Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/542/2025 du 14.07.2025 ( AI )
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3782/2024 ATAS/542/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Ordonnance d’expertise du 14 juillet 2025 Chambre 6 |
En la cause
A______ Représenté par Me Pascal DE LUCIA, avocat
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1971, de nationalité portugaise, titulaire d’une autorisation d’établissement C, a été engagé le 27 août 2018 par B______ comme maçon. Dès le 14 janvier 2019, il a effectué une mission pour C______. Il a été licencié pour le 3 novembre 2019.
b. Le 1er mai 2019, l’assuré, droitier, a chuté et s’est fracturé le 5e métatarse droit (fracture sous capitale M5 D) et a subi aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci‑après : HUG) le 6 mai 2019 une réduction de la fracture par embrochage et le 20 août 2019 une ablation des broches. Le cas a été pris en charge par la SUVA.
B. a. Le 3 septembre 2019, un drainage d’un abcès a été effectué, après une suspicion de sepsis et le 5 septembre 2019, l’assuré a, suite à une surinfection, été opéré (lavage local).
b. Le 13 septembre 2019, l’assuré a déposé une demande de prestations d’invalidité.
c. Le 24 janvier 2020, le docteur D______, spécialiste en chirurgie de la main, a attesté d’un signe de Tinel important sur la cicatrice avec des décharges électriques importantes, des dysesthésies et une allodynie sur la branche sensitive dorsale.
d. Le 20 mai 2020, l’assuré a été opéré par le Dr D______ (exploration du nerf cubital au quart distal de l’avant-bras jusqu’au Guyon ; neurolyse microchirurgicale des branches sensitives dorso-cubitales ; enfouissement et suture du rameau sensitif lésé).
e. Le 22 juin 2020, le Dr D______ a attesté d’une apparition récente d’une parésie importante du cubital, nécessitant de l’ergothérapie ; l’état n’était pas stabilisé.
f. L’assuré a séjourné à la clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR) du 19 janvier au 12 février 2021. La situation n’était pas stabilisée. L’assuré présentait un trouble de l’adaptation avec perturbation mixte des émotions et des conduites.
g. Le 11 mars 2021, l’assuré a été victime d’une agression et blessé dans la région de l’œil gauche, avec des douleurs en région du zygome et une céphalée.
h. Le 12 mai 2021, le docteur E______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, et médecin d’arrondissement de la SUVA, a indiqué que les plaintes de l’assuré étaient identiques (douleurs quotidiennes). La situation était stabilisée. La capacité de travail était nulle comme maçon et de 100% avec une diminution de rendement de 20% dans une activité adaptée, en raison des douleurs chroniques et d’une diminution de la dextérité de la main et du poignets droits.
i. Le 6 septembre 2021, l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a pris en charge une orientation professionnelle de l’assuré du 13 septembre au 12 décembre 2021 auprès des établissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI).
j. Le 30 septembre 2021, l’assuré a bénéficié d’une infiltration lombaire, en raison de lombocruralgies (radiculopathie trajet S1), laquelle l’a soulagé à 50% (rapport de la docteure F______, spécialiste en neurochirurgie, du 12 octobre 2021).
k. L’assuré a été en arrêt de travail pour maladie du 9 au 31 octobre 2021 et une orientation professionnelle a été prévue du 13 décembre 2021 au 20 mars 2022. Il a été en arrêt de travail pour maladie à un taux de 50% en février 2022 et de 70% du 17 février au 16 mars 2022, de sorte que la mesure a été suspendue le 2 mars 2022.
l. Le 5 avril 2022, l’OAI a pris en charge un examen approfondi des possibilités professionnelles du 13 décembre 2021 au 6 mars 2022 ; le rapport de stage du 14 mars 2022 a conclu à une unique piste professionnelle à investiguer, soit opérateur dans le conditionnement léger.
m. Par décision du 29 juin 2022, la SUVA a refusé tout droit à une rente d’invalidité, le degré d’invalidité étant de 5% et a alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) de 10%.
