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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3922/2023

ATAS/620/2024 du 19.08.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3922/2023 ATAS/620/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 août 2024

Chambre 1

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (l’intéressée ou la recourante) est née le ______ 1998.

b. En formation professionnelle, elle a interrompu ses études en arts appliqués section graphisme en 2015, puis a réussi sa 1ère année d’apprentissage d’assistante socio-éducatif (ci-après : ASE) en juillet 2019, mais son employeur l’avait interrompu par la suite en raison de ses nombreuses absences. Elle a ensuite effectué un stage à 50% à l’école C______, interrompu en raison du COVID. Elle a poursuivi son apprentissage d’ASE en 2ème année aux EPI à la rentrée 2020, auquel l’employeur a également mis fin le 19 octobre 2021 en raison de ses nombreuses absences.

B. a. Une première demande de prestation d’assurance-invalidité (ci-après : AI) pour assuré(e)s âgé(e)s de moins de 20 ans révolus a été déposée le 19 mai 2007, en lien avec des difficultés dans les apprentissages de la langue écrite, depuis le début des apprentissages, en vue de l’obtention de subsides pour un suivi en logopédie.

b. Cette demande a été acceptée pour la période du 18 mai au 31 décembre 2007.

C. a. Le 6 août 2019, l’assurée a déposé auprès de l'office de l'assurance-invalidité (ci-après : l'OAI ou l'intimé) une demande de prestations sur le formulaire « Demande de prestations AI pour adultes : mesures professionnelles/rente », la demande visant à « explorer la possibilité, dans le cadre de l’AI, d’un aménagement de [son] actuel apprentissage à temps partiel (l’OFPC l’excluant pour l’instant) ». Elle a décrit une fragilité psychique empêchant depuis plusieurs années l’achèvement d’une formation, avec un constat de dyslexie posé en 2008-2010, avec persistance des difficultés, un diagnostic de dyslexie posé en 2013 par l’office médico-pédagogique (ci-après : OPM), des problèmes de vertiges, migraines et acouphènes à l’automne 2015 l’ayant amenée à arrêter la 2ème année du collège, une maladie de Meynière et la nécessité d’investigation quant à la fonction vestibulaire, et une fragilité générale se manifestant par de l’anxiété, du stress et des infections urinaires à répétition, un suivi régulier par un psychiatre et une psychologue déléguée. Elle avait commencé un apprentissage en dual d’assistance socio-éducative en août 2018, était promue en 2ème année, mais avait interrompu ses études pour cause de santé. Au préalable, elle avait entamé un apprentissage de graphiste, mais n’avait pas réussi la 2ème année.

b. Elle a signé le 26 août 2019 une autorisation en faveur de l’OAI afin qu’il puisse notamment obtenir tous renseignements médicaux sur sa situation de santé, à la suite de quoi l’OAI s’est adressé aux médecins de l’assurée.

c. Par communication du 15 novembre 2019, l’OAI a considéré que des mesures d’intervention précoce ainsi que d’éventuelles mesures de réadaptation professionnelle n’étaient alors pas indiquées. L’examen du droit à la rente était en cours et une décision séparée serait rendue ultérieurement.

d. Le 27 janvier 2020, l’OAI a adressé à l’assurée une sommation, en lien avec l’instruction de sa demande de prestation AI, en vue d’obtenir des documents requis à plusieurs reprises, notamment du Docteur B______, psychiatre. Son attention a été attirée sur le fait qu’en l’absence de réponse dans le délai imparti, il serait statué en l’état du dossier et toutes prestations seraient refusées pour défaut de collaboration.

e. Le 4 février 2020, le Dr B______ a fourni son rapport médical.

f. Par communication du 16 octobre 2020, l’OAI a rejeté la demande de mesures d’ordre professionnel, l’assurée poursuivant son apprentissage d’ASE en
2ème année aux EPI pour la rentrée 2020, ce qui n’engendrait aucun frais supplémentaire pour l’assurance.

