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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1397/2023

ATAS/575/2024 du 16.07.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1397/2023 ATAS/575/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 juillet 2024

Chambre 15

 

En la cause

A_____

représenté par Me Philippe NORDMANN, avocat

recourant

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1954, est associé gérant de la société à responsabilité limitée B______, à parts égales, aux côtés de son épouse, Madame C______. Il est également lié à son entreprise par un contrat de travail.

b. Le 28 janvier 2002, l’assuré a saisi l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) d’une demande de prestations en raison d’une atteinte aux mains.

c. Il ressort de l’instruction menée par l’OAI que les diagnostics posés par les médecins étaient ceux de dyshidrose des mains d’origine indéterminée et résistante aux traitements dermatologiques, existant depuis 1998 (rapports des 15 janvier 2001 et 17 février 2002 du docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne), dermatophytose plantaire et unguéale à Trochophyton rubrum (rapport du 23 juin 2000 du docteur E______, spécialiste FMH en dermatologie-vénérologie), dermite séborrhéique vs psoriasis, dermatophytie des pieds et ongles et dermite eczémateuse des mains (rapport du Dr E______ du 16 mars 2001).

d. L’OAI a soumis le dossier de l’assuré à son service médical régional (SMR) qui a considéré, dans un avis du 13 mars 2006, qu’il existait une incapacité de travail pour certaines activités seulement, l’assuré devant « éviter la manipulation de verres de contact ». Dans une activité adaptée, la capacité de travail était entière.

e. Le 16 mai 2006, l’OAI a procédé à une enquête pour activité professionnelle indépendante. Selon le rapport y relatif, daté du 16 mai 2006, la comparaison des champs d’activités pour le métier d’opticien indépendant menait à une incapacité de travail pondérée de 40% et la comparaison des revenus selon la méthode ordinaire conduisait à un degré d’invalidité de 45%, le revenu avec invalidité correspondant dans ce cas, selon l’OAI, aux charges supplémentaires en personnel imputables au handicap, déterminées conformément aux statistiques ressortant d’une enquête effectuée par l’association suisse de l’optique (ASO).

f. Compte tenu des résultats de l’enquête précitée, l’OAI a, par décision du 6 octobre 2006, mis l’assuré au bénéfice d’un quart de rente dès le 1er janvier 2001, le degré d’invalidité retenu étant de 45%.

B. a. L’OAI a ouvert, en juillet 2009, une procédure de révision d’office de la rente.

b. Selon les documents récoltés, l’état de santé de l’assuré était resté stationnaire (rapports du Dr D______ des 20 août 2009, 21 décembre 2011 et 5 février 2014), le diagnostic étant celui de dermatite de contact aux métaux, notamment à ceux constituant les montures de lunettes (rapports du Dr D______ des 20 mai et 12 novembre 2014).

c. Les rapports précités ont été soumis au SMR qui a considéré, dans un avis du 20 août 2010, que dans la mesure où l’état de santé de l’assuré était stable selon le médecin traitant, les conclusions du SMR du 13 mars 2006 restaient valables.

C. a. Le 2 janvier 2019, l’assuré a saisi l’OAI d’une nouvelle demande de prestations en raison d’un accident survenu le 1er juillet 2016, lequel a entraîné une rupture musculaire au membre inférieur gauche, atteinte venant s’ajouter à celle, déjà connue, au niveau des mains.

b. Dans le cadre de l’instruction de cette demande, l’OAI a notamment demandé le dossier à l’assureur-accidents de l’assuré. Il en ressort que ce dernier a subi quatre accidents, dont le plus important est survenu le 1er juillet 2016. À cette date, l’assuré a été victime d’une chute ayant entraîné une rupture complète du muscle droit antérieur de la cuisse gauche, au détriment de sa jonction myo-aponévrotique distale avec rétractation de la masse musculaire en amont et présence d’un hématome en voie d’organisation (cf. rapport de l’échographie de la cuisse gauche du 15 juillet 2016).

L’assureur-accidents a pris en charge les suites de cet accident avant de mettre un terme à ses prestations avec effet au 31 octobre 2016, la situation étant, selon lui, stabilisée à cette date (cf. décision du 8 décembre 2016).

