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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1885/2024

ATAS/714/2024 du 19.09.2024 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1885/2024 ATAS/714/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 septembre 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par le syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs SIT, mandataire

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en ______ 1974, nettoyeur, a été licencié par son employeur B______ (ci-après : B______), en date du 4 janvier 2023, avec effet au 30 avril 2023. Suite à son inscription auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) en date du 4 avril 2023, dans laquelle il indiquait une disponibilité à 100% dès le 1er mai 2023, un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert jusqu’au 30 avril 2025. La confirmation d’inscription délivrée à l’assuré informait ce dernier qu’il devait prendre connaissance de ses droits et devoirs, en tant que bénéficiaire de l’assurance-chômage, avec un renvoi au site Internet ainsi qu’aux « Brochures et flyers info-service pour les chômeurs ».

b. L’assuré a fait l’objet de plusieurs sanctions, notamment :

-        une décision de sanction du 29 août 2023 de suspension de son droit à l’indemnité de chômage de 9 jours, pour n’avoir effectué aucune recherche d’emploi pendant les mois de février, mars et avril 2023 alors qu’un minimum de 8 recherches par mois était attendu ;

-        une décision de sanction du 31 août 2023 de suspension de son droit à l’indemnité de chômage de 8 jours, pour n’avoir pas démontré avoir recherché un emploi au mois de juin 2023 ;

-        une décision de sanction du 19 septembre 2023, de suspension de son droit à l’indemnité de chômage de 11 jours, pour avoir remis ses recherches personnelles d’emploi pour la période de contrôle de juillet 2023 en date du 14 août 2023, soit en dehors du délai imparti au 7 août 2023 ;

-        une décision de sanction du 6 décembre 2023, de suspension de son droit à l’indemnité de chômage de 37 jours, pour n’avoir effectué aucune recherche d’emploi au mois de septembre 2023.

L’assuré ne s’est opposé à aucune de ces décisions.

c. En date du 5 octobre 2023, l’assuré a déposé au guichet de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) le formulaire de « Demande d’indemnité de chômage » à compter du 30 avril 2023 et a joint, en annexe, l’attestation de l’employeur B______, pour la période allant du 1er juin 2022 au 30 avril 2023, ainsi que plusieurs décomptes de salaire, la copie de la lettre de résiliation et du certificat de travail, ainsi que des pièces concernant les enfants de l’assuré.

d. Par courrier du 23 octobre 2023, la caisse a informé l’assuré qu’afin de déterminer son droit aux indemnités de chômage, ce dernier devait transmettre la documentation manquante en une fois et dans son intégralité, au plus tard le 8 décembre 2023, soit : le permis de séjour, l’attestation de l’employeur B______ pour les mois précédents celui de juin 2022, ainsi que les fiches de salaire pour les mois de novembre et décembre 2022. En annexe au courrier du 23 octobre 2023, la caisse avait joint un formulaire intitulé « Étapes de votre dossier » mentionnant, notamment, au chiffre 5 concernant le formulaire IPA « Que votre dossier soit complet ou non, votre formulaire Indications de la Personne Assurée joint d’éventuelles annexes (sic) doivent être impérativement transmis dans un délai de 3 mois suivant la fin de la période de contrôle à laquelle il se rapporte sous peine de péremption (art. 20 al. 3 LACI). Un envoi groupé de l’IPA et de ses éventuelles annexes permet un traitement efficace de votre indemnisation ».

e. Par courrier du 30 novembre 2023, l’assuré a informé la caisse qu’il était dans l’impossibilité de fournir l’attestation de l’employeur pour la société C______ car cette dernière avait été radiée en juillet 2022 par suite de cessation de l’exploitation. En conséquence, la société B______ ne pouvait malheureusement pas compléter ledit formulaire.

f. Par courrier du 11 décembre 2023, la caisse a informé l’assuré qu’elle avait reçu le complément de pièces demandé mais que ce dernier devait encore lui transmettre le formulaire « Attestation de l’employeur » d’B______, pour le précédent employeur C______, ainsi que les fiches de salaire pour les mois de mars, avril et septembre 2022. En annexe au courrier du 11 décembre 2023, la caisse avait à nouveau joint le formulaire intitulé « Étapes de votre dossier », mentionnant au chiffre 5 le rappel concernant la nécessité de transmettre les formulaires IPA au plus tard dans un délai de trois mois suivant la période de contrôle à laquelle il se rapportait sous peine de péremption.

g. L’assuré a délivré une procuration à son épouse afin que cette dernière puisse prendre des nouvelles de l’avancement de son dossier auprès de la caisse. L’épouse de l’assuré a envoyé, par e-mail du 25 janvier 2024 à la caisse, les documents qui manquaient pour la demande d’indemnisation. Figuraient notamment dans les documents transmis les formulaires IPA pour les mois de mai à novembre 2023.

