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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3249/2020

ATAS/509/2024 du 26.06.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

 

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3249/2020 ATAS/509/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 juin 2024

4ème Chambre

 

En la cause

A______

représentée par Maître Andres PEREZ

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1957 et est au bénéfice d’un permis de séjour C. Elle a travaillé, avant de prendre sa retraite, comme couturière pour une entreprise appartenant à ses enfants.

b. Le 6 octobre 2018, elle est tombée d’un arbre et s’est fracturée la deuxième vertèbre lombaire.

c. Elle a été opérée les 9 et 16 octobre 2018 par le service de neurochirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).

d. Par formulaire du 28 janvier 2019, réceptionné le 4 février 2019 par l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI ou l’intimé), l’assurée a formé une demande de prestations de l’assurance-invalidité.

e. La docteure B______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a indiqué dans un rapport du 8 mars 2019 que l’assurée était en arrêt de travail à 100% pour une durée indéterminée.

f. Le 21 juin 2019, la Dre B______ a indiqué que l’assurée était encore totalement incapable de travailler, mais qu’elle pourrait probablement reprendre son travail à 80% dès le mois de septembre.

g. Selon un rapport du 24 septembre 2019, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a expertisé l’assurée sur demande d’AXA Assurances SA (ci-après : AXA), l’assurance-accidents qui couvrait l’accident du 6 octobre 2018. Il a posé les diagnostics de fracture complexe du corps vertébral de la deuxième vertèbre lombaire et de stabilisation chirurgicale par une ostéosynthèse postérieure, complétée par un abord chirurgical complémentaire antérieur. Dès le 1er octobre 2019, l’assurée pourrait reprendre son activité habituelle à 50%, puis augmenter ce taux jusqu’à 100% de façon progressive. Il n’y avait pas d’autre activité raisonnablement exigible à envisager.

h. Selon un rapport d’analyse ergonomique du poste de travail de l’assurée établi le 20 janvier 2020, celle-ci récupérait au travail en position couchée sur un coussin gonflé au sol. Un lit ou une banquette serait utile. Un siège avait été choisi à l’essai et il semblait soutenir utilement la région lombaire et réduire l’appui en zone opérée.

i. Le 24 février 2020, la Dre B______ a indiqué que l’assurée était en arrêt de travail à 60% et qu’il y aurait probablement une augmentation de l’activité professionnelle dans les prochains mois. Le traitement, constitué de physiothérapie et d’exercices, permettait une lente amélioration des symptômes et de la mobilité. L’assurée restait volontaire et déterminée à reprendre une activité professionnelle entière. Elle était limitée par la persistance de douleurs suite au traumatisme.

j. Le 30 juillet 2020, la Dre B______ a indiqué que l’assurée était en arrêt de travail à 50% depuis le 1er août 2020 et qu’il y aurait probablement une augmentation de l’activité professionnelle dans les prochains mois. Elle évaluait l’incapacité de travail à 50% dans toute activité.

k. Dans un rapport du 27 juillet 2020, le Dr C______ a indiqué que l’activité réalisée actuellement était bien adaptée aux séquelles douloureuses de l’assurée et qu’on pouvait s’attendre à une reprise de l’activité professionnelle à 80% dès le 3 août et à 100% dès le 1er septembre 2020.

l. Selon une note de l’OAI sur la détermination du degré d’invalidité du 3 août 2020, le taux d’invalidité était de 2.21% en 2019. Le revenu avec invalidité était fixé à CHF 46'938.- (sur la base de l’ESS 2018, TA1_tirage_skill_level, pour une femme, exerçant dans le domaine de travail, ligne total, dans une activité de niveau 1, avec un abattement de 15%) et le revenu avant l’atteinte à la santé à CHF 48’000.-, selon les informations de l’employeur.

