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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2789/2023

ATAS/485/2024 du 21.06.2024 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2789/2023 ATAS/485/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 juin 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1983, a été mis au bénéfice d’une allocation pour impotent de degré moyen à domicile dès le 1er janvier 2009.

b. Par communication du 1er mars 2017, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) a informé l’assuré que son degré d’impotence était resté inchangé.

B. a. Par courrier du 8 avril 2021, les Établissements publics pour l’intégration
(ci-après : EPI) ont informé l’OAI, « à la demande de [l’assuré] », que ce dernier avait été admis à la Résidence B______ à compter du 9 mars 2021. Ils invitaient l’OAI à adapter son allocation d’impotence en conséquence. Copie de ce courrier a été communiquée à l’assuré.

Ce courrier a été reçu par l’OAI le 12 avril 2021.

b. Par courriel du 26 juin 2023, les EPI ont rappelé à l’OAI que l’assuré avait intégré la résidence depuis mars 2021. Ils invitaient l’OAI à lui notifier une nouvelle décision et à lui octroyer une remise.

c. Par décision du 10 août 2023, l’OAI a réévalué le droit de l’assuré à l’allocation pour impotent et réclamé la restitution de CHF 20'792.- à titre d’allocations versées en trop pour la période du 1er octobre 2021 au 31 août 2023.

d. Le 5 septembre 2023, l’assuré a contesté cette décision. Les allocations versées avaient été utilisées pour l’aider avec ses graves handicaps résistants liés à son trouble obsessionnel compulsif (TOC). Il sollicitait une remise.

C. a. Par acte du même jour adressé à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, l’assuré a contesté la décision du 10 août 2023. En raison de son état de santé, son père l’aidait dans de nombreuses tâches administratives et financières. Il ne pouvait lui demander de prendre en charge gratuitement ce soutien.

b. Par réponse du 6 novembre 2023, l’OAI a conclu au rejet du recours. Depuis son admission dans un home, son allocation pour impotent n’équivalait plus qu’à un quart du montant maximum de la rente de vieillesse. S’agissant de la remise, l’assuré était d’ores et déjà informé que la condition de sa bonne foi était considérée comme réalisée. Seule la condition de sa situation financière serait examinée. Il concluait ainsi au renvoi du dossier pour cette question.

c. Par réplique du 10 janvier 2024, l’assuré a maintenu son recours. La conception selon laquelle une personne assurée bénéficiait d’un service complet après son entrée dans un home n’était pas correcte. Il était dans une situation très particulière, si bien qu’il devait bénéficier d’une contribution d’assistance. Il devait fréquemment demander à son père de l’aider et de le transporter pour ses rendez-vous. Or, le contrat conclu avec les EPI ne couvrait pas les frais de transport individuel. Cette assistance était importante pour maintenir ses relations sociales avec ses parents et il n’avait pas besoin de demander l’aide d’un tiers.

d. Cette écriture a été transmise à l’intimé.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur la restitution d’allocations pour impotent versées au recourant pour la période du 1er octobre 2021 au 31 août 2023.

3.              

3.1  

3.1.1 Selon l’art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile.

Selon l’art. 4 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l’intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). La demande de remise doit être présentée par écrit ; qu’elle doit être motivée, accompagnée des pièces nécessaires et déposée au plus tard trente jours à compter de l’entrée en force de la décision de restitution (al. 4). La remise fait l’objet d’une décision (al. 5).

Selon l'art. 25 al. 2 LPGA, dans sa teneur – applicable en l’occurrence – depuis le 1er janvier 2021, le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant.

L'obligation de restituer implique que soient réunies les conditions d'une reconsidération (cf. art. 53 al. 2 LPGA) ou d'une révision procédurale
(cf. art. 53 al. 1 LPGA) de la décision par laquelle les prestations ont été accordées (cf. ATF
130 V 318 consid. 5.2).

Selon l'art. 53 al. 1 LPGA, les décisions formellement passées en force sont soumises à révision si l'assuré ou l'assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant. Sont "nouveaux" au sens de cette disposition, les faits qui se sont produits jusqu'au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables, mais qui n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence. Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants, qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n'avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Ce qui est décisif, c'est que le moyen de preuve ne serve pas à l'appréciation des faits seulement, mais à l'établissement de ces derniers. Ainsi, il ne suffit pas qu'un nouveau rapport médical donne une appréciation différente des faits; il faut bien plutôt des éléments de fait nouveaux, dont il résulte que les bases de la décision entreprise comportaient des défauts objectifs. Pour justifier la révision d'une décision, il ne suffit pas que le médecin ou l'expert tire ultérieurement, des faits connus au moment du jugement principal, d'autres conclusions que l'administration ou le tribunal. Il n'y a pas non plus motif à révision du seul fait que l'administration ou le tribunal paraît avoir mal interprété des faits connus déjà lors de la procédure principale. L'appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de l'ignorance ou de l'absence de preuve de faits essentiels pour la décision (ATF 127 V 353 consid. 5b p. 358 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2008 du 2 février 2009 consid. 2.3).

