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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3942/2024

ATAS/353/2025 du 15.05.2025 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3942/2024 ATAS/353/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 mai 2025

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : l’assuré) est un ressortissant espagnol né en ______ 1977. Il est arrivé à Genève le ______ 2018 en provenance d’Espagne. L’assuré est marié depuis le ______ 2018 et père de deux enfants, B______ et C______, nés respectivement en ______ 2017 et en ______ 2022. En novembre et décembre 2019, il a travaillé pour D______ SA en qualité de nettoyeur, à un taux de 20%.

b. Le 25 mai 2021, l’assuré a saisi l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) d’une demande de prestations, en raison d’un trouble bipolaire de type II, existant depuis 2000 mais diagnostiqué autour de 2013.

c. L’OAI a rassemblé divers rapports médicaux, en particulier ceux de la docteure E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, des 8 juillet 2021, 17 décembre 2021, 15 juillet 2022 et 15 septembre 2022, ainsi que plusieurs rapports rédigés en espagnol, et les a soumis à son service médical régional (ci‑après : le SMR), lequel a considéré, dans un avis du 31 octobre 2022, sous la plume du docteur F______, que l’assuré était totalement incapable de travailler depuis 2000 en raison d’un trouble affectif bipolaire, avec épisode actuel de dépression légère ou moyenne (F31.3), associé à une anxiété généralisée (F41.1), les limitations fonctionnelles étant une intolérance au stress, une résistance psychique nulle en cas de défis professionnels, une intolérance à l’échec avec une perte de confiance en soi et une méfiance transitoire.

d. Par projet de décision du 9 novembre 2022, confirmé par décision du 4 janvier 2023, l’OAI a considéré que l’assuré, dont le statut était celui d’actif, était totalement incapable de travailler depuis 2000. À la fin du délai d’attente d’un an, soit en 2001, il présentait un degré d’invalidité de 100%, ce qui lui aurait donné droit à une rente entière d’invalidité. Cependant, dans la mesure où, lors de la survenance de l’invalidité, il ne remplissait pas les conditions d’assurance, soit un an de cotisations, le droit à une rente d’invalidité ordinaire ne pouvait lui être reconnu.

B. a. Par acte du 3 février 2023, l’assuré a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision du 4 janvier 2023, contestant être en incapacité totale de travailler depuis 2000, l’aggravation de son état de santé étant survenue après son arrivée en Suisse.

b. L’OAI a répondu le 28 février 2023, concluant au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, en se référant, notamment, au rapport de la Dre E______ du 15 septembre 2022, dans lequel ce médecin avait expliqué que le recourant présentait plusieurs épisodes dépressifs sévères par année, depuis l’an 2000.

c. Les parties ont ensuite persisté dans leurs conclusions.

d. Par arrêt rendu en date du 21 décembre 2023 (ATAS/1035/2023), la chambre de céans a partiellement admis le recours et a renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Selon les considérants de l’arrêt, jusqu’en 2016 et dès 2021, le recourant présentait une diminution de sa capacité de travail comprise entre 0% et 50%. Le dossier ne comportait toutefois aucune information sur la situation médicale du recourant entre le mois de décembre 2016 et le début du suivi en 2021. On ne savait ainsi pas comment le handicap de 46% établi par l’autorité espagnole avait été calculé, s’il correspondait à une incapacité de travail du même taux, dans l’affirmative si celle-ci avait perduré de manière constante jusqu’au début du suivi ou si le recourant avait recouvré une capacité de travail entière, pendant un certain temps.

e. L’OAI a repris l’instruction de la cause et a confié un mandat d’expertise psychiatrique au docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, afin de se prononcer de manière claire et circonstanciée sur l’évolution de la capacité de travail de l’assuré, en tout cas depuis décembre 2016.

