Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/463/2024 du 11.06.2024 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/2812/2023 ATAS/463/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 11 juin 2024 Chambre 2 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
AXA ASSURANCES SA
| intimé |
A. a. Le 14 février 2023, Monsieur A______ (ci-après : l'assuré, l'intéressé ou le recourant), né en 1970, domicilié dans le canton de Genève, professeur depuis 2016, au taux de 67% et sur la base d’un contrat de travail à durée indéterminée auprès de l’École internationale de Genève (ci-après : l’employeur), a fait l'objet d'une « déclaration de sinistre LAA » de la part de d’une société mandataire de l’employeur.
La date du sinistre indiquée était le 12 février 2023 à 11h30, et, selon les faits décrits qui s’étaient déroulés en Suisse, « l’assuré suivait une formation continue de karaté pour son travail. Après s’être agenouillé et relevé plusieurs fois, il a effectué un mouvement de karaté et a senti craquer son genou gauche (interne). Il souffre de fortes douleurs depuis ». La blessure consistait en « genou gauche : lésion ».
b. Dans le cadre de l'assurance-accidents obligatoire, l'assureur-accidents compétent, à savoir AXA Assurances SA (ci-après : AXA, la caisse ou l’intimée), a instruit le cas.
Le 16 février 2023, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, adressait à la caisse une « demande de garantie pour une hospitalisation de l’intéressé » en division privée auprès de la Clinique des Grangettes (ci-après : la clinique). La veille (15 février 2023) avait été envoyé à ce chirurgien orthopédiste un rapport d’IRM du genou gauche effectuée le même jour par le docteur D______, radiologue FMH. Le 16 février 2023, le Dr C______ transmettait, également, à la docteure E______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin traitante de l’assuré, un rapport dans lequel il concluait à une « lésion traumatique du ménisque médial du genou gauche justifiant une indication chirurgicale arthrosocopique (recte : arthroscopique) pour explorer et faire une suture méniscale médiale de son genou gauche ».
Les Drs E______ puis C______ ont établi des certificats d’arrêt de travail à 100% durant la période comprise entre le 13 février et 7 avril 2023 à tout le moins.
Dans un questionnaire rempli le 22 février 2023, l’assuré décrivait ainsi l’événement en cause : « Lors de mon stage de formation karaté Jeunesse et sport, après avoir fait un échauffement et divers exercices, j’ai senti un crack dans mon genou lors d’un mouvement et ai dû arrêter mon mouvement. Dès cet instant j’ai ressenti une vive douleur dans mon genou ». Il était répondu négativement à la question de savoir si quelque chose d’extraordinaire ou d’inattendu s’était produit. « Directement après l’événement », il n’avait pas pu reprendre « l’activité en cours ». Les douleurs étaient apparues la première fois « lors d’un mouvement de rotation en appuis sur la jambe gauche ». S’agissant de savoir comment les troubles avaient depuis lors évolué, « plus mon genou s’est refroidi et plus la douleur a augmenté ». Il était répondu « oui » à la question de savoir si une altération externe était perceptible à l’emplacement de la lésion, et « mon genou était un peu rouge et un peu enflé du côté où la douleur était ».
Dans un « rapport de la médecine des assurances » du 27 février 2023, le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, expert SIM et médecin-conseil d’AXA, concluait à une absence de lésion post-traumatique et de lésion corporelle assimilée à un accident, mais retenait une déchirure dégénérative de la corne postérieure du ménisque interne.
Le 28 février 2023, la Dre E______ remplissait le questionnaire « premier certificat médical LAA » et estimait que les symptômes actuels étaient causés par un accident.
c. Par décision du 1er mars 2023, AXA a nié tout droit à des prestations au titre de l'assurance-accidents obligatoire. En effet, l’événement décrit ne constituait pas un accident au sens de la loi, ni une lésion corporelle assimilée à un accident selon la loi car due de manière prépondérante à de l’usure ou de la maladie.
d. Le 3 mars 2023 et selon compte rendu opératoire du même jour, le Dr C______ a, au sein de la clinique, procédé à une arthroscopie du genou gauche du patient.