m. Par décision du 16 septembre 2020, confirmant un projet de décision du 3 août 2020 non contesté, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assurée. Depuis le 7 octobre 2018 (début du délai d’attente d’un an), sa capacité de travail était considérablement restreinte. Son statut était celui d’active. Selon les éléments médicaux et professionnels recueillis, son atteinte à la santé avait entraîné une incapacité de travail du 7 octobre 2018 au 30 septembre 2019. Elle avait retrouvé, dans son activité habituelle, une capacité de travail de 50% du 1er octobre 2019 au 16 juin 2020, de 60% du 17 juin au 31 juillet 2020 et de 50% dès le 1er août 2020. Dans une activité adaptée respectant ses limitations fonctionnelles, sa capacité de travail médico-théorique raisonnablement exigible était de 100%, sans baisse de rendement, depuis septembre 2019 au moins. Il ressortait de la comparaison des gains que son taux d’invalidité était de 2%, ce qui ne lui ouvrait pas de droit à une rente d’invalidité.

B. a. Le 15 octobre 2020, l’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à l’octroi d’une rente entière d’invalidité.

b. Le 17 novembre 2020, la Dre B______ a contesté les conclusions du Dr C______, car la recourante ne pouvait pas travailler à plus de 50%.

b. La recourante a été entendue par la chambre de céans le 1er décembre 2021.

c. Le 8 décembre 2021, l’intimé a informé la chambre de céans que selon les conclusions du SMR 8 avril 2021, la capacité de travail de la recourante était nulle dès le 6 octobre 2018, de 50% dès le 1er octobre 2019 et de 80% dès le 3 août 2020, avec une pleine capacité de travail dans l’activité habituelle depuis le 1er septembre 2020. La recourante avait droit en conséquence à une rente entière du 6 octobre 2019 au 31 janvier 2020, puis à une demi-rente du 1er février au 31 novembre 2020.

d. Par arrêt incident du 14 janvier 2022 (ATAS/11/2022), la chambre de céans a suspendu l’instance jusqu’au dépôt du rapport de l’expertise mise en œuvre par AXA et confiée à la docteure D______, spécialiste FMH en neurochirurgie.

e. Le 2 novembre 2022, la recourante a informé la chambre de céans que le rapport d’expertise avait été rendu en février 2022 et la procédure a été reprise.

f. Dans son rapport du 11 janvier 2022, la Dre D______ a résumé les pièces du dossier, procédé à une anamnèse et rapporté les plaintes de l’assurée ainsi que ses propres constats. Elle a conclu que la recourante pouvait travailler quatre à cinq heures dans son ancien travail, dans lequel elle devait garder la position assise de façon prolongée et que dans un travail adapté peu exigeant, sa capacité de travail était 100%.

g. Le 29 novembre 2022, l’intimé a considéré que le rapport d’expertise était convaincant et que ses conclusions pouvaient être suivies.

h. Le 4 janvier 2023, la recourante a fait valoir que le rapport d’expertise du 11 janvier 2022 ne pouvait être suivi, que son poste actuel était adapté à ses limitations et que sa capacité de travail était inférieure à 50% dans toute activité.

i. Selon un rapport complémentaire établi le 5 mai 2022, la Dre D______ a précisé qu’il ressortait des déclarations de la recourante que ses heures de travail étaient très variables. L’experte retenait une exigibilité dans l’activité habituelle de quatre à cinq heures et dans une activité adaptée peu exigeante et en augmentant les antidouleurs, une capacité de travail de 100%.

j. Le 6 juillet 2023, l’intimé a estimé convaincant le rapport complémentaire de la Dre D______.

k. Le 16 août 2023, la recourante a observé qu’il ne faisait qu’apporter de la confusion à l’analyse de l’experte dont le rapport ne pouvait se voir reconnaître une valeur probante.

EN DROIT

1.             Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d’invalidité.

3.              

3.1    Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l’état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.2    Est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; 125 V 351 consid. 3).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références; 135 V 465 consid. 4).

En cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n’est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s’apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43).

4.              

4.1    En l’espèce, l’expertise de la Dre D______ répond aux réquisits formels permettant de lui reconnaître une pleine valeur probante. L’intimé estime qu’elle est probante, mais la recourante conteste la conclusion de l’experte, selon laquelle elle pouvait faire une activité adaptée à 100% et son activité de couturière à 50%, considérant pour sa part que sa capacité de travail était de 0% dans toute activité. Elle a fait encore valoir que contrairement à ce que l’experte avait retenu, son activité d’émaillage était comparable avec un travail de bureau variable en position assise.