f. Le Dr G______ a rendu son rapport d’expertise psychiatrique en date du 12 juillet 2024. Il a considéré que la cohérence au niveau de l’anamnèse et de l’examen clinique ainsi que la plausibilité des troubles psychiques était bonne chez un assuré qui n’exagérait pas, volontairement, ses activités de la journée-type et qui présentait des limitations fonctionnelles significatives et uniformes psychiatriques, malgré une bonne compliance aux soins. Le diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail était un trouble bipolaire de type I, épisode actuellement mixte évoluant depuis 2000 avec des limitations sévères depuis au moins 2016 jusqu’à présent (F 31.6). L’expert constatait une évolution globalement stationnaire des troubles susmentionnés, depuis au moins 2016 jusqu’à présent, avec un traitement adéquat et des troubles psychiques sévères enkystés déjà avant son arrivée en Suisse où l’assuré n’aurait pu travailler que durant deux semaines selon ses propres dires. Le pronostic de reprise professionnelle était sombre, sans traitement exigible. La capacité de travail était de 0% depuis au moins 2016 jusqu’à présent, dans toute activité ; les limitations fonctionnelles retenues par l’expert concernaient des difficultés dans la planification, la flexibilité, dans l’usage de compétences spécifiques, dans la capacité de jugement, dans la capacité d’endurance, l’aptitude à établir des relations et dans l’aptitude à évoluer dans un groupe.

g. Par avis médical du 29 juillet 2024, le SMR de l’OAI a suivi les conclusions de l’expert et a modifié son précédent rapport du 31 octobre 2022 de la manière suivante : incapacité de travail durable depuis 2016, à 100%, dans toute activité.

Dans une note sur les conditions d’assurance, l’OAI s’est déterminé en considérant que l’incapacité totale de travail s’était manifestée, au plus tard, en 2016 et que la survenance de l’invalidité pour la rente était donc fixée au 1er janvier 2017. Dès lors que l’assuré n’était pas en Suisse à cette date, les conditions d’assurance n’étaient pas réalisées pour le droit à une rente.

C. a. Par projet de décision du 22 août 2024, l’OAI a informé l’assuré de son refus de mesures professionnelles et de rente d’invalidité au motif que, lors de la survenance de l’invalidité, le 1er janvier 2017, il fallait avoir cotisé pendant au moins une année pour avoir droit à une rente ordinaire. Dès lors que l’assuré était arrivé en Suisse en avril 2018, aucune prestation ne pouvait lui être reconnue.

b. L’assuré a contesté le projet de décision par courrier du 21 septembre 2024, en alléguant qu’il avait une capacité de travail partielle lorsqu’il était arrivé en Suisse et que ce n’était que dans le courant de l’année 2021 que son incapacité de travail était devenue totale. Pour cette raison, il estimait qu’il remplissait les conditions lui permettant de percevoir des prestations de l’OAI.

c. Sommé de présenter d’éventuelles pièces médicales pouvant confirmer ses allégations, l’assuré a répondu par courrier du 1er octobre 2024, dans lequel il contestait la date retenue par l’expert d’incapacité totale de travail depuis 2016, en alléguant que les pièces médicales qu’il joignait en annexe démontraient le contraire.

Il a ainsi joint à son courrier, notamment, les traductions des pièces médicales suivantes :

-          rapport de sortie de l’hôpital universitaire Sabadell de Barcelone (Espagne), daté du 19 décembre 2016 et faisant état d’un trouble bipolaire non spécifié qui avait justifié une hospitalisation du 5 au 19 décembre 2016 ;

-          avis technique facultatif relatif à l’évaluation du niveau d’invalidité du 8 avril 2016, effectué par le ministère du travail, des affaires sociales et de la famille de Catalogne (Espagne) retenant un niveau d’invalidité de 46% en raison d’un trouble bipolaire.

d. Par décision du 28 octobre 2024, l’OAI a confirmé la teneur du projet de décision du 22 août 2024 en considérant que les rapports médicaux que l’assuré avait transmis dans le cadre de sa contestation ne permettaient pas à l’OAI de revoir ses conclusions selon lesquelles à la fin du délai d’attente d’un an, soit le 1er janvier 2017, il présentait un degré d’invalidité de 100%.