Dans le cadre de l’instruction de l’opposition de l’assuré, l’assureur-accidents a mandaté pour expertise le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique. Selon son rapport du 22 mars 2017, complété le 12 septembre 2017, les diagnostics étaient ceux de status après contusion lombosacrée simple le 16 mai 2017, status après rupture subtotale isolée de la jonction myotendineuse du muscle droit antérieur de la cuisse gauche le 1er juillet 2016, traitée conservativement avec un bon résultat anatomique et fonctionnel, canal lombaire étroit dégénératif prédominant en L4-L5 avec probable claudication neurogène fonctionnelle, polyneuropathie sensitive des membres inférieurs et obésité. La capacité de travail dans l’activité habituelle était de 75% dès le 1er avril 2017 et de 100% dès le 1er juillet 2017. En tout état, une capacité de travail de 100% était immédiatement exigible dans une activité adaptée, en position semi-assise, voire principalement assise, ne nécessitant pas de longs déplacements ni de manutention lourde.

Par décision sur opposition du 6 septembre 2018, l’assureur-accidents a, en se fondant sur les rapports précités du Dr F______, partiellement admis l’opposition de l’assuré et a modifié la décision du 8 décembre 2016, en ce sens notamment qu’il reconnaissait une incapacité de travail de 100% du 1er novembre 2016 au 31 mars 2017 et de 25% du 1er avril au 30 juin 2017, aucune incapacité de travail en rapport avec la cuisse gauche n’étant justifiée au-delà du 1er juillet 2017.

Sur recours, la chambre de céans a confirmé la décision sur opposition précitée, considérant que les rapports du Dr F______ revêtaient une pleine valeur probante (ATAS/403/2021 du 3 mai 2021).

Le recours au Tribunal fédéral a été rejeté par arrêt (8C_420/2021 du 6 octobre 2021).

c. Le dossier de l’assureur-accidents et notamment les rapports précités du Dr F______ ont été soumis au SMR, qui a considéré, dans un avis du 7 avril 2020, qu’il fallait « s’en tenir aux conclusions de l’avis SMR de 2010 », mais qu’il existait des limitations fonctionnelles supplémentaires depuis l’accident de juillet 2016, à savoir pas de marche et de station debout prolongées, pas de marche en terrain instable ou irrégulier, pas de montées et de descentes d’escaliers répétées, d’échelles ou d’escabeau. Cela étant, malgré tout, la capacité de travail était de 50% dans l’activité habituelle et de 100% dans une activité plus adaptée aux limitations cutanées et orthopédiques.

d. Le 24 mars 2021, le service des indépendants de l’OAI a une nouvelle fois examiné la situation de l’assuré. Après avoir résumé l’enquête économique du 16 mai 2006, le rapport de la fiduciaire G______ du 24 mai 2018 et les conclusions du SMR du 7 avril 2020, le service précité a considéré qu’il n’y avait pas d’élément médical permettant de modifier la capacité de travail retenue dans l’activité habituelle jusqu’à fin juin 2016. Dès cette date, le SMR retenait des limitations fonctionnelles supplémentaires, lesquelles étaient toutefois respectées dans l’activité habituelle.

e. Par projet de décision du 25 mars 2021, confirmé par décision du 9 juin 2021, l’OAI a refusé d’augmenter la rente d’invalidité de l’assuré, considérant que si la situation médicale avait manifestement changé, avec des limitations fonctionnelles supplémentaires consécutives à l’accident de juillet 2016, la capacité de travail était toujours de 50% dans l’activité habituelle et de 100% dans une activité plus adaptée aux limitations cutanées et orthopédiques.

f. Le 12 juillet 2021, sous la plume de son conseil, l’assuré a interjeté recours contre la décision du 9 juin 2021 concluant, sous suite de frais et dépens, à la modification de cette décision et à l’octroi d’une rente entière, subsidiairement d’une demi-rente, « dès janvier 2021, subsidiairement janvier 2014, et ce jusqu’au 30 septembre 2019 » (sic !). À l’appui de ses conclusions, le recourant a notamment relevé qu’une dégradation de ses revenus pouvait être constatée dès 2013 et que la question qui se posait était celle de savoir si, à partir de 2014, il était exigible qu’il remette ses deux magasins, pour tenter de trouver une autre activité. La réponse était négative, étant donné qu’il avait déjà 60 ans en 2014, que la remise de ses deux magasins ne pouvait se faire immédiatement et sans pertes économiques importantes et que son épouse travaillait pour la partie photographie. Par ailleurs, il était d’avis que la conjonction des deux atteintes, à la jambe et aux mains, était à l’origine de l’effondrement économique du secteur optique dès 2014. De plus, s’il était certes juridiquement salarié de son entreprise, il fonctionnait comme indépendant et il lui était donc très difficile, voire impossible ou du moins irréaliste, d’exercer une autre activité indépendante et encore plus d’être engagé comme salarié. Enfin, le recourant reprochait à l’office intimé de ne pas indiquer quelles autres activités étaient encore exigibles compte tenu de son âge et de son handicap.

