travaillé à 30% comme infirmière indépendante dispensant des soins à domicile depuis 2016 et, parallèlement, à 70% comme infirmière spécialisée pour B______ (ci-après : B______) depuis janvier 2018.

Suite à un premier accident touchant son genou droit, survenu en 2021, l’assurée a diminué le taux de son activité pour B______ de 70% à 60% (cf. avenant à son contrat de travail du 1er janvier 2022).

En février 2022, elle s’est fracturée le pied gauche. En raison des accidents et des douleurs résiduelles, l’assurée n’a pu reprendre son activité indépendante en 2022 et a perdu sa clientèle. Elle a par ailleurs été licenciée de son poste auprès de B______ pour le 30 septembre 2022.

En janvier 2023, l’assurée a repris son travail d’infirmière indépendante à 50% de son taux de 40%, soit à 20%.

c. Le 6 janvier 2023, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI).

d. À l’issue de l’instruction médicale, il a été établi que l’assurée souffrait d’une gonarthrose bilatérale prédominant à gauche, d’un status après suture méniscale au genou droit en 2019 et d’un status après fracture du pied gauche en février 2022, induisant les limitations fonctionnelles suivantes : nécessité de privilégier une activité administrative, dans les soins infirmiers ou dans une activité de conseil aux patients – comme celle qui était la sienne auprès de B______, position assise prédominante, permettant d’alterner les positions assise et debout toutes les 30 minutes, sans marche prolongée, ni accroupissement, ni agenouillement et permettant d’éviter les escaliers.

Tant l’expert rhumatologue mandaté par l’assurance perte de gain que le Service médical régional (ci-après : SMR) ont évalué la capacité de travail de l’assurée à 100% s’agissant de son activité d’infirmière salariée à B______ ou de toute autre activité adaptée et ce, dès le 10 février 2023. Le SMR a relevé que la capacité de travail médico-théorique en tant qu’infirmière indépendante était en revanche nulle, cette profession ne respectant pas les limitations fonctionnelles énoncées. Il a préconisé de retenir, à compter du 10 février 2022, une capacité de travail de 60% dans l’activité habituelle de manière globale et une capacité de travail de 100% dans toute activité adaptée.

e. Du rapport d’enquête pour activité professionnelle indépendante établi le 16 novembre 2023, il ressort que l’assurée, au début des années 2000, a travaillé comme infirmière salariée à un taux de 70% pour prendre le temps de s’occuper de ses enfants. Par la suite, en 2012, elle a développé parallèlement une activité indépendante de soins à domicile, augmentant ainsi son taux d’occupation global à 100%.

L’assurée a ouvert son cabinet (C______) en 2016 et accepté en parallèle un poste d’infirmière à 20% auprès de B______. S’y ajoutait son activité d’infirmière pour un taux global de 100%, voire plus.

En 2018-2019, le taux de son activité pour B______ a été augmenté à 60%, puis à 70% en 2020. S’y ajoutait toujours son activité d’indépendante, pour un taux global avoisinant 100%.

En avril 2021, l’assurée est opérée du genou droit et se retrouve en arrêt de travail jusqu’en août 2021. À son retour, elle demande à diminuer le taux de son activité pour B______ à 60%, ce qui est mis en vigueur le 1er janvier 2022.

Quelques semaines plus tard, l’assurée chute et se retrouve en arrêt de travail à nouveau.

En définitive, il a été retenu que l’assurée avait travaillé pour son compte à environ 80% dès 2016, 40% dès 2018, 30% dès 2020 et 40% dès 2022.

Elle a repris son activité indépendante en janvier 2023, à raison d’environ trois heures par jour. Son cabinet est en outre ouvert deux après-midis par semaine.

L’assurée a indiqué que, sans problèmes de santé, elle aurait souhaité continuer de diminuer son temps de travail auprès de B______ et se consacrer davantage à son activité indépendante.

L’assurée a fourni à l’OAI ses comptes d’exploitation des années 2017 à 2022. Les années 2017 à 2019 ont été jugées les plus représentatives. En effet, En 2020, il y a eu une baisse de revenu due à un nombre plus élevé de décès dans la patientèle de l’assurée, qui, par ailleurs, cette même année, a augmenté le taux de son activité salariée. En 2021, l’assurée a été en arrêt de travail durant plusieurs mois suite à son premier accident. En 2022, elle l’a également été à compter de février. La moyenne des gains obtenus durant les années 2017 à 2019, activités indépendante et salariée cumulées, a servi de base pour déterminer le revenu avant invalidité.