e. Par écrit du 9 mars 2023 sous la plume d’une société mandataire (ci-après : la société mandataire), l’intéressé a formé opposition contre la décision du 1er mars 2023 précitée, concluant à l’octroi de prestations de l’assurance-accidents obligatoire. Selon lui en effet, dans l’hypothèse improbable où la notion d’accident au sens de la loi était refusée à bon droit, on serait en tout état de cause en présence d’une lésion corporelle assimilée à un accident qui ne serait pas due de manière prépondérante à l’usure ou une maladie.
f. Par « appréciation du médecin-conseil » du 21 avril 2023, le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin-conseil de la société mandataire, a fait part de son désaccord avec l’appréciation du médecin-conseil de la caisse et a diagnostiqué une « lésion traumatique du ménisque médial du genou gauche ».
g. Dans un délai octroyé par la caisse pour rendre son opposition suffisamment motivée et après avoir reçu le dossier de celle-ci, l’assuré a, le 2 mai 2023, complété son opposition et a conclu à ce qu’AXA prenne en charge les suites de l’événement du 12 février 2023 et, à titre subsidiaire, à ce qu’elle mette en œuvre une expertise médicale pour trancher la question de la nature des troubles.
h. Dans un rapport « évaluation du dossier LAA » établi le 11 juin 2023, le médecin-conseil d’AXA a légèrement modifié sa position : l’atteinte au genou gauche de l’assuré (« lésion du ménisque interne ») était une lésion corporelle assimilée à un accident, mais cette lésion était « selon vraisemblance prépondérante dégénérative », et « le lien de causalité [était] au mieux possible et non pas probable ». Des ouvrages ou articles de la littérature médicale étaient cités.
i. Par décision sur opposition rendue le 11 juillet 2023, AXA a rejeté l’opposition de l’intéressé et a confirmé sa décision – initiale – du 24 février (recte : 1er mars) 2023.
B. a. Par acte du 8 septembre 2023, l’assuré, représenté par la société mandataire, a, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), interjeté recours contre cette décision sur opposition, concluant à son annulation et, cela fait, principalement à l’obligation faite à l’intimée de servir les prestation de l’assurance-accidents obligatoire, subsidiairement à la reprise de l’instruction par la caisse au sens des considérants.
Était produite une « appréciation du médecin-conseil » établie le 5 septembre 2023 par le Dr G______, considérant que l’affection du recourant était à prendre en charge par l’assurance-accidents obligatoire au titre de lésion corporelle assimilée à un accident. Ce chirurgien orthopédiste avait pris connaissance des ouvrages ou articles de la littérature médicale invoqués par le Dr F______ et la caisse, littérature que la société mandataire avait reçue le 29 août 2023 et qui figure également dans le dossier de la présente procédure de recours.
b. Par réponse du 28 septembre 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours.
c. Par réplique du 24 octobre 2023, le recourant a persisté dans les conclusions de son recours, ajoutant, dans ses conclusions, que l’intimée soit tenue de prendre en charge les frais d’établissement du rapport du Dr G______ du 5 septembre 2023 (CHF 1'200.-).
d. Le 10 novembre 2023, l’intimée a spontanément dupliqué, persistant dans sa position de rejet du recours et produisant un nouveau rapport « évaluation du dossier LAA » établi le 8 novembre 2023 par le Dr F______ et prenant position sur le dernier rapport du Dr G______.
e. Par écriture du 5 décembre 2023 – transmise pour information à la caisse le 7 décembre suivant –, le recourant a confirmé les conclusions de son recours.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA ‑ RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.
3. Interjeté dans la forme et le délai – de trente jours – prévus par la loi, le recours est recevable (art. 38 al. 4 et 56 ss LPGA et et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
4. Le litige porte sur la question de savoir si l’intimée doit prendre en charge, comme étant les suites d’un accident ou une lésion assimilée à un accident, l’atteinte ayant suivi le craquement du genou gauche du recourant survenu lors d’un exercice de karaté le 12 février 2023.
5.