La chambre de céans estime que les conclusions de l’experte sont cohérentes et convaincantes, dans la mesure où elle distingue une activité adaptée peu exigeante permettant de bien respecter les limitations fonctionnelles – en particulier un travail en position alternée assis/debout et la possibilité de changement de posture à partir de 30-45 minutes – du travail habituel de couturière de la recourante, qui nécessitait la position assise prolongée. Dans son complément d’expertise du 5 mai 2022, elle a précisé qu’une position assise avec un travail variable de bureau n’était pas comparable avec un travail en position assise relativement statique pour faire de l’émaillage, en motivant sa position.

Il est exact, comme l’a relevé la recourante, que l’experte a mentionné dans son rapport que la recourante indiquait travailler à 50% depuis plus d’une année, mais qu’en réalité elle quittait son poste de travail après deux heures. Cela ne remet toutefois pas en cause les conclusions de l’experte, puisqu’elle relatait alors l’appréciation subjective de la recourante sur l’évolution de son état de santé, ce qui devait être pris en compte par l’experte, mais ne la liait pas. En effet, l’experte devait prendre ses conclusions sur la base de l’anamnèse, mais également sur ses propres constats ainsi que les pièces du dossier.

La recourante a également indiqué à l’experte, à teneur de l’anamnèse, qu’elle travaillait uniquement à 50%, et parfois pas du tout, ce qui apparaît contradictoire avec le fait qu’elle a ensuite déclaré qu’elle ne restait que deux heures par jour au travail. Il en ressort que l’experte a procédé à une analyse correcte de la situation en retenant que le temps de travail de la recourante variait selon les jours et selon les déclarations de cette dernière.

Le fait que des mesures aient été prises pour faciliter le travail habituel de la recourante (chaise adaptée et canapé pour se reposer) n’en fait pas pour autant une activité adaptée. Cette notion doit être comprise, dans le cadre de la détermination de la capacité de travail, comme l’activité exigible la plus adaptée aux limitations fonctionnelles de la personne assurée et qui lui permet en conséquence le plus grand taux d’activité. Or l’experte a clairement considéré que l’activité habituelle de la recourante n’était pas la plus adaptée, puisqu’elle nécessitait une position assise prolongée et qu’elle ne permettait pas une capacité de travail entière, contrairement à une activité peu exigeante et strictement adaptée aux limitations fonctionnelles de la recourante.

Le fait que l’experte ait préconisé l’augmentation des antidouleurs n’apparaît pas critiquable, la recourante admettant qu’elle n’en prenait pas régulièrement et n’invoquant aucun avis médical contraire, mais seulement qu’elle ne voulait pas en prendre constamment, à teneur de ses déclarations à la chambre de céans. Elle précisait d’ailleurs ne pas suivre la prescription de son médecin à ce sujet.

Selon la recourante, la Dre D______ avait préconisé qu’elle augmente les antidouleurs en retenant, dans son complément d’expertise qu’elle ne prenait qu’un Dafalgan le soir habituellement ou aucun médicament après une cure de trois à quatre jours. Or, cette affirmation était erronée, car lors de l’audience devant la chambre de céans du 1er décembre 2021, elle avait déclaré à la chambre de céans qu’elle prenait un Dafalgan pour dormir, parfois trois par jour quand cela n’allait pas bien, et qu’ensuite elle arrêtait quelques jours. Elle ne voulait pas en prendre constamment. À cet égard, la chambre de céans admet que l’experte aurait pu préciser qu’il arrivait à la recourante d’en prendre trois fois par jour. Cela étant, ses conclusions n’apparaissent erronées, dès lors qu’il n’est pas contesté par la recourante qu’elle ne prenait pas régulièrement des antidouleurs et qu’une augmentation des antidouleurs était possible, ne serait-ce que par davantage de régularité.

