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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4057/2023

ATAS/552/2024 du 02.07.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4057/2023 ATAS/552/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 juillet 2024

Chambre 10

 

En la cause

A______
représentée par Me Thierry STICHER, avocat

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1962, originaire du Kosovo, mariée et mère de trois enfants nés en 1990, 1993 et 2002, titulaire d’un permis d’établissement C, a travaillé dans le domaine du nettoyage pour l’entreprise B______ (ci-après : l’employeur) du 1er octobre 2008 au 7 mars 2016, au taux de 40%.

b. Le 11 juillet 2016, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), mentionnant être en incapacité de travail depuis le 27 juin 2014 suite à un accident.

c. Dans le cadre de l’instruction de la demande, l’OAI a notamment reçu les dossiers médicaux de la SUVA, assureur-accidents de l’assurée, et du Groupe Mutuel, assureur perte de gain, ainsi que des rapports établis par le
docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin traitant de l’assurée.

d. Le 22 août 2016, l’employeur a répondu au questionnaire de l’OAI et indiqué que l’assurée avait été en incapacité totale de travail pour cause d’accident du
27 juin 2014 au 30 septembre 2015, pour cause de maladie du 1er octobre 2015 au 7 mars 2016, qu’elle avait été licenciée et que son contrat de travail avait pris fin le 7 mars 2016.

e. Dans un avis du 16 janvier 2017, la docteure D______, médecin au service médical régional (ci-après : SMR) de l’OAI, a notamment relevé que les pièces au dossier faisaient état d’une gonarthrose gauche modérée avec un syndrome douloureux chronique. Elle a suggéré la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique afin d’analyser ledit syndrome sous l’angle des indicateurs retenus par la jurisprudence.

f. Dans son rapport d’expertise du 16 août 2017, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie, n’a diagnostiqué aucune affection psychiatrique. L’atteinte à la santé prenait la forme de problèmes ostéo-articulaires. Sur le plan psychiatrique, la capacité de travail était donc totale.

g. Dans un rapport du 25 septembre 2017, la Dre D______ a noté que l’atteinte principale consistait en une gonarthrose gauche débutante et que l’assurée présentait en outre, sans effet sur la capacité de travail, un diabète de type 2 non insulino-requérant. L’incapacité de travail avait été totale du
27 juin 2014 au 20 septembre 2015, et était de 60% depuis lors. Cependant, une activité adaptée sans marche prolongée et sans positions à genou, accroupie et debout prolongée, était possible à 100%.

h. Par décision du 9 novembre 2017, l’OAI a confirmé son projet du
28 septembre 2017 et nié le droit de l’assurée à une rente d’invalidité. Il a retenu que le statut était celui d’une personne se consacrant à 40% à son activité professionnelle et à 60% à ses travaux habituels dans le ménage. À l’issue de l’instruction médicale, le SMR avait reconnu une capacité de travail de 40% dans l’activité habituelle et de 100% dans une activité adaptée. Ainsi, l’atteinte à la santé n’avait aucune influence sur la capacité de travail, entière dans l’activité habituelle de 40%, et donc sur la capacité de gain.

i. Par arrêt du 19 février 2018 (ATAS/138/2018), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice a déclaré irrecevable le recours de l’assurée interjeté contre cette décision, le recours ne satisfaisant pas aux exigences minimales de contenu prescrites par la loi et n’ayant pas été complété dans le délai accordé pour ce faire.

B. a. Le 20 décembre 2019, l’assurée a déposé une deuxième demande de prestations, mentionnant une gonarthrose invalidante des deux côtés, une fracture de la malléole, des fractures du coude des deux côtés avec une limitation fonctionnelle importante, une épaule gelée gauche, un tinnitus, une dépression, du diabète et des douleurs chroniques, existant depuis 2014.

b. Par rapport du 24 février 2020, le Dr C______ a indiqué que l’état de santé de sa patiente s’était nettement perturbé depuis la dernière décision de l’OAI. Elle avait présenté en mars 2018 une dyspnée à l’effort, qui avait été mise en relation avec la maladie diabétique connue. En outre, elle avait été victime d’un accident en 2018, se fracturant les deux coudes en même temps, ce qui avait nécessité un traitement de longue durée avec des plâtres. La fracture du coude était guérie, mais l’assurée présentait des douleurs et une dysfonction importantes des membres supérieurs. Elle était empêchée de réaliser son ménage, qui semblait être assumé par ses enfants, et avait besoin de soins partiels pour s’habiller. Elle ne pouvait pas non plus utiliser des cannes pour soulager sa gonarthrose tricompartimentale du genou gauche, qui s’était aggravée. Le diabète était très mal équilibré en raison probablement d’une compliance diminuée, laquelle résultait d’un état dépressif sévère chronique. Le traitement psychiatrique en cours n’avait aucun effet favorable. Compte tenu de la complexité de ces différents diagnostics, ainsi que de la gravité de l’état dépressif et des plaintes nécessitant un traitement lourd, l’assurée ne présentait aucune capacité de travail exigible.

