Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/4/2025 du 10.01.2025 ( AF ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/2535/2024 ATAS/4/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 10 janvier 2025 Chambre 9 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé), ressortissant afghan, est au bénéfice d’une carte de légitimation valable du 2 janvier 2023 au 2 janvier 2028. Il travaille à Genève pour le compte du B______ (B______) et vit en France avec son épouse et ses quatre enfants depuis le 1er mars 2023.
b. Le 25 juillet 2023, l’intéressé a présenté une demande d'allocations familiales auprès de la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des entreprises romandes FER CIAM (ci-après : la caisse).
c. Par décision du 21 août 2023, la caisse a refusé de lui octroyer des allocations familiales. Selon l'art. 7 al. 1 de l'ordonnance du 31 octobre 2007 sur les allocations familiales, (OAFam - RS 836.21), les allocations familiales pour les enfants domiciliés à l'étranger n’étaient versées que si une convention internationale le prévoyait, ce qui n’était pas le cas entre la Suisse et l’Afghanistan.
d. Le 15 septembre 2023, l’intéressé a sollicité la reconsidération de cette décision. Sa citoyenneté afghane avait eu des répercussions sur sa vie, aussi bien en Afghanistan qu’à l’étranger. Il pourvoyait à l’entretien de toute sa famille ; le soutien de la caisse revêtait une importance cruciale.
e. Par décision sur opposition du 12 juillet 2024, la caisse a confirmé sa décision du 21 août 2023. Il n’existait aucune convention entre la Suisse et l’Afghanistan, de sorte que l’intéressé n’avait pas droit aux prestations. Dans la mesure où il n’habitait pas en Suisse avec sa famille depuis le 1er mars 2023, il ne pouvait pas bénéficier d’allocations familiales. Le fait de travailler en Suisse et que des cotisations sociales soient déduites de son salaire n’ouvrait pas le droit aux allocations familiales.
B. a. Par acte du 30 juillet 2024, l’intéressé a recouru par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant à sa reconsidération. Les allocations familiales fournies par la caisse étaient cruciales pour assurer de meilleures conditions de vie à ses enfants en leur garantissant un avenir plus prometteur. Ces fonds contribueraient de manière significative à leur bien-être et à leur intégration dans leur pays de résidence actuel.
b. Par réponse du 30 août 2024, la caisse a conclu au rejet du recours.
c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.
1.
1.1 La chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les allocations familiales, du 24 mars 2006 (LAFam – RS 836.2) sur les contestations prévues à l'art. 38A de la loi cantonale sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF - J 5 10).
Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux allocations familiales, à moins que la LAFam n’y déroge expressément (cf. art. 1 LAFam). Selon l’art. 22 LAFam, en dérogation à l’art. 58 al. 1 et 2 LPGA, les décisions prises par les caisses de compensation pour allocations familiales peuvent faire l’objet d’un recours devant le Tribunal des assurances du canton dont le régime d’allocations familiales est applicable.
La décision a été prise par l’intimée, sise à Genève, qui applique également le régime genevois d’allocations familiales.
La compétence ratione materiae et loci de la chambre de céans est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi devant le tribunal compétent, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l'intimée d'allouer des allocations familiales au recourant.
3.
3.1 Les allocations familiales sont des prestations en espèces, uniques ou périodiques, destinées à compenser partiellement la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants (art. 2 LAFam et 4 al. 1 LAF). Elles doivent être affectées exclusivement à l'entretien du ou des enfants (art. 4 al. 2 LAF). Selon l'art. 3 al. 1 LAFam, l'allocation familiale comprend l'allocation pour enfant (let. a) et l'allocation de formation professionnelle, qui est octroyée à partir du mois qui suit celui au cours duquel l'enfant atteint l'âge de 16 ans jusqu'à la fin de sa formation, mais au plus tard jusqu'à l'âge de 25 ans (let. b).
Selon l’art. 11 al. 1 LAFam, sont assujettis à la présente loi les employeurs tenus de payer des cotisations au titre de l’art. 12 LAVS (let. a), les salariés dont l’employeur n’est pas tenu de payer des cotisations selon l’art. 6 LAVS (let. b) et les personnes exerçant une activité lucrative indépendante qui sont obligatoirement assurées à l’AVS à ce titre (let. c).
3.2 Selon l'art. 4 al. 3 LAFam, dont la teneur est reprise sur le plan cantonal à l’art. 3 al. 1 let. a LAF, donnent droit à des allocations, les enfants avec lesquels l'ayant droit a un lien de filiation en vertu du code civil (al. 1 let. a). Pour les enfants vivant à l'étranger, le Conseil fédéral détermine les conditions d'octroi des allocations (al. 3, 1ère phrase).