D. a. Le 9 juin 2021, l’assurée a déposé une demande de prestations en vue d’obtenir une rente AI auprès de l’OAI, indiquant souffrir de troubles avérés du sommeil, de dépression et anxiété (sous traitement depuis environ 6 ans) et de TDAH, l’atteinte existant depuis environ 2015.

b. Par projet de décision du 14 août 2023, l’OAI a constaté que les conditions d’octroi d’une rente d’invalidité étaient remplies.

L’assurée avait droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er décembre 2021. Aucune mesure professionnelle n’était alors indiquée car elles ne seraient pas de nature à améliorer sa capacité de gain et la mise en place de mesures de réadaptation supplémentaires ne permettraient pas de réduire le dommage.

L’office reconnaissait, à l’issue de l’instruction médicale, une incapacité de travail de 100% dans toute activité dès le mois d’août 2019. Toutefois, sa demande de prestations ayant été déposée le 14 juin 2021, la rente ne pouvait être versée qu’à compter du 1er décembre 2021, en application de l’art. 29 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20), date à laquelle elle présentait une incapacité de gain ouvrant le droit aux prestations de l’assurance. Il ressortait du rapport du Service de la réadaptation professionnelle et des éléments médicaux au dossier que l’assurée n’était pas apte, en l’état, à entamer une formation professionnelle initiale dans le but d’intégrer le marché de l’emploi.

c. Par courrier du 15 septembre 2023, l’assurée a formé opposition au projet de décision. Elle avait déposé le 7 août 2019 une première demande de prestations auprès de l’AI, qui s’était soldée par un premier refus de mesures d’ordre professionnel, sans aborder la question de la rente. Elle demandait à ce que la possibilité d’un octroi rétroactif de six mois après le dépôt de la première demande soit examiné.

d. Par décision du 31 octobre 2024, l’OAI a maintenu sa position. Sa première demande de prestations AI du 7 août 2019 avait donné lieu à une communication de refus de mesures professionnelles le 16 octobre 2020, qui n’avait pas été contestée en temps utile et était donc devenue définitive. L’assurée poursuivant alors son apprentissage d’ASE en 2ème année aux EPI pour la rentrée 2020, ce qui n’engendrait pas de frais supplémentaires pour l’assurance, le mandat de réadaptation était fermé. Il lui était loisible de déposer une 2ème demande de prestation AI si sa situation médicale ou économique subissait un changement important, ce qu’elle avait fait le 14 juin 2021.

E. a. Le 23 novembre 2023, l’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales, faisant valoir qu’elle ne comprenait pas la motivation, qui mélangeait des éléments juridiques factuels et actuels et des citations de courriers précédents, sans distinction les uns des autres, ni le raisonnement qui menait à la conclusion.

Le fait qu’elle avait déposé le 7 août 2019 une première demande de prestations auprès de l’AI devait être pris en considération. Dans la mesure où une incapacité de travail à 100% lui avait été reconnue dès le mois d’août 2019, le début de son droit à la rente démarrait six mois après le dépôt de cette 1ère demande, soit le
7 février 2020.

b. Le 20 décembre 2023, l’intimé a observé que la recourante avait déposé une première demande le 7 août 2019 afin d’obtenir des mesures d’ordre professionnel (à savoir un aménagement de sa formation d’ASE) et avait été reçue par le service de réadaptation, qui lui avait proposé la mise en place d’une orientation professionnelle. L’office avait été informé par l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : OFPC) que la recourante avait signé un contrat d’apprentissage aux EPI pour la rentrée 2020 à plein temps afin d’effectuer sa 2ème année d’ASE et le mandat avait été clos puisque la formation n’engendrait pas de frais supplémentaires. La communication de refus de mesures d’ordre professionnel avait été rendue le 16 octobre 2020 et n’avait pas été contestée.

Il ressortait de l’instruction que la recourante présentait une incapacité de travail de 100% dès le mois d’août 2019.