Le Dr C______ a notamment joint :

-          un rapport du 9 mars 2018 du docteur F______, spécialiste FMH en cardiologie, faisant suite à une consultation du 8 mars 2018 et concluant que l’assurée se plaignait de douleurs thoraciques atypiques et d’une dyspnée d’effort, que l’examen clinique était sans particularité, que l’électrocardiogramme était normal et le bilan cardiovasculaire sans particularité ;

-          un rapport relatif à une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) du genou droit réalisée le 4 juin 2018, ayant mis en exergue une gonarthrose tricompartimentale et une hydarthrose avec synovite ;

-          un rapport de consultation des hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 11 octobre 2018 retenant les diagnostics de gonarthrose droite débutante et de diabète non-insulinodépendant ;

-          un rapport de l’Hôpital de la Tour relatif à une admission aux urgences le
23 novembre 2018 suite à une chute ayant entraîné des douleurs dans les deux coudes, jusqu’aux mains ;

-          un rapport de radiologie du 24 novembre 2018 mettant en évidence une fracture de la tête radiale des deux coudes, avec un volumineux épanchement intra-articulaire, ainsi qu’un aspect de chondropathie dégénérative sans lésion traumatique au niveau du genou droit.

c. Par rapport du 13 mai 2020, le docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué une dysthymie (F34.1) et une somatisation (F45.0). La patiente présentait depuis de nombreux mois des périodes successives de plusieurs semaines, de baisse d’énergie avec un sentiment continu d’épuisement et de fatigue. Elle se plaignait souvent auprès de son entourage d’un manque d’intérêts et de plaisir pour toute activité sociale ou familiale. Malgré les nombreuses heures passées à dormir, elle n’avait pas l’impression de récupérer ou de sortir de son inertie. Il lui arrivait souvent de pleurer pour un rien. Cet état l’avait conduite à une prise régulière, voire parfois abusive, d’antalgiques et d’anxiolytiques. L’anamnèse était difficile à obtenir chez cette patiente fatiguée avec des difficultés linguistiques. Au status psychiatrique, le médecin a notamment relevé une thymie basse, triste, avec un mal à exprimer sa pensée par des mots, une hypovigilance, des traits de caractère en faveur d’une dépendance affective, une anosognosie. Elle ne faisait pas le ménage, ni n’avait d’activité sociale ou de loisirs. Elle pouvait compter sur son mari, souvent, et sur ses enfants, parfois. Elle ne disposait pas de ressources intellectuelles et psychiques. D’un point de vue psychiatrique, sa capacité de travail était nulle. Les limitations fonctionnelles consistaient en une affection somatique chronique sans rémission, une perte d’intégration sociale, un échec de traitement et un état psychique cristallisé sans évolution possible.

d. Par courriel du 26 mai 2021, le cabinet médical du Mont-Blanc a précisé que le Dr G______ avait vu la patiente à quatre reprises entre le 29 janvier et le
26 février 2020.

e. Dans un rapport du 3 décembre 2021, le Dr C______ a attesté d’une totale incapacité de travail, relevant que sa patiente était très angoissée depuis le COVID. Il a signalé un état dépressif chronique sévère avec un isolement social, un status post fracture de la malléole en 2013, une arthrose du genou des deux côtés depuis 2014, un diabète 2 sévère, une dysfonction diastolique de type relaxation, une fracture de la tête radiale des deux côtés en 2019 avec une limitation fonctionnelle. Les symptômes actuels consistaient en un état dépressif chronique avec une asthénie, un ralentissement intellectuel, des troubles de la concentration, ainsi que des douleurs de l’appareil locomoteur. Un contrôle auprès de la clinique de la main était prévu pour un probable tunnel carpien et une opération envisagée en raison d’une infection oto-rhino-laryngologique (ci-après : ORL). La patiente ne pouvait pas être active physiquement. Son périmètre de marche était limité à 200 mètres, et elle présentait une difficulté pour s’habiller en raison des limitations fonctionnelles du bras. Une capacité de travail n’était pas exigible au vu des multiples pathologies associant un état dépressif, des douleurs locomotrices sur un status post traumatique dégénératif.

Il a notamment joint un rapport du docteur H______, spécialiste FMH en ORL, du 15 juin 2021, relatant une diminution de l’audition progressive depuis plusieurs mois, principalement à droite, associée à une otorrhée droite, sans otalgie. Il avait constaté une perforation tympanique avec un écoulement purulent.

f. Par rapport du 18 décembre 2021, le Dr F______ a conclu que l’électrocardiogramme était en faveur d’une tachycardie sinusale et que l’échocardiographie objectivait des troubles de la fonction diastolique de type relaxation, associés à un décollement péricardique minime non compressif, alors que la fraction d’éjection était conservée.

g. L’assurée a séjourné aux HUG du 21 février au 2 mars 2022 en raison d’une baisse de l’état général. Ont été retenus, à titre de diagnostic principal, un diabète de type 2 insulino-requérant mal équilibré, à titre de diagnostics secondaires, un trouble de la marche et de l’équilibre avec une chute d’étiologie multifactorielle (hypotension orthostatique, hypovitaminose D) et un état dépressif majeur, à titre de comorbidité, une tachycardie sinusale sous traitement bétabloquant et une gonarthrose tricompartimentale droite, et à titre d’antécédents personnels pertinents, une fracture traumatique du coude bilatérale. La patiente avait présenté plusieurs chutes à domicile dans un contexte de faiblesse généralisée. Elle était connue pour des troubles de l’humeur et des douleurs au niveau des genoux des deux côtés. Elle décrivait également d’importants vertiges participant aux chutes. L’électrocardiogramme était sans particularité, le bilan biologique dans la norme hormis une hypovitaminose D, l’IRM cérébrale dans la norme et une consultation ORL avait permis d’écarter une cause périphérique aux vertiges. Un test de Schellong était revenu positif et la patiente présentait un profil tensionnel plutôt bas, ce qui justifiait l’adaptation du traitement. S’agissant de la gonarthrose tricompartimentale droite, une antalgie de palier II avait été introduite. En cas de péjoration des douleurs, il conviendrait de rediscuter d’une intervention afin de mettre en place une prothèse. Un avis psychiatrique avait été demandé, ce qui justifiait l’augmentation du traitement antidépresseur. Au vu du déconditionnement global et de la persistance des troubles de la marche et de l’équilibre, l’assurée était transférée dans le service de réadaptation.

h. L’assurée a quitté les soins de réadaptation des HUG le 9 mars 2022, où ont notamment été relevés une hypotension orthostatique, des vertiges périphériques, ainsi que des douleurs chroniques articulaires persistantes.