5.1 Aux termes de l'art. 6 LAA, si la présente loi n’en dispose pas autrement, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle.
5.2 Est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).
5.2.1 La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable ; le caractère soudain de l'atteinte ; le caractère involontaire de l'atteinte ; le facteur extérieur de l'atteinte ; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.31 ; 129 V 402 consid. 2.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.1).
5.2.2 Suivant la définition même de l'accident, le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Pour admettre la présence d'un accident, il ne suffit pas que l'atteinte à la santé trouve sa cause dans un facteur extérieur. Encore faut-il que ce facteur puisse être qualifié d'extraordinaire. Cette condition est réalisée lorsque le facteur extérieur excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 134 V 72 consid. 4.1 ; 129 V 402 consid. 2.1). Pour des lésions dues à l'effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l'effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.1). Il n'y a pas d'accident, au sens de ce qui précède, lorsque l'effort en question ne peut entraîner une lésion qu'en raison de facteurs maladifs préexistants, car c'est alors une cause interne qui agit, tandis que la cause extérieure – souvent anodine – ne fait que déclencher la manifestation du facteur pathologique (ATF 116 V 136 consid. 3b).
Selon la jurisprudence, le critère du facteur extraordinaire extérieur peut résulter d'un « mouvement non coordonné ». Lors d'un mouvement corporel, l'exigence d'une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel d'un mouvement corporel est influencé par un empêchement « non programmé », lié à l'environnement extérieur. Dans le cas d'un tel mouvement non coordonné, l'existence du facteur extérieur doit être admise, parce que le facteur extérieur – la modification entre le corps et l'environnement extérieur – constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 précité consid. 3.2 et les références). On peut ainsi retenir à titre d'exemples de facteurs extérieurs extraordinaires le fait de trébucher, de glisser ou de se heurter à un objet (RAMA 2004 n° U 502 p. 184 consid. 4.1 ; RAMA 1999 n° U 345 p. 422 consid. 2b). Le Tribunal fédéral a, dans un arrêt récent, nié le facteur extraordinaire chez un assuré qui avait monté un petit escalier normal en tenant quelque chose à la main (arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2022 du 20 septembre 2022, in SVR 2023 UV n° 13 p. 40).
Pour les accidents survenus dans l'exercice du sport, l'existence d'un événement accidentel doit être niée lorsque et dans la mesure où le risque inhérent à l'exercice sportif en cause se réalise. Autrement dit, le caractère extraordinaire de la cause externe doit être nié lorsqu'une atteinte à la santé se produit alors que le sport est exercé sans que survienne un incident particulier (arrêts du Tribunal fédéral 8C_159/2023 précité consid. 3.3 ; 8C_410/2017 du 22 mars 2018 consid. 3.2). à titre d'exemples, le critère du facteur extérieur extraordinaire a été admis dans le cas d'une charge contre la balustrade subie par un hockeyeur (ATF 130 V 117 précité consid. 3), d'une réception au sol manquée par un gymnaste lors d'un « saut de carpe » (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 43/92 du 14 septembre 1992 consid. 3b, in RAMA 1992 n° U 156 p. 258), ou encore dans le cas d'un skieur dans un champ de bosses qui, après avoir perdu le contrôle de ses skis en raison d'une plaque de glace, aborde une nouvelle bosse qui le soulève et le fait retomber lourdement au sol (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 114/97 du 18 mars 1999, in RAMA 1999 n° U 345 p. 420). En revanche, il a été nié dans le cas d'un duel entre deux joueurs lors d'un match de basket-ball, lors duquel l'un est « touché » au bras tendu devant le panier par l'autre et se blesse à l'épaule en réagissant à cette action du joueur adverse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_835/2013 du 28 janvier 2014 consid. 5, in SVR 2014 UV n° 21 p. 67).
5.2.3 La preuve d'un accident causant des lésions touchant l'intérieur du corps est soumise à des exigences strictes, en ce sens que la cause immédiate de la blessure doit être établie dans des circonstances particulièrement évidentes. En général, un accident entraîne des lésions qui sont perceptibles de l'extérieur, et son absence constitue une probabilité accrue qu'elle est d'origine maladive (ATF 99 V 136 consid. 1). À cet égard, le facteur externe est un élément central (ATF 134 V 72 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225_2019 du 20 août 2019 consid. 3.4).
