Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/476/2024 du 20.06.2024 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3707/2023 ATAS/476/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 20 juin 2024 Chambre 5 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI
| intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né en ______ 1972, de nationalité française et titulaire d’un permis d’établissement, marié et père de cinq enfants nés, respectivement, en 2011, 2014, 2016 (des jumeaux) et 2018, s’est inscrit le 25 août 2022 à l’office régional de placement (ci-après : l'ORP), se déclarant disponible, dès le 27 août 2022, à un taux d’activité à 100%. Cette inscription faisait suite à un licenciement notifié par son ancien employeur, B______ SA, qui l’employait en qualité d’électricien, avec une fin des rapports de travail fixée au 27 août 2022.
b. L’assuré a déposé, en date du 2 novembre 2022, auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la CCGC), un formulaire d’obligation d’entretien envers ses enfants, sur lequel il apparaissait que les enfants, nés à Annemasse (France), étaient domiciliés à J______, en France.
c. L’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) s’est adressé au secteur enquêtes de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OPCM), par e-mail du 13 avril 2023, en joignant un formulaire intitulé « cas soumis à examen », daté du 12 avril 2023 et rédigé par la CCGC, qui exposait plusieurs éléments d’extranéité concernant l’assuré et remettait en question sa présence au domicile qu’il avait mentionné, soit c/o C______, rue D______, à Genève.
d. Par courriel du 14 avril 2023, l’OCE a informé l’assuré que son dossier était soumis à examen auprès du service juridique et que, dans l’intervalle, aucune indemnité chômage ne pouvait lui être versée.
e. Par courrier du 15 juin 2023 intitulé « demande de renseignements », l’OCE a demandé à l’assuré de lui confirmer qu’il était bien toujours domicilié à la rue D______ et d’indiquer, le cas échéant, s’il était locataire ou propriétaire d’un bien immobilier en France. L’assuré devait également indiquer, notamment, si son logeur avait un lien de parenté avec lui-même ou avec son épouse, ainsi que les raisons pour lesquelles cette dernière, ainsi que ses enfants, n’étaient pas domiciliés à la même adresse que lui. Le courrier du 15 juin 2023 a été retourné à l’OCE avec la mention « le destinataire est introuvable à l’adresse indiquée ».
f. Par courrier de son mandataire, daté du 16 juin 2023, l’assuré a interpellé l’OCE, suite au courriel du 14 avril 2023 ; il a notamment précisé qu’il était séparé de son épouse, qui vivait avec ses enfants en France et a conclu qu’il avait droit au versement des indemnités chômage, car il était domicilié en Suisse.
g. En date du 28 juin 2023, l’OCPM a communiqué à l’OCE un rapport d’entraide administrative interdépartementale (ci-après : le rapport d’enquête), qui faisait suite au mandat d’enquête concernant la domiciliation de l’assuré.
Il ressortait, en substance, du rapport d’enquête que la famille A______ était domiciliée en France et que les enfants étaient scolarisés dans l’école de J______, ce qui avait été confirmé par la mairie de la localité en question ; les allocations familiales étaient versées par la caisse d’allocations familiales (CAF) française. La Poste suisse avait confirmé que l’assuré était enregistré dans leur système, mais sans aucune adresse valable à ce jour et que la dernière adresse « connue distribuable » de la rue D______, avait été mise « hors service » en raison d’un changement de domicile, sans nouvelle adresse, en date du 17 septembre 2016. S’agissant de l’appartement sis à la rue D______, le nom de l’assuré n’apparaissait ni sur la plaquette de la boîte aux lettres, ni sur celle de la porte palière ; la régie du Centre confirmait que le bail de l’appartement était inscrit au nom du logeur, Monsieur C______, et que le nom de l’assuré n’apparaissait nulle part et n’avait pas été communiqué à la régie dans le cadre d’une éventuelle sous-location. Le relevé de la consommation électrique fourni par les services industriels de Genève montrait une consommation électrique inférieure de 75% à la moyenne établie pour un appartement occupé par deux personnes ; enfin, l’assuré n’avait pu être rencontré dans l’appartement que lors de la troisième visite domiciliaire et les voisins ou locataires ne se souvenaient pas de l’avoir vu dans l’immeuble.
B. a. Par décision du 5 juillet 2023, l’OCE a nié le droit de l’assuré à l’indemnité depuis le premier jour contrôlé, soit dès le 29 août 2023. Celui-ci n’avait en effet pas démontré à satisfaction de droit être domicilié en Suisse, de sorte qu’il ne remplissait pas la condition du domicile dans ledit pays et ne pouvait pas prétendre aux indemnités de chômage. Les informations figurant dans le rapport d’enquête du 28 juin 2023 étaient détaillées afin de justifier l’absence de domicile de l’assuré en Suisse.