i. Par rapport du 23 novembre 2022, le Dr C______ a confirmé qu’aucune capacité de travail n’était exigible, ajoutant que le ménage était effectué par les enfants et l’entourage social. Il a fait état de brachialgies et de déficit fonctionnel de la main droite.

j. Dans un rapport du 9 mai 2023, le docteur I______, médecin chef de clinique au département de psychiatrie des HUG, Centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrées (ci-après : CAPPI), a diagnostiqué un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1). La patiente présentait un ralentissement psychomoteur et rapportait des fluctuations importantes de l’anxiété, sans idées délirantes, ni troubles de la pensée. Il a notamment relevé une thymie triste, une anhédonie ou aboulie, des affects modulés, de la peine à se projeter dans l’avenir, une attitude pessimiste, des idées noires passives sans idées suicidaires verbalisées, un retrait social, un appétit réduit, un sommeil très perturbé, une atteinte importante du fonctionnement individuel, familial et social. Les limitations fonctionnelles comprenaient une diminution sévère de l’élan vital et de la volition, des troubles importants de la concentration, de l’attention et de la mémoire, des difficultés de planification, d’organisation et d’exécution de tâches complexes, des angoisses et des ruminations qui avaient un impact important pour les activités professionnelles, ainsi que des difficultés à gérer l’anxiété. Pour les activités de la vie quotidienne, l’assurée pouvait compter sur son mari, ses enfants et sa belle-sœur. Pour le reste, son réseau social était plutôt restreint et elle n’avait pas d’activité habituelle. D’un point de vue strictement psychiatrique, sa capacité de travail était de 50%, à augmenter ensuite, possiblement jusqu’à 100%. Dans un contexte de dépression chronique, une activité comportementale adaptée était « la mesure thérapeutique plus importante ». La patiente était suivie au CAPPI de la Servette depuis le 24 mars 2022 et présentait une évolution clinique plutôt stable, mais sans réelle amélioration de la symptomatologie dépressive. Elle était à une séance par mois, et compliante avec son traitement.

k. Le 23 mai 2023, le Dr J______ a conclu que l’atteinte principale consistait en un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1) et les pathologies associées en une gonarthrose prédominant à gauche, un status post fractures des deux têtes radiales et un diabète traité. L’incapacité de travail avait été totale dès le 24 février 2020, mais la capacité de travail exigible était de 50%, selon le rapport du Dr I______ dans une activité adaptée, soit une activité simple, légère, sédentaire, principalement en position assise, permettant l’alternance des positions au gré de l’assurée, sans manipulation de charges de plus de 5 kilos à répétition, à répartir harmonieusement sur cinq jours ouvrables.

l. L’OAI a mis en œuvre une enquête économique sur le ménage, réalisée le 6 septembre 2023 au domicile de l’assurée, en présence de deux de ses fils, dont l’un s’était occupé de la traduction. L’assurée avait indiqué qu’elle n’avait jamais été en mesure de reprendre son activité professionnelle depuis 2014 en raison de ses atteintes à la santé et que sans ces dernières, elle aurait poursuivi son travail au même taux de 40%. Elle ne participait plus aux tâches ménagères depuis 2014. Le ménage était composé de l’assurée, de son époux et de deux de leurs enfants, âgés de 28 ans et 19 ans, respectivement au chômage et étudiant. L’époux de l’assurée, maçon, ne travaillait plus en raison de douleurs dorsales. Sa demande de rente d’invalidité avait été refusée. Selon un avis SMR du 24 février 2022, il présentait des limitations fonctionnelles et ne devait pas effectuer de mouvements répétés de flexion extension du tronc, des activités en porte-à-faux du rachis de manière prolongée, rester debout dans une position statique plus de 20 minutes, porter des charges de plus de 10 kilos de façon répétée, marcher sans s’arrêter plus d’un kilomètre. Partant, l’enquêtrice retenait des limitations pour les tâches ménagères lourdes. Le fils du couple au chômage depuis un an était en bonne santé et participait régulièrement aux tâches ménagères. Il ne pratiquait pas d’activité régulière (hobby, sport). Il avait pour projet de déménager, mais n’avait pas encore trouvé de bail. Quant au fils étudiant, il ne pratiquait pas d’activité régulière durant la semaine et allait de temps en temps au fitness.

L’enquêtrice a fixé le nombre d’heures retenues pour la tenue du ménage à
25.12 heures et conclu, après déduction de l’aide exigible des membres de la famille et des personnes vivant en ménage commun, que les empêchements qui se montaient à 6.14 heures (24.8%) pour les six postes considérés, étaient nuls. Elle a rappelé que le fils de l’assurée avait déclaré que sa mère ne participait plus à aucune tâche ménagère depuis 2014 et qu’il faisait tout lui-même. Les limitations fonctionnelles décrites dans l’avis du SMR du 23 mai 2023 n’étaient pas de nature à justifier que l’assurée ne participe plus à aucune tâche ménagère.

m. Dans une note du 15 septembre 2023, l’OAI a relevé que l’assurée n’avait rien entrepris depuis 2014 pour travailler, même après la dernière décision concluant à une pleine capacité de travail dans une activité adaptée. Dès lors, le statut de ménagère à 100% était retenu.

n. Le 21 septembre 2023, l’OAI a informé l’assurée qu’il envisageait de rejeter sa demande de prestations.

o. Le 26 octobre 2023, l’assurée s’est opposée au projet de décision, contestant pouvoir accomplir ses travaux habituels.

p. Par décision du 2 novembre 2023, l’OAI a rejeté la demande de l’assurée. Il a confirmé le statut de personne non active consacrant tout son temps à ses travaux habituels et admis une atteinte à la santé invalidante depuis le 24 février 2020. Selon les résultats de l’enquête ménagère, les empêchements étaient nuls compte tenu de l’aide exigible des membres de sa famille, de sorte que le taux d’invalidité était nul. L’intéressée n’avait donc pas le droit à des prestations.