Lorsque la lésion se limite à une atteinte corporelle interne, qui pourrait également survenir à la suite d'une maladie, le mouvement non coordonné doit en apparaître comme la cause directe selon des circonstances particulièrement évidentes. Un accident se manifeste en règle générale par une lésion perceptible à l'extérieur. Lorsque tel n'est pas le cas, il est plus vraisemblable que l'atteinte soit d'origine maladive (arrêt du Tribunal fédéral 8C_693/2010 du 25 mars 2011 consid. 5.2).
5.3 En vertu de l'art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l'assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a) ; les déboîtements d'articulations (let. b) ; les déchirures du ménisque (let. c) ; les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e) ; les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; les lésions du tympan (let. h).
5.3.1 On précisera que l'art. 6 al. 2 LAA, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016, conférait au Conseil fédéral la compétence d'étendre la prise en charge par l'assurance-accidents à des lésions assimilables à un accident. L'ancien art. 9 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA ‑ RS 832.202), adopté sur la base de cette disposition, contenait la liste exhaustive des lésions corporelles assimilées à un accident pour autant qu'elles ne fussent pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. La liste des lésions énumérées par l'art. 6 al. 2 LAA dans sa nouvelle teneur est identique à celle auparavant contenue dans l'art. 9 al. 2 aOLAA.
Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 9 al. 2 aOLAA, pour que des lésions corporelles puissent être qualifiées de semblables aux conséquences d'un accident, seul le caractère extraordinaire de l'accident pouvait faire défaut, mais l'existence d'une cause extérieure était en revanche indispensable (cf. ATF 139 V 327 consid. 3.1). Dans son Message à l'appui de la révision de l'art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral a relevé que cette jurisprudence avait été source de difficultés pour les assureurs-accidents et d'insécurité pour les assurés. C'est pourquoi une nouvelle réglementation faisant abstraction de l'existence d'une cause extérieure a été proposée, conformément à la volonté du législateur à l'époque du message de 1976 à l'appui de la LAA. En cas de lésion corporelle figurant dans la liste, il y a désormais présomption que l'on est en présence d'une lésion semblable aux conséquences d'un accident, qui doit être prise en charge par l'assureur-accidents. Ce dernier pourra toutefois se libérer de son obligation s'il apporte la preuve que la lésion est manifestement due à l'usure ou à une maladie (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 30 mai 2008, FF 2008 4893 ; aussi arrêt du Tribunal fédéral 8C_13/2021 du 6 septembre 2021 consid. 2.2).
5.3.2 Dans un arrêt de principe du 24 septembre 2019 (ATF 146 V 51), le Tribunal fédéral a précisé que selon l'interprétation de l'art. 6 al. 2 LAA, l'application de cette disposition ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence relative à l'art. 9 al. 2 aOLAA. Cependant, la possibilité pour l'assureur-accidents de rapporter la preuve prévue par l'art. 6 al. 2 LAA impose de distinguer la lésion corporelle assimilée, d'une lésion corporelle figurant dans la liste due à l'usure et à la maladie à charge de l'assurance-maladie. Dans ce contexte, la question d'un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision de la LAA – notamment en raison de l'importance d'un lien temporel (couverture d'assurance ; compétence de l'assureur-accidents ; calcul du gain assuré ; questions juridiques intertemporelles).