g. Par ATAS/696/2022 du 9 août 2022, la chambre de céans a partiellement admis le recours précité, annulé la décision du 9 juin 2021 et renvoyé la cause à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision. La chambre de céans a tout d’abord constaté que c’était à juste titre que l’OAI avait appliqué la méthode extraordinaire de comparaison des revenus et qu’il avait examiné s’il y avait lieu de procéder à une appréciation différente des empêchements. Or, sur le plan dermatologique, la situation était similaire à celle ayant conduit à l’octroi d’une rente en 2006, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de procéder à une appréciation différente des empêchements. Cela étant, sur le plan orthopédique, l’assuré avait présenté une atteinte ayant conduit à une incapacité de travail entre juillet 2016 et juillet 2017. Par la suite, le Dr F______, dont les conclusions ont pleine valeur probante selon la chambre de céans (cf. ATAS/403/2021 du 3 mai 2021), avait considéré que du point de vue orthopédique, la capacité de travail était entière dans l’activité habituelle d’opticien. Or, l’OAI n’avait, à aucun moment, procédé à un nouvel examen des empêchements eu égard aux conclusions du Dr F______, et partant du degré d’invalidité. C’est pourquoi, la chambre de céans a annulé la décision du 9 juin 2021 dès lors qu’elle ne se prononçait pas sur les conséquences de l’atteinte somatique sur le droit à la rente du recourant, limitée dans le temps (entre le 1er juillet 2016 et le 30 juin 2017).

D. a. Suite au renvoi de la cause, l’OAI a rencontré l’assuré le 1er décembre 2022. Selon le compte-rendu y relatif, l’assuré aurait expliqué qu’il travaillait seul au moment de l’accident de juillet 2016, mais avec une réduction des heures d’ouverture. Son épouse venait de temps à autre lui donner un coup de main, mais c’était lui qui s’occupait principalement de son activité. Son épouse, qui était au bénéfice seulement d’une formation d’opticienne, n’était pas habilitée à faire des travaux de mesures, mais elle pouvait uniquement conseiller la clientèle. Au moment de l’accident, l’assuré n’avait pas modifié son temps de travail ni ses activités. Il avait continué à tenir son horaire réduit, correspondant à un 50%. Durant la période d’aggravation, il n’y avait pas eu de modifications supplémentaires, si ce n’était la réduction du temps d’ouverture du magasin. Le magasin était donc ouvert 32 heures par semaine, ce qui correspondait à une diminution du temps de travail de 36%, comparé à l’horaire hebdomadaire moyen de 50 heures. Étant donné que les limitations supplémentaires n’avaient pas engendré de modifications ou adaptations particulières de l’activité de l’assuré, il n’y avait pas lieu de procéder à un nouveau calcul du préjudice économique, étant donné que la situation était restée identique. Le degré d’invalidité de 36%, tel qu’il ressortait de la comparaison des revenus selon la méthode extraordinaire, devait donc être maintenu pendant la période litigieuse également.

b. Par projet de décision du 6 décembre 2022, l’OAI a considéré qu’il n’y avait pas lieu de procéder à un nouveau calcul du préjudice économique étant donné que la situation était restée identique, le degré d’invalidité de 36% devant être maintenu durant la période litigieuse. Partant, la demande du 30 juin 2009 (sic !) était rejetée.

c. Sous la plume de son conseil, l’assuré a contesté le projet précité par écriture du 16 janvier 2023, constatant que, d’une part, l’OAI retenait une aggravation temporaire de l’état de santé de l’assuré et reconnaissait une perte économique d’au moins de 50% pendant la période litigieuse, tout en expliquant que pendant cette période, il aurait pu réduire sa perte en changeant de profession. Cette exigence était toutefois insoutenable vu son âge et la jurisprudence en matière de réadaptation par soi-même après l’âge de 55 ans ou après 15 ans de rente. C’est pourquoi, il concluait à l’octroi d’une demi-rente pour la période en cause.

d. Par décision du 16 mars 2023, l’OAI a confirmé les termes du projet du 6 décembre 2022, relevant que l’assuré avait continué à travailler à 50% dans son activité habituelle.