C. a. Par acte du 4 décembre 2023, l’assurée, représentée par un avocat, a interjeté recours contre la décision précitée, concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à ce qu’il soit dit que le degré d’invalidité devait se déterminer sur la base d’un statut mixte, pondéré à hauteur de 40% dans la sphère professionnelle et 60% dans la sphère ménagère, et à ce qu’une expertise médicale judiciaire soit ordonnée afin de déterminer sa capacité de travail et son éventuelle baisse de rendement en cas de capacité de travail résiduelle. Principalement, elle a requis l’annulation de la décision entreprise, à ce qu’il soit dit et constaté qu’elle avait droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2020, sur la base d’un degré d’invalidité de 85%, et au renvoi du dossier auprès de l’intimé pour qu’il calcule le droit à la rente et le rétroactif.

Dans un premier moyen, la recourante a contesté le statut de ménagère à 100%. Aucun motif de révision ne permettait de remettre en cause le statut retenu dans la précédente décision.

S’agissant de l’incapacité retenue dans la sphère ménagère, elle se confondait avec son incapacité dans la sphère professionnelle, étant rappelé qu’elle avait exercé la profession de femme de ménage et que les deux activités étaient identiques sur de nombreux points essentiels. Le Dr C______ avait d’ailleurs confirmé qu’aucune capacité n’existait aussi bien au niveau professionnel que dans la sphère ménagère. L’intimé avait répercuté l’ensemble des incapacités constatées sur les membres de sa famille, au point de fixer l’invalidité à 0% dans la sphère ménagère, alors qu’aucune exigibilité ne pouvait être retenue à l’encontre de son époux, qui était en incapacité de travail totale. Quant à ses enfants, ils n’avaient pas de temps à se consacrer entièrement au ménage, puisque l’un était aux études et le second en recherche d’emploi. En l’absence de toute exigibilité, l’empêchement dans la sphère ménagère s’élevait à 24.92% selon les chiffres retenus par l’intimé. Toutefois, selon la précédente décision de l’intimé, sa capacité dans la sphère professionnelle, et donc dans la sphère ménagère, était limitée à 40%, de sorte qu’il en résultait une invalidité de 60%, à tout le moins dans la sphère ménagère. Cela étant, compte tenu de l’aggravation de son état de santé, cette invalidité avait très certainement augmenté et un degré d’invalidité dans la sphère ménagère de 75% au minimum devait être retenu.

Concernant l’incapacité dans la sphère professionnelle, l’intimé n’avait mené aucune instruction sérieuse. Le Dr C______ avait conclu à une incapacité de travail totale, y compris dans une activité adaptée. Une baisse de rendement de 50% au moins était présente, en raison des multiples douleurs articulaires et d’un état dépressif, ce qui avait d’ailleurs implicitement été admis par le SMR dans son avis du 23 mars 2023, qui retenait un taux d’activité maximum de 50% dans une activité adaptée. Il en résultait une invalidité de 100% dans la sphère professionnelle, ce à quoi elle concluait dans l’attente de la réalisation d’une expertise judiciaire à ce propos.

En définitive, elle sollicitait l’octroi d’une rente entière, en l’absence de toute capacité, que ce soit dans la sphère professionnelle ou ménagère. Subsidiairement, si une capacité résiduelle devait être retenue dans la sphère ménagère, le taux d’invalidité devrait être fixé à 85%, puisque le degré d’invalidité s’élevait à 40% dans la part professionnelle (40% x 100%) et à 45% dans la part ménagère (60% x 75%), de sorte qu’elle avait droit à une rente d’invalidité entière dans ce cas également.

b. Dans sa réponse du 12 janvier 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

Concernant le statut, il y avait lieu d’admettre qu’il était vraisemblablement demeuré inchangé depuis la première demande de prestations, de sorte qu’il convenait de retenir un statut mixte avec des pondérations de 40% dans la sphère professionnelle et 60% dans la sphère ménagère.

Sur le plan médical, l’expertise psychiatrique de 2017 n’avait retrouvé aucun diagnostic incapacitant. Au vu des nouvelles atteintes rapportées par les médecins de la recourante, une incapacité de travail durable de 50% pouvait être retenue pour des raisons psychiatriques depuis le 24 février 2020, « selon l’évaluation détaillée des psychiatres du CAPPI », qui avaient expliqué qu’une augmentation de la capacité de travail à 100% était envisageable par la suite. Par ailleurs, de nouvelles limitations fonctionnelles somatiques venaient s’ajouter au tableau clinique.

Il ne saurait lui être reproché une instruction médicale lacunaire, étant rappelé les multiples informations et précisions sollicitées auprès des médecins de l’intéressée. En outre, le SMR n’avait pas retenu une baisse de rendement de 50%, mais une baisse de la capacité de travail, comme indiqué dans le rapport du
9 mai 2023 des psychiatres des HUG.

Quant à l’évaluation de l’invalidité dans la sphère ménagère, l’activité habituelle dans le nettoyage ne se recoupait pas parfaitement avec la tenue du ménage, étant rappelé que cette dernière ne devait pas répondre à des obligations de rendement et d’efficacité, et pouvait être réalisée sur des laps de temps plus longs ou de manière fractionnée, et les volumes de travail différaient en règle générale. Le rapport d’enquête détaillait à satisfaction les limitations retenues dans la sphère ménagère et il avait été relevé que les limitations déclarées par la recourante et sa famille ne concordaient pas avec les conclusions médicales.

