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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3819/2024

ATAS/565/2025 du 22.07.2025 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3819/2024 ATAS/565/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 juillet 2025

Chambre 10

 

En la cause

 

A______

agissant par ses co-curateurs B______ et
C______, représenté par Me Nawal HASSAM, avocate

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1991, est au bénéfice d'une rente entière extraordinaire d'invalidité fondée sur un degré d'invalidité de 100% depuis le 1er février 2009.

b. Par courrier du 7 juin 2024, il a informé l'office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) de sa détention préventive à la prison de
Champ-Dollon depuis le 1er décembre 2023.

Il a joint une attestation de cet établissement du 16 mai 2024.

B. a. Le 24 juin 2024, l'OCAS a transmis lesdites pièces à l'office de l'assurance‑invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI), et l'a invité à lui donner des instructions concernant le versement de la rente d'invalidité de l'assuré.

b. Par prononcé du 2 juillet 2024, l'OAI a signifié à la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) que la rente d'invalidité de l'assuré était suspendue à partir du 1er janvier 2024.

c. Par décision du 5 juillet 2024, l'OAI a également avisé l'assuré de la suspension de sa rente d'invalidité dès le 1er janvier 2024 en raison de son incarcération, et requis la restitution d'un montant de CHF 9'798.-, correspondant aux rentes d'invalidité indûment perçues du 1er janvier au 30 juin 2024.

d. Le 29 juillet 2024, l'assuré, par l'intermédiaire de son avocate, a fait savoir à l'OAI qu'il avait été remis en liberté le 15 juillet 2024, ordonnance de mise en liberté avec mesures de substitution du Ministère public genevois à l'appui. Il a sollicité la reprise du versement de sa rente à compter du 1er juillet 2024.

e. Par décision du 16 août 2024, l'OAI a réactivé la rente d'invalidité de l'assuré dès le 1er juillet 2024.

f. Par communication du même jour, l'OAI a informé l'assuré de la retenue de CHF 200.- par mois sur sa rente d'invalidité consécutive à la décision de restitution du 5 juillet 2024.

g. Par lettre du 7 septembre 2024 à l'OCAS, l'assuré, sous la plume de son conseil, a déposé une demande de remise de son obligation de rembourser le montant de CHF 9'798.-, en invoquant sa bonne foi et une situation financière difficile.

Il a produit en particulier un rapport d'expertise psychiatrique du 22 juillet 2024, partiellement caviardé, établi à la demande de Ministère public genevois auquel était annexé un rapport d'évaluation neuropsychologique du 14 juin 2024.

h. Par décision du 11 octobre 2024, l'OAI a refusé d'accorder la remise à l'assuré, au motif que la condition de la bonne foi n'était pas remplie, étant donné qu'il n'avait pas renseigné immédiatement la caisse de son incarcération. Il restait par conséquent tenu de rembourser le montant de CHF 9'798.- et le plan de paiement à raison d'une retenue de CHF 200.- sur sa rente mensuelle était maintenu. L’effet suspensif au recours était retiré et la décision immédiatement exécutoire.

i. Par ordonnance du 16 octobre 2024 (DTAE/7910/2024), le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de l'assuré et désigné B______ et C______ aux fonctions de curateurs.

C. a. Par acte du 14 novembre 2024, l'assuré, représenté par son avocate, a recouru contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif au recours concernant le maintien de la retenue mensuelle de CHF 200.- sur la rente versée durant la présente procédure, principalement, à l'annulation de cette décision et à la remise de la somme qui lui était réclamée, et subsidiairement, au renvoi de la cause à l'administration pour nouvelle décision au sens des considérants.

Le recourant a fait valoir une violation de son droit d'être entendu, dans la mesure où la décision querellée était insuffisamment motivée. Aucun des griefs soulevés à l'appui de sa demande de remise, ni aucune des pièces produites, n'était discuté.

Sur le fond, il a exposé que le critère de la bonne foi était rempli. Il n'avait jamais été incarcéré en prison avant sa mise en détention provisoire en décembre 2023, laquelle avait gravement péjoré son état de santé psychique.

Il avait tenté de mettre fin à ses jours et avait dû être longuement hospitalisé dans ce contexte. Il présentait un trouble de développement intellectuel et n'était pas en mesure de gérer seul ses affaires administratives. Sa mère et sa sœur, également au bénéfice de rentes de l'assurance-invalidité, en partie pour des raisons psychiques, n'étaient pas non plus en mesure de gérer à sa place ses affaires administratives. Son père, quant à lui, résidait à l'étranger. Il avait depuis toujours eu de la peine à lire et à écrire. Quelques années auparavant, lors d'une hospitalisation, des médecins avaient suggéré la mise en place d'une curatelle. Son incapacité à gérer ses affaires administratives avait été constatée par le corps médical de Champ-Dollon qui avait saisi le Tribunal de protection de l'adulte d'une demande de curatelle.

Sa mise en détention et les conditions carcérales inadaptées à sa vulnérabilité l'avaient conduit à une tentative de suicide. Il avait ainsi dû être hospitalisé entre le 2 décembre 2023 et le 2 janvier 2024 au sein de l'unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire (ci-après : UHPP). Une deuxième hospitalisation avait eu lieu à l'UHPP du 11 au 24 janvier 2024 en présence de nouvelles idées suicidaires et de symptômes psychotiques. Un trouble d'adaptation face à l'incarcération avait été retenu par le corps médical qui était étonné quant au fait qu'il n'avait pas bénéficié auparavant d'une curatelle « compte tenu des difficultés administratives qu'il présentait ».