b. Par courrier du 24 août 2023, l’assuré s’est opposé à la décision du 5 juillet 2023 et a conclu à son annulation. Il a, notamment, fait valoir que son épouse et ses enfants étaient bel et bien domiciliés en France mais que ce n’était pas son cas et qu’il s’était séparé de son épouse depuis 2014, en raison de problèmes conjugaux, mais sans avoir l’intention de divorcer. Ses absences lors des visites domiciliaires avaient été justifiées et au vu de la grande quantité d’appartements dans l’immeuble de la rue D______, il n’était pas surprenant que ses voisins ne le connaissent pas. S’agissant des informations fournies par la Poste, il joignait plusieurs courriels faisant état des difficultés avec l’expédition de courriers à son adresse, mentionnant même qu’il avait, à deux reprises, volontairement essayé de s’envoyer des courriers à lui-même par l’intermédiaire de la Poste et que ces derniers n’étaient jamais parvenus dans sa boîte aux lettres. Pour démontrer l’existence de son centre d’intérêt à Genève, il mentionnait être actif dans le club de football du FC Saint-Paul et être membre de l’association des résidents marocains à Genève. De surcroît, il possédait un véhicule immatriculé à Genève avec une assurance de protection juridique « Cap » et s’acquittait de ses primes d’assurance-maladie auprès d’Assura ; il utilisait un Smartphone avec un abonnement suisse, conclu par son beau-frère, car ce dernier bénéficiait d’un tarif plus avantageux. Il joignait en annexe diverses attestations sur l’honneur confirmant son domicile en Suisse, notamment de son épouse, de son logeur et de deux propriétaires d’établissements sis à Genève, soit le E______ et F______, qui tous deux attestaient qu’il était un client régulier.
c. Par décision sur opposition du 9 octobre 2023, l’OCE a rejeté l’opposition du 24 août 2023 et confirmé la décision du 5 juillet 2023. Les motifs mentionnés dans cette dernière étaient repris et les explications données par l’assuré dans son courrier d’opposition étaient mentionnées sans pour autant emporter la conviction de l’OCE, qui considérait les attestations fournies comme n’ayant pas de valeur probante et que l’existence d’un véhicule immatriculé en Suisse, le payement d’une assurance-maladie en Suisse et le fait d’être membre de deux associations genevoises ne permettaient pas de conclure que l’assuré était domicilié à Genève.
C. a. Par acte posté en date du 8 novembre 2023 et adressé à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), l’assuré a interjeté recours contre la décision sur opposition du 9 octobre 2023 en concluant à son annulation, et en répétant, en substance, les arguments déjà développés au stade de l’opposition.
b. Par réponse du 4 décembre 2023, l’intimé a persisté intégralement dans les termes dans sa décision sur opposition, considérant qu’aucun élément nouveau ne permettait de revoir la décision querellée.
c. Par réplique du 31 janvier 2024, l’assuré a informé la chambre de céans qu’il avait été victime d’un accident de la circulation routière et « qu’une enquête de police » avait été effectuée concernant son lieu de domicile, laquelle avait conclu qu’il était bien domicilié à Genève ; il n’avait toutefois pas reçu un rapport complet détaillé qui démontrait cet élément. Par courrier du 28 février 2024, l’assuré a informé la chambre de céans que « malgré de nombreuses sommations », il n’avait pas reçu copie du rapport en question et ne pourrait finalement pas le produire.
d. La chambre de céans a appointé une audience de comparution personnelle et d’enquêtes en date du 6 juin 2024.
Lors de son audition, le recourant a confirmé qu’il était séparé de fait de son épouse, depuis 2014, en raison de problèmes conjugaux. Interrogé sur la raison pour laquelle, alors que le couple était séparé et avait des problèmes conjugaux, il avait eu quatre enfants depuis 2014, le recourant a exposé que pour des raisons de santé, son épouse ne pouvait pas prendre de moyens contraceptifs et que lui n’en prenait pas non plus, raison pour laquelle il avait eu quatre enfants, après sa séparation, « par accident ». Il a confirmé être copropriétaire avec son épouse d’une maison située à J______, dans laquelle vivait son épouse et ses cinq enfants, qui avait le statut de résidence principale selon les autorités fiscales françaises et dont il remboursait seul le prêt hypothécaire, octroyé par une banque française, à hauteur de EUR 1'600.- par mois, car son épouse ne travaillait pas. Il confirmait qu’au regard des autorités françaises, il était toujours domicilié en France, à J______, mais que ladite domiciliation était liée aux enfants, afin qu’ils puissent être scolarisés en France et que le montant des prestations soit établi par rapport à son salaire suisse. Il ajoutait qu’il percevait une partie des allocations familiales en France et une partie en Suisse, mais qu'il ne s’était jamais inscrit auprès du service de chômage en France. Il vivait chez son beau-frère, C______, à la rue D______, sans lui verser de loyer car c’était « la famille » et avec son salaire, il aurait du mal à payer une partie du loyer de la rue D______ et le remboursement mensuel des facilités octroyées pour l’achat du logement français. Il confirmait avoir souscrit un abonnement de téléphonie mobile français tout en utilisant parallèlement un téléphone mobile dont l’abonnement de téléphonie suisse était au nom de son beau-frère, mais qu’il utilisait exclusivement. Il confirmait avoir eu une amie, Madame G______, chez qui il se rendait une ou deux fois par semaine et qui était venue deux ou trois fois à l’appartement de la rue D______, quand son beau-frère était absent, bien que ce dernier soit au courant de cette relation. Il confirmait effectuer régulièrement des prélèvements en cash auprès de Bancomats situés à Thônex, tout près de la frontière française, après quoi il ramenait l’argent en France, pour la subsistance de sa famille et alimentait son compte bancaire français. Il arrivait très rarement qu’il fasse la cuisine à la rue D______ et dormait soit sur le canapé-lit du salon, soit dans la chambre ; il croisait son beau-frère le matin, car ce dernier travaillait souvent la nuit.
