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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2114/2024

ATAS/490/2025 du 25.06.2025 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2114/2024 ATAS/490/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 juin 2025

Chambre 4

 

En la cause

A______

représentée par CONSULTANTS ASSOCIÉS SA

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Par préavis des 8 avril, 21 mai, 19 août et 10 novembre 2020, ainsi que des 22 janvier et 12 mai 2021, A______ (ci-après : la société ou la recourante) a annoncé à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) son intention d’introduire la réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) à raison d’une perte de travail de 80% pour différents de ses collaborateurs.

Le formulaire type des préavis précise que le demandeur, par sa signature, confirme qu’il a fourni des indications dignes de foi et que tous les collaborateurs concernés par la RHT sont d’accord avec son introduction. Il reconnait en outre devoir effectuer un contrôle du temps de travail (ci-après : CTT) auprès des travailleurs touchés par une RHT (par exemple carte de timbrage, rapports sur les heures), ce qui inclut les heures de travail fournies quotidiennement, les éventuelles heures en plus, les heures perdues pour des raisons d’ordre économique, ainsi que tout autre type d’absence, telles que les vacances, les absences en cas de maladie, d’accident, ou de service militaire.

b. L’OCE a accordé à la société le droit à bénéficier de l’indemnité en cas de RHT pour autant que toutes les conditions du droit soient remplies du 1er septembre au 30 novembre 2020, du 1er décembre 2020 au 28 février 2021, du 1er mars au 31 mai 2021 et du 1er juin au 30 novembre 2021.

c. Par décomptes, signés et transmis à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse), la société a requis les indemnités en cas de RHT pour CHF 18'369.05 en avril 2020, CHF 22'152.50 en mai 2020, CHF 17'537.25 en juin 2020, CHF 18'372.30 en juillet 2020, CHF 10'814.65 en août 2020, CHF 17'786.20 en septembre 2020, CHF 11'161.65 en octobre 2020, CHF 5'935.40 en novembre 2020, CHF 12'809.90 en décembre 2020, CHF 11'610.20 en janvier 2021, CHF 12'270.40 en février 2021, CHF 10'669.90 en mars 2021, CHF 8'536.05 en avril 2021 et CHF 8'495.45 en mai 2021.

Le formulaire de décompte type précisait que les informations communiquées concernant les heures à effectuer normalement, les heures perdues pour des raisons économiques ainsi que la somme des salaires devaient être attestées par des justificatifs adéquats fournis par l’entreprise, par exemple des listes d’heures et des journaux de salaires.

B. a. Le 16 janvier 2023, la société a fait l’objet d’un contrôle par B______ et C______, de D______, pour le compte du Secrétariat d’État à l’Économie (ci-après : SECO) pour la période de mars 2020 à mai 2021.

b. Un document signé le même jour par la société énumère les documents vérifiés et les constats. Il y est notamment mentionné que la société était spécialisée dans le recrutement et le placement de personnel dans les secteurs de l’hôtellerie/restauration et le médical. E______ et F______ étaient en charge de la direction stratégique et financière de la société et G______, administrateur et expert-comptable de la société en tant que consultant externe, avait la responsabilité de la tenue des comptes de celle-ci. La responsable d’agence, H______, avait été active au sein de la société jusqu’au 15 décembre 2022 et en charge de sa gestion opérationnelle et commerciale. Il avait été demandé à la société, lors du contrôle, de transmettre par courriel aux contrôleurs divers documents et en particulier les contrôles du temps de travail (ci-après : CTT) pour les mois d’avril à juin 2020 et avril 2021. Compte tenu du caractère essentiel des CTT, qui étaient indispensables à l’octroi des demandes de RHT, ces documents devaient être transmis au plus tard, le jour même du contrôle à 23h59.

c. Par courriel du 19 janvier 2023, C______ a informé G______ que, sauf erreur de sa part, il était toujours dans l’attente de la réception de certains documents, soit les relevés bancaires 2019 et 2020, le contrat de travail de I______ et un document permettant de distinguer les gratifications discrétionnaires versées par la direction, des gratifications liées aux services de garde assumés par les employés pour les années 2019, 2020 et 2021.

d. Le 20 janvier 2023, G______ a répondu qu’il était confus, car il pensait que la société avait directement communiqué aux contrôleurs les derniers éléments obtenus et retrouvés. Il a transmis les pièces demandées et des fichiers de plannings pour la période concernée, précisant que la société n’avait pas retrouvé le planning relatif au mois de mai 2021, ni le contrat de I______.

e. Par courriel du 23 janvier 2023, C______ a remercié G______ pour les documents transmis. Il lui demandait encore si le temps de travail hebdomadaire de 36.5 semaines inscrit dans le contrat de J______ était exact.