Les expertes psychiatres avaient également mis en évidence un fonctionnement intellectuel de très faible niveau, un quotient intellectuel total situé entre 55 et 65 et une dysphasie mixte (trouble du langage affectant à la fois la compréhension et l'expression orale, rendant difficile la production et la compréhension des mots et des phrases). Ses problèmes cognitifs relevaient d'une problématique d'ordre développemental pouvant s'inscrire dans le cadre d'un trouble de développement intellectuel.

Il a ajouté que ce n'était qu'en juin 2024 qu'il avait pu être aidé par le service de probation et d'insertion, qui avait rédigé pour son compte un courrier à l'attention de l'intimé pour l'informer de sa mise en détention.

Le recourant en a tiré la conclusion qu'il n'était pas en mesure de réaliser l'éventuel caractère indu que pouvait présenter la perception de sa rente d'invalidité durant son incarcération, ce d'autant que son loyer et d'autres factures avec prélèvement automatique avaient continué à être payés durant toute la période de détention. Le retard dans l'annonce de sa mise en détention ne relevait ni d'un comportement dolosif ni d'une grave négligence.

Il a ensuite argué qu'il présentait une situation financière difficile, tout en considérant que si la décision litigieuse était muette à ce sujet, c'était parce que l'intimé ne contestait pas que cette condition était remplie. Il a allégué ne disposer d'aucune fortune et faire l'objet de dettes et poursuites. Ses seuls revenus étaient sa rente d'invalidité et les prestations complémentaires. La décision de restitution était particulièrement dure en tant qu'elle exigeait la restitution des rentes pendant les trois premiers mois de détention, alors que certains offices de l'assurance‑invalidité ne réclamaient pas le remboursement des rentes perçues durant cette période.

b. Par écriture du 3 décembre 2024 (sur la demande de restitution de l'effet suspensif), l'intimé s'est rapporté intégralement aux développements et conclusions résultant de la détermination du 2 décembre 2024 établie par la caisse, produite en annexe. Aux termes de ladite détermination, datée du 28 novembre 2024, la caisse estimait qu'il semblait nécessaire de suspendre la retenue sur la rente jusqu'à droit jugé dans la présente procédure et invitait la chambre de céans à restituer l'effet suspensif au recours.

c. Par arrêt incident du 5 décembre 2024 (ATAS/980/2024), la chambre de céans a ordonné la restitution de l'effet suspensif au recours, en tant qu'il portait sur le maintien de la retenue mensuelle de CHF 200.- sur la rente du recourant.

d. Par réponse sur le fond du 17 janvier 2025, l'intimé s'est rapporté aux développements et conclusions de la caisse du 16 janvier 2025 qu'il a joints.

Celle-ci invitait la chambre de céans à rejeter le recours. Elle relevait qu'elle n'était pas compétente pour évaluer la capacité de discernement du recourant au moment des faits, sur la base des expertises médicales. Elle constatait que le recourant n'était à l'époque pas placé sous curatelle, tout en ajoutant qu'une capacité résiduelle de discernement perdurait souvent même après la mise en place d'une mesure de protection. Par ailleurs, le recourant avait été, à de nombreuses reprises, expressément informé de son obligation d'annoncer immédiatement à la caisse tout changement de situation, dont la mise en détention. Tant le formulaire de demande de rente que les décisions y succédant contenaient des informations sur le devoir d'informer la caisse et l'obligation de restituer. Le recourant avait, durant les années précédant sa mise en détention, effectué des démarches administratives seul, à savoir notamment sa demande de rente d'invalidité et une visite au guichet pour solliciter une attestation fiscale en 2022. Il était ainsi exigible du recourant qu'il emploie la même énergie pour s'assurer qu'il continue à percevoir les prestations à bon droit. Elle en a déduit que, en omettant d'informer la caisse du changement de circonstances lors de sa mise en détention provisoire, la bonne foi du recourant ne pouvait pas être retenue.

e. Par réplique du 12 février 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il a indiqué que l'intimé ne contestait pas qu'il se trouvait dans une situation financière difficile, condition réalisée en l'espèce.

Il a pris acte que l'autorité intimée n'était « pas compétente pour évaluer [sa] capacité de discernement au moment des faits ». C'était la raison pour laquelle il avait produit à l'appui de sa demande de remise une expertise médicale judiciaire, qui jouissait d'une force probante accrue.

Cette expertise démontrait de manière détaillée et motivée les affections psychologiques dont il souffrait et les limitations qu'elles induisaient. Elle démontrait également que la mise en détention soudaine, dans un milieu carcéral non adapté, avait provoqué des conséquences dramatiques (tentative de suicide, longues hospitalisations) sur son état de santé.

Si, à l'époque de son incarcération, il ne bénéficiait pas d'une mesure de curatelle, cela avait choqué le corps médical qui l'avait pris en charge, vu le besoin criant et évident de ce type de mesure. On ne pouvait le punir de ne pas avoir eu la chance de bénéficier plus tôt du soutien adéquat et indispensable d'un curateur. La mesure de curatelle était d'ailleurs désormais en place et gérée par le service de protection de l'adulte.