Le versement éventuel d’une rente ne pouvait débuter que six mois après le dépôt de la nouvelle demande le 14 juin 2021, soit dès décembre 2022 (recte : 2021).

L’office a conclu au rejet du recours, aucun élément concret ressortant des griefs de la recourante n’étant susceptible de remettre en cause son appréciation.

c. Le 10 décembre 2024, la recourante a relevé n’avoir coché aucune case sur le formulaire de demande « Mesures professionnelles / rente » déposé le 6 août 2019 et que le fait d’avoir précisé dans le champ « remarques supplémentaires » une demande d’explorer la possibilité d’un aménagement de son apprentissage à temps partiel, n’invalidait pas le fait que la demande portait également sur une possibilité de rente. Elle avait maintes fois demandé, entre août 2019 et octobre 2010, une action coordonnée entre l’OCAS, l’OFPC et le Centre de formation professionnelle santé-social pour trouver une possibilité d’aménagement et n’avait redémarré un apprentissage à plein temps à la rentrée 2020 auprès des EPI qu’en raison de l’inaction complète de ces services. Son contrat d’apprentissage avait toutefois été résilié par les EPI, en lien avec les périodes d’absence pour raisons de santé.

d. Le 6 février 2024, l’OAI a maintenu ses conclusions.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée se fonde sur des faits juridiquement déterminants antérieurs au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées, ci-après, dans leur ancienne teneur.

5.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6.             Le litige porte sur la date à laquelle la recourante a droit à une rente d’invalidité de la part de l’intimé, étant rappelé qu’une première demande, tendant à l’obtention de mesures d’ordre professionnelles, déposée le 7 août 2019, lui a été refusée par communication du 16 octobre 2020, que la recourante a déposé une nouvelle demande de prestation le 14 juin 2021 et que l’OAI a retenu que la recourante présentait une incapacité de travail de 100% dès le mois d’août 2019.

7.             En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Selon l’art 29 al. 1 et 3 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l’assuré (al. 1) ; la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance (al. 3).

8.              

8.1 Selon l'art. 29 al. 1 LPGA, celui qui fait valoir son droit à des prestations doit s'annoncer à l'assureur compétent, dans la forme prescrite pour l'assurance sociale concernée.

L'art. 65 al. 1 RAI indique que celui qui veut exercer son droit aux prestations de l'assurance doit présenter sa demande sur formule officielle.

En principe, les prestations d'assurance sociale sont servies à la demande de l'ayant droit : celui qui ne s'annonce pas à l'assurance n'obtient pas de prestations, même si le droit à celles-ci découle directement de la loi (ATF 101 V 261
consid. 2).

8.2 Selon les règles générales du droit des assurances sociales, l’assureur doit établir les faits pertinents. En vertu du principe inquisitoire énoncé à l’art. 43 al. 1 LPGA, il est tenu de procéder d’office aux investigations nécessaires et de recueillir les renseignements requis, les renseignements fournis oralement devant être consignés par écrit.

L’instruction porte sur toutes les prestations entrant en ligne de compte, même si celles-ci ne sont pas explicitement sollicitées (arrêt du TF 8C_233/2010 du 7 janvier 2011, consid. 5.1).

Lorsqu’une demande de prestations tendant à l’obtention de mesures de réadaptation et/ou de rente est déposée, l’office AI examine le droit à ces deux prestations (ch. 3004 Circulaire sur la procédure dans l’assurance invalidité (CPAI)).

8.3 Si, après la fin de la procédure (ch. 7010), l’assuré demande d’autres prestations à l’AI (du même genre ou d’une autre nature) et que les pièces du dossier laissent penser que le droit à la prestation demandée aurait déjà dû être examiné lors de la demande initiale (ch. 3002), celle-ci est déterminante pour fixer le droit aux nouvelles prestations (ch. 1009 CPAI).