D. a. Par acte posté le 26 novembre 2024, l’assuré a interjeté recours contre la décision du 28 octobre 2024 auprès de la chambre de céans. Le recourant a exposé qu’il était hospitalisé et qu’il n’était pas en capacité de motiver en détail son recours, raison pour laquelle il demandait qu’on lui accordât un délai supplémentaire. Il joignait à son recours un certificat médical daté du 18 novembre 2024, par lequel le docteur H______, médecin chef de clinique auprès du département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) confirmait l’hospitalisation à temps complet du patient, dès le 13 novembre 2024, pour une durée indéterminée.

b. Par réponse du 6 janvier 2025, l’OAI s’est fondé sur le rapport d’expertise du Dr G______ pour confirmer le bien-fondé de la décision querellée et conclure au rejet du recours.

c. Par courrier du 9 janvier 2025, la chambre de céans a invité le recourant à répliquer en lui demandant de lui faire suivre la lettre de sortie des HUG, de motiver son recours et d’exposer ses conclusions.

d. En date du 10 janvier 2025, le recourant a transmis à la chambre de céans une lettre de sortie des HUG, datée du 9 janvier 2025 et signée par le Dr H______, confirmant l’hospitalisation du recourant, du 14 novembre au 3 décembre 2024, pour trouble bipolaire, épisode maniaque.

e. Par réplique du 7 février 2025, le recourant a conclu à l’annulation de la décision du 28 octobre 2024 au motif qu’il avait travaillé comme chauffeur en Espagne jusqu’au 3 septembre 2016, puis qu’il avait fait des allers-retours entre la Suisse et l’Espagne depuis la naissance de son fils en mars 2017. Par ailleurs, il s’estimait capable de travailler à 50% lorsqu’il avait demandé à sa psychiatre de déposer une demande de mesures professionnelles auprès de l’OAI, en mai 2021.

f. Par duplique du 6 mars 2025, l’OAI a confirmé sa décision tout en relevant que la reconnaissance d’une invalidité par la législation espagnole ne préjugeait pas de l’appréciation de l’invalidité selon la loi suisse et ne constituait pas un indice propre à établir que le recourant avait droit à une rente de l’assurance-invalidité suisse. Était joint, en annexe, un avis médical du SMR, daté du 5 mars 2025, attestant que la lettre de sortie des HUG du 9 janvier 2025 confirmait la décompensation maniaque d’un trouble bipolaire de type I et ne contenait aucun élément médical indiquant une modification de la date du début de l’incapacité de travail retenue, soit depuis 2016. Par conséquent, les conclusions du SMR figurant dans son avis médical du 29 juillet 2024 restaient inchangées.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

h. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « En droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le litige porte sur le refus par l’OAI de toute prestation invalidité.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ‑ RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

3.2 En l’occurrence, la décision querellée, datée du 4 janvier 2023, a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la demande de prestations ayant été déposée en mai 2021 et le délai d’attente d’une année venant à échéance à une date inconnue mais vraisemblablement antérieure au dépôt de la demande, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait avant le 1er janvier 2022 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

4.             Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’OAI du 28 octobre 2024 de rejeter la demande de prestations du recourant, au motif qu’il ne remplissait pas les conditions d'assurance.

5.1 Aux termes de l'art. 8 al. 1er LPGA, est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée.

Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008). Pour qu'il y ait ainsi incapacité de gain au sens de l'art. 7 LPGA, l'assuré doit ne pas pouvoir surmonter, objectivement, par ses propres efforts, les répercussions négatives de ses problèmes de santé sur sa capacité de gain. En d'autres termes, ce n'est qu'à partir du moment où l'effort n'est plus réalisable, faute d'être exigible, que la question de l'incapacité de gain se pose (Susana MESTRE CARVALHO, Éxigibilité - La question des ressources mobilisables, in RSAS 2019, p. 60).

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

5.2 Les atteintes à la santé mentale ou psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. Par atteinte à la santé mentale ou psychique au sens juridique de l'expression, il faut entendre toute perturbation des facultés intellectuelles et affectives qui entravent d'une manière permanente ou pour assez longtemps la capacité de gain ou de travail de l'assuré (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 8 ad Art, 4). On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

6.              