La référence expresse à l'hypothèse d'une mise en détention n'apparaissait pas sur certaines des pièces citées par l'intimé et le formulaire de demande de rente ne contenait pas le texte-type auquel celui-ci se référait. Il s'étonnait que l'intimé s'appuie sur ces formules-types, datant pour certaines de quatorze ans, afin de refuser la remise sollicitée, sans aucun égard pour les limitations médicales et les circonstances concrètes qui prévalaient au moment de sa détention provisoire.

Il a rappelé avoir depuis toujours eu de la peine à lire et à écrire. Il était au bénéfice d'une rente d'invalidité permanente. L'expertise judiciaire retenait un fonctionnement intellectuel de très faible niveau et une dysphasie mixte (trouble du langage affectant à la fois la compréhension et l'expression orale, rendant difficile la production et la compréhension des mots et des phrases). La mise en détention provisoire, dans des conditions carcérales inadaptées, avait débouché sur une tentative de suicide et plusieurs hospitalisations. Dans ces circonstances particulières, les formules-types apposées sur des documents administratifs datant de plus d'une décennie ne permettaient en aucun cas de retenir l'existence d'une négligence grave quant au retard de l'annonce effectuée, sauf à violer de manière flagrante le principe de proportionnalité.

Contrairement aux allégués de l'intimé, il n'avait manifestement pas complété le formulaire de demande de rente. Il n'était pas en mesure d'accomplir lui-même ce type de démarche administrative. L'écriture était à l'évidence celle d'une tierce personne. Il avait seulement apposé sa signature. Il invitait à comparer la différence d'écritures. De plus, son passage au guichet en 2022 pour récupérer un document que lui avait demandé son assistante sociale de l'époque était irrelevant. Il ressortait des pièces produites par l'intimé qu'il était à l'époque suivi par l'Unité de psychiatrie du développement mental des Hôpitaux universitaires de Genève. À ce titre, il pouvait bénéficier de l'aide de D______, assistante sociale, ce qui n'avait plus été le cas par la suite.

Enfin, les conséquences délétères de la mise en détention devaient être dûment prises en compte dans l'examen de ce qui pouvait être attendu ou non de lui. En ce sens, la comparaison avec une période antérieure à la détention ne faisait pas de sens.

Il a conclu que, au vu des circonstances relatées dans l'expertise psychiatrique et le bilan neuropsychologique, le retard dans l'annonce de la détention provisoire ne relevait ni d'un comportement dolosif ni d'une grave négligence. Le critère de la bonne foi était donc rempli.

f. Par duplique du 6 mars 2025, l'intimé s'est rapporté aux développements et conclusions de la caisse du même jour 2025 qu'il a produits.

Celle-ci relevait qu'elle n'avait en aucun cas admis la situation financière difficile du recourant, dans la mesure où elle ne l'avait pas encore examinée. De pratique constante, cette condition était analysée dans un second temps, une fois la condition de la bonne foi de l'assuré admise, qui était rarement remplie, en raison de son admission restrictive. Dans le cas du recourant, pour le critère de la bonne foi, elle s'en tenait à sa précédente écriture.

g. Copie de cette écriture a été transmise au recourant pour information.

h. Sur demande de la chambre de céans, l'avocate du recourant lui a transmis une copie de la procuration des curateurs signée le 2 juillet 2025, l’autorisant à représenter l’intéressé dans le cadre de la présente procédure.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985
(LPA - E 5 10).

3.             Il convient d'examiner en premier lieu la recevabilité du recours, singulièrement le point de savoir si l'avocate était habilitée à introduire le recours le
14 novembre 2024, compte tenu de la mesure de curatelle instituée
le 16 octobre 2024.

3.1 La capacité d’être partie et la capacité d’ester en justice du recourant sont des conditions de recevabilité du recours, que le tribunal examine d’office. Pour le recourant majeur, privé de la capacité d’ester en justice par une mesure de curatelle, le consentement de l’autorité de protection de l’adulte est également nécessaire. Si une partie qui n’a pas l’exercice des droits civils interjette seule un recours, le juge impartira à son représentant un délai pour le ratifier, et si nécessaire, pour produire une décision d’approbation de l’autorité de protection de l’adulte (Jean METRAL in Commentaire romand LPGA, n. 1 et 6 ad
art. 59 LPGA).

L’art. 394 du Code civil suisse (CC - RS 210) prévoit qu’une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d’aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée (al. 1). L’autorité de protection de l’adulte peut limiter en conséquence l’exercice des droits civils de la personne concernée (al. 2). Même si la personne concernée continue d’exercer tous ses droits civils, elle est liée par les actes du curateur (al. 3).

Une curatelle de représentation n’entraîne ainsi pas une restriction de jure de la capacité civile de la personne concernée. Cette dernière continue donc à pouvoir effectuer seule tout acte juridique pour peu qu’elle soit capable de discernement. En dépit de cette curatelle, la personne capable de discernement conserve le pouvoir de prendre des engagements et de disposer de ses biens. Dans le champ de compétences du curateur, elle dispose de pouvoirs qui sont parallèles à ceux du curateur (Audrey LEUBA in Commentaire romand, Code civil I, 2023, n. 18 et 19 ad art. 394 CC).