n. Le 5 novembre 2022, le docteur G______, spécialiste en neurochirurgie, a attesté d’une douleur lombosciatique et fessière droite. Il a posé les diagnostics de sténose foraminale L5 droite sur discopathie dégénérative, d’arthrose facettaire et de signe de sacro-iléite mécanique bilatérale avec discopathie dégénérative pluri-étagée sans autre signe compressif. La capacité de travail dans une activité adaptée était de 50% au début et nulle dans l’activité habituelle.
o. Le 9 janvier 2023, le docteur H______, spécialiste en psychiatrie, a attesté d’un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques et d’une capacité de travail nulle.
p. Le 26 septembre 2023, le docteur I______, chef de clinique au département de chirurgie des HUG, a indiqué qu’une activité purement monomanuelle ou une activité intellectuelle pure, sans utilisation de la main lésée, pourrait être tout à fait envisageable.
q. Le 31 octobre 2023, le docteur J______, spécialiste en chirurgie orthopédique, a indiqué une évolution lentement favorable et un status post-op AS genou gauche et post-op hallus rigidus du pied droit du 9 décembre 2022.
r. Le 6 novembre 2023, le Dr H______ a mentionné un trouble dépressif récurrent, épisode sévère depuis trois ans. L’assuré n’était pas capable de se projeter dans une reconversion tout seul.
s. Le 10 janvier 2024, le service de neurologie des HUG a indiqué que l’assuré avait été victime d’un accident ischémique transitoire sur dissection carotidienne gauche.
t. À la demande de l’OAI, le K______ (ci‑après : K______) a rendu un rapport d’expertise bidisciplinaire le 29 février 2024 (docteurs L______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et M______, spécialiste en chirurgie orthopédique). Les experts ont posé les diagnostics au niveau somatique de status après fracture-luxation du coude droit en 2008, de status après fracture du 5e métacarpien distal droit en mai 2019 compliquée d’une neuropathie de la branche cutanée dorsale du nerf ulnaire droit, de discopathies lombaires étagées, de probable lésion dégénérative du ménisque interne droit et de hallux rigidus droit, et indiqué l’absence de psychopathologie spécifique au niveau psychiatrique. La capacité de travail était de 80% (perte de rendement de 20% en raison des douleurs chroniques et d’une perte de dextérité avec la main droite).
u. Le 12 mars 2024, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci‑après : SMR) a estimé que des renseignements devaient être demandés aux HUG suite à l’accident ischémique transitoire et le 10 avril 2024, le service de neurologie des HUG a indiqué une évolution favorable trois mois après l’hospitalisation pour une dissection spontanée d’origine indéterminée.
v. Le 12 juin 2024, le SMR a retenu une capacité de travail nulle dans l’activité de maçon depuis mai 2019 et de 80% dans une activité adaptée dès le 1er décembre 2020, avec les limitations fonctionnelles suivantes : éviter le port de charge de plus de 5 kg, les mouvements répétitifs ou nécessitant une importante force de préhension avec la main droite et les travaux de dextérité fine avec la main droite.
w. Le 12 juin 2024, la réadaptation professionnelle a estimé que des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées.
x. Le 20 juin 2024, l’OAI a fixé le degré d’invalidité, compte tenu d’un statut d’actif du recourant, en 2020 à 33% (revenu sans invalidité de CHF 70'772.- et revenu d’invalide de CHF 47'382, fondé sur l’ESS 2020, TA1, homme, total, niveau d’activité 1, pour 41,7 heures de travail par semaine, à un taux de 80%, avec un abattement de 10%). Dès 2022, le degré d’invalidité était de 28% (avec un abattement nul) et dès 2024 il était de 34% (avec un abattement de 10%).
y. Par décision du 7 octobre 2024, l’OAI a alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité du 1er mai 2020 au 28 février 2021.