S’agissant de l’aide exigible des proches, une aide de moins d’une heure par jour n’était pas démesurée au vu de la composition du ménage, d’autant plus que le mari et le fils aîné n’avaient actuellement pas d’activité externe conséquente. Ainsi, en retenant un statut mixte, et dans la mesure où une activité adaptée était possible conformément aux pièces médicales, le calcul du degré d’invalidité aboutissait à un résultat nul, même en retenant les éléments de manière favorable, au vu des faibles revenus réalisés par la recourante avant l’atteinte à la santé, en comparaison avec les ESS. Finalement, les facteurs psychosociaux et socioculturels mentionnés à plusieurs reprises comme des éléments clés empêchant la reprise d’un emploi par la recourante ne faisaient pas partis de l’évaluation effectuée dans le cadre de l’assurance-invalidité et sortait de son champ d’application.

c. Par réplique du 29 janvier 2024, la recourante a persisté dans les termes et conclusions de son recours. Son époux ne pouvait pas effectuer, pour des raisons médicalement justifiées, les tâches ménagères qu’elle-même ne pouvait plus réaliser. De surcroît, les autres proches devaient s’occuper de lui, ce qui diminuait encore leur disponibilité pour s’occuper d’elle. Il ne pouvait donc être pris en compte d’exigibilité des proches dans le cadre des empêchements ménagers.

Elle a produit un certificat médical du 11 décembre 2023 du Dr C______, aux termes duquel son mari, qu’il suivait en tant que médecin de famille pour un problème complexe, présentait des troubles de la mobilité en position debout, n’était plus capable de se mettre accroupi ou à genoux, de lacer ses chaussures, de porter du poids, et avait besoin d’aide pour ses déplacements. Il existait d'autres facteurs médicaux le rendant dépendant de l’entourage de ses proches pour maintenir une certaine stabilité dans sa vie.

d. Le 28 février 2024, l’intimé a également persisté dans ses conclusions. Il ne ressortait pas du rapport du Dr C______ que le mari de la recourante serait incapable de l’aider dans la tenue du ménage. D’autre part, les limitations fonctionnelles de celui-ci avaient été intégrées dans l’évaluation effectuée par l’enquêtrice spécialisée.

L’intimé a joint un avis de la docteure K______, médecin au SMR, du 8 février 2024, selon lequel le rapport du 11 décembre 2023 n’amenait pas de nouvel élément médical objectif nouveau lui permettant de remettre en question sa dernière appréciation du cas, étant rappelé que l’enquêtrice avait pris en compte les atteintes du mari de l’intéressée, en se basant notamment sur les limitations fonctionnelles retenues dans l’avis du SMR du 24 février 2022.

e. Le 19 mars 2024, la recourante a maintenu que le dossier n’avait pas été instruit s’agissant de son incapacité de travail dans la sphère professionnelle et que rien ne venait contredire l’avis du Dr C______ du 23 novembre 2022 qui, tenant compte des atteintes somatiques et psychiques, avait attesté d’une incapacité de travail complète tant dans l’activité habituelle que dans une activité adaptée. Quant au rapport du SMR du 23 mai 2023, il n’était pas crédible, puisqu’il fondait la capacité de travail de 50% dans une activité adaptée sur le seul rapport d’un psychiatre, qui s’était prononcé uniquement sur les affections psychiques. Or, elle souffrait également de différentes affections somatiques.

f. Par écriture du 25 juin 2024, la recourante a informé la chambre de céans que l’un de ses fils avait désormais quitté le domicile familial.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.              

2.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au
1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

2.2 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du
3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961
(RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

Si un droit à la rente a pris naissance jusqu’au 31 décembre 2021, un éventuel passage au nouveau système de rentes linéaire s'effectue, selon l'âge du bénéficiaire de rente, conformément aux let. b et c des dispositions transitoires de la LAI relatives à la modification du 19 juin 2020. Selon la let. c, pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente a pris naissance avant l'entrée en vigueur de cette modification et qui, à l'entrée en vigueur de la modification, avaient au moins 55 ans, l’ancien droit reste applicable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_561/2022 du 4 août 2023 consid. 3.1 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la demande de prestations ayant été déposée en décembre 2019 et l’intimé ayant admis une incapacité de travail durable dès le
24 février 2020, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait antérieurement au 1er janvier 2022 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au
31 décembre 2021. En outre, dans la mesure où la recourante avait 59 ans au
1er janvier 2022, l’ancien droit resterait applicable jusqu’à l’extinction ou la suppression du droit éventuel à la rente.

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité de la part de l’intimé, étant rappelé qu’une telle prestation lui a été niée par décision du
9 novembre 2017, entrée en force, et qu’une nouvelle demande a été enregistrée le 20 décembre 2019.

3.1 Lorsque la rente a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l'assuré rend plausible que son invalidité ou son impotence s'est modifiée de manière à influencer ses droits
(art. 17 LPGA ; art. 87 al. 3 et 4 RAI).

Lorsque l'administration entre en matière sur la nouvelle demande, elle doit examiner l'affaire au fond et vérifier que la modification de l'invalidité ou de l'impotence rendue plausible par l'assuré est réellement intervenue ; elle doit donc procéder de la même manière qu'en cas de révision au sens de l'art. 17 LPGA c'est-à-dire en en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale de rente et les circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 130 V 351 consid. 3.5.2 ; 125 V 369 consid. 2 et la référence ;
112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b) afin d'établir si un changement est intervenu.

Si l'administration arrive à la conclusion que l'invalidité ou l'impotence ne s'est pas modifiée depuis sa précédente décision, entrée en force, elle rejette la demande. Dans le cas contraire, elle doit encore examiner si la modification constatée suffit à fonder une invalidité ou une impotence donnant droit à des prestations, et statuer en conséquence. En cas de recours, le même devoir de contrôle quant au fond incombe au juge (ATF 117 V 198 consid. 3a ; 109 V 114 consid. 2a et b).

3.2 Conformément aux art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI, est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident.

Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a
al. 1 LAI).

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001
consid. 1).

3.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA.

Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources)
(ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2)

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4)

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

3.4 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI).