f. G______ a répondu le 24 janvier 2023 que J______ avait augmenté son taux de travail de 85 à 100% dès janvier 2021 et qu’il n’y avait pas d’avenant au contrat de travail de base.

g. Dans un procès-verbal du contrôle établi le 7 juin 2023 par B______ et C______, il est notamment indiqué qu’un document Excel – rendant compte pour chaque jour des heures de travail effectuées par les collaborateurs, de leurs absences et vacances, des cas de maladie et d’accidents – avait été transmis aux contrôleurs le jour du contrôle pour la période courant de juillet 2020 à avril 2021. Un délai avait été donné au 16 janvier 2023 à la société pour transmettre les données pour les mois manquants, soit avril à juin 2020 et mai 2021. Celles-ci avaient été reçues en dehors du délai accordé (courriels des 18 et 20 janvier 2023) et aucun document n’avait pu être obtenu pour le mois de mai 2021. Une nouvelle version des CTT avait été transmise pour les mois de juillet 2020 à avril 2021, qui ne correspondait pas avec la version obtenue le jour du contrôle, à l’exception du mois d’août 2020 et des contrôles du temps individuels de I______ en septembre 2020 et d’K______ en novembre 2020. Seuls les CTT obtenus lors du contrôle avaient été retenus pour établir les corrections dans la décision et ses annexes. Les heures travaillées sur les périodes de garde n’étaient pas comptabilisées dans les CTT obtenus et il n’existait aucun document permettant de suivre l’exécution de ces heures (ch. 5).

Les entrées saisies dans le système de CTT mis en place par l’entreprise ne correspondaient pas à la somme des heures de travail perdues pour des raisons économiques inscrites sur les formulaires « Demande et décompte d’indemnité en cas de RHT », sauf pour les mois d’août et novembre 2020 (ch. 6).

Les données saisies dans les CTT obtenus correspondaient à celles des autres documents de l’entreprise (suivi des vacances, maladie, etc.) (ch. 7).

Le formulaire « Demande et décompte d’indemnité en cas de RHT » du mois de mars 2021 avait été établi en intégrant le salaire et les heures à effectuer d’L______ alors que celle-ci n’avait plus droit aux RHT dès le lendemain de son licenciement immédiat qui avait eu lieu le 20 mars 2021 (ch. 18).

S’agissant des mois pour lesquels des heures perdues pour des raisons économiques avaient été reconnues, les heures à effectuer avaient été convenablement calculées à l’exception du mois de septembre 2020 pour l’ensemble des collaborateurs, des mois de juillet et août 2020 pour I______, et de novembre 2020 à janvier 2021 pour J______. À partir de février 2021, le taux d’activité de cette dernière avait été augmenté de 85.88% à 100% entraînant une augmentation des heures à effectuer. Considérant que l’augmentation du taux d’activité de celle-ci était injustifiée compte tenu des éléments apportés par la société, l’augmentation de son taux ainsi que de son salaire n’était pas reconnue (ch. 19).

h. Par décision du 15 juin 2023, le SECO a demandé à la société la restitution en main de la caisse de CHF 120'677.65, correspondant aux prestations versées indument d’avril 2020 à mai 2021, au motif qu’en l’absence d’un système de CTT fiable, il était impossible de vérifier si les indemnités RHT versées étaient justifiées, de sorte que le droit à celles-ci ne pouvait pas lui être reconnu pour les mois d’avril à juin 2020 et mai 2021 pour tous les collaborateurs.

La société avait certes fait parvenir au SECO des CTT pour les mois d’avril 2020 à avril 2021 par courriels des 18 et 20 janvier 2023, mais après le délai octroyé au 16 janvier 2023 pour ce faire. Elle avait de plus jeté le doute sur la fiabilité des données figurant sur les documents remis lors du contrôle, en transmettant de nouveaux CTT contenant des données différentes, qui correspondaient aux heures figurant sur les décomptes transmis à la caisse de chômage. La présence de deux CTT contenant des données contradictoires devait aboutir à une négation totale du droit aux indemnités perçues. Toutefois, dans la mesure où la seconde version correspondait à celle utilisée pour établir les décomptes transmis à la caisse de chômage, alors que celle mise à disposition lors du contrôle, correspondait aux heures réellement travaillées, seule cette dernière pouvait être considérée comme plausible. Dans la mesure où les documents remis par courriels n’étaient pas crédibles, il n’en n’avait pas été tenu compte.

i. La société a formé opposition à cette décision.

j. Par décision du 2 octobre 2023, le SECO a rejeté l’opposition de la société et confirmé sa décision du 15 juin 2023, relevant en substance que le fardeau de la preuve du caractère contrôlable de la perte de travail incombait à la société et qu’il apparaissait, sur la base des documents mis à disposition lors du contrôle, que celle-ci n’avait pas été en mesure de fournir les éléments démontrant qu’elle avait réellement effectué un CTT pour les mois d’avril à juin 2020 et mai 2021, de sorte que le droit aux prestations RHT devait lui être nié pour ces mois.