3.1.2 Toute prestation durable accordée en vertu d’une décision entrée en force est, d’office ou sur demande, augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée si les circonstances dont dépendait son octroi changent notablement (art. 17 al. 2 LPGA). Chaque loi spéciale peut fixer le point de départ de la modification ou encore exclure une révision en s'écartant de la LPGA (ATF 130 V 343 consid. 3.5.3 ; UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 2e éd. 2009, n° 32 et 44 ad art. 17 LPGA ; THOMAS LOCHER, Grundriss des Sozialversicherungsrechts, 2003, n. 10 p. 256). 

En matière d'assurance-invalidité, le règlement du 17 janvier 1961 sur
l'assurance-invalidité (RAI - RS 831.201) connaît une réglementation spécifique quant aux effets temporels de la modification du droit aux prestations (art. 88bis RAI). L’art. 88bis al. 2 let. a RAI prévoit que la diminution ou la suppression de la rente, de l'allocation pour impotent ou de la contribution d'assistance prend effet au plus tôt le premier jour du deuxième mois qui suit la notification de la décision. L'art. 88bis al. 2 let. b RAI permet cependant à l'assurance de diminuer ou de supprimer ladite prestation avec effet rétroactif à la date où elle a cessé de correspondre aux droits de l'assuré, si ce dernier se l'est fait attribuer irrégulièrement ou s'il a manqué, à un moment donné, à l'obligation de renseigner qui lui incombe raisonnablement en vertu de l'art. 77 RAI. L'obligation de l'assuré de communiquer immédiatement à l’OAI tout changement important qui peut avoir des répercussions sur le droit aux prestations, en particulier les changements qui concernent l'état de santé et la capacité de gain ou de travail (art. 77 RAI ; cf. aussi art. 31 al. 1 LPGA), est l'expression du principe de la bonne foi entre administration et administré (ATF 145 V 141 consid. 7.3.4 et les références). Pour qu'il y ait violation de l'obligation de renseigner, il faut qu'il y ait un comportement fautif ; d'après une jurisprudence constante, une légère négligence suffit déjà (ATF 112 V 97 consid. 2a).

3.2 Selon l'art. 42 al. 1 à 3 LAI, les assurés impotents (art. 9 LPGA) qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à une allocation pour impotent (al. 1). L'impotence peut être grave, moyenne ou faible (al. 2).

Aux termes de l’art. 42ter al. 1 LAI, le degré d’impotence est déterminant pour fixer le montant de l’allocation pour impotent. Celle-ci est versée individuellement et doit faciliter les choix dans les domaines centraux de la vie. L’allocation mensuelle se monte, lorsque l’impotence est grave, à 80 % du montant maximum de la rente de vieillesse prévu à l’art. 34 al. 3 et 5 LAVS ; elle se monte, lorsque l’impotence est moyenne, à 50 % de ce montant et, lorsqu’elle est faible, à 20 % du même montant. L’allocation est calculée par jour pour les mineurs.

Selon l'art. 42ter al. 2 LAI, le montant de l'allocation pour impotent versée aux assurés qui séjournent dans un home correspond au quart des montants prévus à l'al. 1. Les art. 42 al. 5 et 42bis al. 4 sont réservés.

3.3 En vertu de l'art. 42quater LAI, l'assuré a droit à une contribution d'assistance aux conditions suivantes : il perçoit une allocation pour impotent de l'AI conformément à l'art. 42 al. 1 à 4 (al. 1 let. a), il vit chez lui (al. 1 let. b), il est majeur (al. 1 let. c). Le Conseil fédéral détermine les cas dans lesquels les personnes dont la capacité d'exercice des droits civils est restreinte n'ont droit à aucune contribution d'assistance (al. 2). Le Conseil fédéral fixe les conditions auxquelles les mineurs ont droit à une contribution d'assistance (al. 3).

4.             En l’occurrence, l’intimé a procédé à la révision du droit à l’allocation pour impotent du recourant dès le 1er octobre 2021, sur la base du courriel transmis par les EPI le 26 juin 2023, rappelant qu’il avait été admis dans leur résidence depuis mars 2021.

4.1 Il convient d’examiner si l’intimé était fondée à réclamer la restitution des prestations versées au recourant du 1er octobre 2021 au 31 août 2023, au motif que, durant cette période, il séjournait dans un home.