En particulier, à teneur du même ATF 146 V 51, si aucun événement initial ne peut être établi, ou si seul un événement bénin ou anodin peut être établi, cela simplifie de toute évidence la preuve de la libération pour l'assureur-accident. En effet, l'ensemble des causes des atteintes corporelles en question doit être pris en compte dans la question de la délimitation, qui doit être évaluée avant tout par des médecins spécialistes. Outre l'état antérieur, les circonstances de la première apparition des troubles doivent également être examinées plus en détails (par exemple, un bilan traumatologique du genou est une aide utile pour l'évaluation médicale des blessures au genou, publié in BMS 2016 p. 1742 ss). Les différents indices qui parlent en faveur ou en défaveur de l'usure ou de la maladie doivent être pondérés d'un point de vue médical. L'assureur-accidents doit prouver, sur la base d'évaluations médicales probantes – au degré de la vraisemblance prépondérante – que la lésion en question est due de manière prépondérante à l'usure ou à la maladie, c'est-à-dire à plus de 50% de l'ensemble des facteurs en cause. Si la « palette des causes » se compose uniquement d'éléments indiquant une usure ou une maladie, il s'ensuit inévitablement que l'assureur-accidents a apporté la preuve de la « libération » et qu'il n'est pas nécessaire d'apporter des clarifications supplémentaires (consid. 8.2.2.1 et 8.6 ; aussi arrêt du Tribunal fédéral 8C_13/2021 précité consid. 2.2).
En définitive, toujours selon ledit ATF 146 V 51, dans le cadre de son devoir d'instruction (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l'assureur-accidents doit clarifier les circonstances exactes du sinistre à l'annonce d'une lésion selon la liste. Si celle-ci est imputable à un événement accidentel au sens de l'art. 4 LPGA, l'assureur‑accidents est tenu de verser des prestations jusqu'à ce que l'accident ne représente plus la cause naturelle et suffisante, c'est-à-dire que l'atteinte à la santé est fondée uniquement et exclusivement sur des causes autres qu'accidentelles (voir consid. 5.1 et 8.5). Si, en revanche, tous les critères de la définition de l'accident au sens de l'art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l'assureur-accidents est généralement responsable pour une lésion selon la liste selon l'art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, à moins qu'il puisse prouver que la lésion est principalement due à une usure ou maladie (consid. 9.1).
5.4 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 132 V 93 consid. 4 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).
5.4.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
5.4.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).
Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2021 du 24 février 2022 consid. 3.4).
Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes mêmes faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.6).
Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n'est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L'importance de l'examen personnel de l'assuré par l'expert n'est reléguée au second plan que lorsqu'il s'agit, pour l'essentiel, de porter un jugement sur des éléments d'ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s'avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d'un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).
En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
5.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
Par ailleurs, conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l'administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
6.
6.1 En l’espèce, selon l’intimée dans sa décision sur opposition querellée, il n’y a pas eu d’accident au sens de l’art. 4 LPGA, le 12 février 2023 lors des exercices de karaté. La caisse, suivant l’avis de son médecin-conseil le Dr F______, chirurgien orthopédiste, admet néanmoins l’existence d’une lésion assimilée à un accident, soit une déchirure du ménisque, selon l’art. 6 al. 2 let. c LAA, mais elle considère apporter la preuve que cette lésion est due de manière prépondérante à la maladie ou à l’usure, ce qui exclut une prise en charge de l’assurance-accidents obligatoire (cf. art. 6 al. 2 LAA a contrario).
Le recourant laisse ouverte la question de savoir s’il a subi le 12 février 2023 un accident au sens de l’art. 4 LPGA, même si l’on peut d’après lui « estimer qu’un mouvement mal coordonné est survenu ». En revanche, suivant l’avis du Dr G______, également chirurgien orthopédiste, ainsi que médecin-conseil de la société mandataire, il fait valoir que la déchirure de son ménisque gauche constitue une lésion assimilée à un accident, selon l’art. 6 al. 2 let. c LAA sans qu’une origine dégénérative soit établie.
6.2 Il ressort ce qui suit du dossier au plan médical.
6.2.1 Dans son rapport faisant suite à l’IRM du genou gauche réalisée le 15 février 2023 (soit trois jours après l’événement en cause), le Dr D______, radiologue FMH, conclut ainsi : « Données IRM du genou gauche illustrant une déchirure de la corne postérieure du ménisque interne. Petite déchirure du bord libre du segment moyen du ménisque externe. Discrète composante d’entorse et ligament collatéral interne. Kyste poplité ». Aucune conclusion quant à la nature accidentelle ou maladive de cette lésion ne ressort de ce rapport, qui ne permet pas d’exclure une nature accidentelle y compris sous l’angle de l’art 6 al. 2 let. c LAA.