La décision du 15 juin 2023 était fondée sur les seuls documents présentés lors du contrôle. À cette occasion, la société n’avait pas fait état de l’existence de deux plannings des heures distincts (heures réelles et usuelles). De plus, à la suite du contrôle, un délai supplémentaire exceptionnel lui avait été imparti au jour du contrôle à 23h59 pour fournir certains documents manquants jugés essentiels, ce qu’elle n’avait pas fait. Certains documents avaient été envoyés deux jours plus tard par courriel, soit largement hors du délai imparti. Comme cela ressortait du formulaire « Documents vérifiés » du 16 janvier 2023, la société avait expressément accepté par sa signature le fait que les documents remis après le contrôle effectué dans l’entreprise et qui seraient en contradiction avec les documents vérifiés ne pourraient plus être pris en compte pour apprécier la légitimité des prestations touchées. De même, les documents remis ultérieurement ne pouvaient remédier à l’inexistence d’un enregistrement du temps de travail constatée lors du contrôle dans l’entreprise.

Si la société n’avait pas pris connaissance de ces informations et n’avait pas pu présenter un CTT conforme à la loi lors du contrôle, respectivement dans le délai supplémentaire octroyé, elle ne pouvait pas invoquer son ignorance ou sa bonne foi. En effet, comme indiqué dans le formulaire « Documents vérifiés » les documents présentés ultérieurement ne pouvaient pas remplacer un CTT manquant ou insatisfaisant au moment du contrôle. Si le SECO acceptait de nouveaux documents présentés après la date du contrôle, les vérifications effectuées lors du contrôle seraient inutiles, dès lors que les manipulations ultérieures, et donc les éventuels abus, ne seraient plus détectables.

Les nouveaux plannings transmis par courriel des 18 et 20 janvier 2023 contenaient des informations contradictoires par rapport aux documents présentés lors du contrôle, ce qui avait jeté un doute sur la fiabilité des données y figurant et auraient pu mener à une négation totale du droit aux indemnités pour l’ensemble de la période concernée, soit d’avril 2020 à mai 2021. Les saisies du temps de travail ressortant des nouveaux plannings, remis tardivement et qui correspondaient soudainement aux données utilisées pour établir les décomptes transmis à la caisse de chômage ne pouvaient donc pas être acceptées.

Le fait que les archives de la société n’avaient pas été maintenues de manière satisfaisante par l’ancienne responsable d’agence ou qu’il existait manifestement un certain désordre et une confusion dans la gestion administrative de la société était sans effet, la société ayant la responsabilité de conserver les documents durant cinq ans.

La décision précisait qu’elle pouvait faire l’objet d’un recours auprès du Tribunal administratif fédéral et qu’une demande de remise pouvait être formée auprès de la caisse après son entrée en force.

C. a. Le 6 novembre 2023, la société, assistée d’un conseil, a demandé à la caisse la remise de son obligation de restituer CHF 120'677.65, expliquant, notamment, ne pas avoir perçu de manière indue les indemnités RHT. Elle considérait avoir été de bonne foi lors de l’obtention des indemnités RHT, et en particulier ne pas avoir eu de comportement dolosif, ni commis de négligence grave, puisque la COVID-19 était un évènement exceptionnel. Elle disposait d’un système de CTT permettant de répondre aux besoins quotidiens en matière de présences et d’absences pour cause de maladie et de vacances. Ce système, sous forme d’un fichier Excel, était simple et rudimentaire, mais il répondait aux besoins d’une PME. Les petites erreurs de calcul constatées lors du contrôle avaient été acceptées par la société et le SECO se bornait à mettre en avant qu’une partie des heures perdues n’avaient pas pu être transmises le jour du contrôle. Il s’agissait là d’un formalisme excessif.

Le SECO ne tenait pas compte du fait que la perte de travail des salariés était justifiée et documentée, si bien que la société avait droit aux indemnités RHT sans réserve durant la période COVID.

b. Le 10 novembre 2023, la caisse a transmis le dossier de la société pour examen de sa demande de remise à l’OCE, agissant en qualité d’autorité cantonale (art. 85 LACI).

c. Par décision du 6 février 2024, l’OCE a retenu que la société ne pouvait se prévaloir de la bonne foi au moment de la perception des indemnités RHT en cause. Les conditions de la remise n’étaient ainsi pas réalisées. De nombreux documents avaient averti expressément la société de la nécessité de pouvoir justifier les heures perdues ainsi que son obligation de tenir lesdits documents à disposition du SECO en cas de contrôle.

