Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/916/2024 du 26.11.2024 ( AVS ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1535/2024 ATAS/916/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 26 novembre 2024 Chambre 15 |
En la cause
A______ représenté par Me Claudio FEDELE, avocat
| recourant |
contre
CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION
| intimée |
A. a. La société B______ (ci-après : la société), avec siège à Carouge, a été inscrite au Registre du commerce le 17 juillet 2001 initialement sous la raison sociale C______, laquelle a été modifiée le 27 mars 2007.
b. Depuis cette dernière date, la société a eu son adresse chez Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant), lequel était associé gérant avec pouvoir de signature individuelle aux côtés de Madame D______, associée sans pouvoir de signature.
c. La société était affiliée, en tant qu’employeuse, à la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l’intimée).
d. La société a été dissoute par suite de faillite selon un jugement du tribunal de première instance prononcé le 1er décembre 2016. La procédure de faillite a été suspendue faute d’actifs par jugement du 11 mai 2017.
B. a. Le 21 juillet 2017, la caisse a adressé à l’intéressé une demande de réparation de dommage, correspondant aux cotisations paritaires impayées par la société, aux frais d’administration, de sommation et de poursuite, ainsi qu’aux intérêts moratoires y relatifs pour les années 2011 et 2013 à 2015 d’un montant de CHF 49'311.25 (2011 : CHF 4'617.25 ; 2013 : CHF 9'096.70 ; 2014 : CHF 12'478.15 ; 2015 : CHF 23'119.15).
b. L’intéressé s’est opposé à cette décision le 22 août 2017.
c. Par décision sur opposition du 10 août 2021, la caisse a rejeté cette dernière.
d. Les 11 août et 2 septembre 2021, l’intéressé a demandé à la caisse de reconsidérer sa décision, ce que la caisse n’a pas fait.
C. a. Le 10 septembre 2021, l’intéressé a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre la décision sur opposition précitée en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation.
b. Dans sa réponse du 28 septembre 2021, la caisse a conclu au rejet du recours.
c. Par arrêt du 7 juin 2022 (ATAS/528/2022), la chambre de céans a confirmé la responsabilité du recourant au sens de l’art. 52 LAVS pour les années 2011, 2013 à 2015. La décision a été annulée pour ce qui était du dommage en lien avec les cotisations LAMat et la cause renvoyée à l’intimée pour nouveau calcul du dommage excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat, les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants.
D. a. Par décision du 26 juillet 2023, l’intimée a notifié une nouvelle décision au recourant laquelle chiffrait le dommage à l’exclusion des cotisations impayées découlant de la LAMat et des intérêts moratoires et frais administratifs y afférents. Le recourant s’y est opposé.
b. En date du 22 février 2024, sur la base des pièces sollicitées du recourant à la suite de son opposition pour établir son minimum vital, la caisse a rendu une décision de retenue de CHF 500.- mensuels sur sa rente.
c. Le recourant s’y étant opposé, l’intimée a rendu une décision sur opposition le 25 mars 2024 confirmant sa décision du 26 juillet 2023 quant au montant du dommage, aucun argument n’ayant été soulevé à cet égard, et sa décision du 22 février 2024 s’agissant du montant de la retenue de CHF 500.- par mois.
E. a. Par acte du 7 mai 2024, l’assuré a saisi la chambre de céans d’un recours contre cette décision dont il demandait l’annulation. Il souhaitait que la saisie mensuelle soit annulée, subsidiairement réduite à CHF 50.- par mois, ou plus subsidiairement que la cause soit renvoyée à la caisse pour nouveau calcul de la saisie, sous suite de frais et dépens. Il a sollicité la restitution de l’effet suspensif.
b. La caisse s’est opposée à la restitution de l’effet suspensif et a conclu au rejet du recours au fond.
c. Par arrêt du 4 juin 2024 (ATAS/403/2024), la chambre de céans a refusé de restituer l’effet suspensif.
d. Le recourant n’a pas fait valoir de déterminations complémentaires et la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2. Le litige porte sur la compensation de CHF 500.- par mois sur la rente AVS du recourant, singulièrement sur la question de savoir si cette compensation porte atteinte au minimum vital de ce dernier.
3.
3.1 En principe, le droit aux rentes est soustrait à toute exécution forcée (art. 20 al. 1 LAVS).
Toutefois, aux termes de l'art. 20 al. 2 let. a LAVS, les créances découlant de la LAVS peuvent être compensées avec des prestations échues. Contrairement à la teneur littérale de cette disposition, la caisse de compensation a non seulement le droit mais aussi l'obligation, dans le cadre des prescriptions légales, de compenser des cotisations dues, frais de poursuites et autres frais administratifs avec des prestations échues (ATF 115 V 341 consid. 2a et les références citées). La compensation opérée avec une rente mensuelle n'est toutefois possible que dans la mesure où le montant retenu sur la rente mensuelle ne touche pas le minimum vital de la personne tenue à restitution (ATF 128 V 50 consid. 4a).