La compétence du curateur découle de la loi, plus précisément de la décision de l’autorité reposant sur les dispositions de la loi. Le curateur n’a donc pas besoin d’une procuration supplémentaire de la personne pour pouvoir la représenter ou avoir accès aux informations nécessaires à l’exécution de ses tâches
(Audrey Leuba, Commentaire romand Code civil I, 2023, n. 15 ad art. 394 CC). Le curateur institué devient le représentant légal de la personne concernée dans le cadre des tâches qui lui sont confiées ; il l'engage valablement par ses actes ou omissions. L'institution d'une curatelle de représentation n'entraîne pas automatiquement une limitation de l'exercice des droits civils de la personne concernée, à moins que l'autorité de protection de l'adulte n'en décide autrement (arrêt du Tribunal fédéral
8C_32/2024 du 4 novembre 2024 consid. 7.3). Les procurations (art. 32 ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 [CO - RS 220]) ou mandats (art. 394 ss CO) que la personne concernée a précédemment conférés à des tiers ne s’éteignent pas automatiquement lors de l’institution d’une curatelle de représentation qui ne comprend pas de limitation de l’exercice des droits civils. L’autorité ou le curateur peuvent en revanche les révoquer (Leuba, op cit., n. 21 ad art. 394 CC).

L'art. 38 al. 1 CO prévoit expressément la ratification postérieure d'actes juridiques qui auraient été passés par une personne sans pouvoirs de représentation. La personne représentée peut ratifier un acte du représentant en vertu de l’art. 38 al. 1 CO. Le droit de ratifier n’est soumis à aucun délai (ATF 101 II 222 = JdT 1976 I 141 ; ATAS/739/2015 du 30 septembre 2015 consid. 4).

3.2 En l’espèce, le recourant est au bénéfice d’une curatelle de représentation et de gestion. Dans son ordonnance du 16 octobre 2024, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant a notamment confié aux curateurs les tâches de représenter l’intéressé dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques.

Le 3 juillet 2025, l'avocate a remis à la chambre de céans une procuration signée par les curateurs le 2 juillet 2025, lui donnant mandat de représenter et d’assister l’intéressé dans le cadre de la procédure de recours contre la décision de refus de la demande de remise.

Par conséquent, il y a lieu de constater que l'avocate a été valablement autorisée à représenter le recourant dans la présente procédure.

4.             Pour le surplus, interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a LPA) prévus par la loi, le recours est recevable.

Il sera relevé que la procédure de préavis ne s'applique pas aux décisions portant sur les demandes de remise de l'obligation de restituer (cf. art. 57a al. 1 LAI en relation avec l'art. 73bis al. 1 du règlement sur l'assurance-invalidité du
17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201] et l'art. 57 al. 1 let. d et f à i LAI. L'intimé est compétent pour rendre la décision de remise au nom de la caisse de compensation compétente dans ce domaine (cf. art. 60 LAI relatif aux attributions des caisses de compensation ; art. 41 al. 1 let. d et i RAI portant sur la compétence de l'intimé de notifier notamment les décisions, respectivement de rédiger les avis en cas de recours ; cf. également dans ce sens : jugement du Tribunal administratif du canton de Berne 200.2022.248.AI du 16 mars 2023 consid. 1.2). La demande de remise doit en effet être déposée auprès de la caisse de compensation dans un délai de 30 jours à compter de l'entrée en force de la décision de restitution, laquelle examine la remise (cf. Michel VALTERIO, Commentaire, Loi fédérale sur l'assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 101 ad art. 31 LAI).

5.             Le recourant fait grief à l’intimé d’avoir violé son droit d’être entendu au motif que la décision litigieuse est insuffisamment motivée à propos du refus de la demande de remise de rembourser le montant de CHF 9'798.-, et reproche à l'intimé de ne pas avoir discuté les griefs soulevés à l'appui de sa demande de remise, ni les pièces produites.

Ce grief, de nature formelle, doit être examiné en premier lieu (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa ; 124 V 90 consid. 2 notamment).

5.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, consacré à l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision ; elle n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les arguments invoqués par les parties. Il n'y a violation du droit d'être entendu que si l'autorité ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner les problèmes pertinents (ATF 129 I 232 consid. 3.2 ; 126 I 97 consid. 2b). La motivation d'une décision est suffisante lorsque l'intéressé est mis en mesure d'en apprécier la portée et de la déférer à une instance supérieure en pleine connaissance de cause (ATF 122 IV 14 consid. 2c). La jurisprudence a également déduit du droit d'être entendu, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; 135 II 286 consid. 5.1 ; 132 V 368 consid. 3.1).

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa). Par exception au principe de la nature formelle de ce droit, la jurisprudence admet qu'une violation de ce dernier est considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 133 I 201 consid. 2.2 ; 127 V 431 consid. 3d/aa ;
126 V 130 consid. 2b). La réparation d'un vice éventuel doit cependant demeurer l'exception (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa ; 126 V 130 consid. 2b) ; même en cas de violation grave du droit d'être entendu, un renvoi de la cause pour des motifs d'ordre formel à l'instance précédente peut être exclu, par économie de procédure, lorsque cela retarderait inutilement un jugement définitif sur le litige, ce qui n'est dans l'intérêt ni de l'intimé, ni de l'administré dont le droit d'être entendu a été lésé (ATF 132 V 387 consid. 5.1). Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/304/2013 du 14 mai 2013 consid. 4. c).