E. a. Le 27 avril 2023, sous la plume de son conseil, l’assuré a interjeté recours contre la décision du 16 mars 2023, concluant principalement à la réforme de ladite décision, en ce sens que la rente devait être augmentée à 50% du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017 et subsidiairement à l’annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause. À l’appui de ses conclusions, le recourant a considéré que l’office intimé n’était pas en droit d’exiger un changement d’activité ou de profession, ce d’autant moins qu’il y avait renoncé. Par ailleurs, le degré d’invalidité se recouvrait avec sa capacité de travail restante de 50%. À supposer que la méthode extraordinaire devrait être appliquée, il conviendrait alors d’évaluer chacune des tâches effectuées en analysant les entraves subies en temps et en rendement. Or, dans un tel cas, l’invalidité était certainement supérieure à 50%.

b. L’intimé a répondu le 24 mai 2023 et a conclu, au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, l’instruction complémentaire n’ayant montré aucune modification des circonstances propres à influencer le degré d’invalidité.

c. Le recourant a produit sa réplique en date du 20 juin 2023 et a repris ses précédentes explications.


 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a LPA), le recours est recevable.

2.              

2.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), y compris les ordonnances correspondantes, sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

En l’occurrence, la décision litigieuse rendue après le 1er janvier 2022 porte sur une modification des circonstances survenue avant cette date, conformément à l’art. 88a RAI. Par conséquent, les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimé d’octroyer une demi-rente en lieu et place d’un quart de rente au recourant en raison de son atteinte orthopédique, singulièrement sur l’existence d’un motif de révision pour la période du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017.

4.              

4.1 Selon l’art. 17 al. 1 LPGA, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

4.2 À teneur de l'art. 87 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201), lorsqu'une demande de révision est déposée, celle-ci doit établir de façon plausible que l'invalidité, l'impotence ou l'étendue du besoin de soins ou du besoin d'aide découlant de l'invalidité de l'assuré s'est modifiée de manière à influencer ses droits (al. 2).

Lorsque l'administration entre en matière sur une nouvelle demande de prestations, elle doit examiner la cause au plan matériel - soit en instruire tous les aspects médicaux et juridiques - et s'assurer que la modification du degré d'invalidité rendue vraisemblable par l'assuré est effectivement survenue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2012 du 9 juillet 2012 consid. 4). Si elle constate que les circonstances prévalant lors de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente (cf. ATF 133 V 108) ne se sont pas modifiées jusqu'au moment de la nouvelle décision, et que le degré d'invalidité n'a donc pas changé, elle rejette la demande de révision. Dans le cas contraire, elle est tenue d'examiner s'il y a désormais lieu de reconnaître un taux d'invalidité ouvrant le droit à une prestation ou augmentant celle-ci. En cas de recours, le même devoir d'examen matériel incombe au juge (ATF 117 V 198 consid. 3a ; 109 V 114 consid. 2a et b). Ces principes sont également applicables en matière de révision.

Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b).

Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 559/02 du 31 janvier 2003 consid. 3.2 et les références).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

L'art. 88a al. 2 RAI prévoit les effets dans le temps d'une modification du droit aux prestations, si la capacité de gain de l'assuré ou sa capacité d'accomplir les travaux habituels s'est dégradée. Ce changement est déterminant pour l'accroissement du droit aux prestations de l'assuré dès qu'il a duré trois mois sans interruption notable. Selon la jurisprudence, ce délai s'applique, à l'occasion d'une procédure de révision (art. 17 LPGA), dans le cadre d'une modification du droit à une rente précédemment allouée ou lorsqu'une rente échelonnée dans le temps est accordée à titre rétroactif (cf. ATF 125 V 413 consid. 2d).

S’agissant de l’art. 29bis RAI réservé à l’art. 88a al. 2 RAI, il prévoit que si la rente a été supprimée du fait de l'abaissement du degré d'invalidité et que l'assuré, dans les trois ans qui suivent, présente à nouveau un degré d'invalidité ouvrant le droit à la rente en raison d'une incapacité de travail de même origine, on déduira de la période d'attente que lui imposerait l'art. 28 al. 1 let. b LAI cité, celle qui a précédé le premier octroi. L’application par analogie de cet article dans le cadre de l’art. 88a al. 2 RAI implique que lorsqu’il y a aggravation de la même atteinte à la santé, celle-ci peut conduire à une rente supérieure avant l’échéance du délai de trois mois (cf. VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l’assurance- -invalidité [AI], 2018, n° 37 ad Art. 31 ; MEYER/ REICHMUTH, op. cit., n° ch. 26 ad art. 29). Il faut alors que le délai d’une année de l’actuel art. 28 al. 1 let. b LAI pour la rente plus élevée soit déjà écoulé auparavant (arrêt du Tribunal fédéral I 11/00 cité consid. 3, surtout 3d).