C. a. Le 7 novembre 2024, le docteur N______, spécialiste en médecine générale, a requis de l’OAI une réévaluation du degré d’invalidité de l’assuré, celui-ci n’étant pas en mesure de reprendre une activité compte tenu de ses limitations physiques (main droite et lombaire).
b. Ce courrier a été transmis à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice et enregistré comme un recours le 14 novembre 2024.
c. Le 9 décembre 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours, l’expertise du K______ étant probante.
d. Le 24 janvier 2025, l’assuré, représenté par un avocat, a répliqué, en contestant la valeur probante de l’expertise du K______. Il a conclu à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er mai 2019 et a communiqué :
- Un rapport du 21 décembre 2024 du Dr H______, selon lequel l’assuré ne pouvait pas garder un rythme de travail ou d’activité régulière en raison d’un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques ; son état clinique et psychopathologique n’était pas du tout compatible avec la reprise d’une activité professionnelle ; l’expertise psychiatrique avait dévalorisé ses symptômes, l’anamnèse était trop légère et les conclusions morcelées retirées d’une anamnèse incorrecte.
- Un rapport du 22 janvier 2025, du docteur O______, spécialiste en médecine interne, selon lequel il était le médecin traitant de l’assuré. Celui‑ci présentait des douleurs chroniques neuropathologiques persistantes, des céphalées depuis son AVC et un passif antidépressif sévère avec idées suicidaires.
e. Le 11 février 2025, le SMR a rendu un avis médical selon lequel les avis des Drs N______ (7 novembre 2024), H______ (21 décembre 2024) et O______ (22 janvier 2025) ne remettaient pas en question ses conclusions précédentes, qu’il confirmait.
f. Le 17 février 2025, les parties ont été entendues en audience par-devant la chambre de céans. Le recourant a indiqué qu’il était suivi par les Drs H______, O______ et J______, celui-ci lui proposant une intervention au genou droit pour un kyste. Son état psychique s’était dégradé dès la deuxième intervention à sa main droite.
g. À la demande de la chambre de céans, le Dr H______ a donné des renseignements complémentaires. Il suivait l’assuré depuis début 2021 pour un trouble dépressif récurrent, épisode sévère et une majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques. Depuis que l’assuré avait réalisé qu’il ne pourrait plus utiliser correctement sa main droite, ses ressources psychiques s’étaient complètement écroulées. Il n’était pas d’accord avec le rapport du Dr L______ qui avait classé l’assuré dès le départ comme une personne malhonnête et dont le comportement était jugé démonstratif, de sorte que toute manifestation symptomatique de l’assuré ne pouvait jamais être valorisée correctement. Ses conclusions n’étaient pas du tout justes et nuisaient à l’assuré.
h. Le 1er avril 2025, le SMR a estimé que le Dr H______ faisait une évaluation différente d’un même état de fait par rapport à l’expert psychiatre. Il soulignait des facteurs médicaux et somatiques qui dépassaient son domaine de compétence. Il ne remettait pas en cause une capacité de travail dans une activité adaptée. Enfin, le traitement n’était pas détaillé.
i. Le 10 avril 2025, l’OAI a maintenu ses conclusions, en se ralliant à l’avis du SMR précité.
j. Le 2 juin 2025, le recourant a relevé que depuis son accident les mesures de traitement mises en place avaient échoué et péjoré son état par l’apparition de lésions aux pieds, au dos et aux genoux, ce qui contribuait à son instabilité émotionnelle ; sa capacité de travail était nulle et une nouvelle expertise s’imposait.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
1.3 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
1.4 En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, le litige porte sur l’octroi d’une rente d’invalidité dès le 1er mai 2019, étant rappelé que l’intimé a alloué au recourant une rente d’invalidité entière du 1er mai 2020 au 28 février 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.
2. Le litige porte sur le droit du recourant à une rente entière d’invalidité dès le 1er mai 2019, à l’exception de la rente entière reconnue du 1er mai 2020 au 28 février 2021.
3.
3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).
3.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).
Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
3.3 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.
3.4 Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA, applicable par analogie (ATF 148 V 321 consid. 7.3.1 ; 145 V 209 consid. 5.3 et les références ; 130 V 343 consid. 3.5.2 ; 125 V 413 consid. 2d et les références). Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'article 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5 ; 113 V 273 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1006/2010 du 22 mars 2011 consid 2.2).
3.5
3.5.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux
3.5.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).
3.5.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).
3.5.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
3.5.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut‑il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
3.5.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).
3.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
3.7 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
4. En l’occurrence, l’intimé, pour rendre la décision litigieuse, s’est fondé sur l’expertise bidisciplinaire du K______ du 29 février 2024.