5.2 En l’espèce, le recourant, dans le cadre de la présente procédure, a pu prendre connaissance de la détermination de l'intimé du 17 janvier 2025 et celle de la caisse du 16 janvier 2025 à ce sujet. Le recourant, représenté par son conseil, a donc pu se rendre compte de la portée de cette décision et a pu s'exprimer en toute connaissance de cause par-devant la chambre de céans qui jouit d'un plein pouvoir d'examen. Ainsi, la prétendue violation du droit d'être entendu a été réparée au cours de la procédure contentieuse.

Par conséquent, le grief doit être écarté, sans préjudice pour le recourant.

6.             Le litige porte sur le bien-fondé du rejet de la demande de remise de l’obligation de restituer la somme de CHF 9'798.-, correspondant aux rentes d'invalidité indûment perçues du 1er janvier au 30 juin 2024, période durant laquelle le recourant était en détention provisoire.

7.             L’art. 21 al. 5 LPGA permet à l’administration de suspendre partiellement ou totalement le paiement des prestations pour perte de gain si l’assuré exécute une peine ou une mesure.

7.1 Cette disposition a pour but de garantir une égalité de traitement entre personnes invalides et valides, les valides étant, dans l’optique du législateur, les personnes subissant une perte de revenu du fait de leur détention, y compris lorsque cette détention est « préventive » (ATF 133 V 1), c’est-à-dire
« provisoire » selon la terminologie du Code de procédure pénale suisse du
5 octobre 2007, en vigueur depuis le 1er janvier 2011 (CPP - RS 312.0 ; ATAS/874/2024 du 31 octobre 2024 consid. 3).

Malgré sa formulation potestative, l’art. 21 al. 5 LPGA laisse en réalité uniquement à l’administration la faculté de tenir compte de ce que certaines mesures ou certaines formes de détention permettent de réaliser un gain pendant leur exécution (Anne-Sylvie DUPONT, in Commentaire romand de la LPGA, 2018, n. 74 ad art. 21 LPGA).

Les « prestations pour perte de gain » au sens de l’art. 21 al. 5 LPGA incluent notamment les rentes d’invalidité, ainsi que, cas échéant, les prestations complémentaires qui leur sont associées (DUPONT, op cit., n. 75 ad
art. 21 LPGA).

Sous l’angle de l’invalidité, l’exécution d’une peine ou d’une mesure ne constitue pas un motif de révision, mais de suspension de la rente, ce qui était déjà le cas sous l’empire de la jurisprudence antérieure à la LPGA (ATF 113 V 273). Puisque l’éventualité considérée entraîne une suspension de la rente, cette dernière doit être servie dans son intégralité pour le mois durant lequel l’exécution de la peine ou de la mesure débute. Une fois cette durée d’exécution accomplie, la rente est à nouveau servie pour le mois entier au cours duquel la sortie de prison a lieu
(ATF 114 V 143 consid. 3). En revanche, lorsque la personne assurée est incarcérée sous le régime de la détention provisoire, la suspension des rentes d’invalidité n’est justifiée qu’à partir du moment où cette détention a duré trois mois, en application par analogie de l’art. 88a al. 1, 2e phrase et al. 2,
1re phrase RAI ; ATF 138 V 281 consid. 3.3 ; 133 V 1 consid. 4.2.4.2 ; DUPONT, op. cit., n. 81 ad art. 21 LPGA).

7.2 Selon l’art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile.

Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l’obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c).

7.2.1 La réalisation de la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC - RS 210] ; arrêt du Tribunal fédéral P.3/01 du 25 mai 2001 consid. 3b), doit être examinée dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_954/2008 du
29 mai 2009 consid. 7.1).

Selon la jurisprudence, l'ignorance, par le bénéficiaire des prestations, du fait qu'il n'avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre sa bonne foi. Il faut bien plutôt que le requérant ne se soit rendu coupable, non seulement d'aucune intention malicieuse, mais aussi d'aucune négligence grave. Il s'ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer - comme par exemple une violation du devoir d'annoncer ou de renseigner - sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, le bénéficiaire peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 avec les renvois). Il y a négligence grave quand un ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (arrêt du Tribunal fédéral 8C_640/2023 du 19 avril 2024 consid. 5.2). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation etc. ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2023 du 21 décembre 2023 consid. 3.2.2).

7.2.2 Selon l’art. 31 al. 1 LPGA, l’ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l’assureur ou, selon le cas, à l’organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation.

En vertu du devoir d’information qui lui incombe, la personne assurée doit informer spontanément les assureurs sociaux du fait qu’elle doit exécuter une mesure ou une peine privative de liberté. À défaut, elle ne pourra se prévaloir de sa bonne foi au moment où elle se verra notifier une demande de restitution (arrêt du Tribunal fédéral I.622/05 du 14 août 2006 consid. 4.4 ; DUPONT, op. cit.,
n. 82 ad art. 21 LPGA).