8.4 Selon la jurisprudence, en s'annonçant à l'assurance-invalidité, l'assuré sauvegarde en règle générale tous ses droits à des prestations d'assurance, même s'il n'en précise pas la nature exacte, l'annonce comprenant toutes les prétentions qui, de bonne foi, sont liées à la survenance du risque annoncé. Cette règle ne vaut cependant pas pour les prestations qui n'ont aucun rapport avec les indications fournies par le requérant et à propos desquelles il n'existe au dossier aucun indice permettant de croire qu'elles pourraient entrer en considération. L'obligation de l'administration d'examiner le cas s'étend seulement aux prestations qui, sur le vu des faits et des pièces du dossier, peuvent entrer normalement en ligne de compte. Lorsque par la suite l'assuré fait valoir qu'il a encore droit à une autre prestation, il y a lieu d'examiner l'ensemble des circonstances du cas particulier, au regard du principe de la bonne foi, si l'imprécise annonce antérieure comprend également la prétention que l'assuré fait valoir ultérieurement (ATF 121 V 195 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_165/2013 du 8 juillet 2013 consid. 4.4).

8.5 Dans le cas d'une assurée qui avait demandé des mesures médicales et une rente, le Tribunal fédéral a estimé que l'administration aurait également dû examiner le droit à une allocation d'impotent dans la mesure où il ressortait du rapport d'un médecin que l'assurée avait besoin de l'aide d'autrui pour s'habiller, prendre ses repas et faire sa toilette (RCC 1976 p. 45ss).

Dans un autre arrêt, le Tribunal fédéral a retenu qu'une demande de prestations de l'AI tendant à l'octroi de mesures médicales déposée par un assuré correspondait à une annonce comprenant toutes les prétentions qui, de bonne foi, étaient liées à la survenance du risque annoncé. En effet, les rapports médicaux figurant au dossier indiquaient que l'assuré nécessitait une assistance et une surveillance personnelle découlant de son handicap et entraînant des frais supplémentaires par rapport à une personne non handicapée du même âge. Le Tribunal fédéral a jugé que cet élément représentait un indice qui permettait de croire que la prestation en cause pouvait alors entrer en considération et obligeait l'intimé à instruire d'office la question d'une éventuelle impotence de l'assuré. Toutefois, le Tribunal fédéral a précisé qu'il ne pouvait être reproché à l'administration de ne pas avoir instruit la question du droit à l'allocation pour impotent sur la base d'un rapport médical, qui faisait état de l'existence d'une assistance et d'une surveillance personnelle permanente accrue trois mois après l'apparition de l'atteinte à la santé, celui-ci ne permettant pas encore d'admettre le caractère durable du besoin d'aide d'autrui (arrêt du Tribunal fédéral 9C_92/2008 du 24 novembre 2008 consid. 4.3).

9.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.          

10.1 En l’espèce, dans sa décision litigieuse, l’intimé a admis le droit à une rente entière d’invalidité (100%) de la recourante, dès le 1er décembre 2021, en application de l’art. 29 al. 1 LAI, la demande ayant été déposée le 14 juin 2021, avec une incapacité de travail de 100% reconnue dans toute activité dès le mois d’août 2019.

Pour sa part, la recourante estime qu’elle a déposé une demande le 7 août 2019, en invoquant ses difficultés à mener sa formation professionnelle en lien avec son état de santé. Le fait d’avoir précisé dans le champ « Remarques complémentaires » une demande d’explorer la possibilité d’aménagement de son apprentissage à temps partiel n’invalidait pas le fait que la demande portait également sur une possibilité de rente. Il devait donc être retenu que son droit à la rente s’ouvrait le 7 février 2020, soit six mois après le dépôt de sa première demande.

10.2 Il convient de déterminer si le dossier constitué antérieurement à la demande de prestations du 14 juin 2021, soit lors de la demande de mesures professionnelles/rente du 7 août 2019, contenait des indications médicales permettant à l'intimé de se rendre compte que la recourante se trouvait en incapacité de travailler.