On rappellera que pour évaluer le taux d'invalidité, il existe principalement trois méthodes : la méthode générale de comparaison des revenus, la méthode spécifique et la méthode mixte, dont l'application dépend du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré non actif, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel
(ATF 137 V 334 consid. 3.1).

Selon l’art. 27bis RAI en vigueur depuis le 1er janvier 2018, pour les personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel et accomplissent par ailleurs des travaux habituels visés à l'art. 7 al. 2 de la loi, le taux d'invalidité est déterminé par l'addition des taux suivants : a. le taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative ; b. le taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels (al. 2). Le calcul du taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative est régi par l'art. 16 LPGA, étant entendu que : a. le revenu que l'assuré aurait pu obtenir de l'activité lucrative exercée à temps partiel, s'il n'était pas invalide, est extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps ; b. la perte de gain exprimée en pourcentage est pondérée au moyen du taux d'occupation qu'aurait l'assuré s'il n'était pas invalide (al. 3). Pour le calcul du taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels, on établit le pourcentage que représentent les limitations dans les travaux habituels par rapport à la situation si l'assuré n'était pas invalide. Ce pourcentage est pondéré au moyen de la différence entre le taux d'occupation visé à l'al. 3, let. b, et une activité lucrative exercée à plein temps (al. 4).

3.5 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels
(ATF 130 V 97).

L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l'aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu'elle va au-delà du soutien que l'on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d'une atteinte à la santé invalidante n'entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu'elles constituent à l'égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du
25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).

Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 et 129 V 67 consid. 2.3.2 publié dans VSI 2003 p. 221 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 733/06 du 16 juillet 2007).

Il existe dans l'assurance-invalidité - ainsi que dans les autres assurances sociales - un principe général selon lequel l'assuré qui demande des prestations doit d'abord entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 et les
références ; 140 V 267 consid. 5.2.1 et les références). Dans le cas d'une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l'obligation d'organiser son travail et de solliciter l'aide des membres de la famille dans une mesure convenable. Un empêchement dû à l'invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L'aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l'évaluation de l'invalidité de l'assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s'attendre sans atteinte à la santé. Il s'agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable, si aucune prestation d'assurance ne devait être octroyée
(ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références). La jurisprudence ne pose pas de grandeur limite au-delà de laquelle l'aide des membres de la famille ne serait plus possible. L'aide exigible de tiers ne doit cependant pas devenir excessive ou disproportionnée (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.1 et les références).

Toutefois, la jurisprudence ne répercute pas sur un membre de la famille l'accomplissement de certaines activités ménagères, avec la conséquence qu'il faudrait se demander pour chaque empêchement si cette personne entre effectivement en ligne de compte pour l'exécuter en remplacement
(ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; 133 V 504 consid. 4.2). Au contraire, la possibilité pour la personne assurée d'obtenir concrètement de l'aide de la part d'un tiers n'est pas décisive dans le cadre de l'évaluation de son obligation de réduire le dommage. Ce qui est déterminant, c'est le point de savoir comment se comporterait une cellule familiale raisonnable, soumise à la même réalité sociale, si elle ne pouvait pas s'attendre à recevoir des prestations d'assurance. Dans le cadre de son obligation de réduire le dommage (art. 7 al. 1 LAI), la personne qui requiert des prestations de l'assurance-invalidité doit par conséquent se laisser opposer le fait que des tiers - par exemple son conjoint [art. 159 al. 2 et 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210)] ou ses enfants (art. 272 CC) - sont censés remplir les devoirs qui leur incombent en vertu du droit de la famille (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.2 et les références).

3.6 En présence de troubles d'ordre psychique, et en cas de divergences entre les résultats de l'enquête économique sur le ménage et les constatations d'ordre médical relatives à la capacité d'accomplir les travaux habituels, celles-ci ont, en règle générale, plus de poids que l'enquête à domicile. Une telle priorité de principe est justifiée par le fait qu'il est souvent difficile pour la personne chargée de l'enquête à domicile de reconnaître et d'apprécier l'ampleur de l'atteinte psychique et les empêchements en résultant (arrêt du Tribunal fédéral 9C_657/2021 du 22 novembre 2022 consid. 5.1 et la référence). L'existence effective d'une divergence entre les résultats de l'enquête économique sur le ménage et les constatations d'ordre médical relatives à la capacité d'accomplir les travaux habituels ne peut être constatée de manière définitive que lorsque les deux évaluations ont été effectuées sous l'angle de critères identiques. Cela signifie que les appréciations médicales doivent se référer également aux différentes tâches domestiques et tenir compte de l'aide nécessaire et raisonnablement exigible des membres de la famille à la lumière des circonstances concrètes. Lorsque tel est le cas, si les médecins parviennent à une conclusion divergente, ils doivent encore examiner le rapport d'enquête économique sur le ménage et expliquer pourquoi ils sont parvenus à une autre conclusion (arrêts du Tribunal fédéral 9C_657/2021 du 22 novembre 2022 consid. 5.2 ; 8C_671/2007 du 13 juin 2008 consid. 3.2.2 et les arrêts cités).

3.7 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193
consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450
consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR
(ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du
4 mai 2012 consid. 3.2.1).

3.8 Lorsqu'il s'agit d'évaluer l'invalidité d'un assuré qui se trouve proche de l'âge donnant droit à la rente de vieillesse, il faut procéder à une analyse globale de la situation et se demander si, de manière réaliste, cet assuré est en mesure de retrouver un emploi sur un marché équilibré du travail. Cela revient à déterminer, dans le cas concret qui est soumis à l'administration ou au juge, si un employeur potentiel consentirait objectivement à engager l'assuré, compte tenu notamment des activités qui restent exigibles de sa part en raison d'affections physiques ou psychiques, de l'adaptation éventuelle de son poste de travail à son handicap, de son expérience professionnelle et de sa situation sociale, de ses capacités d'adaptation à un nouvel emploi, du salaire et des contributions patronales à la prévoyance professionnelle obligatoire, ainsi que de la durée prévisible des rapports de travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_366/2014 du 19 novembre 2014 consid. 5.2).