Les arguments de la société ne pouvaient être pris en considération dans le cadre de l’examen d’une demande de remise, dès lors qu’ils ne pouvaient être examinés dans l’analyse de sa bonne foi. Elle aurait dû déposer un recours contre la décision du 2 octobre 2023 pour que ses arguments soient examinés.

d. Le 8 mars 2024, la société a formé opposition à la décision de l’OCE du 6 février 2024. Elle avait pleinement collaboré lors du contrôle et fourni l’ensemble de la documentation probante exigée par le SECO. Le fait de ne pas avoir disposé le jour du contrôle de tous les éléments demandés ou d’avoir fourni une documentation autre que celle attendue ne remettait pas en question sa bonne foi. Les éléments avaient été fournis dans la foulée de la demande et ils avaient été admis par la suite.

e. Par décision du 22 mai 2024, l’OCE a considéré que la société n’apportait aucun nouvel élément permettant de revoir la décision litigieuse. Elle avait été à plusieurs reprises informée de l’obligation de mettre en place un système d’enregistrement et d’avoir les moyens de justifier les heures perdues, que cela soit dans le cadre des préavis ou des décomptes y relatifs.

Le contrôle avait permis de constater que certains formulaires « Demandes et décomptes d’indemnités en cas de RHT » avaient été établis en intégrant les salaires et les heures à effectuer d’une collaboratrice n’ayant pas droit à la RHT et d’autres avec des heures à effectuer sans rapport avec celles qui auraient dues être prises en considération pour certains collaborateurs, notamment de juillet 2020 à avril 2021. Des heures perdues dues à des facteurs d’ordre économique avaient été revendiquées durant certains mois pour une grande partie des collaborateurs sans tenir compte des heures réellement effectuées par ceux-ci et, lors du contrôle, il n’avait pas été possible de vérifier la véracité et l’ampleur des heures perdues en cas de RHT indiquées sur les décomptes fournis à la caisse pour l’ensemble du personnel pour les mois d’avril à juin 2020 et de mai 2021, l’entreprise n’ayant pas pu présenter de documents provenant d’un système de contrôle pour ces mois.

La société avait reconnu avoir commis des erreurs de calculs et n’avoir pas pu présenter un CTT conforme à la loi lors de celui-ci, respectivement dans le délai supplémentaire octroyé, de sorte qu’elle ne pouvait pas invoquer sa bonne foi, conformément à ce qu’avait retenu le SECO.

Elle n’avait pas recouru contre la décision sur opposition rendue le 2 octobre 2023 par le SECO, qui retenait qu’elle ne disposait pas d’un système de contrôle fiable et elle ne pouvait à présent remettre en cause le bien-fondé de cette décision. C’était à juste titre qu’il avait été retenu que la condition de la bonne foi n’était pas remplie en l’espèce, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’examiner si la seconde condition relative à la situation financière était remplie.

L’opposition du 8 mars 2024 était rejetée et la décision du 6 février 2024 confirmée.

D. a. Le 24 juin 2024, la société a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). La crise COVID-19 entre 2020 et 2021 avait impacté principalement les domaines dans lesquels elle était active, soit le secteur de l’hôtellerie/restauration et le secteur médical. Ses collaborateurs en charge du placement de personnel avait vu leurs activités drastiquement se réduire dès le mois de mars 2020. La société s’était retrouvée du jour au lendemain quasiment à l’arrêt. Elle comptait alors en moyenne sept employés dont les trois quarts étaient des conseillers en personnel. Les missions de placement durant toute la période et les demandes d’indemnité RHT avaient diminué en moyenne de plus de 70%.

Les finances de la société avaient été impactées dès les premiers jours des mesures sanitaires mises en place et les revenus avaient été ainsi réduits de manière durable durant toute la période. La réduction avait été de plus de 70% en moyenne des revenus avec des pointes à plus de 80% en mars 2021.

C’était à tort qu’on lui reprochait de ne pas disposer d’un système de CTT. L’intimé utilisait les erreurs constatées lors du contrôle, qui étaient admises par la recourante, comme étant la preuve qu’elle avait manqué à ses obligations. Par exemple, l’erreur concernant une collaboratrice qui ne devait pas percevoir de RHT ne démontrait pas des manquements relevant d’une négligence grave. Au contraire, les données fournies lors du contrôle était probantes et utiles, puisqu’elles avaient permis de corriger cette erreur.

Il était étonnant de constater que l’intimé considérait les fiches de CTT de la société comme suffisamment probantes pour corriger des erreurs tout en affirmant qu’elles ne suffisaient pas à prouver que la société disposait d’un système de CTT.

Certes la recourante n’avait pas retrouvé immédiatement certains documents lors du contrôle, mais elle avait donné des explications à ce sujet, à savoir que la responsable d’agence qui avait reçu les contrôleurs n’était pas en poste lors de la période COVID entre 2020 et 2021 et qu’elle ne disposait ainsi pas des informations et éléments en lien avec cette période. La société, suite aux très grandes difficultés financières liées à la pandémie, avait fait face à des départs de collaborateurs-clés, de sorte que ceux-ci n’avaient pu renseigner les contrôleurs de la situation existant lors de la pandémie.