Interrogé par la représentante de l’OCE, le recourant a admis qu’il était également propriétaire d’un studio qu’il avait acquis lorsqu’il était célibataire, à Gaillard (France) et qui était en location, le montant de cette dernière servant à rembourser le prêt hypothécaire grevant l’appartement. Questionné sur la raison pour laquelle il prétendait n'avoir eu d’autre choix que de loger chez son beau-frère, dès lors qu’il ne pouvait plus vivre avec son épouse, alors même qu’il était propriétaire d’un studio à Gaillard, le recourant a répondu qu’il ne voulait pas vivre en France, que rien ne lui interdisait d'être propriétaire d’un studio et qu’il n’avait pas pris d’appartement en Suisse pour y vivre avec ses enfants parce qu’il n’en avait trouvé aucun qui soit disponible.
Quatre personnes ont été auditionnées :
G______, entendue en qualité de témoin, divorcée et mère de deux enfants, a confirmé que le recourant avait été son « petit ami » depuis deux ans, après qu’ils se soient rencontrés fortuitement dans la rue, car le recourant travaillait sur un chantier, non loin du domicile du témoin. Cette dernière n’avait désormais plus qu’une relation d’amitié avec le recourant et confirmait qu’il venait chez elle environ une à deux fois par mois, mais qu’elle n’était allée à l’appartement de la rue D______ qu’une seule fois, sans rencontrer son beau-frère. Elle exposait qu’il s’agissait d’un trois-pièces et que le recourant dormait dans la chambre, sur un matelas par terre, alors que son beau-frère dormait sur le canapé-lit du salon. Elle savait que le recourant était marié et que son épouse vivait en France, avec ses enfants ; il allait leur rendre visite et les prenait parfois le week-end pour les amener au restaurant ou chez sa sœur qui habitait également en France. Selon elle, le centre d’intérêt du recourant était « de trouver du travail pour nourrir sa famille » car c’était « la principale raison pour laquelle il est en Suisse, pour travailler ».
Monsieur H______, entendu en qualité de témoin, parlant arabe et s’exprimant par le truchement d’une interprète désignée par la chambre de céans, a confirmé qu’il habitait depuis l’année 2000 dans l’immeuble de la rue D______, qu’il ne connaissait pas très bien le recourant, qui était juste une connaissance, et qu’il avait pris, entre trois et cinq fois, un café avec le recourant, en bas de l’immeuble. Ce dernier lui avait montré son permis de séjour, pour confirmer qu’il était bien domicilié à la rue D______ et lui avait demandé de signer un papier rédigé en français ; il n’avait pas pu lire et comprendre son contenu, mais il avait compris que le recourant lui demandait de confirmer qu’il habitait à cet endroit. Interrogé sur la crédibilité de sa déclaration, dès lors qu’il n’avait vu le recourant qu’entre trois et cinq fois, alors qu’il était domicilié lui-même dans l’immeuble depuis l’année 2000, le témoin a répondu qu’il avait signé la déclaration parce que le recourant lui avait montré son permis de séjour sur lequel figurait l’adresse de la rue D______ et qu’il avait également montré la porte de l’appartement qu’il disait occuper, sans toutefois que le témoin ne soit invité à y entrer.
C______, entendu à titre de renseignement, a confirmé être le frère de l’épouse du recourant et connaître les déboires conjugaux de ce dernier. Il exposait que le recourant était « tout le temps » chez lui depuis une dizaine d’années ; il dormait au salon et lui-même dormait dans la chambre, il n’avait jamais demandé de participation financière au recourant car il savait que ce dernier avait des difficultés financières et confirmait qu’ils mangeaient rarement ensemble, car il ne cuisinait pas et mangeait souvent à l’extérieur. Interpellé par la représentante de l’OCE, qui ne comprenait pas pour quelle raison le recourant ne participait pas financièrement aux frais de l’appartement alors qu’il y vivait depuis prétendument une dizaine d’années et n’était au chômage - donc n’avait des difficultés financières - que depuis 2022, le beau-frère affirmait qu’il ne voulait pas demander un seul centime au recourant et qu’il le soutenait non seulement parce qu’il s’agissait de son beau-frère mais également parce que c’était son ami, avant même qu’il épousât sa sœur. Questionné sur la contradiction entre les déclarations du beau-frère, prétendant qu’il dormait dans la chambre, et celle d’un témoin, qui avait allégué que c’était le recourant qui dormait dans la chambre, le beau-frère a expliqué qu’il dormait parfois dans la chambre, parfois dans le salon, que c’était libre et que chacun dormait où il voulait. Il a également confirmé qu’il ne passait pas tout son temps dans son trois-pièces car il avait lui aussi une amie, avec laquelle il avait eu deux enfants et chez laquelle il se rendait régulièrement pour les garder dès lors qu’il avait davantage de disponibilité, car il pouvait décider seul de ses horaires en qualité de chauffeur de taxi indépendant.