B. a. Par décision du 12 mars 2024, la caisse a refusé d’indemniser les jours des mois de mai à novembre 2023 en raison du fait que les formulaires IPA concernant ces mois ne lui étaient parvenus qu’en date du 8 mars 2024, étant rappelé que le droit à l’indemnisation s’éteignait s’il n’était pas exercé dans les trois mois suivant la fin de la période de contrôle à laquelle il se rapportait. Il était rappelé que cette information figurait dans le formulaire IPA qui mentionnait que « le droit aux prestations de l’assurance expire si personne ne l’a fait valoir au cours des trois mois qui suivent la période de contrôle à laquelle il se rapporte ».

b. L’assuré a contesté la décision du 12 mars 2024, par opposition du 25 mars 2024. Il a allégué qu’il avait effectué toutes les démarches administratives qui lui avaient été demandées et regrettait que toutes les informations ne lui aient pas été communiquées d’emblée ; il considérait que c’étaient ses anciens employeurs qui avaient tardé à lui donner les documents nécessaires et qu’il n’était pas responsable du temps écoulé pour que son dossier soit finalement complet.

c. Par décision sur opposition du 30 avril 2024, la caisse a écarté l’opposition et confirmé la décision du 12 mars 2024 de refus d’indemnisation pour les périodes de contrôle de mai à novembre 2023.

C. a. Par acte de son mandataire, posté en date du 3 juin 2024, l’assuré a recouru contre la décision sur opposition du 30 avril 2024 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Il a préalablement demandé à ce que les parties soient entendues et a conclu à l’annulation de la décision sur opposition et à ce que la caisse soit condamnée à entrer en matière sur la demande d’indemnité de chômage de l’assuré sous suite de frais et dépens. Il était reproché à la caisse de n’avoir pas imparti à l’assuré un délai approprié pour compléter le dossier, tout en le rendant attentif aux conséquences d’un manquement de sa part. Un comportement contraire aux obligations de l’assuré ne pouvait avoir pour conséquence la perte d’un droit que s’il avait expressément et sans équivoque été rendu attentif aux risques de déchéance. Il était encore rappelé que toute personne avait le droit d’être traitée par les organes de l’État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi ; or, il n’était pas correct de la part d’une autorité d’avoir induit le recourant en erreur, par des messages contradictoires, calculant son droit au chômage puis le lui refusant ensuite.

b. Dans sa réponse du 1er juillet 2024, la caisse a conclu au rejet du recours, en considérant qu’aucun élément nouveau ne permettait à cette dernière de revoir sa position.

c. Par réplique de son mandataire du 8 juillet 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions, tout en réitérant sa demande d’être entendu.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

e. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 38 et 56 ss LPGA), le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à être indemnisé pour les mois de mai à novembre 2023.

3.              

3.1 En vertu de l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s’il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s’il est domicilié en Suisse (let. c), s’il a achevé sa scolarité obligatoire, s’il n’a pas encore atteint l’âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l’AVS (let. d), s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s’il est apte au placement (let. f) et s’il satisfait aux exigences du contrôle (let. g). Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2).

3.2 L’inscription au chômage et le fait de remplir les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage énumérées à l’art. 8 LACI ne débouchent sur une indemnisation que si l’assuré exerce à temps son droit à l’indemnité de chômage auprès d’une caisse de chômage.

L’art. 20 al. 3 LACI prévoit – à titre non de simple prescription d’ordre, mais bien de condition formelle du droit – que le droit à l’indemnité de chômage s’éteint s’il n’est pas exercé dans les trois mois suivant la fin de la période de contrôle à laquelle il se rapporte. Il institue un délai de déchéance ou de péremption du droit pour la période de retard ; ce délai ne peut être ni suspendu ni prolongé, mais – aux conditions de l’art. 41 LPGA – il peut être restitué (ATF 117 V 244 consid. 3 ; 114 V 123 consid. 3b ; 113 V 66 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_320/2010 du 14 décembre 2010 consid. 2.1 ; Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l’emploi, 2019, n. 309).