Le recourant conteste la valeur probante de cette expertise.
4.1 S’agissant de l’aspect psychiatrique, le psychiatre traitant du recourant a fermement contesté l’appréciation de l’expert psychiatre, en mentionnant un trouble dépressif récurrent, épisode sévère et une majoration des symptômes physiques pour des raisons psychiatriques, totalement incapacitants. La pathologie dépressive s’était installée suite à un sentiment de profond désespoir et d’incapacité. Le rapport du Dr L______ était empreint de préjugés et aboutissait à des conclusions erronées qui nuisaient au recourant.
Les critiques émises par le psychiatre traitant jettent un doute sérieux sur la valeur probante de l’expertise du Dr L______, ce d’autant que celui-ci souligne, dans son évaluation médicale, essentiellement des ressources du recourant et des facteurs qui tendent à exclure toute atteinte psychiatrique, sans mentionner aucun élément, relevés pourtant par le psychiatre traitant ainsi que par les Drs N______ et O______, allant dans le sens de la présence d’un trouble psychiatrique, soit une dépression (Dr N______), un sentiment de profond désespoir, une constellation dépressive chronicisée, de la tristesse, des angoisses, de la colère, un enfermement sur lui-même, de idées noires récurrentes, un effondrement de sa personnalité et de son estime de lui-même (Dr H______), ainsi qu’un passif dépressif sévère avec idées suicidaires (Dr O______).
Selon le Dr L______, il existait en outre des incohérences et les chances de guérison « des quasi-absence de psychopathologie spécifique » demeuraient excellentes ; les ressources étaient conséquentes, tout comme le potentiel médico-théorique de réadaptation.
En résumé, l’expert L______ estime que le recourant n’est à l’évidence pas déprimé, est fixé dans une posture d’invalide et que sa capacité de travail est totale (expertise du K______, pp. 48-54).
4.2 Au vu de ce qui précède, une instruction psychiatrique complémentaire est nécessaire, de sorte que la chambre de céans confie une expertise judiciaire à la docteur P______, spécialiste en psychiatre et psychothérapie.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant préparatoirement
I. Ordonne une expertise psychiatrique de A______.
Commet à ces fins la docteure P______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :
A. Prendre connaissance du dossier de la cause.
B. Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, en particulier les docteurs N______, H______, J______ et O______.
C. Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d’autres examens.
D. Charge l’expert d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :
1. Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)
2. Plaintes de la personne expertisée
3. Status clinique et constatations objectives
4. Diagnostics (selon un système de classification reconnu)
Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).
4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail
4.1.1 Dates d'apparition
4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail
4.2.1 Dates d'apparition
4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?
4.4 Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).
4.5 Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?
4.6 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?
5. Limitations fonctionnelles
5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic
5.1.1 Dates d'apparition
5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?
6. Cohérence
6.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?
6.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?
6.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autre termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?
6.4 Quels sont les niveaux d’activité sociale et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?
6.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?
7. Personnalité
7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel ? Quel code ?
7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de la personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?
7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?
7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?
8. Ressources
8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?
8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :
a) psychique
b) mental
c) social et familial. En particulier, la personne expertisée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?
9. Capacité de travail
9.1 Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.
9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?
9.2.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?
9.2.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite/ nulle ?
9.3 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ?
9.3.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?
9.3.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? A quel taux ? Depuis quelle date ?
9.3.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.
9.4 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis le 1er mai 2019 ?
9.5 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?
9.6 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?
10. 10. Traitement
10.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.
10.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?
10.3 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ?
10.4 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.
11. Appréciation d'avis médicaux du dossier
11.1 Êtes-vous d'accord avec l'expertise du Dr L______ ? En particulier avec l’absence de diagnostics psychiatriques et l'estimation d'une capacité de travail totale ? Si non, pourquoi ?
11.2 Êtes-vous d’accord avec l’avis du Dr H______ du 20 mars 2025 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation d’une capacité de travail nulle ? Si non, pourquoi ?
12. Quel est le pronostic ?
13. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?
14. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.
II. Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, son rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.
III. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le