Madame I______, entendue à titre de renseignement, a confirmé qu’elle était l’épouse du recourant et qu’ils avaient « divorcé émotionnellement » mais avaient gardé le contact, en raison des enfants. Elle a confirmé qu’elle habitait dans la maison achetée en 2021, dont elle était copropriétaire avec le recourant et pour laquelle elle ne participait pas aux frais. Interrogée sur les raisons de cette acquisition intervenue en 2021, alors que le couple connaissait déjà des problèmes conjugaux, l’épouse a exposé que la maison avait été achetée avec le produit partiel de la vente de l’appartement dont le couple était déjà copropriétaire, en 2013 ou 2014, mais qui était devenu trop petit pour elle et ses cinq enfants. Elle confirmait que, depuis 2014, son mari ne vivait plus à la maison mais qu’il y passait le week-end et que, pendant le reste de la semaine, il disait vivre avec son frère C______, « d’après ce que je connais », ajoutant qu’elle n’était jamais allée le voir à Genève, mais que c’était bien chez son propre frère C______ qu’il était domicilié « officiellement ». Elle a ajouté que quand elle voulait joindre le recourant, elle l’appelait sur l’un de ses deux numéros de téléphone ou transmettait le message à son frère pour que le recourant la rappelle ensuite.
e. À l’issue de l’audience du 6 juin 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
f. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, l'acte de recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
3. Le litige porte sur le bien-fondé, ou non, de la décision sur opposition de l’intimé de nier le droit du recourant à l’indemnité de chômage depuis le premier jour contrôlé, soit dès le 28 août 2023, faute d’être domicilié en Suisse et plus précisément dans le canton de Genève.
4.
4.1 L'art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage. Conformément à l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l'art. 7 al. 2 let. a LACI, être sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), avoir subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), être domicilié en Suisse (let. c), avoir achevé sa scolarité obligatoire et n'avoir pas encore atteint l'âge donnant droit à une rente AVS et ne pas toucher de rente de vieillesse de l'AVS (let. d), remplir les conditions relatives à la période de cotisation ou en être libéré (let. e), être apte au placement (let. f) et satisfaire aux exigences de contrôle (let. g).
Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2). Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI ‑ RS 837.02), ainsi que – dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 et doctrine et jurisprudence citées) – par les instructions édictées par le Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin relatif à l'indemnité de chômage (ci-après : Bulletin LACI IC).
En lien avec la let. c de l’art. 8 LACI, l’art. 12 LACI – intitulé « étrangers habitant en Suisse » – dispose qu’en dérogation à l’art. 13 LPGA, les étrangers sans permis d’établissement sont réputés domiciliés en Suisse aussi longtemps qu’ils y habitent, s’ils sont au bénéfice soit d’une autorisation de séjour leur permettant d’exercer une activité lucrative soit d’un permis de saisonnier.
4.2 Ainsi, au regard du droit suisse, le droit à l’indemnité de chômage suppose que l’assuré soit domicilié en Suisse (art. 8 al. 1 let. c LACI ; cf. art. 12 LACI pour les étrangers habitant en Suisse). En matière d’assurance-chômage, sous l’empire de la LACI, la notion de domicile ne se détermine pas selon les critères du droit civil (arrêts du Tribunal fédéral 8C_658/2012 du 15 février 2013 consid. 3 et 8C_270/2007 du 7 décembre 2007 consid. 2).
Le droit à l’indemnité de chômage suppose la résidence effective en Suisse, ainsi que l’intention de conserver cette résidence pendant un certain temps et d’en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles (ATF 125 V 465 consid. 2a ; 115 V 448 consid. 1). Cette condition implique la présence physique de l’assuré en Suisse (dans le sens d’un séjour habituel), ainsi que l’intention de s’y établir et d’y créer son centre de vie (arrêt du Tribunal fédéral 8C_703/2017 du 29 mars 2018 consid. 2 et les références). La résidence en Suisse au sens de la LACI ne présuppose pas un séjour effectif ininterrompu sur le territoire suisse. La résidence habituelle en Suisse est suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_270/2007 du 7 décembre 2012 consid. 2.2).