S’agissant du revenu après invalidité, l’OAI a constaté qu’en 2023 (année en cours au moment de l’évaluation), le revenu réalisé durant les neuf premiers mois de l’année s’était élevé à CHF 47'512.40, ce qui correspondait à un revenu annualisé de CHF 63'350.-. Cela étant, il a fait remarquer que cette projection demeurait incertaine, d’une part, et que l’assurée ayant cessé son activité indépendante durant de longs mois, les gains de l’année 2023 seraient comparables à ceux d’une année de lancement et ne reflèteraient certainement pas avec précision la situation réelle, d’autre part.

En définitive, l’OAI a estimé équitable de confondre l’incapacité de travail avec l’incapacité de gain dans l’activité habituelle et de retenir un degré d’invalidité de 40%.

f. Un projet de décision a été rendu en ce sens en date du 20 novembre 2023, que l’assurée a contesté le 21 décembre 2023, arguant en substance qu’en bonne santé, elle aurait mis fin à son activité salariée pour se consacrer à 100% à son activité indépendante, qui, selon elle, lui aurait permis de réaliser un revenu de CHF 230'776.25.

g. Le service ad hoc de l’OAI a maintenu qu’à aucun moment, lors du passage du collaborateur chargé de l’enquête au cabinet C______, l’assurée n’avait émis le souhait de quitter B______ pour se consacrer exclusivement à son activité indépendante.

h. Par décision du 19 août 2024, l’OAI a reconnu à l’assurée le droit à une rente d’invalidité de 25%, basée sur un degré d’invalidité de 40%, à compter du 1er juillet 2023.

À l’issue de l’instruction médicale, l’OAI a considéré que l’assurée avait vu sa capacité de travail diminuée à 60% dans son activité habituelle depuis le 17 février 2022.

La demande de prestations ayant été déposée en janvier 2023, la rente ne pouvait être versée qu’à compter de juillet 2023.

Des mesures d’ordre professionnel n’étant pas de nature à réduire le dommage de manière notable ou à augmenter la capacité de gain, il y a été renoncé.

L’OAI a considéré que le revenu annuel moyen sans invalidité, tenant compte tant de l’activité indépendante que de l’activité salariée, devait être fixé à CHF 171'688.- de la manière suivante :

C______

Ligue

total

2017

CHF 155'211.-

CHF 27'337.-

CHF 182'548.-

2018

CHF 105'269.-

CHF 66'599.-

CHF 171'868.-

2019

CHF 94'057.-

CHF 66'592.-

CHF 160'649.-

moyenne

CHF 171'688.-

L’OAI a précisé que les taux déployés étaient des taux minima, car l’assurée avait travaillé au-delà d’un 100%, exerçant ses activités salariée et indépendante parfois le même jour. Le taux ne pouvant être évalué avec précision, il y avait lieu de tenir compte des gains réalisés dans les deux activités.

L’OAI a fait remarquer que le salaire d’infirmière indépendante avancé par l’assurée (CHF 230'776.25) n’était aucunement motivé.

Il a considéré qu’il y avait lieu de faire correspondre l’incapacité de travail avec l’incapacité de gain dans l’activité habituelle, ce qui conduisait à un degré d’invalidité de 40%.

B. a. Par écriture du 19 septembre 2024, l’assurée a interjeté recours contre cette décision en concluant à l’octroi d’une demi-rente d’invalidité à compter du 1er juillet 2023.

En substance, la recourante conteste le revenu avant invalidité défini par l’OAI. Elle reproche à ce dernier de l’avoir fixé en considérant qu’elle aurait continué à exercer à 80% en tant qu’indépendante et à 20% en tant que salariée. Elle affirme que, si son état de santé le lui avait permis, elle aurait augmenté la part dévolue à son activité indépendante et renoncé à toute activité salariée.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 16 octobre 2024, a conclu au rejet du recours.

S’agissant du revenu avant invalidité, il fait remarquer qu’il l’a fixé de manière favorable à l’assurée, sur la base de la moyenne de son revenu d’indépendante des trois années les plus avantageuses, soit CHF 171'688.- de 2017 à 2019, montant auquel il a rajouté le salaire obtenu parallèlement.

L’intimé considère que les allégations de l’assurée selon lesquelles elle aurait cessé son activité de salariée pour se consacrer pleinement à son activité indépendante ne sont aucunement étayées par les pièces du dossier.

c. Par écriture du 17 janvier 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions.

En substance, elle maintient que, sans atteinte à sa santé, elle aurait travaillé à 100% en qualité d’indépendante.