La responsable d’agence avait fait son maximum pour remettre les éléments demandés aux contrôleurs et leur avait transmis l’intégralité des plannings et fiches du temps de travail dont elle disposait. Malheureusement, une partie de ceux-ci ne correspondait pas aux plannings des heures réellement effectuées, mais aux planning des heures usuelles pour une période normale que la société mettait en place de manière standardisée.

La responsable d’agence n’avait pas pu retrouver l’intégralité des plannings, qui avaient pu toutefois être remis par la fiduciaire de la recourante, qui disposait de ces éléments, exception faite pour le mois de mai 2021, pour lequel la sauvegarde semblait ne pas avoir été faite avant le départ de l’ancienne responsable d’agence.

Il était cynique de considérer que les plannings remis lors du contrôle étaient probants mais que les plannings transmis ultérieurement ne l’étaient pas.

En ne prenant pas en compte les plannings effectifs pour les mois d’avril à juin 2020, le SECO estimait que la société avait une activité économique pleine et entière pour l’ensemble des collaborateurs alors que dans les faits, elle faisait déjà face à une diminution de 60 à 75% de son chiffre d’affaires.

Le contrôle du SECO avait bien validé la perte du chiffre d’affaires variant de 65% à 80% pour certains mois pour l’ensemble de la période révisée. Comment considérer ainsi que les collaborateurs auraient eu une activité normale avec une telle réalité financière. La RHT était ainsi réelle et objective.

L’argument principal ayant amené à la décision de reprise des indemnités RHT et au refus de la demande de remise en vertu du principe de la bonne foi consistait à dire que la recourante ne disposait pas d’un système de CTT. Cette affirmation était erronée, car elle disposait bien d’un tel système. On ne pouvait ainsi pas reprocher à la recourante d’avoir commis une négligence grave et rejeter sa demande de remise sur la base de ce seul élément.

La recourante avait contesté les conclusions de la décision sur révision du SECO du 15 juin 2023 par opposition du 17 juillet 2023. Si elle n’avait pas recouru contre la décision sur opposition du 2 octobre 2023, c’était que cela aurait entrainé des coûts importants et qu’elle disposait de la voie de la remise.

b. Par réponse du 22 juillet 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours, considérant que la recourante n’apportait aucun élément nouveau permettant de revoir la décision querellée.

c. Par réplique du 23 août 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

d. Par duplique du 16 septembre 2024, l’intimé a également persisté dans ses conclusions.

e. Le 11 novembre 2024, la chambre de céans a demandé au SECO la production du dossier ayant conduit à sa décision sur opposition du 2 octobre 2023, lequel était nécessaire pour trancher le recours portant sur la remise.

f. À sa réception, à un délai a été octroyé aux parties pour consulter le dossier et faire leurs remarques.

g. Le 19 décembre 2024, la recourante a notamment relevé qu’il ressortait du procès-verbal du contrôle que, contrairement à ce qu’affirmait l’intimé, le SECO avait considéré qu’elle disposait bien d’un système de CTT. Le SECO n’avait retenu que les CTT obtenus lors du contrôle, car les décomptes établis pour les RHT pour les mois manquants avaient été transmis après le délai accordé au 16 janvier 2023. Il apparaissait ainsi clairement que la recourante avait correctement rempli ses obligations en matière de documentation. À aucun moment, le SECO n’avait remis en question le bien-fondé de ses demandes RHT. Seules des erreurs de calcul avaient été constatées et celles-ci étaient admises par la recourante. Refuser d’octroyer la remise demandée était contraire à toute bonne foi.

h. Le 17 janvier 2025, l’intimé a indiqué que le SECO avait bien confirmé que la société disposait d’un système de CTT, mais que celui-ci avait également relevé la nécessité de pouvoir justifier les heures perdues ainsi que l’obligation de tenir lesdits documents à disposition du SECO en cas de contrôle, ce que la recourante n’avait pas pu faire pour les mois d’avril à juin 2020 et mai 2021. La procédure de révision avait permis de découvrir, entre autres, que certains formulaires « Demande et décompte d’indemnité en cas de RHT » avaient été établis en intégrant les salaires et les heures effectuées d’une collaboratrice n’ayant pas droit à la RHT et d’autres avec des heures à effectuer sans rapport avec celles qui auraient dû être prises en considération pour certains collaborateurs, notamment de janvier 2020 à avril 2021, et que les heures perdues dues à des facteurs d’ordre économique avaient été revendiquées durant certains mois pour une grande partie des collaborateurs sans tenir compte des heures réellement effectuées par ceux-ci. Ainsi, l’intimé persistait intégralement dans sa décision sur opposition du 22 mai 2024.

i. Le 14 mai 2025, les parties ont été entendues par la chambre de céans.