L’exigence de la résidence effective en Suisse instaure une corrélation entre le lieu où les recherches d’emploi sont effectuées et celui où les conseils des professionnels du placement sont donnés ; elle favorise l’efficacité du placement ainsi que le contrôle du chômage et de l’aptitude au placement (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 9 ad art. 8 LACI).
Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 136 II 405 consid. 4.3 et la référence). Le fait d’avoir une adresse officielle en Suisse et d’y payer ses impôts n’est pas déterminant si d’autres indices permettent de conclure à l’existence d’une résidence habituelle à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral 8C_703/2017 du 29 mars 2018 consid. 2 et les références).
Pour pouvoir localiser le centre des intérêts personnels, il faut notamment chercher à savoir où se trouvent la famille, les amis, les activités professionnelles et sociales, le logement, le mobilier et les affaires personnelles. Les critères objectifs (tels que le lieu du logement et des activités professionnelles) doivent se voir reconnaître davantage de poids que les critères subjectifs, difficilement vérifiables (Boris RUBIN, op. cit., n. 10 et 11 ad art. 8 LACI).
Un séjour éphémère ou de pur hasard en Suisse, de même que l'occupation, dans ce pays, d'un pied-à-terre une à deux fois par semaine, ne suffisent pas à démontrer que la résidence est en Suisse. Par contre, un séjour prolongé permanent et ininterrompu n'est pas indispensable. Mais dans ce cas, un lien étroit avec le marché du travail suisse est exigé (arrêt 8C_270/2007du 7 décembre 2007 consid. 2.2 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 11 ad art. 8 LACI).
Les conditions de la résidence habituelle en Suisse et de l'autorisation de travailler doivent être remplies durant toute la période d'indemnisation (Boris RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 12 LACI ; Bulletin LACI IC, B135).
4.3 C’est à l’assuré de rendre vraisemblable qu’il réside en Suisse, en collaborant à l’établissement des faits dans la mesure où cela est exigible (Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l'emploi, 2019, n°124, p. 26).
5. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).
6.
En l’espèce, le recourant allègue qu’il est domicilié à Genève et qu’il a dans ce canton le centre de ses intérêts car il y a travaillé jusqu’en 2022, puis ensuite occasionnellement dans le cadre de missions temporaires. De surcroît, il est membre de deux associations genevoises. Il ajoute être propriétaire d’un véhicule immatriculé à Genève pour lequel il paye son assurance en Suisse ainsi que les primes de son assurance-maladie. Il utilise un téléphone mobile suisse, souscrit par son beau-frère et occasionnellement un téléphone mobile français. Il ajoute vouloir vivre à Genève et pouvoir y travailler pour assumer financièrement les besoins de sa famille.
L’OCE, de son côté, considère que le recourant n’a pas de domicile en Suisse, tout au plus un pied-à-terre à Genève, mais que le centre de ses intérêts est en France, où il est propriétaire d’une maison, d’un studio et où il est toujours domicilié, pour les autorités françaises, toujours marié à son épouse domiciliée en France et qui y vit avec ses cinq enfants, domiciliés et scolarisés en France.
6.1 Se fondant sur les pièces du dossier, la chambre de céans constate que les points de rattachement avec Genève sont les suivants :
- l’inscription auprès de l’OCPM, avec l’adresse à la rue D______ et le permis d’établissement ;
- le précédent employeur, dont le siège était à Genève, et les missions temporaires effectuées à Genève après l’inscription auprès de l’ORP, étant précisé que les employeurs se sont vraisemblablement fondés sur le permis d’établissement pour considérer que le recourant était domicilié à Genève ;
- la qualité de membre d’un club de football et d’une association des Marocains de Genève, étant précisé qu’il s’agit de formalités faciles à accomplir, qui n’impliquent pas forcément une participation régulière et active et pour lesquelles il n’existe pas de mécanisme de contrôle du domicile genevois. Dès lors, ces éléments ne peuvent pas être retenus comme déterminants pour étayer la version du recourant ;
- la possession d’un véhicule immatriculé à Genève, ce qui n’est pas non plus un élément déterminant car l’immatriculation d’un véhicule à Genève ne donne pas lieu à un contrôle effectif du domicile figurant sur le permis d’établissement ;
- il en est de même du contrat passé avec l’assurance juridique, avec l’assurance du véhicule immatriculé, ainsi qu’avec l’assurance-maladie, constituant tous des démarches qui s’accomplissent par correspondance et pour lesquelles la copie du permis d’établissement mentionnant l’adresse de la rue D______ est suffisante ;
- l’utilisation d’un téléphone mobile dont le détenteur est le beau-frère du recourant n’est pas de nature à renforcer les allégations de ce dernier, ce d’autant moins que le recourant admet être également titulaire d’un abonnement de téléphonie mobile français ;