Elle évalue le revenu qu’elle aurait pu ainsi obtenir à CHF 236'071.-, ce qui, comparé au revenu d’invalide de CHF 110'998.35, conduit à un degré d’invalidité de 53%.

d. Le 5 février 2025, l’OAI a persisté dans ses conclusions.

e. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie "en droit" du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

1.3 La procédure devant la Cour de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

1.4 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             L’objet du litige se limite au degré d’invalidité à reconnaître à la recourante, étant précisé que celle-ci ne conteste pas être capable d’exercer une activité adaptée à 60%.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ‑ RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

3.2 En l’occurrence, le droit à la rente d’invalidité a été reconnu à la recourante à compter du 1er juillet 2023, soit six mois après le dépôt de la demande du 6 janvier 2023 (cf. art. 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

4.              

4.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

4.2 À droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

4.3 La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

4.4 En vertu de l’art. 28b LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47,5% (al. 4).

4.5 La quotité de la rente est déterminée en fonction de l’incapacité de gain au moment où le droit à la rente prend naissance (cf. art. 28 al. 1 let. c LAI). Le droit à la rente naît au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18e anniversaire de l’assuré (art. 29 al. 1 LAI).

4.6 Pour évaluer le taux d'invalidité d’un assuré exerçant une activité lucrative, le revenu qu’il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI).

Selon l’art. 24septies RAI, le statut d’un assuré est déterminé en fonction de la situation professionnelle dans laquelle il se trouverait s’il n’était pas atteint dans sa santé (al. 1). L’assuré est réputé exercer une activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 1 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de 100% ou plus (al. 2 let. a).

4.7 L’art. 25 RAI pose les principes de la comparaison des revenus. Selon son premier alinéa, est réputé revenu au sens de l’art. 16 LPGA le revenu annuel présumable sur lequel les cotisations seraient perçues en vertu de la LAVS, à l’exclusion toutefois : des prestations accordées par l’employeur pour compenser des pertes de salaire par suite d’accident ou de maladie entraînant une incapacité de travail dûment prouvée (let. a) ; des indemnités de chômage, des allocations pour perte de gain au sens de la LAPG et des indemnités journalières de l’assurance-invalidité (let. b).

Les revenus déterminants au sens de l’art. 16 LPGA sont établis sur la base de la même période et au regard du marché du travail suisse (art. 25 al. 2 RAI).

Si les revenus déterminants sont fixés sur la base de valeurs statistiques, les valeurs médianes de l’enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de l’Office fédéral de la statistique font foi. D’autres valeurs statistiques peuvent être utilisées, pour autant que le revenu en question ne soit pas représenté dans l’ESS. Les valeurs utilisées sont indépendantes de l’âge et tiennent compte du sexe (art. 25 al. 3 RAI). Les valeurs statistiques sont adaptées au temps de travail usuel au sein de l’entreprise selon la division économique ainsi qu’à l’évolution des salaires nominaux (art. 25 al. 4 RAI).

4.8 La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants des revenus sans et avec invalidité et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 137 V 334 consid. 3.1.1 ; 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).

4.9 Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 143 V 295 consid. 2.3 et les références ; 129 V 222 ; 128 V 174).

4.10 Selon l’art. 26 RAI, le revenu sans invalidité (art. 16 LPGA) est déterminé en fonction du dernier revenu de l’activité lucrative effectivement réalisé avant la survenance de l’invalidité. Si le revenu réalisé au cours des dernières années précédant la survenance de l’invalidité a subi de fortes variations, il convient de se baser sur un revenu moyen équitable (al. 1).

Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d'établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Partant de la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en prenant en compte également l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente ; des exceptions ne peuvent être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 103 consid. 5.3 ; 139 V 28 consid. 3.3.2 et les références ; 135 V 297 consid. 5.1 et les références ; 134 V 322 consid. 4.1 et les références).

4.11 Si l’assuré réalise un revenu après la survenance de l’invalidité, le revenu avec invalidité (art. 16 LPGA) correspond à ce revenu, à condition que l’assuré exploite autant que possible sa capacité fonctionnelle résiduelle en exerçant une activité qui peut raisonnablement être exigée de lui (art. 26bis al. 1 RAI).

Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2).

5.             En l’occurrence, comme déjà indiqué, le litige se limite à la question du calcul du degré d’invalidité.

5.1 L’intimé, de manière pragmatique, a opté pour une confusion entre le taux d’incapacité de travail global de 60% reconnu s’agissant de l’activité habituelle (étant rappelé que la capacité à exercer une activité adaptée a été jugée pleine et entière) et le degré d’incapacité de gain, obtenant ainsi un degré d’invalidité de 40%.

5.2 La recourante ne conteste pas le taux de capacité de 60%. En revanche, elle soutient qu’elle avait l’intention, à terme, de renoncer totalement à son activité salariée au profit de son activité indépendante. Elle fait grief à l’intimé de s’être basé, pour calculer son degré d’invalidité, sur un revenu avant invalidité réalisé à 80% en tant qu’indépendante et à 20% en tant que salariée et de l’avoir comparé à un revenu avec invalidité qui serait celui dont elle pourrait bénéficier en tant qu’employée de B______ à plein temps.