-          G______ a indiqué être l’employé d’une fiduciaire qui avait été mandatée quelques années auparavant pour reprendre la comptabilité de la société et en être devenu par la suite administrateur en raison du fait qu’elle était dirigée par deux personnes qui n’étaient pas domiciliées en Suisse. Lors du contrôle du SECO, il n’était pas dans les locaux de la société, mais il s’y était rendu en fin de journée pour signer le rapport. C’était la nouvelle responsable d’agence, M______, qui avait accueilli les contrôleurs. Pour le contrôle, ils lui avaient préparé un dossier avec les documents qui avaient été transmis aux autorités compétentes pour obtenir les RHT avec le planning des heures travaillées. Dans le bureau il y avait le reste des documents concernant chaque collaborateur qui pouvait être consultés par le SECO. Elle lui avait dit par la suite qu’elle avait donné ce qui avait été, mais qu’elle avait trouvé que les choses étaient mal organisées dans l’ordinateur. Le système de CTT de la société était un simple fichier Excel. Comme l’ensemble des collaborateurs était fixe, la responsable d’agence faisait des « copiés collés » par mois des heures de travail et elle les adaptait en fonction des vacances, des arrêts et demandes d’absence. Le SECO avait dû demander de pouvoir consulter le système de CTT, ce qui expliquait que la responsable d’agence avait sorti des documents qui n’avaient pas été mis à jour.

G______ n’avait compris que plus tard qu’il y avait deux fichiers des heures contrôlés différents, ce qui avait semé le doute pour le SECO et pour eux aussi. Il pensait que le problème venait du fait que M______ n’avait pas trouvé sur l’ordinateur les CTT relatifs au mois manquants et qu’elle avait remis aux contrôleurs les fichiers Excel non mis à jour.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA, art. 62ss et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimé d’octroyer à la recourante la remise de l’obligation de restituer la somme de CHF 120’677.65, au motif que la condition de la bonne foi n’était pas remplie.

4.              

4.1 Les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l'activité suspendue ont droit à l'indemnité en cas de RHT lorsqu'ils remplissent les conditions décrites à l'art. 31 al. 1 let. a à d LACI.

Selon l'art. 31 al. 3 let. a LACI, n'ont notamment pas droit à l'indemnité les travailleurs dont la RHT ne peut pas être déterminée ou dont l'horaire de travail n'est pas suffisamment contrôlable. Aux termes de l'art. 46b de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02) la perte de travail n'est suffisamment contrôlable que si le temps de travail est contrôlé par l'entreprise (al. 1) ; l'employeur conserve les documents relatifs au CTT pendant cinq ans (al. 2).  

Selon la let. B34 du bulletin LACI RHT, pour que l’horaire de travail et, par conséquent, les heures effectivement accomplies soient suffisamment contrôlables, il faut que l’entreprise dispose d’un système d’enregistrement du temps de travail de tous les travailleurs pour lesquels elle demande la RHT. Ce dernier (p. ex. cartes de timbrage, rapports sur les heures) doit pouvoir rendre compte quotidiennement des heures de travail fournies, y compris des éventuelles heures supplémentaires, de la perte de travail due aux conditions économiques, ainsi que de tout autre type d’absences telles que les vacances, les absences en cas de maladie, d’accident ou de service militaire. L’info-Service « L’indemnité en cas de RHT », la plateforme d’accès aux services en ligne (eServices ; art. 83 al. 1bis let. d, LACI), le formulaire 716.300 « Préavis de RHT », de même que les décisions des autorités cantonales rendent clairement les employeurs attentifs à l’obligation pour les entreprises de procéder à un CTT.

4.2 Selon l’art. 95 al. 2 LACI, la caisse exige de l’employeur la restitution de l’indemnité allouée en cas de RHT ou d’intempéries quand cette indemnité a été versée à tort. Lorsque l’employeur est responsable de l’erreur, il ne peut exiger de ses travailleurs le remboursement de l’indemnité.

Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile.

Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).

L'art. 4 de l'ordonnance fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2).

Savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), est réalisée doit être examiné dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).

La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_43/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3 et 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4).

On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation, etc. ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2016 du 26 septembre 2016 consid. 3.1 ; Sylvie PÉTREMAND, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 69 ad art. 25 LPGA). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).

En revanche, l’intéressé peut invoquer sa bonne foi si son défaut de conscience du caractère indu de la prestation ne tient qu’à une négligence légère, notamment, en cas d’omission d’annoncer un élément susceptible d’influer sur le droit aux prestations sociales considérées, lorsque ladite omission ne constitue qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner sur un tel élément (ATF 112 V 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_16/2019 précité consid. 4 et 9C_14/2007 du 2 mai 2007 consid. 4 ; DTA 2003 n° 29 p. 260 consid. 1.2 et les références ; RSAS 1999 p. 384 ; Ueli KIESER, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts - ATSG, 2020, n. 65 ad art. 25 LPGA).