En l’occurrence, la demande du 7 août 2019 se rapporte à l’octroi d’un aménagement de son apprentissage à temps partiel, dans le cadre de l’AI, en raison des difficultés de l’assurée à terminer une formation, en lien avec sa fragilité physique et psychique. La demande fait mention de constats posés par des médecins et thérapeutes dès 2008, d’un constat de dyslexie ayant mené à un suivi par une logopédiste entre 2008 et 2010 et un diagnostic posé en 2013 par l’OMP, un diagnostic de maladie de Meynière et une fragilité générale se manifestant par de l’anxiété, du stress et des infections urinaires à répétition, ressentie de manière croissante, avec un suivi régulier par un psychiatre et un psychologue. Elle énumère également les formations entamées et interrompues.

Ces éléments laissaient suggérer que la recourante se trouvait en incapacité de travailler, l’intéressée ayant clairement fait part des limitations qu’elle rencontrait. L’enquête subséquente menée par l’intimé auprès des médecins et thérapeutes de cette dernière met par ailleurs en avant ses nombreux problèmes de santé, rappelés plus haut, depuis plusieurs années et son incapacité à suivre une formation professionnelle à plein temps, avec un diagnostic notamment de TDA-H de type inattentif prédominant, une symptomatologie anxieuse depuis de nombreuses années.

Ainsi, au moment du dépôt de la demande du 7 août 2019, l'intimé disposait d’indices permettant de penser que l'octroi d'une rente pourrait entrer en considération. Il était tenu d’instruire d'office la question d'une éventuelle incapacité de travail et a d’ailleurs réservé cette question dans sa communication du 15 novembre 2019, en indiquant que l’assurée recevrait une décision sur la question de la rente.

Il n’a cependant pas rendu de décision quant à la question d’une rente AI, bien qu’annoncée, refusant uniquement, par décision du 16 octobre 2020, les mesures d’ordre professionnelles, au motif que l’assurée poursuivait un apprentissage d’ASE en 2ème année aux EPI.

À cet égard, il sera relevé que le simple constat que l’assurée avait signé un contrat d’apprentissage ne pouvait conduire l’intimé à considérer que la question d’une rente ne se posait pas, a fortiori de ne pas rendre de décision à cet égard, dans un contexte où l’assurée avait commencé, sans les terminer, plusieurs formations et rencontrait depuis plusieurs années des problèmes de santé qui avaient une incidence sur sa formation scolaire puis professionnelle. Pour le surplus, la recherche et la signature d’un contrat d’apprentissage pouvait s’inscrire dans l’obligation de l’assurée de diminuer le dommage (art. 21 al. 4 LPGA, art. 7 et 7b LAI).

Enfin, les constats ressortant de l’enquête menée par l’intimé dans le cadre de la seconde demande de prestations du 14 juin 2021, se fondent sur des éléments existant déjà au moment du dépôt de la première demande et exposés dans celle-ci, qu’il lui appartenait d’instruire pour pouvoir rendre une décision, au besoin négative s’il estimait que la recourante faisait preuve d’un défaut de collaboration et/ou que les conditions d’octroi d’une rente n’étaient pas réalisées.

Dans ces circonstances, il convient de considérer que c’est la date de la première demande qui doit être retenue, en sorte que le droit à la rente a pris naissance le 1er août 2020, soit une année après le début de l’incapacité de travail reconnue (art. 29 al. 1 LAI et 28 al. 1 let. b LAI).

11.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, et la décision litigieuse réformée en ce sens que la recourante a droit à une rente entière d'invalidité dès le 1er août 2020.

La recourante, qui obtient partiellement gain de cause, n'est pas représentée par un mandataire et n’a pas allégué des frais particulièrement importants pour défendre ses droits dans le cadre de la présente procédure, de sorte qu'aucune indemnité ne lui sera accordée à titre de participation à des frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l'intimé (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision du 31 octobre 2023 en ce sens que la recourante a droit à une rente d’invalidité dès le 1er août 2020.

4.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le