6.1 En vertu de l’art. 6 al. 2 LAI, les étrangers ont droit aux prestations de l’assurance-invalidité, sous réserve de l'art. 9 al. 3, aussi longtemps qu'ils conservent leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse, mais seulement s'ils comptent, lors de la survenance de l'invalidité, au moins une année entière de cotisations ou dix ans de résidence ininterrompue en Suisse.

Selon l’art. 36 al. 1 LAI, a droit à une rente ordinaire l'assuré qui, lors de la survenance de l'invalidité, compte trois années au moins de cotisations, étant précisé que jusqu’au 31 décembre 2007, seule une année de cotisations était nécessaire.

La condition de la durée minimale de cotisations doit être remplie au moment de la survenance de l'invalidité. Les périodes accomplies après ce terme n'entrent pas en ligne de compte (RCC 1959, p. 449 ; voir également ch. 4205 de la directive sur les rentes [ci-après : DR]).

S’agissant de la durée minimale de cotisations lors de la survenance de l’invalidité, il y a lieu d’appliquer celle de trois ans pour toutes les nouvelles rentes d’invalidité pour lesquelles la survenance de l’invalidité est intervenue à compter du 1er janvier 2008, et celle d’un an pour les nouvelles rentes d’invalidité déduites d’une survenance d’invalidité antérieure à cette date-ci (ATAS/786/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2c ; ATAS/311/2013 du 26 mars 2013 consid. 6 ; ch. 3003 de la circulaire sur la procédure pour la fixation des prestations dans l’AVS/AI/PC [ci-après : CIBIL] ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 1231).

6.2 L'art. 36 al. 2 LAI prévoit que la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) est applicable par analogie au calcul des rentes ordinaires.

Aux termes de l'art. 50 du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), applicable à la fixation de la durée minimale de cotisations selon les art. 36 al. 2 LAI et 32 al. 1 RAI (ATF 125 V 255), une année de cotisations est entière lorsqu'une personne a été assurée au sens des art. 1a ou 2 LAVS (assurance facultative) pendant plus de onze mois au total et que, pendant ce temps-là, soit elle a versé la cotisation minimale, soit son conjoint au sens de l’art. 3 al. 3 LAVS a versé au moins le double de la cotisation minimale (art. 29ter al. 2 let. b LAVS), soit elle peut se prévaloir de bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d'assistance (art. 29ter al. 2 let. c LAVS).

6.3 Pour les ressortissants suisses et ceux des États de l’UE et de l’AELE (Islande, Liechtenstein, Norvège), l’examen de la durée minimale de cotisations peut impliquer la prise en compte des périodes de cotisations accomplies dans l’un ou plusieurs de ces États.

Ainsi, pour l’examen – dans un cas particulier – de la durée minimale de cotisations, la procédure à suivre est la suivante (ch. 3004 DR, état au 1er janvier 2023 ; ch. 3005 CIBIL, Accords bilatéraux Suisse-UE Convention AELE, état au 1er janvier 2022) :

1.      Il faut vérifier si la durée minimale de cotisations de trois années est remplie au moyen des périodes d’assurance suisses. La durée de trois années entières est remplie si une personne a été assurée obligatoirement ou facultativement pendant plus de deux années et onze mois au total.

2.      Si la durée minimale de cotisations de trois années n’est pas remplie par le truchement de périodes d’assurance suisses, il importe, pour les citoyens suisses ou les ressortissants d’un État de l’UE ou de l’AELE, de tenir compte des périodes de cotisations accomplies au sein d’un État de l’UE ou de l’AELE.

3.      Si la durée minimale de cotisations de trois années est remplie grâce à la prise en compte de périodes d’assurance accomplies dans un État de l’UE ou de l’AELE, mais que la durée de cotisations en Suisse est inférieure à une année, aucune rente ordinaire suisse de l’AI ne peut être versé.

Une demande de rente de l’AVS ou de l’AI déposée en Suisse alors que la personne ne compte pas au moins une année entière de cotisations au sens de l’art. 29, al. 1, LAVS est rejetée par une décision correspondante, avec mise en œuvre de la procédure interétatique (ch. 4011 CIBIL).