Selon le Bulletin LACI RCRE / C2, il y a lieu de différencier l'ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu'il n'avait pas droit aux prestations (ignorance de l’illicéité), du fait que l’assuré, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait exiger de lui, compte tenu des circonstances, aurait pu et dû reconnaître le vice juridique existant. En fait, l’assuré ne doit s’être rendu coupable non seulement d'aucune intention malicieuse, mais aussi d'aucune négligence grave. Il s'ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'intéressé peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 112 V 97 consid. 2c et références ; DTA 1992 no 7 p. 103 consid. 2b). Un comportement fautif a trait le plus souvent à la violation de l'obligation d'annoncer ou d'informer, mais aussi au fait de ne pas se renseigner auprès de l'administration (DTA 1998 no 41 p. 234 consid. 4b et références). La bonne foi doit exister au moment de la perception des indemnités. Néanmoins, un assuré ne peut se prévaloir de la bonne foi au moment de la perception de l’indemnité, lorsqu’il devait s’attendre à une suspension de son droit aux indemnités de chômage en raison d’un comportement qu’il savait fautif. Cela est particulièrement le cas lorsqu’une sanction, pour des raisons inhérentes à l’instruction, ne peut intervenir que dans une période de contrôle ultérieure (p. ex. recherches de travail insuffisantes ou absence à un entretien de conseil).

Sous let. B36, le nulletin LACI RHT précise que s’il s’avère ultérieurement, lors d’un contrôle chez l’employeur, que la perte de travail n’aurait pas dû être prise en considération parce qu’incontrôlable, faute de système de contrôle approprié, le SECO exigera le remboursement de l’indemnité versée à tort. L'employeur ne pourra pas se prévaloir de sa bonne foi du fait que l'indemnité lui a été versée sans réserve à plusieurs reprises sur une longue période et ne pourra se soustraire à la décision de restitution (arrêt du Tribunal fédéral 8C_469/2011 du 29 décembre 2011). L’employeur ne pourra pas non plus invoquer sa bonne foi pour demander une remise de l’obligation de restituer les prestations.

La bonne foi n'a pas été reconnue dans un cas où les documents nécessaires au CTT avaient été jetés trop tôt (arrêts du Tribunal fédéral C 223/00 du 5 février 2001 consid. 3a et C 162/03 du 24 mars 2004) et s’agissant d’une entreprise requérant des indemnités de RHT qui ne disposait d'aucun contrôle systématique du temps de travail (arrêts du Tribunal fédéral 8C_120/2012 du 11 juin 2012 et 8C_312/2012 du 19 juin 2012).

4.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.             En l’espèce, pour déterminer si la condition de la bonne foi est réalisée, il faut en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, la recourante aurait pu constater que les indemnités RHT reçues d’avril à juin 2020 et en mai 2021 ne reposaient pas sur une base juridique.

5.1 L’intimé a retenu dans la décision querellée que lors du contrôle, il n’avait pas été possible de vérifier la véracité et l’ampleur des heures perdues pour cette période, l’entreprise n’ayant pas pu présenter de documents provenant d’un système de contrôle pour ces mois.

S’il est exact que la responsable d’agence présente lors du contrôle n’a pas pu présenter les CTT pour les mois d’avril à juin 2020 et de mai 2021, les CTT pour les mois d’avril à juin 2020 ont été transmis aux contrôleurs – certes après le délai fixé au jour même du contrôle au plus tard à 23h59 – mais par courriels des 18 et 20 janvier 2023, selon ce qui ressort du ch. 5 du procès-verbal de contrôle du 7 juin 2023.

La recourante a expliqué, de façon convaincante, que sa responsable d’agence n’avait pas été en mesure de donner toutes les pièces requises lors du contrôle, car elle venait de prendre ses fonctions et qu’elle n’était pas dans la société au moment de la pandémie.

Le fait que le délai octroyé pour produire les CTT manquants au jour même avant minuit n’ait pas été respecté ne suffit pas à retenir que la condition de la bonne foi n’est pas remplie, dès lors que ce délai était extrêmement court et que la recourante a transmis rapidement ces documents, soit dans les deux à quatre jours suivants.

Les formulaires type de préavis et de décompte informent les employeurs qu’ils doivent effectuer un CTT auprès des travailleurs touchés par une RHT, mais ils ne précisent pas que ceux-ci doivent être en mesure de présenter les CTT « au moment du contrôle », ni même le jour du contrôle.

Certes, l’intimé a fait valoir que si le SECO acceptait de nouveaux documents présentés après la date du contrôle, les vérifications effectuées lors de celui-ci seraient inutiles, dès lors que des manipulations ultérieures et donc d’éventuels abus ne seraient plus détectables.