En matière de détention provisoire, on ne parlera de négligence grave que lorsque cette détention n’est pas annoncée à l’assureur alors même qu’elle s’est prolongée durant un laps de temps suffisamment long pour que l’on puisse considérer que l’intéressé(e) aurait dû avoir des doutes – à tout le moins sérieux – sur le maintien de son droit (ATF 110 V 284 consid. 4b). En référence à l’ATF 133 V 1 cité supra (consid. 3), les commentateurs de la Loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI rappellent que le droit à la rente d’une personne en détention « préventive » (« provisoire » selon la terminologie du CPP) doit être en principe suspendu, puisque même une personne valide subirait en principe aussi une perte de gain durant cette période. Toutefois, une telle suspension ne s’applique que si la détention provisoire est d’une certaine durée. La durée de la détention provisoire durant laquelle la rente continue d’être servie peut s’étendre jusqu’à trois mois (cf. Urs MÜLLER in Hans-Ulrich STAUFFER / Basile CARDINAUX [éditeurs], Rechtsprechung des Bundesgerichts zum ELG, 2015, p. 381, n. 78). Cette durée de trois mois, durant laquelle la rente continue d’être servie, ne se confond cependant pas nécessairement avec le « laps de temps suffisamment long », mentionné à l’ATF 110 V 284 consid. 4b précité, à partir duquel l’assuré doit annoncer sa détention provisoire pour ne pas encourir, le cas échéant, le reproche d’avoir violé par négligence grave son obligation d’annoncer ce fait à l’autorité.

Ce dernier point ressort notamment de la casuistique résumée ci-après (ATAS/874/2024 précité consid. 5.3) :

-          Dans l’ATF 110 V 284, qui concernait un rentier AI, arrêté et maintenu en détention provisoire du 11 janvier au 14 mai 1982, puis remis en liberté provisoire jusqu’au 14 juin 1982, jour de son jugement le condamnant à une peine de réclusion de 27 mois, qui n’avait pas annoncé (du tout) à la caisse de compensation le changement de situation personnelle que constituait pour lui son entrée en détention provisoire, ainsi que son incarcération ultérieure, le Tribunal fédéral a jugé que s’il y avait certes lieu d’admettre l’existence d’un comportement fautif de l’assuré à partir du jour où il avait commencé à purger la peine prononcée contre lui par le Tribunal correctionnel (il était à ce moment-là définitivement fixé sur son sort et pouvait raisonnablement penser que son incarcération – d’une durée relativement longue – n’était pas sans incidence sur son droit à la rente), il en allait différemment en ce qui concernait la détention provisoire : il n’était pas manifeste, a priori, que le droit d’un rentier de l’assurance-invalidité ne subsiste pas en pareille circonstance. On ne pouvait dès lors pas faire grief à l’assuré de n’avoir pas saisi immédiatement que son arrestation pouvait entraîner des conséquences sur les prestations en cours. D’autre part, cette détention provisoire ne s’était pas prolongée durant un laps de temps suffisamment long pour que l’on puisse considérer que l’assuré aurait dû avoir des doutes – à tout le moins sérieux – quant au maintien de son droit. Il s’ensuivait que la rente de l’assuré ne pouvait être supprimée rétroactivement qu’à partir du 1er juillet 1982.

-          Dans un arrêt 8C_759/2008 du 26 novembre 2008, qui concernait un rentier AI au bénéfice de prestations complémentaires depuis juillet 1998 (avec quelques interruptions), en détention provisoire du 30 juin 2003 au 10 février 2004, puis immédiatement après en exécution anticipée de mesures avant jugement, le Tribunal fédéral a constaté à titre liminaire que l’intéressé avait déjà été condamné une première fois le 14 juillet 1996 à une peine de
quatorze mois d’emprisonnement avec sursis et délai de mise à l’épreuve de trois ans pour des actes d’ordre sexuel avec des enfants. Le 30 décembre 1996, l’intéressé avait été dénoncé pour des agissements de même nature, auxquels s’ajoutaient des voies de fait (éventuellement des lésions corporelles) et placé en détention provisoire le 30 juin 2003 avant son transfert à l’établissement d’exécution de mesures, le 11 février 2004. Selon le Tribunal fédéral, même si l’exécution d’une peine d’emprisonnement ou de réclusion ou le séjour dans un établissement d’exécution des mesures n’étaient pas explicitement mentionnés comme faits à annoncer dans les décisions en matière de prestations complémentaires, ils n’en constituaient pas moins, sans aucun doute, une modification de la situation personnelle à annoncer (cf. arrêt du Tribunal fédéral I.622/05 du 14 août 2005 consid. 4.4). Contrairement à l’état de fait jugé dans l’ATF 110 V 284 précité, la détention provisoire ne pouvait être qualifiée, dans le cas qui lui était soumis, de situation incertaine pour l’intéressé : celui-ci ayant des antécédents judiciaires, il devait déjà s’attendre, dans le cadre de cette détention provisoire, à purger sa peine d’emprisonnement de quatorze mois (assortie d’un délai d’épreuve de trois ans) ; d’ailleurs, son avocat avait déjà annoncé, le 10 septembre 2003, qu’il approuvait une mesure stationnaire. De plus, sa détention provisoire avait duré suffisamment longtemps pour qu’il ait des doutes sérieux quant au maintien de son droit. Dans ces circonstances, l’intéressé savait dès le début de sa détention provisoire qu’il y aurait une incarcération d’une durée relativement longue, ce dont il était conscient puisqu’il avait menacé ses victimes pour qu’elles gardent le silence. Dès lors, au plus tard à son entrée dans l’établissement d’exécution des mesures, l’intéressé aurait dû se rendre compte que les prestations complémentaires dont il bénéficiait pouvaient ne pas lui être dues. Dans ces circonstances, on pouvait lui reprocher une négligence grave, raison pour laquelle la bonne foi devait être niée et le droit à une remise de l’obligation de restituer également.