- il en est de même pour les relations bancaires du recourant situées en Suisse, dès lors que ce dernier admet également être titulaire d’un compte auprès d’un établissement bancaire avec siège en France, utilisé pour le financement de son bien immobilier. De même, l’utilisation des facilités bancaires suisses par le recourant semble surtout se concentrer sur le prélèvement de montants en cash auprès des bancomats situés près de la frontière, comme l’admet lui-même le recourant ;
- s’agissant de l’appartement de la rue D______, le bail n’est pas établi au nom du recourant, son nom ne figure ni sur la porte, ni sur la boîte aux lettres, en dépit des problèmes que cela pose avec la Poste. Les déclarations du voisin ne sont pas déterminantes, celui-ci ayant lui-même admis qu’il s’était fondé sur l’adresse figurant sur le permis d’établissement que lui avait montré le recourant, qu’il n’avait rencontré qu’à quelques reprises. Les déclarations du beau-frère doivent être relativisées dans la mesure où ce dernier a admis qu’il n’était pas seulement le beau-frère du recourant, mais également son ami et que l’on peut craindre des déclarations opportunes, destinées à favoriser le recourant, ce d’autant plus qu’il est peu crédible de partager pendant dix ans son appartement avec un ami, sans jamais lui demander de participer financièrement aux charges fixes. Les déclarations de l’amie du recourant sont trop vagues, cette dernière n’ayant pénétré qu’à une seule reprise dans l’appartement et se fondant sur les déclarations du recourant pour en déduire ses activités et son domicile. Enfin, les déclarations de l’épouse sont empreintes de sincérité, mais cette dernière a clairement laissé entendre que les informations qu’elle fournissait provenaient du recourant, sans pouvoir confirmer qu’il était bel et bien domicilié à Genève, auprès de son frère.
6.2 Les points de rattachement avec la France sont les suivants :
- le recourant y est propriétaire non seulement de la maison familiale, mais également d’un studio, ce qui remet en question le motif qu’il a donné pour habiter avec son beau-frère, dès lors qu’il pouvait fort bien résilier le bail du studio dont il est propriétaire et y élire domicile, ce qu’il a peut-être fait, la chambre de céans n’ayant reçu aucun document démontrant l’existence du bail et du paiement régulier d’une location en faveur du recourant ;
- les enfants du recourant habitent en France et y sont scolarisés, raison pour laquelle il est peu crédible que le recourant souhaite regrouper sa famille à Genève pour y vivre ;
- selon les déclarations du recourant, il serait toujours domicilié en France où sa maison serait considérée comme résidence principale et où il perçoit, semble-t-il, une partie des allocations familiales. Ses déclarations selon lesquelles il a maintenu ce domicile uniquement pour permettre à ses enfants d’y être scolarisés manquent de crédibilité dès lors que si le recourant avait annoncé sa séparation d’avec son épouse et le fait que celle-ci restât domiciliée en France avec ses enfants, ces derniers auraient pu y être scolarisés sans qu’il soit nécessaire que le père soit obligatoirement domicilié en France.
En ce qui concerne l’enregistrement du domicile genevois du recourant auprès de l’OCPM, il sied de rappeler que selon la jurisprudence, cela constitue un indice qui ne saurait toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 136 II 405 consid. 4.3 et la référence). Le fait d’avoir une adresse officielle en Suisse et d’y payer ses impôts n’est pas déterminant si d’autres indices permettent de conclure à l’existence d’une résidence habituelle à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral 8C_703/2017 du 29 mars 2018 consid. 2 et les références).
À cet égard, le rapport établi par le service d’enquêtes ainsi que les déclarations du recourant lors de l’audience du 6 juin 2024 font état d’un grand nombre d’indices qui permettent à la chambre de céans de considérer que le recourant n’est pas parvenu à démontrer, au degré de la vraisemblance prépondérante, l’existence d’un domicile et d’une résidence effective à Genève.
Même si la chambre de céans ne peut pas écarter l’hypothèse selon laquelle le recourant dormirait occasionnellement dans l’appartement de la rue D______, ce dernier ne peut être considéré que comme un pied-à-terre, destiné uniquement à créer une adresse à Genève, aussi bien pour l’OCE que pour faciliter les formalités administratives courantes. À cet égard, on peut s’étonner que le nom du recourant n’apparaisse, ni sur la porte de l’appartement, ni sur la boîte aux lettres, alors même qu’il est conscient que cela pose des problèmes pour la délivrance du courrier par la Poste. Les explications qu’il a données en audience, selon lesquelles il ne voulait pas faire figurer son nom sur la porte ou sur la boîte aux lettres, de peur que la régie n’augmente le loyer de l’appartement au motif qu’il y aurait deux locataires au lieu d’un, peuvent être qualifiées de farfelues.
Partant, la chambre de céans considère que le recourant n’est pas domicilié en Suisse.
7. Il convient encore d’examiner si le recourant, qui a travaillé en Suisse et qui possède la nationalité française, peut, même s’il n’est pas domicilié en Suisse, déduire un droit aux prestations sur la base des règles de coordination européenne en matière d’assurance-chômage.