Ainsi que l’a expliqué l’intimé à réitérées reprises, la recourante se méprend sur la manière dont a été calculé le degré de son invalidité. En effet, l’intimé a finalement écarté la comparaison des gains et a préféré confondre taux d’incapacité de travail global dans l’activité habituelle et degré d’incapacité de gain – et donc d’invalidité. Il semble échapper à l’assurée que cette manière de faire lui est très favorable, ce qui s’explique et est justifié, notamment, par le fait qu’elle était âgée, en 2023, de 62 ans et donc proche de l’âge de la retraite. Dans ces circonstances, l’intimé a fait preuve de pragmatisme en considérant que son activité habituelle était la plus adaptée et qu’on ne pouvait exiger de la recourante qu’elle en changeât, même si elle ne respecte pas les limitations fonctionnelles.

On ajoutera que si on optait pour la méthode de comparaison préconisée par la recourante, cela conduirait, ainsi que le fait remarquer l’intimé, à une solution défavorable pour elle, soit un degré d’invalidité de 35,35%, inférieur à celui retenu et argumenté de manière détaillée et convaincante par l’intimé.

En effet, le revenu avant invalidité tel que défini par l’intimé (CHF 171'688.-) n’apparaît pas critiquable. Comme le rappelle l’intimé, pour évaluer le revenu sans invalidité d’un travailleur indépendant, on examine le développement probable qu’aurait suivi l’entreprise de l’assuré si celui-ci n’était pas devenu invalide. L’extrait du compte individuel est en principe déterminant pour calculer le revenu et les pièces comptables correspondantes sont également prises en considération. En l’occurrence, ce sont les pièces comptables qui ont été prises en compte par l’intimé pour évaluer le revenu moyen réalisé entre 2017 et 2019, et ce alors même que le rassemblement des comptes individuels de la recourante font état, pour la même période, de montants moindres. Se conformant à la jurisprudence selon laquelle, en cas de forte fluctuation du revenu, il faut se fonder sur le revenu moyen réalisé pendant une période relativement longue (9C_971_2017 du 29 mai 2018), l’intimé a retenu les trois années les plus favorables à la recourante, en expliquant les raisons pour lesquelles il écartait les revenus des années 2020, 2021 et 2023. Puis, constatant qu’il était difficile de faire la part entre la part dévolue à l’activité salariée et celle consacrée à l’activité indépendante, il les a cumulés pour parvenir à ce montant moyen de CHF 171'688.-, auquel on ne saurait dès lors rajouter une seconde fois le montant de l’activité pour B______, comme s’obstine à le réclamer la recourante. Les allégations de l’assurée selon lesquelles elle aurait cessé son activité de salariée pour se consacrer pleinement à son activité indépendante ne sont aucunement étayées par les pièces du dossier. Lors de l’enquête, l’assurée a simplement indiqué vouloir réduire la part salariée, non l’arrêter complètement. Les faits démontrent d’ailleurs qu’en réalité, son taux d’activité salariée n’a fait qu’augmenter au fil du temps, puisqu’en 2018-2019, le taux de son activité pour B______ a été augmenté à 60%, puis à 70% en 2020. Certes, elle l’a diminué de 10% en janvier 2022, mais seulement suite à son premier accident. Rien ne vient appuyer la thèse selon laquelle elle y aurait renoncé totalement au profit de son activité indépendante si elle avait été en pleine possession de ses moyens physiques.

S’agissant du revenu après invalidité, la recourante préconise de retenir celui qu’elle aurait obtenu en travaillant en tant que salariée de B______ à 100%, soit CHF 110'998.35, ce qui conduirait, comme indiqué plus haut, à un degré d’invalidité de 35.35%, inférieur à celui retenu par l’intimé.

À moins de ne procéder à une reformatio in pejus, il convient dès lors de se ranger à la solution préconisée par l’intimé, non pas parce qu’elle est favorable à l’assurée, mais bien parce que les arguments avancés par la division d’enquête de l’OAI sont convaincants. Eu égard à l’âge de la recourante, au fait qu’elle a pratiqué comme infirmière durant toute sa carrière et qu’il serait inexigible de lui demander d’opter pour une activité plus adaptée au seuil de la retraite, il convient de confondre taux d’incapacité global de travail dans l’activité habituelle et degré d’incapacité de gain et donc d’invalidité.

Le taux de 40% ainsi obtenu est donc confirmé.

6.             Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté et la recourante condamnée au paiement d'un émolument de CHF 400.- (art. 69 al.1bis LAI).

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 400.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le