La recourante a encore relevé que l’experte s’était contredite elle-même en préconisant qu’elle devait prendre du Dafalgan une à deux fois par jour, car elle avait indiqué au début de son rapport que selon la liste donnée par la recourante, elle prenait du Dafalgan depuis le 6 octobre 2018, deux fois 1 g par jour. L’on ne peut toutefois retenir que l’experte s’est contredite, car elle s’est prononcée dans son rapport complémentaire sur les déclarations de la recourante du 1er décembre 2021 à la chambre de céans qui venait de lui être communiquées et dont elle ne disposait pas lors de l’établissement de son premier rapport.

En conclusions, les critiques de la recourante ne suffisent pas à remettre en cause la valeur probante de l’expertise de la Dre D______. La chambre de céans relève toutefois que l’experte ne se prononce pas sur l’évolution de la capacité de travail dans le temps. Un complément d’expertise n’apparaît toutefois pas nécessaire, pour les motifs suivants.

L’intimé a retenu dans la décision querellée que la capacité de travail de la recourante dans son activité habituelle était de 0% du 7 octobre 2018 (début du délai d’attente) au 30 septembre 2019, de 50% dès le 1er octobre 2019, de 60% dès le 17 juin 2020 et de 50% dès le 1er août 2020.

Il se fondait sur les premières conclusions du Dr C______, qui a retenu dans son rapport du 24 septembre 2019, une exigibilité de 50% dès le 1er octobre 2019, dans l’activité habituelle, qui était adaptée de son point de vue. L’intimé se fondait également sur l’appréciation de la Dre B______, notamment ses rapports du 24 février 2020, qui attestait d’une capacité de 40% dès janvier 2020 et d’une capacité de 50% à nouveau dès le 1er août 2020, selon son rapport du 30 juillet 2020, s’éloignant ainsi des conclusions du Dr C______ qui avait conclu dans son rapport du 27 juillet 2020 à une reprise de l’activité professionnelle à 80% dès le 3 août et à 100% dès le 1er septembre 2020. Les rapports du Dr C______ apparaissent ainsi moins probants que ceux de la Dre B______. Il convient en conséquence de retenir, sur la base des rapports de cette dernière, que la recourante a été totalement incapable de travailler dans son activité habituelle dès le 7 octobre 2018, puis capable de travailler à 20% dès le 16 décembre 2019 (rapport du 11 décembre 2019), puis à 40% dès le 16 janvier 2020 (rapport du 14 janvier 2020), et à 50% dès le 1er août 2020 (rapport du 30 juillet 2020).

4.2    Au vu des conclusions de l’expertise, une activité à temps complet était exigible de la recourante dans une activité adaptée. Se pose toutefois la question de savoir si un changement d’activité pouvait être exigé d’elle vu son âge et le fait qu’elle avait un emploi, relativement adaptée, auprès d’employeurs particulièrement compréhensifs, puisqu’il s’agissait de ses enfants.

Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et 128 V 174).

Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2).

Le revenu d’invalide pris en compte pour fixer le taux d’invalidité doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2).

Lorsqu'il s'agit d'évaluer l'invalidité d'un assuré qui se trouve proche de l'âge donnant droit à la rente de vieillesse, il faut procéder à une analyse globale de la situation et se demander si, de manière réaliste, cet assuré est en mesure de retrouver un emploi sur un marché équilibré du travail. Cela revient à déterminer, dans le cas concret qui est soumis à l'administration ou au juge, si un employeur potentiel consentirait objectivement à engager l'assuré, compte tenu notamment des activités qui restent exigibles de sa part en raison d'affections physiques ou psychiques, de l'adaptation éventuelle de son poste de travail à son handicap, de son expérience professionnelle et de sa situation sociale, de ses capacités d'adaptation à un nouvel emploi, du salaire et des contributions patronales à la prévoyance professionnelle obligatoire, ainsi que de la durée prévisible des rapports de travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_366/2014 du 19 novembre 2014 consid. 5.2).

Pour apprécier les chances d'un assuré proche de l'âge de la retraite de mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché de l'emploi, il convient de se placer au moment où l'on constate que l'exercice (partiel) d'une activité lucrative est exigible du point de vue médical, soit dès que les documents médicaux permettent d'établir de manière fiable les faits y relatifs (ATF 138 V 457 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_366/2014 du 19 novembre 2014 consid. 5.3). Si on ne peut pas attendre d’un assuré proche de l'âge de la retraite qu’il reprenne une activité adaptée, le degré d'invalidité doit être déterminé en fonction de sa capacité de travail résiduelle dans l'activité qu’il exerçait avant la survenance de son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_913/2012 du 9 avril 2013 consid. 5.3 et 5.4).