4.2.1 L’incapacité de gain peut s’aggraver par la survenance d’une nouvelle maladie ou par la détérioration de l’atteinte préexistante ainsi que par un changement de statut de l’assuré (ch. 4007 de la Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité (CIIAI), dans sa teneur en vigueur au cours de la période litigieuse).

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

5.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

5.3 Chez les assurés qui exerçaient une activité lucrative à plein temps avant d'être atteints dans leur santé physique, mentale ou psychique, il y a lieu de déterminer l'ampleur de la diminution des possibilités de gain de l'assuré, en comparant le revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré ; c'est la méthode générale de comparaison des revenus (art. 28a al. 1 LAI en corrélation avec l'art. 16 LPGA) et ses sous-variantes, la méthode de comparaison en pour-cent et la méthode extraordinaire de comparaison des revenus (ATF 137 V 334 consid. 3.1.1 et les références).

Dans le cas d'un indépendant, le degré d'invalidité ne saurait être déterminé en appliquant la méthode de la comparaison en pour-cent, cette méthode ne prenant pas en considération le fait que la gestion d'une structure commerciale engendre des charges fixes et incompressibles, telles que loyer, mobilier ou assurances, qui sont indépendantes de la variation du degré d'activité. Une diminution du chiffre d'affaires ne se traduit donc pas par une diminution proportionnelle du bénéfice. De telles circonstances nécessitent bien plutôt l'examen concret de la situation de la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_44/2011 du 1er septembre 2011 consid. 4.2 et 4.3).

5.4 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

6.              

6.1 En l’espèce, le 28 janvier 2002, l’assuré a saisi l’OAI d’une demande de prestations en raison d’une atteinte aux mains, en raison de laquelle il ne pouvait pas effectuer certaines activités, telles que la manipulation de verres de contact (cf. avis du SMR du 13 mars 2006). Selon le rapport d’enquête pour activité professionnelle du 16 mai 2006, l’assuré apparaissait comme « repoussant » vis-à-vis des nouveaux clients et sa femme le remplaçait aussi souvent que possible lorsqu’il s’agissait d’accueillir les nouveaux clients et de les conseiller ou renseigner, de sorte qu’une incapacité de travail de 30% a été retenue dans l’activité de direction, exercée 50% du temps. Par ailleurs, la manipulation de petits objets, tels que les verres de contact, les verres de lunettes, etc., était devenue particulièrement problématique pour l’assuré, qui ressentait des douleurs, ce qui rendait le travail de précision plus difficile. Ses doigts saignaient régulièrement lorsqu’il appliquait une certaine pression. L’OAI a donc retenu une incapacité de travail de 50% dans l’activité qu’il a intitulée « atelier & examen » exercée 50% du temps. La comparaison des champs d’activités pour le métier d’opticien indépendant menait à une incapacité de travail pondérée de 40% et la comparaison des revenus selon la méthode ordinaire conduisait à un degré d’invalidité de 45%. Au vu des conclusions de l’enquête précitée, l’OAI a, par décision du 6 octobre 2006, mis l’assuré au bénéfice d’un quart de rente dès le 1er janvier 2001, le degré d’invalidité retenu étant de 45%.

Dans l’ATAS/696/2022 du 9 août 2022, la chambre de céans a considéré que l’intimé n’avait appliqué qu’en partie la méthode extraordinaire de comparaison des revenus, se limitant à comparer les champs d’activités, sans apprécier, dans un deuxième temps, les effets de ces empêchements sur la capacité de gain. Si l’intimé avait effectivement appliqué la méthode extraordinaire, il aurait constaté que le recourant présentait en réalité un degré d’invalidité inférieur à 40%. Dans le cas du recourant, la diminution générale de rendement de 40% n’avait ainsi pas entraîné une perte de gain de même importance, étant donné que la rémunération relative aux domaines d’activités retenus n’était pas identique. Toutefois, en raison de la prescription d’une éventuelle demande de restitution, la chambre de céans avait renoncé à une reformatio in peius.

