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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/355/2024

ATAS/449/2024 du 13.06.2024 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/355/2024 ATAS/449/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 juin 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), de nationalité française, s’est inscrite auprès de l’office régional de placement (ci‑après : l'ORP) en date du 24 avril 2023, pour un placement immédiat selon un taux d’activité de 100%.

2.        Par décision du 1er septembre 2023, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l'OCE ou l'intimé) a nié le droit à l’indemnité de chômage de l’assurée et ceci dès le 24 avril 2023, au motif qu’elle ne remplissait pas la condition de la domiciliation en Suisse ; ladite décision mentionnait que le délai d’opposition était de 30 jours.

3.        L’assurée s’est opposée à la décision, par courrier posté le 10 novembre 2023, demandant notamment la « révision » de cette dernière.

4.        Par courrier du 13 novembre 2023, l’OCE a imparti à l’assurée un délai au 27 novembre 2023 afin que celle-ci fournisse les raisons pour lesquelles elle n’avait pas formé opposition dans le délai de 30 jours suivant la notification de la décision litigieuse, en date du 8 septembre 2023.

5.        Par courriel du 24 novembre 2023, l’assurée a expliqué avoir fait opposition à la décision du 1er septembre 2023 en mandatant Maître B______. Elle ajoutait que sa conseillère en personnel lui avait demandé, le 10 novembre 2023, d’adresser elle-même une opposition, dès lors qu’elle n’avait pas reçu celle formée par l’avocat mandaté par l’assurée.

6.        Par décision sur opposition du 18 décembre 2023, l’OCE a déclaré l'opposition irrecevable au motif qu'elle était tardive. En effet, l'assurée avait retiré la décision envoyée sous pli recommandé le 8 septembre 2023, selon le relevé « Track and trace » de la Poste ; dès lors, le délai de 30 jours était venu à échéance bien avant le 10 novembre 2023. L'assurée n'avait, en outre, aucun motif de restitution du délai, de sorte que l'opposition était irrecevable.

7.        Par courrier déposé au greffe de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) en date du 1er février 2024, l'assurée a recouru contre la décision sur opposition du 18 décembre 2023 en concluant, préalablement, à ce qu’il soit dit que l’opposition formée par Me B______ en date du 6 octobre 2023 était recevable, à ce que ce dernier soit entendu pour démontrer que l’opposition avait été faite en temps utile et enfin à ce qu’il soit ordonné à l’avocat de prouver par tout moyen utile la date exacte d’envoi de l’opposition du 6 octobre 2023. Elle a, notamment, joint à son recours un courrier daté du 8 octobre 2023, par lequel l’avocat faisait opposition à la décision du 1er septembre 2023.

8.        Par réponse du 29 février 2024, l’OCE a persisté dans la décision querellée au motif que le courrier d’opposition du 6 octobre 2023 n’avait jamais été reçu, que seule l’opposition du 10 novembre 2023 avait été reçue par l’OCE et que cette dernière était manifestement tardive.

9.        Par courrier du 6 mars 2024, la chambre de céans a fixé à l’assurée un délai au 28 mars 2024 pour répliquer.

10.    Par relance du 8 avril 2024, un nouveau délai échéant au 19 avril 2024 a été octroyé à l’assurée pour répliquer.

11.    Par courrier posté le 18 avril 2024, l’assurée a persisté dans les termes de son recours.

12.    Par courrier du 7 mai 2024, la chambre de céans a interpellé Me B______ ; tout en lui rappelant qu’en vertu de l'art. 32 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) cum l’art. 321 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), il n’était pas tenu de témoigner, la chambre de céans a demandé à l’avocat s’il pouvait fournir la preuve de la date de l’envoi de l’opposition du 6 octobre 2023.

13.    Par courrier du 3 juin 2024, l’avocat a informé la chambre de céans que l’assurée ne lui avait transmis aucun document, mais qu’elle l’avait « mis dans la boucle de plusieurs courriels au service juridique de l’OCE ». Le mandataire était de toute évidence en conflit avec l’assurée. En tout état, il n’a pas confirmé avoir envoyé un courrier d’opposition en date du 6 octobre 2023, ni fourni une preuve de l’envoi dudit courrier, tout en relevant le comportement « choquant » de l’assurée.

14.    Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La chambre de céans constate que le recours, interjeté en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA applicable à la présente espèce), est recevable à la forme.

3.        À ce stade de la procédure, le litige porte exclusivement sur la question de savoir si c'est à juste titre que l'intimé a qualifié l'opposition formée par l'assurée de tardive et l'a déclarée irrecevable.

4.        Selon l'art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les 30 jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues.