3.2 En raison de la nature des créances qui sont en jeu et compte tenu de l’art. 125 ch. 2 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse, du 30 mars 1911 (CO ‑ RS 220), la créance d'une institution de sécurité sociale ne peut être compensée avec une prestation due à un assuré, si de ce fait les ressources de celui-ci descendent au-dessous du minimum vital au sens de l'art. 93 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1 ; ATF 138 V 235 consid. 7.2 ; 136 V 286 consid. 6.1 ; 130 V 505 consid. 2.4 ; 128 V 50 consid. 4a ; 115 V 341 consid. 2c ; 113 V 280 consid. 5b ; 111 V 99 consid. 3b ; 107 V 72 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_300/2013 du 14 novembre 2013 consid. 2.1 et les références).
Pour le calcul du minimum vital de l'assuré, il convient d'appliquer les règles du droit des poursuites (ATF 131 V 252 consid. 1.2 ; 115 V 343 consid. 2c).
L'art. 93 al. 1 LP prévoit que les biens relativement saisissables, tels que les pensions et prestations de toutes sortes destinées notamment à couvrir une perte de gain, ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie ; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, ne les menace dans leur vie ou leur santé ou ne leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2, JT 2008 II 328 ; 108 III 60 consid. 3, JT 1984 II 95 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B.77/2002 du 21 juin 2002 consid. 2.1 ; Michel OCHSNER, Le minimum vital [art. 93 al. 1 LP] in SJ 2012 II 119, spéc. p. 126). La détermination du minimum indispensable est une question d'appréciation (ATF 134 III 323 consid. 2).
Même s'il existe un pouvoir d'appréciation étendu pour tenir compte des spécificités du cas d'espèce, l'application des normes d'insaisissabilité édictées par les autorités cantonales de surveillance, complétées par la jurisprudence, permet d'assurer dans une large mesure le respect du principe d'égalité entre débiteurs réduits au minimum vital en fonction de leur situation particulière (OCHSNER, Commentaire romand de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 75-79 ad art. 93 LP).
D'un point de vue temporel, l'examen du minimum vital nécessite que l'on se place au moment où le recourant doit s'acquitter de sa dette, soit au plus tard au moment de la décision de compensation litigieuse (ATF 113 V 254 consid. 4b ; 104 V 61). Le juge des assurances sociales peut cependant exceptionnellement tenir compte de faits nouveaux, postérieurs au prononcé de la décision de la caisse (ATF 104 V 61).
Les caisses doivent élucider avec précision la situation personnelle de l'intéressé (la fortune et les revenus effectifs, coûts de soutien et de formation). L’élément déterminant est l’ensemble de la situation économique de l'intéressé, y compris le revenu et la fortune du conjoint, respectivement du partenaire enregistré, et des personnes [enfants] qui font ménage commun avec lui (DIN 3043 et not. RCC 1981 p. 516 et ATF 120 V 271 consid. 5cc).
Les normes d'insaisissabilité pour l'année 2024 (NI-2024) prévoient que, dans le canton de Genève, le montant de base mensuel pour un couple marié s’élève à CHF 1'700.- (E 3 60.04).
Lors du calcul du minimum vital, la dette de cotisations n'est pas prise en compte; les intérêts passifs ne sont pas déductibles, sauf s'il s'agit d'intérêts hypothécaires en relation avec le logement du débiteur ou d'autres besoins vitaux de celui-ci; les revenus et la fortune du conjoint sont pris en compte (ATF 120 V 274 consid. 5a; arrêt du Tribunal fédéral H 66/03 du 28 avril 2003).
3.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'intéressé (ATF 126 V 319 consid. 5a).
Par ailleurs, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge, respectivement l'administration. Ce principe n'est toutefois pas absolu ; sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire (ATF 122 V 157 consid. 1a), lequel comprend en particulier l'obligation pour les parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références citées).
4. Le recourant conteste la prise en compte des charges et revenus de son épouse dans le calcul du minimum vital et fait valoir qu’après paiement de ses charges sont disponible par mois est de CHF 74.- (soit CHF 1'766.- (rente) - [CHF 850.- (minimum vital) + CHF 491.- (loyer) + CHF 251.85 (prime d’assurance) + CHF 100.- (frais médicaux non remboursés)] = CHF 74.-).
C’est pourtant conformément à l’art. 93 LP applicable aux créances de prestations sociales (cf. consid. 3.2 supra) que l’intimée a établi la retenue litigieuse en se fondant sur les charges et ressources du couple marié selon les normes d’insaisissabilité édictées par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites.
Son calcul comprend dès lors à juste titre les charges d’un couple (le minimum vital (CHF 1'700.-), le loyer (CHF 982.-), les primes d’assurance-maladie (CHF 411.85 et CHF 474.95), les frais de repas et médicaux (CHF 352.10), les impôts (CHF 1'169.-) et la prime d’assurance-vie (CHF 200.-), soit un montant de CHF 5'289.90 par mois) et les revenus d’un couple (les deux rentes AVS du couple (CHF 1'811.- + CHF 1'864.-), la rente LPP de l’épouse (CHF 3'632.65), les subsides (CHF 160.- x 2), soit un total de CHF 7'627.65).
Le solde disponible étant de CHF 2'337.75, la saisie de CHF 500.- par mois sur la rente AVS n’entrave pas le minimum vital du recourant, quand bien même l’épouse du recourant est touchée par ricochet par cette décision.
5. Pour ces motifs, le recours ne peut qu’être rejeté.
Le recourant, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).
La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Marine WYSSENBACH |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le