En sus de l’atteinte aux mains, l’assuré a été victime d’un accident le 1er juillet 2016, lequel a entraîné une rupture complète du muscle droit antérieur de la cuisse gauche, au détriment de sa jonction myo-aponévrotique distale avec rétractation de la masse musculaire en amont et présence d’un hématome en voie d’organisation (cf. rapport de l’échographie de la cuisse gauche du 15 juillet 2016). Afin de pouvoir statuer sur la continuation de son obligation de prester, l’assureur-accidents a mandaté, pour expertise, le Dr F______, lequel a notamment retenu, dans son rapport du 22 mars 2017, que la capacité de travail dans l’activité habituelle était de 75% dès le 1er avril 2017 et de 100% dès le 1er juillet 2017. Le médecin précité ne s’est toutefois pas prononcé sur la capacité de travail antérieurement à son examen, mais a relevé, dans son anamnèse, que le recourant avait repris son activité à 20% le 1er août et à 50% dès le mois d’octobre 2016. Il a également précisé que lors de la reprise de son activité, en octobre 2016, le recourant avait adapté ses horaires et qu’il ne travaillait plus que de 10h à 12h30 et de 16h à 18h30, alors qu’auparavant, il était présent de 8h à 13h et de 14h à 19h.

Constatant que le recourant avait été incapable de travailler du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017, totalement ou partiellement, la chambre de céans a invité l’OAI à examiner les répercussions de l’atteinte somatique sur l’activité professionnelle du recourant dans son arrêt du 9 août 2022 (cf. ATAS/696/2022 du 9 août 2022, consid. 12.5).

6.2 Sur renvoi de la cause, l’OAI s’est entretenu avec le recourant en date du 1er décembre 2022 et a consigné ses déclarations dans un rapport du 5 décembre 2022. Il en ressort notamment que le recourant travaillait seul au moment de l’accident de juillet 2016, mais avec une réduction des heures d’ouverture. Son épouse venait de temps à autre lui donner un coup de main, mais c’était lui qui s’occupait principalement de son activité. Son épouse, qui était au bénéfice seulement d’une formation d’opticienne, n’était pas habilitée à faire des travaux de mesures, mais elle pouvait uniquement conseiller la clientèle. Au moment de l’accident, l’assuré n’avait pas modifié son temps de travail ni ses activités. Il avait continué à tenir son horaire réduit, correspondant à un 50%. Durant la période d’aggravation, il n’y avait pas eu de modifications supplémentaires, si ce n’est la réduction du temps d’ouverture du magasin. Le magasin était donc ouvert 32 heures par semaine, ce qui correspondait à une diminution du temps de travail de 36%, comparé à l’horaire hebdomadaire moyen de 50 heures. Étant donné que les limitations supplémentaires n’avaient pas engendré de modifications ou adaptations particulières de l’activité de l’assuré, il n’y avait pas lieu de procéder à un nouveau calcul du préjudice économique, étant donné que la situation était restée identique. Le degré d’invalidité de 36%, tel qu’il ressortait de la comparaison des revenus selon la méthode extraordinaire, devait donc être maintenu pendant la période litigieuse également.

Se fondant sur ce rapport, l’OAI a refusé d’augmenter la rente d’invalidité, par projet de décision du 6 décembre 2022, confirmé par décision du 16 mars 2023.

Dans son écriture du 12 juillet 2023, le recourant conteste la position de l’intimé à plusieurs égards. Il relève tout d’abord qu’un changement de profession ne pouvait être exigé de sa part, ce d’autant moins que l’intimé y avait renoncé. Ensuite, il constate que le degré d’invalidité auquel il conclut se recouvre avec le taux d’incapacité de travail, à savoir 50%. Enfin, il estime que si la méthode extraordinaire devait absolument être appliquée, il conviendrait d’évaluer chacune des tâches de son activité professionnelle en analysant les entraves en temps et rendement.

6.3 À titre liminaire, l’on relèvera que dans la décision querellée, l’intimé n’exigeait pas du recourant qu’il change de profession.

Quant à l’instruction complémentaire menée, force est de constater que lors de son audition, le recourant a lui-même déclaré qu’il n’avait pas modifié son temps de travail ni ses activités et a indiqué qu’il avait continué à la suite de son accident à tenir son horaire réduit, à savoir du lundi au jeudi de 10h à 12h30 et de 14h à 18h et le vendredi de 10h à 16h, le magasin étant fermé les samedis et dimanche. C’est ainsi à raison que l’intimé a constaté que malgré les limitations fonctionnelles supplémentaires dues à l’accident, le recourant n’avait pas modifié sa façon de travailler, exerçant toujours son activité habituelle à 50%.

La décision attaquée ne prête dès lors pas le flanc à la critique.

Le recours ne peut qu’être rejeté.

Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le