6.4 L’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (art. 4 al. 2 LAI). Ce moment doit être déterminé objectivement, d’après l’état de santé de l’assuré ; des facteurs externes fortuits n’ont pas d’importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l’assuré apprend, pour la première fois, que l’atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d’assurance (ATF 126 V 5 consid. 2b et la référence).

S’agissant du droit à une rente, le cas d’assurance est réputé survenu au moment où l’assuré présente une incapacité de travail d’au moins 40% en moyenne depuis une année sans interruption notable (art. 28 al. 1 let. b LAI), et qu’une fois le délai d’attente écoulé, l’incapacité de gain perdure à 40% au moins (art. 28 al. 1 let. c LAI). Le cas d’assurance ne peut toutefois survenir au plus tôt que le premier jour du mois qui suit le 18e anniversaire (circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité établie par l’Office fédéral des assurances sociales, dans son état au 1er janvier 2021 [ci-après : CIIAI], ch. 1030 et les références). La survenance du cas d’assurance correspond, en règle générale, à l’ouverture du droit à la rente. L’ouverture du droit à une rente peut cependant déroger à cette règle, par ex. lors d’une demande tardive (CIIAI, ch. 1034).

La CIIAI a été abrogée et remplacée, dès le 1er janvier 2022, par la circulaire sur l’invalidité et les rentes dans l’assurance-invalidité (CIRAI).

7.              

7.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable, en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

7.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

7.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

7.3.1 Selon l'art. 43 al. 1 phr. 1 LPGA, l'assureur examine les demandes, prend d'office les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin. L'art. 69 RAI précise pour l'AI que l'office de l'assurance-invalidité réunit les pièces nécessaires, en particulier sur l'état de santé du requérant, son activité, sa capacité de travail et son aptitude à être réadapté, ainsi que sur l'indication de mesures déterminées de réadaptation ; à cet effet, peuvent être exigés ou effectués des rapports ou des renseignements, des expertises ou des enquêtes sur place, il peut être fait appel aux spécialistes de l'aide publique ou privée aux invalides.

Un rapport au sens de l'art. 59 al. 2bis LAI (en corrélation avec l'art. 49 al. 1 RAI) a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). Ces rapports ne posent pas de nouvelles conclusions médicales mais portent une appréciation sur celles déjà existantes. Au vu de ces différences, ils ne doivent pas remplir les mêmes exigences au niveau de leur contenu que les expertises médicales. On ne saurait en revanche leur dénier toute valeur probante. Ils ont notamment pour but de résumer et de porter une appréciation sur la situation médicale d'un assuré, ce qui implique aussi, en présence de pièces médicales contradictoires, de dire s'il y a lieu de se fonder sur l'une ou l'autre ou s'il y a lieu de procéder à une instruction complémentaire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_518/2007 du 14 juillet 2008 consid. 3.2 et les références citées).

7.3.2 Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4). 

7.3.3 Lorsque l'assuré présente ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance, il s'agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d'un autre médecin mandaté par lui. Ces avis n'ont pas valeur d'expertise et, d'expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l'assuré, afin de voir s'ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance (arrêts du Tribunal fédéral 8C_408/2014 et 8C_429/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.2).

8.              

8.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ‑ RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

8.3 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

9.              

9.1 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que pour que le recourant ait droit à une rente ordinaire, il doit compter, lors de la survenance de l'invalidité, trois années au moins de cotisations, dont une au moins en Suisse. L’invalidité survient au moment où l’assuré présente une incapacité de travail d’au moins 40% en moyenne depuis une année sans interruption notable et qu’une fois le délai d’attente écoulé, l’incapacité de gain perdure à 40% au moins.

La question qui se pose est, dès lors, celle de savoir quand l’invalidité du recourant est survenue, car c’est à cette date que celui-ci doit compter trois années au moins de cotisations, versées par lui-même ou par son conjoint, étant précisé que des cotisations doivent avoir été payées en Suisse pendant au moins onze mois.

9.2 En l’espèce, après renvoi de la cause à l’OAI, ce dernier a mandaté un expert psychiatre chargé de déterminer la capacité de travail de l’assuré avant son arrivée en Suisse.