Pour apprécier les chances d'un assuré proche de l'âge de la retraite de mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché de l'emploi, il convient de se placer au moment où l'on constate que l'exercice (partiel) d'une activité lucrative est exigible du point de vue médical, soit dès que les documents médicaux permettent d'établir de manière fiable les faits y relatifs (ATF 146 V 16
consid. 7.1 ; 145 V 2 consid. 5.3.1 ; 138 V 457 consid. 3). Le fait que la capacité résiduelle de travail a été recouvrée à une date antérieure, toutefois sans avoir encore été établie par des documents médicaux fiables, n'est en revanche pas déterminant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_305/2023 du 29 février 2024
consid. 5.4).

Si on ne peut pas attendre d’un assuré proche de l'âge de la retraite qu’il reprenne une activité adaptée, le degré d'invalidité doit être déterminé en fonction de sa capacité de travail résiduelle dans l'activité qu’il exerçait avant la survenance de son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_913/2012 du 9 avril 2013 consid. 5.3 et 5.4).

En l'absence d'une capacité de gain résiduelle économiquement exploitable, on est en présence d'une incapacité de gain totale qui ouvre le droit à une rente d'invalidité entière (arrêt du Tribunal fédéral 9C_755/2023 du 20 février 2024 consid. 5.2.2).

À titre d’exemples, le Tribunal fédéral a considéré qu’il était exigible d’un assuré de 60 ans ayant travaillé pour l’essentiel en tant qu’ouvrier dans l’industrie textile qu’il se réinsère sur le marché du travail malgré son âge et ses limitations fonctionnelles (travaux légers et moyens avec alternance des positions dans des locaux fermés; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 376/05 du 5 août 2005 consid. 4.2), de même que pour un soudeur de 60 ans avec des limitations psychiques et physiques, notamment rhumatologiques et cardiaques, qui disposait d’une capacité de travail de 70% (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 304/06 du 22 janvier 2007 consid. 4.2), tout comme pour un assuré âgé de 62 ans et dix mois qui disposait d’une certaine capacité d’adaptation, étant relevé que le marché du travail offre des activités autres qu’un travail sur écran, telles que le contrôle, la surveillance et la vérification, lesquelles ne nécessitent pas une longue période de formation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_755/2023 du 20 février 2024 consid. 5.5 et la référence). Notre Haute Cour a en revanche nié la possibilité de valoriser sa capacité de travail résiduelle d’un assuré de 61 ans, sans formation professionnelle, qui n’avait aucune expérience dans les activités fines médicalement adaptées et ne disposait que d’une capacité de travail à temps partiel, soumise à d’autres limitations fonctionnelles, et qui selon les spécialistes ne présentait pas la capacité d’adaptation nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 392/02 du 23 octobre 2003 consid. 3.3), ainsi que dans le cas d’un assuré de 64 ans capable de travailler à 50% avec de nombreuses limitations fonctionnelles (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 401/01 du 4 avril 2002 consid. 4c). Le Tribunal fédéral est parvenu au même constat dans le cas d’un agriculteur de 57 ans qui ne pourrait exercer d’activité adaptée sans reconversion professionnelle et qui ne disposait subjectivement pas des capacités d’adaptation nécessaires à cette fin (arrêt du Tribunal fédéral 9C_578/2009 du 29 décembre 2009 consid. 4.3.2).

3.9 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante
(ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151
consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

4.             En l’espèce, la recourante conteste le statut de personne non active retenu dans la décision litigieuse, ainsi que les évaluations de son degré d’invalidité dans les parts professionnelle et ménagère.

4.1 L’intimé a admis, dans le cadre de la présente procédure, qu’il convenait de reconnaître à la recourante un statut mixte, comprenant des parts professionnelle et ménagère de 40%, respectivement 60%, de sorte que ce point n’est plus litigieux.

4.2 S’agissant de l’incapacité dans la sphère professionnelle, l’intimé n’a pas procédé à une instruction médicale approfondie, au vu du statut retenu à tort.

La chambre de céans constate que les pièces du dossier ne permettent pas de se déterminer sur la capacité de travail de la recourante dans son activité habituelle de nettoyeuse, ni dans une activité adaptée.

4.2.1 En effet, l’avis du 23 mai 2023 du SMR est lacunaire, insuffisamment motivé et ne procède pas à une analyse fouillée des rapports au dossier.

La chambre de céans observe tout d’abord que le Dr J______ n’a pas exposé les raisons pour lesquelles il retenait que l’incapacité durable de travail remontait au 24 février 2020. Il a uniquement mentionné à ce propos se référer au rapport du
Dr C______, rendu à cette date. Or, dans ce document, le médecin traitant a attesté d’une aggravation de l’état de santé de sa patiente à partir de 2018, avec l’apparition notamment d’une dyspnée à l’effort au mois de mars 2018 et les fractures des deux coudes, qui avaient nécessité un long traitement avec des plâtres et l’impossibilité d’utiliser des cannes, pourtant nécessaires pour soulager le genou gauche, dont les troubles s’étaient également aggravés. Dans ces circonstances, la date retenue pour fixer le début de l’incapacité de travail ne peut pas être confirmée.

Il sera également rappelé que le rapport des HUG du 10 mars 2022 mentionne que le profil tensionnel plutôt bas justifiait l’adaptation du traitement, et que la technique d’injection de la patiente pouvait, comme l’alimentation, être la cause du déséquilibre glycémique. Ces éléments auraient dû inciter le SMR à solliciter de nouvelles informations de la part du médecin traitant de la recourante, afin de déterminer si le diabète, mal équilibré et qui avait contribué à l’hospitalisation de l’intéressée, avait pu être contrôlé.