Dans son rapport du 16 février 2023 – suivi sans réserves par la Dre E______, médecin généraliste traitante –, le Dr C______, chirurgien orthopédiste traitant, conclut à une « lésion traumatique du ménisque médial du genou gauche justifiant une indication chirurgicale arthrosocopique (recte : arthroscopique) pour explorer et faire une suture méniscale médiale de son genou gauche ». Cette conclusion fait suite à une anamnèse, dont il ressort notamment ce qui suit : « [Le patient] me décrit, lors d’un stage de karaté, avoir fait une flexion forcée et brutale de son genou droit (recte : gauche) occasionnant un claquage et une vive douleur médiale. Depuis, il décrit une gêne persistante au niveau du compartiment médial du genou droit (recte : gauche) associée à une boiterie. Ce patient n’a pas d’antécédent médico‑chirurgical particulier. Il n’a pas de tabagisme actif. Il est extrêmement sportif et fait de nombreux arts martiaux ainsi que du ski ». À l’examen clinique, le Dr C______ note, entre autres, une « excellente musculature », « aucune douleur fémoro-patellaire ni fémoro-tibial externe », et, « en médial », « une douleur élective à la palpation de l’interligne fémoro-tibiale interne avec des manœuvres méniscales médiales positives ».
6.2.2 Dans son rapport du 27 février 2023, sur la base des images de l’IRM du 15 février 2023, qu’il a consultées, le Dr F______ conclut à une absence de lésion post-traumatique et de lésion corporelle assimilée à un accident, mais retenait une déchirure dégénérative de la corne postérieure du ménisque interne.
6.2.3 De l’avis du Dr G______ dans son rapport du 21 avril 2023 – rendu après le prononcé le 1er mars 2023 de la décision initiale ainsi que l’arthroscopie du 3 mars 2023 –, premièrement, le mécanisme de l’événement du 12 février 2023 décrit, qu’il soit considéré comme accident ou non au sens de la LAA, est « un mécanisme typique pour provoquer une déchirure méniscale traumatique ("lors d’un mouvement de rotation en appui sur la jambe") ». Deuxièmement, le genou de l’intéressé ne présente aucune lésion dégénérative cartilagineuse, ni à l’IRM, ni constatée lors de l’intervention chirurgicale ; les cartilages sont à chaque fois décrits comme normaux ; il n’y a donc aucune maladie arthrosique, même minime, dans ce genou. Or, toujours d’après le Dr G______, pour qu’une lésion méniscale puisse être qualifiée de dégénérative, il faut que le reste du genou soit lui aussi un tant soit peu dégénératif, une lésion méniscale dégénérative s’accompagnant toujours de lésions dégénératives du cartilage, à savoir l’arthrose, mais ce n’est selon lui pas le cas de l’assuré.