Se fondant sur le rapport d’expertise du Dr G______ du 12 juillet 2024, l’OAI a considéré que le recourant était totalement incapable de travailler depuis au moins 2016. À l’échéance du délai d’attente d’un an, soit le 1er janvier 2017, lors de la survenance de l’invalidité, le recourant ne pouvait pas justifier d’une année de cotisations en Suisse, de sorte que les conditions d’assurance n’étaient pas remplies.

Le recourant, quant à lui, se fonde sur les rapports de son médecin traitant et les pièces des autorités espagnoles pour alléguer qu’il bénéficiait d’une capacité de travail au moins partielle lors de son arrivée en Suisse.

Il sied de préciser que lesdites pièces médicales ont déjà été examinées par la chambre de céans dans le cadre de la procédure ayant abouti à son arrêt du 21 décembre 2023. Or, c’est précisément parce que la chambre de céans n’a pas été convaincue de la valeur probante desdites pièces qu’elle a renvoyé la cause à l’OAI afin que ce dernier mette en œuvre une instruction complémentaire visant à déterminer à quel moment l’assuré s’est retrouvé en incapacité totale de travailler.

Suite à l’instruction complémentaire à laquelle l’OAI a procédé, la capacité de travail du recourant a été jugée nulle dès 2016 par l’expert psychiatre.

Reste à examiner si l’on peut accorder une pleine valeur probante au rapport d’expertise de ce dernier.

Il sied de préciser que les pièces médicales invoquées par l’assuré ont été examinées par l’expert, qui les a répertoriées et résumées dans son rapport d’expertise. Par conséquent, l’expert a pris connaissance et tenu compte des pièces médicales en question, dans le cadre de son appréciation.

9.3 En ce qui concerne le rapport d’expertise psychiatrique, la chambre de céans constate que l’expert a pris connaissance du dossier complet du recourant, étudié et discuté soigneusement les rapports pertinents y figurant, présenté une anamnèse détaillée et fouillée, et retranscrit précisément les informations livrées par le recourant, s’agissant particulièrement des traitements suivis, de ses plaintes et habitudes. Il a argumenté les diagnostics retenus et motivé ses conclusions quant aux limitations fonctionnelles et à la capacité de travail.

Le rapport d’expertises remplit donc, a priori, les exigences jurisprudentielles pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.

Il convient encore d’examiner s’il existe des indices concrets permettant de douter du bien-fondé de ce rapport.

Lors des deux entretiens avec l’expert, totalisant 5,5 heures, l’assuré s’est plaint d’un trouble bipolaire évoluant depuis 2000, avec des rechutes régulières après des rémissions partielles. Il a relaté un épisode dépressif en 2014 et une hospitalisation en 2016, en Espagne, pour un épisode maniaque avec symptômes psychotiques et un état dépressif sévère en 2018 et 2019, ainsi que d’autres épisodes quasi chaque année. Il a décrit ses difficultés de concentration, de mémoire, avec des phases hautes et basses depuis 2000, persistantes malgré le traitement pharmacologique et le suivi psychiatrique avec quelques moments de rémissions partielles, mais sans guérison, et a précisé qu’il était difficile de maintenir quoi que ce soit au niveau professionnel car il n’avait jamais pu se former, ni maintenir un travail plus de deux semaines. Il lui était très compliqué de maintenir sa vie de couple et son rôle de père de famille avec sa polarité et il avait besoin de l’aide de sa famille depuis deux décades. Il reconnaissait avoir des doutes sur ses capacités, avoir perdu l’envie, la confiance en soi et décrivait des sentiments de culpabilité et de dévalorisation, précisant qu’il avait de la peine à fonctionner seul dans le quotidien. Dans les phases maniaques, il ne dormait plus puis devenait extrêmement anxieux et agissait de manière inconsidérée avec des symptômes psychotiques ponctuels.

Ces éléments, qui proviennent du recourant lui-même, semblent démontrer que ce dernier est non seulement incapable de travailler en raison de ses troubles bipolaires, mais que ces derniers compliquent également sa vie familiale. En dehors de périodes de rémission, il déclare n’avoir jamais pu se former ni maintenir un travail plus de deux semaines, étant, de surcroît, sujet à des symptômes psychotiques ponctuels (rapport d’expertise, p. 17).