7.1 Jusqu'au 31 mars 2012, les Parties à l'Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 (ALCP ‑ RS 0.142.112.681), appliquaient entre elles le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (ci‑après : règlement n° 1408/71). Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l'Annexe II à l'ALCP avec effet au 1er avril 2012 en prévoyant, en particulier, que les Parties appliqueraient désormais entre elles le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des régimes de sécurité sociale, modifié par le règlement CE n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009. Le règlement n° 883/2004 (RS 0.831.109.268.1) – qui a donc remplacé le règlement n° 1408/71 – n'ouvre toutefois aucun droit pour la période antérieure à la date de son application (ATF 138 V 392 consid. 4.1.3) et l'examen du juge se limite (au plus tard) à la période précédant la décision sur opposition (ATF 128 V 315). Le présent litige doit donc être examiné à la lumière du règlement n° 883/2004 (cf. aussi art. 121 LACI).
7.2
7.2.1 Selon l’art. 64 §1 du règlement n° 883/2004, la personne en chômage complet qui satisfait aux conditions requises par la législation de l’État membre compétent pour avoir droit aux prestations et qui se rend dans un autre État membre pour y chercher un emploi conserve le droit aux prestations de chômage en espèces aux conditions et dans les limites indiquées ci-après :
a) avant son départ, le chômeur doit avoir été inscrit comme demandeur d’emploi et être resté à la disposition des services de l’emploi de l’État membre compétent pendant au moins quatre semaines après le début du chômage. Toutefois, les services ou institutions compétents peuvent autoriser son départ avant l’expiration de ce délai ;
b) le chômeur doit s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès des services de l’emploi de l’État membre où il se rend, être assujetti au contrôle qui y est organisé et respecter les conditions fixées par la législation de cet État membre. Cette condition est considérée comme remplie pour la période antérieure à l’inscription si le chômeur s’inscrit dans un délai de sept jours à compter de la date à laquelle il a cessé d’être à la disposition des services de l’emploi de l’État membre qu’il a quitté. Dans des cas exceptionnels, les services ou institutions compétents peuvent prolonger ce délai ;
c) le droit aux prestations est maintenu pendant une durée de trois mois à compter de la date à laquelle le chômeur a cessé d’être à la disposition des services de l’emploi de l’État membre qu’il a quitté, sans que la durée totale pour laquelle des prestations sont servies puisse excéder la durée totale des prestations auxquelles il a droit en vertu de la législation de cet État membre ; cette période de trois mois peut être étendue par les services ou institutions compétents jusqu'à un maximum de six mois ;
d) les prestations sont servies par l’institution compétente selon la législation qu’elle applique et à sa charge.
Conformément à l’art. 64 § 2 du règlement, si l’intéressé retourne dans l’État membre compétent à l’expiration ou avant la fin de la période pendant laquelle il a droit aux prestations en vertu du § 1, let. c), il continue à avoir droit aux prestations conformément à la législation de cet État membre. Il perd tout droit à des prestations en vertu de la législation de l’État membre compétent s’il n’y retourne pas à l’expiration ou avant la fin de cette période, sous réserve de dispositions plus favorables de cette législation. Dans des cas exceptionnels, les services ou institutions compétents peuvent autoriser l’intéressé à retourner à une date ultérieure sans perte de son droit.
7.2.2 Ainsi, un assuré bénéficiant d’un délai-cadre d’indemnisation en Suisse peut obtenir, durant trois mois au maximum, une exportation des prestations de chômage, en espèces, en cas de séjour dans un pays membre de l’UE/AELE en vue d’y rechercher un emploi. Conformément au but de l’exportation des prestations, l’assuré doit se rendre à l’étranger pour y rechercher un emploi et mettre fin à son chômage (Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l’emploi, n. 126 et 132, p. 27).
Le principe d’exportation des prestations prévu par les art. 64 du règlement (CE) 883/2004 et 55 du règlement (CE) 987/2009, appelé aussi « maintien des prestations », induit, durant la période d'exportation, la levée des clauses de résidence prévues en droit interne (en Suisse : art. 8 al. 1 let. c et 12 LACI). Ce principe institue donc un régime autonome, dérogatoire au droit interne, et correspond dès lors à une entorse à la stricte coordination (arrêt de la CJCE du 21 février 2002, Rydergård, C-215/00, point 18). Les règles en la matière doivent donc être interprétées de façon plutôt restrictive. À noter encore que l'exportation des prestations sert parfois d'aide au retour au pays. Durant la période d'exportation des prestations, la caisse suisse compétente continue de verser les prestations conformément à la législation suisse, tout en étant informée par le service de l'emploi étranger des faits influençant l'indemnisation, comme une prise d'emploi (mettant fin au chômage ou procurant un gain intermédiaire au sens de l'art. 24 LACI), un refus d'emploi, une incapacité de travail, etc. (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, n. 33 s. ad art. 121 LACI).
7.3
7.3.1 D’après l’art. 1 let. f du règlement n° 883/2004, le terme « travailleur frontalier » désigne toute personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre et qui réside dans un autre État membre où elle retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine.