6.2.4 Dans son rapport établi le 11 juin 2023, le Dr F______, médecin-conseil de la caisse modifie légèrement sa position : l’atteinte au genou gauche de l’assuré, une « lésion du ménisque interne », est une lésion corporelle assimilée à un accident selon l’art. 6 al. 2 LAA. Toutefois, selon des ouvrages ou articles de la littérature médicale cités, « les lésions isolées traumatiques des ménisques sont rares et en règle générale, les conséquences traumatiques sur les ménisques sont des « lésions associées à des dommages osseux et/ou ligamentaires ». En revanche, les lésions dégénératives à cette tranche d’âge sont très fréquentes et très souvent asymptomatiques. Les lésions dégénératives du ménisque se développent lentement et se présentent typiquement avec un clivage horizontal de la corne postérieure du ménisque dans la tranche d’âge du patient. Elles sont fréquentes pour la population générale et leur fréquence augmente avec l’âge. « Pour cette tranche d’âge les lésions dégénératives du ménisque sont calculées à 25% (sans arthrose). Quand il y a de l’arthrose, le taux de lésion méniscale arrive à 75%-95%. C’est-à-dire une lésion méniscale (qui manifeste le début de la dégénérescence d’un compartiment) peut très bien exister sans arthrose. Le contraire (arthrose sans lésion méniscale) est pratiquement impossible. L’IRM identifie typiquement un signal intraméniscal oblique horizontal qui communique avec la surface inférieure (NDR : figurent ensuite une photographie du ménisque gauche du recourant puis trois photographies de ménisque selon un des ouvrages cités). Comme déjà mentionné, les lésions méniscales isolées sont rares et habituellement associées à des lésions ligamentaires ou osseuses (NDR : fin des citations de littérature médicales). À l’IRM de l’assuré il n’y a aucune lésion ligamentaire, pas de contusion osseuse, pas d’œdème qui pourrait manifester un traumatisme récent ni d’épanchement articulaire. D’ailleurs il y a un kyste de Baker qui est typiquement associé à une lésion chronique et non pas aiguë. Si alors on prend en considération tous les éléments précités ainsi que le mécanisme de traumatisme décrit (flexion du genou habituelle lors d’un entraînement de karaté) chez ce patient de 53 ans, la lésion méniscale est selon vraisemblance prépondérante dégénérative. Le lien de causalité est au mieux possible et non pas probable ».
C’est sur la base de ce rapport, notamment, que l’intimée a, par sa décision sur opposition querellée, confirmé son refus de prise en charge des suites de l’événement du 12 février 2023 au titre de l’assurance-accidents obligatoire, étant précisé que ledit rapport était annexé à cette décision sur opposition.
Au surplus, figurent au dossier de l’intimée des copies de trois des quatre ouvrages ou articles cités par le Dr F______, plus celles d’un autre ouvrage, écrit en allemand, de même que l’article « Les ménisques de l’articulation du genou et leur prise en compte par la médecine des assurances » écrit le 30 juin 2022 par H______ pour la SUVA Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA ; consultable sur internet sous https://www.suva.ch/fr-ch/accident/pour-les-fournisseurs-de-prestations/suva-medical/publications/2022/juin/menisques-de-l-articulation-genou-medecine-assurances).
6.2.5 Dans son rapport du 5 septembre 2023 annexé à la réplique du recourant, le Dr G______ relève que celui-ci ne présente aucun antécédent au genou gauche et confirme le diagnostic de « lésion traumatique du ménisque médial du genou gauche ». Selon lui, le Dr F______ n’a pas tenu compte de tous les passages pertinents des articles et ouvrages cités. En particulier, concernant l’assertion de celui-ci selon laquelle « les lésions isolées traumatiques des ménisques sont rares et en règle générale, les conséquences traumatiques sur les ménisques sont des « lésions associées à des dommages osseux et/ou ligamentaires », l’ouvrage cité par le médecin-conseil de la caisse considère que les lésions isolées du ménisque sont certes rares, mais qu’elles existent néanmoins notamment dans les situations d’un mouvement de rotation/flexion puis extension du genou avec pied fixé (au sol par exemple), ce qui est (selon le Dr G______) exactement le cas de l’intéressé, lequel a indiqué le 22 février 2023 que les douleurs sont apparues la première fois « lors d’un mouvement de rotation en appuis sur la jambe gauche » ; le Dr G______ remet en outre en doute le caractère isolé et dégénératif de la lésion du ménisque gauche en l’occurrence, le rapport du radiologue du 15 février 2023 montrant d’après lui qu’« il existe une lésion concomitante de l’appareil capsulo-ligamentaire interne, sous forme d’un étirement ligamentaire modéré, ainsi qu’une épanchement articulaire modéré, contrairement à ce qu’affirme en fin de rapport le [Dr F______] ("sur l’IRM de l’assuré il n’y a aucune lésion ligamentaire, …, ni d’épanchement articulaire") » (texte cité du rapport du 5 septembre 2023). Par ailleurs, en lien avec les affirmations du Dr F______ relatives aux prévalences selon les tranches d’âge et les situations sans ou avec arthrose, le Dr G______ émet des critiques et procède à un développement avec une référence à l’article de littérature médical cité par ledit médecin-conseil de la caisse, et conclut ainsi sur ce point s’agissant du recourant : « On voit donc au vu de tout cela que pour un patient qui n’a pas eu de lésion du genou au préalable (opérée ou non), qui n’a aucune arthrose, qui n’a eu aucun symptôme dans les mois précédents, le taux de prévalence d’une lésion méniscale non diagnostiquée est minime, très loin certainement des 25% cités par le [Dr F______] ». Comme conclusion générale, le Dr G______ considère que celui-ci est bien loin de démontrer que la déchirure du ménisque présentée par l’assuré serait « due de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie », de sorte que ce cas est, de l’avis du Dr G______, à la charge de l’assurance‑accidents obligatoire au titre de l’art. 6 al. 2 LAA.