En exécution de ce mandat, le Conseil fédéral a adopté l'art. 7 OAFam.
Selon cette disposition, pour les enfants ayant leur domicile à l’étranger, les allocations familiales ne sont versées que si une convention internationale le prévoit (al. 1). L’art. 7 al. 2 OAFam prévoit une exception pour les ressortissants suisses travaillant à l'étranger et obligatoirement assurés à l'AVS selon
l'art. 1a al. 1 let. c ou une convention internationale, ainsi qu’une exception pour les personnes travaillant à l'étranger pour le compte d'un employeur dont le siège est en Suisse et ayant consenti à rester assujettis à l’AVS (art. 1a al. 3 let. a LAVS).
3.3 Le Tribunal fédéral a déjà eu à examiner la conformité de l’art. 7 al. 1 OAFam à l’art. 4 al. 3 LAFam, au principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst. - RS 101) et du droit à tout enfant de bénéficier de la sécurité sociale, y compris les assurances sociales, inscrit aux art. 3 et 26 Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996, instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107). Il est parvenu à la conclusion qu’en soumettant l'octroi d'allocations familiales pour les enfants domiciliés dans un État étranger à la condition que celui-ci ait conclu avec la Suisse, sur ce point, une convention en matière de sécurité sociale, l'art. 7 al. 1 OAFam restait dans les limites de l'art. 4 al. 3 LAFam et ne violait ni l'art. 8 al. 1 et 2 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2019 du 10 juillet 2019 consid. 6.3 citant l’ATF 138 V 392 consid. 4 et l’ATF 136 I 297), ni les art. 3 al. 1 et 26 CDE (ATF 136 I 297 consid. 8 et l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_295/2008 du 22 novembre 2008 consid. 4.2), ces deux dernières dispositions n’étant pas directement applicables en Suisse.
4. En l'espèce, il est constant qu’il n'existe pas de convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et l’Afghanistan (cf. www.bsv.admin.ch, Assurances sociales, Assurance sociale internationale, Informations de base et conventions, Conventions de sécurité sociale). Il existe toutefois une convention internationale en matière d’allocations familiales entre la Suisse et la France (État de domicile des enfants), étant rappelé que, depuis le 1er mars 2023, le recourant vit en France avec son épouse et leurs quatre enfants. Sur le plan de la coordination européenne, le siège de la matière figure au règlement (CE) n° 884/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le Règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (ci-après : le règlement n° 883/2004 ; RS 0.831.109.268.1) et au règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement n° 883/2004 (RS 0.1831.109.268.11). Ces deux règlements sont entrés en vigueur pour la Suisse le 1er avril 2012. Le règlement n° 883/2004 circonscrit son champ d’application personnel à son art. 2. En vertu du 1er paragraphe de cette disposition, le règlement s’applique aux ressortissants de l’un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants.
Or, il est constant que ni le recourant, ni son épouse, ne sont ressortissants d’un État membre, de sorte qu’ils ne relèvent pas du champ d’application personnel du règlement n° 883/2004.
Il suit de là que le recourant ne peut prétendre à des allocations familiales sur le fondement de l’art. 7 al. 1 OAFam.
Quant aux autres éventualités, envisagées par l’art. 7 al. 2 OAFam, qui permettent une exportation des allocations dans le monde entier, indépendamment de l’existence d’une convention internationale, elles n’entrent pas en considération. L’art. 1a al. 1 let. c LAVS concerne les ressortissants suisses qui travaillent à l’étranger, ce qui n’est pas le cas du recourant. L’intéressé ne travaille pas non plus à l’étranger pour le compte d’un employeur dont le siège est en Suisse au sens de l’art. 1a al. 3 let. a LAVS. Quant aux salariés obligatoirement assurés en vertu d’une convention internationale, ils concernent les travailleurs détachés, ce qui n’est pas non plus le cas du recourant.
Le fait qu’il travaille en Suisse et que des cotisations sociales sont déduites de son salaire n'ouvre pas un droit aux allocations familiales lorsque les enfants vivent dans un État avec lequel la Suisse n'a pas conclu de convention permettant l'exportation des allocations. Quant aux difficultés financières invoquées par le recourant, elles ne sauraient fonder un droit au versement d’allocations familiales.
C'est dès lors à raison que l'intimée a refusé de lui accorder un droit aux allocations familiales.
5. Eu égard à ce qui précède, le recours s’avère mal fondé et doit être rejeté.
Pour le surplus, la procédure est gratuite.
******
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Sylvie CARDINAUX |
| La présidente
Eleanor McGREGOR |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le