La chambre de céans relève en outre que le Dr J______ a considéré que l’atteinte principale à la santé était le trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1) et a conclu à une incapacité de travail de 50%, conformément aux conclusions du Dr I______. Or, le SMR n’a retenu aucune limitation fonctionnelle sur le plan psychique, si ce n’est l’exigence de travailler dans une activité « simple », ce qui est difficilement compréhensible, au vu des nombreuses restrictions énumérées par le psychiatre susmentionné.

Elle constate ensuite, sur le plan somatique, que les diagnostics retenus par le SMR sont incomplets, voire erronés. En effet, il a signalé, à titre de pathologies du ressort de l’assurance-invalidité, une gonarthrose prédominant à gauche, un status post fractures des deux têtes radiales et un diabète traité. Ce document ne fait ainsi aucune référence au trouble de la marche et de l’équilibre rapporté par les HUG suite au séjour de l’intéressée, du 21 février au 2 mars 2022, alors que celle-ci a été victime de plusieurs chutes, dont l’une a entraîné les fractures au niveau des deux coudes. Il ne mentionne qu’implicitement la gonarthrose du genou droit, pour laquelle la mise en place d’une prothèse a pourtant été évoquée, et ne prend pas en considération le fait que le diabète, sévère, est mal équilibré. Il ne fait pas état de la dysfonction diastolique, ni de l’hypotension orthostatique, ni des vertiges, ni des douleurs articulaires, notamment aux bras.

Concernant les limitations fonctionnelles, le Dr J______ a considéré que seule pouvait être exercée une activité simple, légère, sédentaire, principalement en position assise, permettant l’alternance des positions, sans manipulation répétée de charges de plus de 5 kg. Sans la moindre explication, les contre-indications qui avaient été retenues en 2017 en lien avec la gonarthrose gauche, soit la marche prolongée, les positions prolongées à genoux, accroupie et debout, n’ont pas été reprises, ce qui ne s’explique pas, ce d’autant plus que la recourante présente désormais une atteinte similaire à droite, laquelle est susceptible de justifier la mise en place d’une prothèse en cas d’aggravation des douleurs. De plus, le médecin traitant a fait état de limitations fonctionnelles sévères des deux bras suite aux fractures des coudes et constaté que sa patiente présentait des difficultés pour se déshabiller. Le médecin du SMR a écarté ces plaintes et restrictions sans aucune justification.

4.2.2 S’agissant des autres pièces au dossier, elles ne permettent pas non plus de statuer sur la capacité de travail de la recourante.

Le rapport du 9 mai 2023 du Dr I______ ne contient pas une analyse minutieuse des divers indicateurs développés par la jurisprudence et ses conclusions ne sont pas convaincantes. Il n’a notamment livré aucune argumentation s’agissant de la capacité de travail exigible retenue, alors qu’il a fait état de nombreuses limitations fonctionnelles, comme des troubles importants de la concentration, de l’attention et de la mémoire, un ralentissement psychomoteur, des difficultés de planification, d’organisation et d’exécution des tâches complexes. Les angoisses et les ruminations avaient un impact important pour les activités professionnelles. Il a relevé une atteinte importante au fonctionnement individuel, familial et social, avec une diminution sévère de l’élan vital et de la volition, et un retrait social. Hormis son mari, sa belle-sœur et ses fils, sur lesquels l’intéressée pouvait compter, son réseau social était plutôt restreint, et elle n’avait pas d’activités habituelles. Il est en outre surprenant que ce médecin a retenu que la capacité de travail de l’intéressée, compliante avec son traitement, qui présentait une
« évolution clinique plutôt stable », « sans réelle amélioration de la symptomatologie dépressive », pourrait « possiblement » évoluer jusqu’à 100%.

Quant aux rapports du Dr C______, ils ne font pas état d’examens objectifs complets et ils ne permettent pas de se déterminer sur le volet psychiatrique, lacunaire.

4.3 En ce qui concerne l’incapacité dans la sphère ménagère, aucune valeur probante ne saurait être reconnue au rapport d’enquête, lequel n’a pas été établi en pleine connaissance des empêchements et handicaps résultant des diagnostics, puisque l’infirmière s’est fondée sur le rapport du SMR qui ne tient pas compte des limitations fonctionnelles au niveau psychique et omet de nombreuses atteintes somatiques.

Les rapports du Dr C______ sont également insuffisants pour se déterminer sur la capacité de la recourante à accomplir les travaux habituels, étant notamment rappelé que le médecin-traitant ne s’est pas prononcé à ce propos en regard des différentes tâches. Il n’a pas non plus précisé les diagnostics et limitations fonctionnelles l’ayant mené à conclure que le mari de la recourante était incapable de l’aider dans la tenue du ménage.

4.4 Il convient en conséquence de renvoyer la cause à l’intimé afin qu’il complète l’instruction médicale et ordonne une nouvelle enquête économique sur le ménage, afin de déterminer la capacité de travail résiduelle de la recourante, ainsi que sa capacité à accomplir les travaux ménagers, en examinant à nouveau dans quelle mesure l’intéressée peut solliciter l’aide de sa famille, en particulier de son mari, étant observé que le Dr C______ a fait état de limitations fonctionnelles plus importantes que celles mentionnées dans le rapport d’enquête. Cela fait, il incombera à l’intimé de calculer le degré d’invalidité en application de la méthode mixte et de rendre une nouvelle décision.

Enfin, l’intimé devra prendre en compte l’âge de la recourante, étant rappelé que le moment déterminant à cet égard est celui où les documents médicaux permettent d’établir de manière fiable la capacité de travail résiduelle. En l’occurrence, cette dernière n’a à ce stade pas été déterminée et la recourante est désormais âgée de 61 ans.

5.             Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision du
2 novembre 2023 annulée et le dossier renvoyé à l’intimé pour reprise de l’instruction et nouvelle décision.

La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 2 novembre 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 2'000.- à charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le