Selon la jurisprudence, il est possible de fixer la perte de gain d'un assuré directement sur la base de son incapacité de travail en faisant une comparaison en pour-cent. Cette méthode constitue une variante admissible de la comparaison des revenus basée sur des données statistiques : le revenu hypothétique réalisable sans invalidité équivaut alors à 100 %, tandis que le revenu d'invalide est estimé à un pourcentage plus bas, la différence en pour-cent entre les deux valeurs exprimant le taux d'invalidité. L'application de cette méthode se justifie lorsque les salaires avant et/ou après invalidité ne peuvent pas être déterminés, lorsque l'activité exercée précédemment est encore possible (en raison par exemple du contrat de travail qui n'a pas été résilié), ou encore lorsque cette activité offre de meilleures possibilités de réintégration professionnelle, en raison, par exemple, d'un salaire sans invalidité supérieur à celui avec invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2016 du 24 août 2016 consid. 2.2 et les références).

Une simple comparaison de pourcentage peut suffire lorsque l’assuré dispose d’une capacité résiduelle de travail dans son activité habituelle et qu’aucune autre activité n’est mieux adaptée à ses limitations fonctionnelles. Le taux d’invalidité est alors identique au taux d’incapacité de travail (cf. ATF 114 V 310 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_562/2022 du 12 septembre 2023 consid. 6 et les références).

Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 148 V 321 consid. 7.3.1 ; 145 V 209 consid. 5.3 et les références).

L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

Aux termes de l’art. 88a al. 1 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RS 831.201 - RAI), si la capacité de gain s’améliore, il y a lieu de considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son droit aux prestations dès qu’on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre.

En l’espèce, dès lors que la recourante a conservé après l’accident son activité habituelle de couturière dans l’entreprise familiale, qui était partiellement adaptée à ses limitations fonctionnelles, et qu’elle était âgée de 62 ans en 2020, il n’était pas exigible de lui faire changer d’activité, les chances d’en trouver une plus adaptée apparaissant très faibles.

Il en résulte que le taux d’invalidité doit être fixé, en tenant compte de son activité habituelle.

Dans la mesure où la recourante a demandé les prestations de l’intimé en temps utile en février 2019, elle a droit à une rente entière dès le 1er octobre 2019.

Son état s’est amélioré dès le 16 décembre 2019, avec une capacité de travail de 20%. L’intimé a établi le taux d’invalidité de la recourante en tenant compte comme salaire sans invalidité de CHF 48'000.- à 100%, sur la base du questionnaire de son employeur du 18 février 2019. Sur la base de ce salaire, le taux d’invalidité pour la même activité à 20% est de 80%, de sorte que la recourante a toujours droit à une rente entière dès le 1er mars 2020.

La capacité de travail de la recourante est passée à 40% dès le 16 janvier 2020, ce qui lui ouvre le droit à un trois quarts de rente dès le 1er avril 2020, soit trois mois plus tard en application de l’art. 88a al. 1 RAI, sur la base d’un taux d’invalidité de 60%.

Puis sa capacité de travail a augmenté à 50% dès le 1er août 2020, ce qui lui ouvre le droit à une demi-rente dès 1er novembre 2020 (art. 88a al. 1 RAI).

5.             Le recours est ainsi partiellement admis.

La recourante obtenant gain de cause et étant assisté d’un conseil, elle a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 3'000.- et mis à la charge de l’intimé (art. 61 let. g LPGA).

Un émolument de CHF 200.- sera également mis à la charge de l'intimé (art. 69 al. 1bis LAI).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision du 16 septembre 2020.

4.        Dit que la recourante a droit à une rente entière dès le 1er octobre 2019, à un trois quarts de rente dès le 1er avril 2020 et à une demi-rente dès 1er novembre 2020.

5.        Alloue à la recourante CHF 3'000.- à titre de dépens à la charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le