Invité à décrire une journée type, l’assuré a exposé qu’il amenait ses enfants à l’école le matin et allait les chercher en fin de journée ; il s’occupait des tâches ménagères, comme il le pouvait, avant d’aller se reposer, ajoutant qu’il ne faisait parfois rien de sa journée, en fonction de ses décompensations (rapport d’expertise, p. 25).

Questionné sur le plan professionnel, l’assuré a confirmé qu’il ne voyait pas ce qu’il pourrait faire car il utilisait son énergie pour s’occuper de ses enfants, ce qui était sa priorité mais était éventuellement intéressé par une activité proposée par l’OAI pour voir s’il arriverait à la « tenir ». Le besoin premier étant surtout financier, par rapport à sa famille.

Amené à se prononcer sur le moment où l’incapacité totale de travail s’est déclarée, l’expert a estimé que les limitations étaient sévères depuis au moins 2016 jusqu’à présent et les rémissions toujours partielles malgré un traitement adéquat. Le trouble était clairement incapacitant avant l’arrivée du recourant en Suisse dès lors que, selon ses propres termes, celui-ci n’aurait pu travailler en Suisse que « pendant deux semaines » entre 2018 et 2020 en Suisse, dans le nettoyage, (rapport d’expertise, p. 23 et p. 36). Se fondant sur l’anamnèse et la journée type, l’expert considère que les troubles psychiatriques étaient enkystées déjà avant 2016 (rapport d’expertise p. 37).

L’hospitalisation pendant deux semaines en Espagne, en décembre 2016, dans un contexte de rupture de suivi et de traitement pour un épisode maniaque avec symptômes psychotiques est de nature à confirmer la gravité du trouble bipolaire déjà présent en 2016, étant précisé que, même si l’on devait retenir la date du 1er décembre 2016 plutôt que celle du 1er janvier 2016 pour marquer le début de la période d’un an d’invalidité durable, cela ne changerait rien à l’issue du litige dès lors que ce n’est qu’en avril 2018 que le recourant s’est domicilié à Genève.

Il sied de rappeler que lorsqu'une appréciation repose sur une évaluation médicale complète, il faut, pour la contester, faire état d'éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés dans le cadre de l'expertise et suffisamment pertinents pour en remettre en cause les conclusions. En d'autres termes, il faut faire état d'éléments objectifs précis qui justifieraient, d'un point de vue médical, d'envisager la situation selon une perspective différente ou, à tout le moins, la mise en œuvre d'un complément d'instruction (voir notamment l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2014 du 9 janvier 2015 consid. 6.2.3).

Or, ni les allégations du recourant, ni les pièces médicales auxquelles il se réfère ne mettent en évidence aucune contradiction ou éléments objectifs ignorés par l’expert, qui justifierait de s’écarter de l’appréciation de ce dernier. Partant, la chambre de céans considère que le médecin traitant de l’assuré fait une appréciation différente de celle de l’expert, portant sur le même état clinique, ce qui ne justifie pas de remettre en doute les conclusions de ce dernier.

S’agissant de l’appréciation de l’autorité espagnole s’étant prononcée sur le taux d’invalidité de l’assuré, il ne saurait lier l’intimé, ce d’autant moins que l’on ignore complètement sur la base de quels critères et de quelle façon ce taux d’invalidité a été estimé.

Quant à la Dre E______, qui a pris en charge l’assuré depuis le 15 avril 2021 elle a notamment conclu, dans un rapport médical du 17 décembre 2021 qu’aucune activité professionnelle n’était exigible du point de vue psychiatrique, appréciation qu’elle a confirmée dans un rapport du 15 juillet 2022 en précisant que la capacité de travail était de 0% « depuis de longue date » (sic).

Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans fait sienne l’appréciation de l’expert selon laquelle l’assuré, dès le 1er janvier 2016 ne dispose d’aucune capacité de travail dans toute activité.

10.          

10.1 Au vu de ce qui précède, la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.

10.2 Par ailleurs, au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner le recourant, qui n’est pas au bénéfice de l’assistance juridique, au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le