Dans l'ATAS/874/2024 précité, qui concernait une rentière AI, ayant continué de recevoir sa rente d'invalidité et les prestations complémentaires durant sa détention provisoire du 23 juillet au 1er décembre 2022, la chambre de céans a constaté qu’il ne ressortait pas du dossier que l’intéressée aurait eu des antécédents pénaux qui auraient précédé les agissements qui lui avaient valu d’être placée en détention provisoire du 23 juillet au 1er décembre 2022. À la différence du cas visé à l’arrêt 8C_759/2008 précité, où le bénéficiaire des prestations était un récidiviste et devait, partant, s’attendre, dès son entrée en détention provisoire, à devoir purger la longue peine d’emprisonnement à laquelle il avait été précédemment condamné avec sursis, on ne pouvait pas considérer que l’intéressée pouvait s’attendre d’emblée, au moment de son entrée en détention provisoire, à ce que son droit à une rente d’invalidité et, par extension, son droit aux prestations complémentaires puisse être suspendu. À l’instar de ce que le Tribunal fédéral avait admis dans l’ATF 110 V 284 précité, on ne pouvait pas lui faire grief de n’avoir pas saisi immédiatement que sa détention provisoire pourrait avoir des conséquences sur les prestations en cours. De plus, en tant qu’elle n’avait duré que quatre mois et quelques jours (à l’image du cas ayant fait l’objet de l’ATF 110 V 284 déjà cité), cette détention ne s’était pas prolongée durant un laps de temps suffisamment long pour que l’on puisse considérer que l'intéressée aurait dû avoir des doutes – à tout le moins sérieux – quant au maintien de son droit. Étant donné qu’en pareilles circonstances, l’absence d’annonce d’une détention provisoire d’environ quatre mois n’était pas constitutive d’une négligence (cf. arrêt du Tribunal fédéral I.622/05 du 14 août 2006 consid. 4.4) ou à tout le moins pas d’une négligence grave – malgré les communications annuelles invitant les bénéficiaires de prestations complémentaires à signaler sans retard tout changement dans leur situation personnelle et/ou financière –, cela était a fortiori le cas lorsque l’annonce de la détention provisoire au service des prestations complémentaires n’était pas purement et simplement omise (comme dans la casuistique citée ci-dessus), mais qu’elle intervenait trois mois après la remise en liberté, comme en l’espèce. La chambre de céans en a conclu que la bonne foi de l'intéressée devait être reconnue. Dans ces circonstances, elle s'est dispensée d’examiner si les facteurs personnels invoqués (responsabilité restreinte sur le plan pénal, état de santé psychique, etc.) avaient objectivement diminué la capacité de l'intéressée à faire face à ses obligations, l’existence d’une négligence grave devant quoi qu’il en soit être écartée (consid. 7.2).

7.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

8.             En l'occurrence, le principe de l'obligation de restituer et le montant réclamé de CHF 9'798.- ont été confirmés par la décision du 5 juillet 2024, qui, en l’absence de contestation, est entrée en force.

En ce qui concerne la remise de l'obligation de restituer cette somme, seul et unique objet de la procédure en cours, la chambre de céans relève que le dossier ne fait pas état d'antécédents pénaux qui auraient précédé les agissements du recourant ayant justifié sa détention provisoire du 1er décembre 2023 au
14 juillet 2024. Ainsi, à la différence du cas visé dans l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_759/2008 précité, dans lequel le bénéficiaire des prestations était un récidiviste, on ne peut pas considérer que le recourant pouvait s'attendre d'emblée, au moment de son entrée en détention provisoire, à une incarcération d’une durée relativement longue, et donc à la suspension du versement de sa rente d'invalidité.

Par ailleurs, il ressort du rapport d'expertise psychiatrique du 22 juillet 2024, établi sur demande du Ministère public genevois, que le recourant, durant son incarcération, a été hospitalisé à deux reprises à l'unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire, la première fois, le lendemain de sa mise en détention, du
2 décembre 2023 au 2 janvier 2024, à la suite des « dermabrasions superficielles au niveau de la gorge » dans un contexte suicidaire, et la seconde fois, du 11 au
24 janvier 2024, en raison d'idées suicidaires et de symptômes psychotiques. Compte tenu de ces troubles psychiques intenses, on ne pouvait pas attendre du recourant qu'il soit en mesure d'informer l'intimé de sa détention provisoire, en tout cas jusqu'au 24 janvier 2024. Cela étant dit, il a communiqué cette information à l'administration le 7 juin 2024, avant sa remise en liberté le 15 juillet suivant. Force est de constater que la durée de la détention provisoire durant laquelle on peut considérer que le recourant aurait, cas échéant, dû se rendre compte que la rente d'invalidité dont il bénéficiait pouvait ne pas lui être versée est de quatre mois et treize jours (du 25 janvier au 6 juin 2024). Ce laps de temps n'est pas suffisamment long pour que l'on puisse retenir que l’intéressé aurait dû avoir des doutes à tout le moins sérieux quant au maintien de son droit, à l'image du cas ayant fait l'objet de l'ATF 110 V 284 précité (concernant une détention provisoire de quatre mois et trois jours).