Pour exercer valablement son droit, l’assuré doit remettre à sa caisse de chômage divers documents, énumérés à l’art. 29 al. 1 de l’ordonnance sur l'assurance chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI ‑ RS 837.02) en ce qui concerne la première période de contrôle et à l’art. 29 al. 2 OACI s’agissant des périodes de contrôle suivantes. Le formulaire IPA doit être remis à la caisse pour chaque période de contrôle, correspondant au mois civil (art. 27a OACI).

Il sied de préciser que l’art. 29 al. 3 OACI – selon lequel la caisse de chômage impartit à l’assuré un délai convenable pour compléter les documents et le rend attentif aux conséquences d’une négligence – ne s'applique qu’en cas de présentation en temps utile de documents incomplets, mais pas si l'assuré n'a pas envoyé de documents (en particulier l’IPA) dans le délai de trois mois (Bulletin LACI ID, ch. C194). Ce délai ne permet pas de pallier l’absence de remise (notamment) de l’IPA en temps utile (arrêts du Tribunal fédéral 8C_320/2010 du 14 décembre 2010 consid. 2.2 ; 8C_840/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.2).

Chaque mois civil constitue une période de contrôle (art. 27a OACI). Selon l’art. 29 OACI, l’assuré exerce son droit, notamment, en remettant l’extrait du fichier « Données de contrôle » ou la formule « IPA » (al. 1 let. d et al. 2 let. a). L'al. 3 prévoit qu'au besoin, la caisse impartit à l'assuré un délai convenable pour compléter les documents et le rend attentif aux conséquences d'une négligence. Ce délai ne peut et ne doit être accordé que pour compléter les premiers documents et non pour pallier à leur absence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_433/2014 du 16 juillet 2015 consid. 2.2). Ces exigences ont pour but de permettre à la caisse de se prononcer suffisamment tôt sur le bien-fondé d’une demande d’indemnisation, afin de prévenir d’éventuels abus, en disposant des éléments essentiels qui lui sont nécessaires pour se prononcer en connaissance de cause (arrêt du Tribunal fédéral C 189/04 du 28 novembre 2005). L’art. 20 al. 3 LACI manquerait son but s’il suffisait, pour que soit respecté le délai de trois mois, que l’assuré ait réclamé, sans autres justificatifs, le paiement de l’indemnité prétendue. Au demeurant, un délai de trois mois apparaît suffisamment long pour que l’on puisse raisonnablement exiger de l’intéressé qu’il adresse à la caisse, en temps utile, les pièces nécessaires à l’exercice de son droit (ATF 113 V 66 consid. 1b).

3.3 Le devoir de conseil de l'assureur social au sens de l'art. 27 al. 2 LPGA comprend l'obligation d'attirer l'attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3).

Il s'étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique (SVR 2007 KV n° 14 p. 53 et la référence). Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration. Aucun devoir de renseignement ou de conseil au sens de l'art. 27 LPGA n'incombe à l'institution d'assurance tant qu'elle ne peut pas, en prêtant l'attention usuelle, reconnaître que la personne assurée se trouve dans une situation dans laquelle elle risque de perdre son droit aux prestations (ATF 133 V 249 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_557/2010 consid. 4.1).

L’obligation de conseiller n’est pas illimitée. On ne peut pas exiger de l’assureur qu’il fasse preuve d’une attention plus importante que celle qu’on peut exiger de manière générale. Les personnes intéressées ne peuvent pas prétendre devoir être renseignées sur toute hypothèse théorique qui leur permettrait éventuellement de pouvoir bénéficier de prestations. Le Tribunal fédéral a jugé que les personnes doivent solliciter les renseignements nécessaires lorsqu’elles peuvent raisonnablement penser qu’elles s’apprêtent à mettre leurs droits en péril. Les assurés sont censés se souvenir des renseignements déjà obtenus (CR-LPGA- LONGCHAMP, art. 27 N. 28).

3.4 Ainsi, selon la jurisprudence, la restitution du délai de trois mois de l'art. 20 al. 3 LACI peut être accordée s'il y a eu violation du droit à la protection de la bonne foi qui permet au citoyen (assuré) d'exiger de l'autorité (assureur social) qu'elle restitue un délai parvenu à échéance par un manquement de sa part. Le grief de violation d'une obligation de renseigner plus générale apparaît toutefois infondé tant qu'il n'existe pas de circonstances particulières qui obligeraient l'administration à fournir des renseignements dans une mesure plus étendue que celle qui découle de la loi (ATF 124 V 220s. consid. 2b/aa).