Les personnes auxquelles le règlement n° 883/2004 est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre (art. 11 § 1 du règlement n° 883/2004). Selon l'art. 11 § 3 let. c du règlement n° 883/2004, la personne qui bénéficie de prestations de chômage conformément aux dispositions de l’art. 65, en vertu de la législation de l’État membre de résidence, est soumise à la législation de cet État membre.
En vertu de l’art. 65 du règlement n° 883/2004, la personne en chômage complet qui, au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée, résidait dans un État membre autre que l’État membre compétent et qui continue à résider dans le même État membre ou qui retourne dans cet État membre se met à disposition des services de l’emploi de l’État membre de résidence. Sans préjudice de l’art. 64, une personne en chômage complet peut, à titre complémentaire, se mettre à la disposition des services de l’emploi de l’État membre où elle a exercé sa dernière activité salariée ou non salariée. Une personne en chômage, autre qu’un travailleur frontalier, qui ne retourne pas dans l’État membre de sa résidence se met à la disposition des services de l’emploi de l’État membre à la législation duquel elle a été soumise en dernier lieu (§ 2). Le chômeur visé au § 2, 1ère et 2ème phr., bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de l’État membre de résidence, comme s’il avait été soumis à cette législation au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée. Ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence (§ 5 let. a). En outre, l’État d’emploi rembourse la totalité du montant des prestations servies durant les trois premiers mois d’indemnisation. Ce remboursement est toutefois limité au montant des prestations qu’il aurait servi sur son territoire (§ 6 1ère et 2ème phr.).
Il convient également de se référer au règlement n° 987/2009 qui prévoit, en son considérant 13, des mesures et des procédures destinées à favoriser la mobilité des travailleurs et des chômeurs. Les travailleurs frontaliers se trouvant au chômage complet peuvent se mettre à la disposition du service de l’emploi tant de leur pays de résidence que du pays où ils ont travaillé en dernier lieu. Toutefois, ils ne devraient avoir droit qu’aux prestations servies par l’État membre de résidence.
7.3.2 Dans un arrêt du 11 avril 2013 (C-443/11), la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que, par suite de l'entrée en vigueur du règlement n° 883/2004 (CE), les dispositions applicables en matière d'assurance-chômage (art. 65) ne devaient pas être interprétées à la lumière de l'arrêt Miethe (exceptionnellement, le travailleur frontalier au chômage complet peut également faire valoir son droit à des indemnités de chômage dans l'État où il a exercé sa dernière activité professionnelle, à condition qu’il ait conservé dans l'État du dernier emploi à la fois des liens personnels et des liens professionnels propres à lui donner les meilleures chances de réinsertion dans ce pays). S'agissant d'un travailleur frontalier se trouvant au chômage complet, qui a conservé avec l'État membre de son dernier emploi des liens personnels et professionnels tels qu'il dispose dans cet État des meilleures chances de réinsertion professionnelle, l'art. 65 doit être compris en ce sens qu'il permet à un tel travailleur de se mettre de manière complémentaire à la disposition des services de l'emploi dudit État non pas en vue d'obtenir dans ce dernier des allocations de chômage, mais uniquement aux fins d'y bénéficier des services de reclassement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2013 du 23 avril 2014 consid. 3.2.4 ; ATAS/909/2013 du 19 septembre 2013).
7.4 En l'occurrence, le recourant n’a pas annoncé à l'intimé sa résidence habituelle en France et il a, par ailleurs, continué à chercher un emploi en Suisse.
L'art 64 du règlement n° 883/2004 ne trouve dès lors pas application, cette disposition supposant, d'une part, la volonté de rechercher un emploi en France dans le but de mettre fin au chômage et, d'autre part, le respect d'un certain nombre d'incombances, telles que, notamment, l'inscription en tant que demandeur d'emploi en France et la soumission aux prescriptions de contrôle de Pôle Emploi (cf. dans ce sens Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, n. 36 ad art. 121 LACI), ce qui n'a pas été le cas de l’intéressé.
Par ailleurs, le recourant n’a jamais fait valoir être un travailleur frontalier, de sorte que l'art. 65 du règlement n° 883/2004 ne s’applique pas non plus.
Il est au demeurant relevé que, même s’il avait été un travailleur frontalier, il n’allègue en tout état de cause pas avoir sollicité des prestations de l’État de résidence, à savoir l’État français. Il n’est du reste pas établi qu’il aurait conservé dans l'État du dernier emploi – la Suisse – à la fois des liens personnels et des liens professionnels propres à lui donner les meilleures chances de réinsertion dans ce pays qu’en France (le pays de résidence).
Il ressort donc de ce qui précède que le recourant ne peut pas non plus déduire un droit aux prestations versées par la Suisse sur la base des règles de coordination européenne en matière d'assurance-chômage.
8.
8.1 À l’aune de ce qui précède, la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.
8.2 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le