L’art. 38 al. 1er LPGA stipule que si le délai, compté par jours ou par mois, doit être communiqué aux parties, il commence à courir le lendemain de la communication. Selon l’art. 38 al. 3 LPGA, lorsque le délai échoit un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, son terme est reporté au premier jour ouvrable qui suit (cf. également art. 17 LPA). L’art. 38 al. 4 LPGA prévoit que les délais en jours ou en mois fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (let. a), du 15 juillet au 15 août inclusivement (let. b), du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (let. c). La suspension des délais selon la LPGA vaut pour les délais comptés par jours ou par mois, mais non pour les délais fixés par date. L’événement qui fait courir le délai peut survenir pendant la durée de la suspension ; dans ce cas, le délai commence à courir le premier jour qui suit la fin de la suspension. Pour calculer l’échéance du délai, on détermine d’abord la fin du délai en partant du jour de la communication, puis on ajoute le nombre de jours de suspension écoulés (ATF 131 V 314 consid. 4.6).

Conformément à l’art. 39 LPGA, les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l’assureur ou, à son adresse, à la Poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (al. 1er). Lorsqu’une partie s’adresse en temps utile à un assureur incompétent, le délai est réputé observé (al. 2).

En vertu de l’art. 40 al. 1 LPGA, le délai légal ne peut être prolongé. En effet, la sécurité du droit exige que certains actes ne puissent plus être accomplis passé un certain laps de temps : un terme est ainsi mis aux possibilités de contestation, de telle manière que les parties sachent avec certitude que l’acte qui est l’objet de la procédure est définitivement entré en force (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. 2, Berne 1991, p. 181).

Selon la jurisprudence, une décision ou une communication de procédure est considérée comme étant notifiée, non pas au moment où le justiciable en prend connaissance, mais le jour où elle est dûment communiquée ; s'agissant d'un acte soumis à réception, la notification est réputée parfaite au moment où l'envoi entre dans la sphère de puissance de son destinataire. Point n'est besoin que celui-ci ait eu effectivement en mains le pli qui contenait la décision. Il suffit ainsi que la communication soit entrée dans sa sphère de puissance de manière qu'il puisse en prendre connaissance (ATF 122 III 319 consid. 4 et les références ; GRISEL, Traité de droit administratif, p. 876 et la jurisprudence citée ; KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., n°704 p. 153 ; KÖLZ/HÄNER, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., n°341 p. 123). Lorsque la notification intervient par pli recommandé, elle est réputée parfaite lorsque l'intéressé ou toute personne qui le représente ou dont on peut légitimement penser qu'elle le représente (cf. ATF 110 V 37 consid. 3) a reçu le pli ou l'a retiré au guichet postal en cas d'absence lors du passage du facteur (ATFA non publié C 24/05 du 11 avril 2005, consid. 4.1).

5.        En l’espèce, il n'est pas contesté que la décision a été notifiée à l’assurée le 8 septembre 2023, ce qui ressort du relevé « Track and trace » de la Poste, tel que produit par l’intimé.

Force est de constater que l’opposition formée le 10 novembre 2023 n’est pas intervenue dans le délai légal. Par ailleurs, la recourante ne produit aucun élément démontrant que le courrier d’opposition du 6 octobre 2023, sur papier à en-tête de Me B______, a été adressé en temps utile à l’OCE, ce que ce dernier n’a pas non plus confirmé lors de son interpellation par la chambre de céans.

6.        Reste à examiner si une restitution de délai peut être accordée. Tel peut être le cas, de manière exceptionnelle, à condition que le requérant ait été empêché, sans sa faute, d’agir dans le délai fixé (art. 41 al. 1 LPGA) et pour autant qu’une demande de restitution motivée, indiquant la nature de l’empêchement, soit présentée dans les 30 jours à compter de celui où il a cessé. Il s’agit là de dispositions impératives auxquelles il ne peut être dérogé (Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération [JAAC] 60/1996, consid. 5.4, p. 367 ; ATF 119 II 87 consid. 2a ; ATF 112 V 256 consid. 2a).

En l'espèce, une restitution du délai de recours au sens de l'art. 41 al. 1 LPGA ne se justifie pas. En effet, la recourante semble invoquer un différend avec son avocat, ce qui ne constitue pas un motif légal qui l'aurait empêchée d'agir dans le délai et pouvant justifier une restitution du délai, dès lors qu’elle doit se voir imputer les actes, ou les omissions, de son mandataire.

En l'absence de motif valable de restitution de délai, c'est à juste titre que l'intimé a qualifié l'opposition d'irrecevable pour cause de tardiveté. Le recours doit donc être rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le