Le Tribunal fédéral a ainsi précisé qu'aucun devoir de renseignement ou de conseil au sens de l'art. 27 LPGA n'incombe à l'institution d'assurance tant qu'elle ne peut pas, en prêtant l'attention usuelle, reconnaître que la personne assurée se trouve dans une situation dans laquelle elle risque de perdre son droit aux prestations (ATF 133 V 249 consid. 7.2).

Dans un arrêt rendu le 20 septembre 2006 (C_318/2005), le Tribunal fédéral s’est penché sur le cas d'un assuré qui reprochait à l'assurance de ne pas l'avoir informé de ce qu'il devait continuer à effectuer des recherches d'emploi alors qu'il avait été engagé par une organisation internationale à plein temps pour un salaire inférieur à ses indemnités de chômage. Il a jugé qu'il incombait à cet assuré, en cas de doute, de se renseigner ; en effet, dès lors qu’il était au bénéfice d'indemnités compensatoires, il ne pouvait raisonnablement considérer qu'il était délié de son obligation de trouver un emploi convenable. Les juges ont ainsi retenu, dans le cadre de l'application de l'art. 27 LPGA, le devoir pour l'assuré de faire preuve de diligence.

Le Tribunal fédéral a également jugé que les indications expresses qui figurent sur des formulaires à l'attention des assurés (les formules IPA ou les anciennes cartes de contrôle ou un formulaire d'inscription indiquant « le droit aux prestations s'éteint après 3 mois, s'il n'est pas exercé valablement durant cette période ») et plus particulièrement la mention du délai dans lequel ils doivent être remis à la caisse répondent de manière appropriée à l'obligation faite à cette autorité de rendre l'intéressé attentif à la perte de son droit à l'indemnité en cas de négligence. Dans ce cas particulier, au vu du comportement passif du recourant, la caisse n'avait pas à lui accorder un délai supplémentaire au sens de l'art. 29 al. 3 OACI, car celui-ci n'avait, en effet, manifesté aucune intention de poursuivre les démarches nécessaires à l'exercice du droit à l'indemnité et n'avait remis aucun document à la caisse au-delà d'une certaine date (ATFA non publié C 12/2005 du 13 avril 2006 consid. 4).

Le Tribunal fédéral a précisé dans un arrêt du 4 juin 2009 (8C_1045/2008) que la caisse ne pouvait pas se contenter de requérir la production des documents manquants (en l'espèce l'attestation d'études, le diplôme obtenu ainsi qu'une copie de l'exmatriculation de l'Université) sans être tenue, conformément aux règles de la bonne foi et à son devoir de conseil, de rendre également attentif l'assuré sur l'absence du formulaire IPA, la jurisprudence citée par la caisse (DTA 1998 no 48 p. 241, consid. 1b) ne trouvant pas application dans les cas où l'on peut déduire du comportement de la personne assurée que celle-ci a l'intention de poursuivre les démarches nécessaires à l'exercice du droit à l'indemnité malgré l'omission de produire un des documents énumérés à l'art. 29 al. 1 OACI (voir par exemple DTA 2005 p. 135, C 7/03, et l'arrêt C 240/04 du 1er décembre 2005).

Il a jugé, dans un arrêt du 14 décembre 2010 (8C_320/2010), qu'un assuré qui n'avait pas remis les formulaires IPA en temps utile durant 12 mois pouvait néanmoins se prévaloir de sa bonne foi, son conseiller lui ayant donné des renseignements erronés quant à la reddition desdits documents. À partir du moment où le conseiller du recourant avait abordé la question de la remise des formules IPA, il devait donner à l'intéressé une information claire en attirant son attention sur son obligation de remettre en temps utile les formules en question, nonobstant la procédure en cours, ainsi que sur les conséquences d'une remise tardive.

Le délai de l'art. 29 al. 3 OACI ne peut et ne doit être accordé que pour compléter les premiers documents et non pour pallier leur absence (arrêts du Tribunal fédéral 8C_840/2009 cité consid. 3.2 ; C 7/03 cité consid. 5.3.2, et C 90/97 du 29 juin 1998 consid. 1b, in DTA 1998 n° 48 p. 281) et si l'assuré n'exerce pas son droit à l'indemnité dans le délai péremptoire de l'art. 20 al. 3 LACI, son droit s'éteint, la caisse de chômage ne devant ni l'avertir, ni lui fixer de délai supplémentaire (DTA 2005 n° 11 p. 140 consid. 5.3.2, 1998 p. 282).