Dans la mesure où le transfert dans un home est postérieur à la décision initiale d’allocation pour impotence, l’obligation de restitution des prestations versées au recourant du 1er octobre 2021 au 31 août 2023 ne repose sur aucun des deux motifs prévus par l’art. 25 al. 1 LPGA en relation avec l’art. 53 LPGA.

Il reste donc à examiner si la réduction des prestations d'assurance est justifiée au regard des règles sur la révision des prestations durables prévues par l'art. 17 al. 2 LPGA, lequel suppose un changement notable de circonstances dont dépendait l’octroi de l’allocation pour impotent.

Il n’est pas contesté que le recourant séjourne dans un home depuis mars 2021. Or, en application de l’art. 42ter al. 2 LAI, le montant de l’allocation pour impotent correspond, dans un tel cas, au quart des montants prévus à l’al. 1. Un tel fait est donc propre à influencer l’étendue de la prestation. Les conditions d’une révision du droit à l’allocation pour impotent au sens de l’art. 17 al. 2 LPGA sont partant réalisées. Contrairement à ce que soutient le recourant, il n’est pas possible de déroger au texte clair de la loi pour tenir compte de l’aide apportée par son père. Il n’appartient en particulier pas à l’OAI de prendre en charge ses frais de déplacement par le bais de l’allocation pour impotent. C’est le lieu de préciser que, selon les directives relatives à la facturation des prestations des résidents citées dans le contrat d’accueil, de tels frais peuvent être remboursés à l’assuré par une assurance et/ou par le biais des prestations complémentaire, pour autant que ce dernier ne puisse utiliser les transports en commun (https://www.ge.ch/document/5672/annexe/11, consulté le 10 juin 2024). L’intéressé ne peut pas non plus bénéficier d’une contribution d’assistance. Outre le fait qu’il n’en a pas sollicité devant l’intimé, la contribution d’assistance est réservée aux assurés vivant à domicile. La réduction de ses prestations est donc conforme au droit.

4.2 Reste à examiner si l’intimé pouvait prononcer ladite réduction rétroactivement à compter du 1er octobre 2021. C’est le lieu de rappeler qu’en application de l’art. 88bis al. 2 let. a RAI, la diminution de l'allocation pour impotent prend effet au plus tôt le premier jour du deuxième mois qui suit la notification de la décision. L'art. 88bis al. 2 let. b RAI permet cependant à l'assurance de diminuer ladite prestation avec effet rétroactif à la date où elle a cessé de correspondre aux droits de l'assuré, si ce dernier se l'est fait attribuer irrégulièrement ou s'il a manqué, à un moment donné, à l'obligation de renseigner qui lui incombe raisonnablement en vertu de l'art. 77 RAI.

En l’occurrence, il ressort du dossier que, par courrier du 8 avril 2021, les EPI ont informé l’OAI de l’admission du recourant dans un home. Ce courrier, dont le tampon humide de l’intimé indique qu’il a été reçu par ce dernier le 12 avril 2021, a été adressé à l’intimé sur demande du recourant, qui l’a reçu en copie. Dans ces conditions, le recourant pouvait de bonne foi partir de l'idée qu’il avait dûment satisfait à son obligation d'annoncer. À ce moment-là, l’OAI disposait de toutes les informations relatives à sa nouvelle situation. On ne saurait ainsi admettre que le recourant a manqué à son obligation de renseigner l’OAI.

Il s’ensuit que la suppression de la rente ne pouvait pas intervenir rétroactivement au sens de l’art. 88bis al. 2 let. b RAI et que l’intimé n’était par conséquent pas fondé à prononcer la suppression de cette prestation à compter du 1er octobre 2021. Il y a donc lieu de se référer à l'art. 88bis al. 2 let. a RAI, selon lequel la diminution ou la suppression de l’allocation pour impotent prend effet au plus tôt le premier jour du deuxième mois qui suit la notification de la décision. Compte tenu de la date de la décision administrative (10 août 2023), la réduction de l’allocation pour impotent ne prend effet que le 1er octobre 2023. Dans la mesure où la décision contestée porte sur la période du 1er octobre 2021 au 31 août 2023, il n’y a pas lieu à restitution de la part du recourant.

5.             Vu ce qui précède, le recours sera admis et la décision querellée sera annulée.

Le recourant, qui obtient gain de cause, n'est pas représenté par un mandataire et n’a pas allégué des frais particulièrement importants pour défendre ses droits dans le cadre de la présente procédure, de sorte qu'aucune indemnité ne lui sera accordée à titre de participation à des frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l'intimé (art. 69 al. 1bis LAI).

 

******


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimé du 10 août 2023.

4.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le