De surcroît, il ressort du rapport d'expertise précité que le recourant présente un trouble du développement intellectuel léger (p. 24) qui est un trouble mental chronique (p. 25). Son quotient intellectuel total est situé entre 55 et 65, correspondant au rang percentile 0.3, ce qui signifie que son quotient intellectuel global se situe parmi les 0.3% de la population et que 99.7% des personnes ont un quotient intellectuel total supérieur (p. 14). Il éprouve des difficultés dans la compréhension des phrases (p. 15) et en lecture (p. 16). À ce propos, le rapport d'évaluation neuropsychologique du 14 juin 2024, établi dans le cadre de cette expertise, mentionne que la lecture, même d'un court texte, montrait des difficultés de compréhension, raison pour laquelle la tâche avait dû être abandonnée. En outre, la psychologue a observé, lors de l'évaluation neuropsychologique, que le recourant présentait également des difficultés liées à l'anticipation (planifier une activité et se projeter dans l'avenir ; p. 3). Elle relevait aussi des difficultés importantes en mémoire antérograde bimodale, avec notamment un encodage très lent lors de l'apprentissage de nouvelles informations (p. 5). De plus, lors de l'entretien téléphonique de l'experte psychiatre avec la psychiatre auprès du service de médecine pénitentiaire, cette dernière a manifesté son étonnement quant au fait que le recourant ne bénéficiait pas d'une curatelle, tout en signalant le début des démarches pour en instaurer une (p. 14). Par ordonnance du 16 octobre 2024 (DTAE/7910/2024), le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur du recourant, et confié aux curateurs notamment la tâche de le représenter dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques. Quand bien même cette mesure de protection de l'adulte n'était pas encore instituée en faveur du recourant pendant la période litigieuse s'étendant de janvier à juin 2024, vu ses difficultés de compréhension en lecture et son trouble de la mémoire antérograde, la surprise exprimée par la psychiatre du service de médecine pénitentiaire quant à l'absence d'une telle mesure de protection,
c'est-à-dire, à tout le moins, durant la détention provisoire - période ici litigieuse -, et compte tenu du fait que dite mesure a finalement été instaurée seulement trois mois après la remise en liberté du recourant, il y a lieu de conclure, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’intéressé n'était pas en mesure de s'occuper lui-même de ses affaires administratives et juridiques, de janvier à juin 2024.

Contrairement à ce que prétend l'intimé, on ne peut pas admettre que le recourant a rempli seul sa demande de prestations du 10 août 2009, dès lors qu'il y a une différence manifeste entre la signature en dernière page du formulaire (par le recourant) et l'écriture complétant les différentes rubriques de ce document (dossier intimé pièce 1). On ne peut pas non plus retenir, sur la base de la fiche de suivi (pièce 11) qui fait état d'une (seule) visite du recourant au guichet (de l'administration) pour demander une (simple) attestation fiscale pour l'année 2021, qu'il disposerait d'une autonomie suffisante, compte tenu des constatations des psychiatres précitées sur son état de santé et de l'absence d'autres pièces au dossier démontrant qu'il aurait effectué lui-même de (multiples) autres tâches administratives.

Ainsi, même si la décision d'octroi de rente du 24 juin 2011 attire l'attention du recourant sur son obligation de renseigner toute modification de sa situation personnelle ou économique, en particulier, en cas de détention préventive (dossier intimé pièce 4), et que les communications ultérieures l'invitent à annoncer toute modification de situation, il y a lieu d'admettre, au vu notamment de ses difficultés de compréhension en lecture et de son trouble de la mémoire antérograde, que le recourant était privé de la faculté de saisir la portée de cette obligation de renseigner et de s'y conformer. Dans ces circonstances, on ne peut pas lui reprocher une négligence grave.

Par conséquent, la bonne foi du recourant doit être reconnue.

9.             Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l’intimé afin qu’il examine la seconde condition cumulative de la remise de l’obligation de restituer (situation difficile) - ce qui n'a pas encore été fait - et rende une nouvelle décision.

Le recourant, qui obtient partiellement gain de cause et est assisté d’une avocate, a droit à des dépens, fixés en l'espèce à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

La procédure ne portant pas sur l'octroi ou le refus de prestations de l'AI, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 69 al. 1bis LAI a contrario et 61 let. fbis LPGA ; cfATAS/329/2020 du 30 avril 2020).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision du 11 octobre 2024.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour qu'il examine la seconde condition de la remise de l'obligation de restituer (situation difficile) et rende une nouvelle décision.

5.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens, à la charge de l'intimé.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

Joanna JODRY

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le