4.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b, 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.              

5.1 En l’espèce, le recourant s’est inscrit auprès de l’OCE en date du 5 avril 2023. Néanmoins, ce n’est qu’en date du 5 octobre 2023 qu’il a formellement déposé sa demande d’indemnité de chômage auprès de la caisse, en joignant à cette dernière un certain nombre de documents.

À teneur de l’art. 20 al. 3 LACI, le droit à l’indemnité s’éteint s’il n’est pas exercé dans les trois mois suivant la fin de la période de contrôle à laquelle il se rapporte. Or, en exerçant tardivement son droit à l’indemnité en date du 5 octobre 2023, l’assuré ne pouvait, dans le meilleur des cas, avoir droit qu’aux indemnités dues pour une période inférieure à celle de trois mois. Les indemnités des mois de mai et de juin 2023 étaient ainsi déjà prescrites au moment du dépôt, auprès de la caisse, de la demande d’indemnisation et ceci conformément à la jurisprudence citée supra, notamment l’arrêt du Tribunal fédéral du 27 novembre 2009 (8C_840/2009), dans lequel ce dernier fait une distinction entre les documents qui n’ont jamais été produits et ceux qui sont produits, mais qui doivent être complétés. Les juges de Mon-Repos ont précisé (consid. 5.2) que « la Caisse ne pouvait pas statuer sur le droit aux prestations avant même que le recourant lui adresse une demande dans ce sens. Cette demande a été présentée en septembre 2006 seulement, alors que le droit aux prestations était déjà périmé depuis longtemps ».

Étant précisé, qu’en l’occurrence, le recourant ne fait valoir aucun motif de restitution du délai pour un empêchement non fautif.

Partant, la décision de refus de verser les indemnités pour les mois de mai et juin 2023 est bien fondée.

5.2 S’agissant des indemnités des mois de juillet à novembre 2023, l’intimée considère qu’elles sont également prescrites, dès lors que les formulaires IPA n’ont été déposés, auprès de la caisse, qu’en date du 7 mars 2024.

Après avoir examiné les documents qui avaient été déposés en date du 5 octobre 2023, la caisse a informé l’assuré, par courriers du 23 octobre, puis du 11 décembre 2023 qu’il manquait un certain nombre de documents. Elle n’a toutefois pas mentionné l’absence des formulaires IPA.

Le recourant considère que l’omission de l’autorité d’attirer son attention sur le fait qu’il devait transmettre les formulaires IPA contrevient au principe de la bonne foi.

Découlant directement de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 129 I 161 consid. 4.1 ; 128 II 112 consid. 10b/aa ; 126 II 377 consid. 3a et les arrêts cités). De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence, simplement, d’un comportement de l’administration susceptible d’éveiller chez l’administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 381 consid. 7.1 et les nombreuses références citées). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que : a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6 ; 129 I 161 consid. 4.1 ; 126 II 377 consid. 3a et les références citées). Une autorité ne peut toutefois pas valablement promettre le fait d’une autre autorité (arrêt du Tribunal fédéral K 7/04 du 27 janvier 2005 consid. 3.1).

Or, dans l’arrêt cité supra, du 4 juin 2009 (8C_1045/2008), le Tribunal fédéral a jugé un cas comparable à celui-ci, dans lequel la caisse avait informé l’assuré qu’il manquait un certain nombre de documents, sans toutefois mentionner l’absence des formulaires IPA. Les juges ont rappelé que les assureurs ont un devoir de conseil à l'égard des assurés qui font valoir leurs droits auprès d'eux (art. 27 al. 2 LPGA). Le but visé à l'art. 27 al. 2 LPGA est de permettre à la personne intéressée d'adopter un comportement dont les effets juridiques cadrent avec les exigences posées par le législateur pour que se réalise le droit à la prestation (SVR 2007 EL n° 7 p. 15, P 44/06, consid. 5.2.1). L'assureur doit ainsi rendre la personne assurée attentive au fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472). Ainsi, « l'office ne pouvait se contenter de requérir la production des trois autres documents manquants sans être tenu, conformément aux règles de la bonne foi et à son devoir de conseil, de rendre également attentive l'assurée sur l'absence du formulaire IPA ».

En l’occurrence, à la lecture des courriers respectivement du 23 octobre et du 11 décembre 2023, les formulaires IPA ne sont pas mentionnés parmi les documents manquants, ce qui n’est pas conforme aux règles de la bonne foi et au devoir de conseil de l’intimée.