La chambre de céans considère toutefois que ce risque ne justifie pas une pratique aussi stricte du SECO et qu’il convient de tenir compte des circonstances du cas d’espèce, à tout le moins dans le cadre de l’examen de la bonne foi.

Par ailleurs, le fait que la recourante n’a pas pu produire le CTT pour le seul mois de mai 2021 ne suffit pas à retenir qu’elle n’avait pas un système de CTT suffisant, étant relevé qu’elle a fourni des CTT pour douze mois sur treize.

5.2 L’intimé a fait valoir que le système de CTT de la recourante n’était pas fiable, car une nouvelle version des CTT transmise dans les jours suivants le contrôle pour les mois de juillet 2020 à avril 2021 ne correspondait pas avec la version obtenue le jour du contrôle, à l’exception du mois d’août 2020. Dans la mesure où la seconde version correspondait à celle utilisée pour établir les décomptes transmis à la caisse de chômage, alors que celle mise à disposition lors du contrôle correspondait aux heures réellement travaillées, seule cette dernière était plausible. Dans la mesure où les documents remis par courriels n’étaient pas crédibles, il n’en n’avait pas été tenu compte, période d’avril à juin 2020 comprise.

La recourante a expliqué que la responsable d’agence avait remis aux contrôleurs l’intégralité des plannings et fiches du temps de travail dont elle disposait. Malheureusement, une partie de ceux-ci ne correspondait pas aux planning des heures réellement effectuées mais aux planning des heures usuelles pour une période normale que la société mettait en place de manière standardisée avant de les mettre à jour. La recourante avait transmis dans les jours suivants les plannings effectifs pour les mois d’avril à juin 2020, en précisant qu’ils différaient de ceux qui avaient été implémentés à la base.

La chambre de céans considère que les explications données par la recourante sont convaincantes et corroborées par les pièces du dossier. Il ressort en effet de ce dernier que les CTT transmises dans les jours suivants le contrôle forment un tout cohérent, notamment parce qu’ils mentionnent tous les mois en lettres en haut à gauche. Ils concernent la période courant d’avril 2020 à avril 2021 et font état d’un nombre d’heures plus bas et moins régulier que les CTT transmises lors du contrôle pour la même période. Il est ainsi rendu vraisemblable que ces derniers étaient bien des plannings des heures usuelles pour une période normale que la recourante mettait en place de manière standardisée avant de les modifier pour tenir compte des circonstances effectives, alors que la seconde version des CTT transmise correspond aux plannings mis à jour et tenant compte de la diminution des heures de présence effectives. Ce sont logiquement ces derniers qui ont été transmis à la caisse pour justifier les indemnités RHT.

Le fait que la décision de restitution du SECO, qui en a décidé autrement, soit entrée en force ne saurait lier la chambre de céans sur la question de la bonne foi, qui n’a pas été tranchée par le SECO.

5.3 L’intimé a fait valoir que certains formulaires de « Demandes et décomptes d’indemnités en cas de RHT » contenaient des erreurs. La chambre de céans relève à cet égard que ces erreurs ont été admises par la recourante et que si elles justifiaient peut-être une restitution d’une partie des indemnités versées, elles ne suffisent pas à retenir une négligence grave ni une intention malicieuse de la recourante. En effet, ces erreurs étaient dues à des modifications dans la situation des collaborateurs concernés qui n’avaient pas été prises en compte, ce qui ne procède pas d’une intention malicieuse ni d’une négligence grave. S’agissant en particulier de la collaboratrice pour laquelle la recourante aurait touché indûment les RHT, il ressort du procès-verbal de contrôle que le formulaire « Demande et décompte d’indemnité en cas de RHT » du mois de mars 2021 a été établi en intégrant le salaire et les heures à effectuer d’L______, alors que celle-ci n’avait plus droit aux RHT dès le lendemain de son licenciement immédiat qui avait eu lieu le 20 mars 2021. Cette omission apparaît d’une gravité relative, puisqu’il n’est pas contestable que cette collaboratrice a travaillé une grande partie du mois en question.

Il est ainsi établi que la recourante disposait d’un système de CTT suffisamment fiable. On peut lui reprocher une négligence, dans la mesure où son organisation n’a pas permis à la responsable d’agence de produire les CTT correctement et sans délai à la demande des contrôleurs. Ce manquement apparaît d’une gravité relative et la négligence de la recourante doit en conséquence être qualifiée de légère. Il en résulte que la condition de la bonne foi est remplie.

6.             Le recours doit en conséquence être admis, la décision querellée annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour examen de la seconde condition de la remise, la situation difficile.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l'art. 1 al. 1 LACI).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 22 mai 2024.

4.        Dit que la condition de la bonne foi est remplie.

5.        Renvoie la cause à l’intimé pour examen de la situation difficile.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le