Étant précisé qu’à la réception d’une partie seulement du dossier et au vu de l’absence des formulaires IPA, l’autorité pouvait se rendre compte, en prêtant l'attention usuelle (ATF 133 V 249 consid. 7.2), que l’assuré risquait de perdre son droit aux prestations.

En lisant le courrier qui lui avait été adressé, l’assuré pouvait, de bonne foi, admettre que, s’il transmettait les documents qui étaient énumérés dans le courrier du 23 octobre 2023, il remplissait ses devoirs de demandeur d’emploi, ce d’autant plus qu’après avoir transmis une partie des documents, déposés le 8 décembre 2023, en annexe du courrier du 30 novembre 2023, la caisse a réclamé des documents complémentaires mais en omettant une nouvelle fois de mentionner les formulaires IPA.

Il est exact que dans le formulaire pré-imprimé, joint aux courriers et qui détaille les étapes du dossier, il est rappelé, sous chiffre 5, que le formulaire IPA doit être transmis dans les trois mois suivant la fin de la période de contrôle à laquelle il se rapporte, sous peine de péremption. Toutefois, la chambre de céans considère que le formulaire pré-imprimé contient des informations générales et ne vise pas la situation particulière de l’assuré destinataire du courrier ; dès lors, ce formulaire pré-imprimé ne saurait être interprété comme remplissant les conditions de l’obligation particulière d’interpellation de l’autorité devant rendre l’assuré attentif au fait que son dossier n’est pas complet, en l’absence des formulaires IPA.

Étant précisé que la jurisprudence citée par l’intimée dans la décision querellée, p. 3 ch. 3 (arrêt du Tribunal fédéral du 13 avril 2006 dans la cause C12/05) ne trouve pas application dans le cas d’espèce dès lors que dans l’arrêt de 2006, les juges ont considéré qu’« au vu du comportement passif du recourant à partir de la fin du mois d'octobre, la caisse n'avait pas à accorder au recourant un délai supplémentaire au sens de l'art. 29 al. 3 OACI. Celui-ci n'a en effet manifesté aucune intention de poursuivre les démarches nécessaires à l'exercice du droit à l'indemnité après avoir été informé du contenu de la prise de position du SECO et n'a remis aucun document à la caisse au-delà de cette date. Faute d'avoir fait preuve d'une volonté de remplir les obligations prévues, le recourant ne saurait bénéficier de circonstances qui justifieraient de ne pas appliquer les conséquences négatives découlant de l'art. 20 al. 3 LACI en relation avec l'art. 29 OACI (comp. DTA 2005 p. 139 consid. 5) ».

En l’occurrence, l’assuré ne s’est pas montré passif et l’intimée pouvait aisément déduire du comportement du recourant que celui-ci avait l'intention de poursuivre les démarches nécessaires à l'exercice du droit à l'indemnité, malgré l'omission de produire un des documents énumérés à l'art. 29 al. 1 OACI (voir par exemple DTA 2005 p. 135, C 7/03 cité, et l'arrêt C 240/04 du 1er décembre 2005).

Partant, et conformément aux principe posés par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 4 juin 2009 cité supra, la chambre de céans considère qu'en l'absence des formulaires IPA dans le dossier de l’assuré, l'intimée aurait dû attirer l’attention de ce dernier sur cette omission, ainsi que sur ses conséquences et lui accorder un délai convenable pour compléter son dossier en remettant les formulaires IPA manquants.

Par appréciation anticipée des preuves, la chambre de céans considère que les faits sont établis et qu’il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c). La demande de comparution personnelle déposée par le recourant est dès lors rejetée.

6.              

6.1 Le recours sera donc partiellement admis en ce sens que la caisse doit entrer en matière sur la demande d’indemnisation pour les périodes de contrôle de juillet à novembre 2023.

6.2 Le recourant, assisté par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant partiellement gain de cause, a ainsi droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA ‑ E 5 10.03]).

6.3 Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule partiellement la décision sur opposition du 30 avril 2024 en ce qui concerne le refus d’indemnisation pour les mois de juillet à novembre 2023.

4.        La confirme partiellement, en ce qui concerne le refus d’indemnisation pour les mois de mai et juin 2023.

5.        Enjoint à l’intimée d’entrer en matière sur la demande d’indemnisation du recourant pour les mois de juillet à novembre 2023.

6.        Alloue au recourant, à charge de l’intimée, une indemnité de CHF 1’500.- à titre de participation à ses frais et dépens

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le