6.2.6 Dans son rapport du 8 novembre 2023 produit par l’intimée à l’appui de sa duplique, le Dr F______ rétorque ce qui suit aux dernières prises de position du Dr G______. Les images de l’IRM (NDR : il y en a une seule) qu’il a reproduites dans son rapport du 11 juin 2023 montrent selon lui clairement une lésion de type IIIb « Grade 3 : hypersignal horizontal atteignant un bord libre du ménisque ». Il cite d’un article paru dans la Revue médicale suisse 2017 et intitulé « Faut-il opérer les lésions dégénératives du ménisque ? » ce qui suit : « Cet hypersignal correspond à une dégénérescence mucoïde concomitante à une altération de la structure micro- et macroscopique du ménisque témoignant d’une diminution de sa fonction ». Le médecin-conseil de l’intimée en conclut que c’est précisément le cas de l’intéressé. D’après lui, « la présence d’arthrose est, bien entendu, fortement suggestive d’une lésion méniscale mais les lésions méniscales peuvent très bien être présentes sans arthrose étant donné qu’elles se développent habituellement avant l’arthrose et contribuent au développement de l’arthrose ». À l’assertion du Dr G______ selon laquelle il y a eu un mécanisme typique de torsion-flexion qui provoque une lésion traumatique du ménisque, le Dr F______ répond qu’une lésion méniscale dégénérative « peut apparaître après un traumatisme mineur ou être déclenchée lors des mouvements de torsion ou d’accroupissement », puis, citant des articles de littérature médicale, il estime que « l’assuré n’a pas eu un traumatisme avec l’énergie nécessaire ni une chute susceptible de déchirer son ménisque ». Par ailleurs, le médecin-conseil de la caisse conteste l’affirmation de celui de la société mandataire selon laquelle l’assuré n’aurait aucune maladie arthrosique même minime ; en effet, d’après le Dr F______, « sur l’IRM effectuée quelques jours après l’événement on retrouve un kyste poplité qui est impossible de se développer dans 3 jours » ; citant un autre article, paru dans la Revue médicale suisse 2014 (« Kystes poplités : approches étiologique et thérapeutique »), il énonce que, « chez l’adulte, le kyste poplité est secondaire à toutes pathologies entraînant une synovite ou une augmentation de volume du liquide synovial telles que la polyarthrite rhumatoïde, l’arthrose et les lésions méniscales ».
6.3
6.3.1 Cela étant, on constate tout d’abord que la conclusion du Dr F______, médecin-conseil de la caisse, selon laquelle, en substance, l’atteinte litigieuse de l’intéressé, une déchirure du ménisque au sens de l’art. 6 al. 2 let. c LAA, est due de manière prépondérante à la maladie ou à l’usure, ne repose pas sur un examen clinique, mais seulement sur un examen du dossier, y compris de l’IRM effectuée le 15 février 2023.
Or il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré.
Dans le cas présent, le dossier ne contient aucune appréciation médicale reposant sur un examen personnel du recourant et retenant une cause dégénérative prépondérante à l’atteinte en cause. En particulier, alors que le rapport du radiologue du 15 février 2023 ne se prononce pas clairement sur l’origine de ladite atteinte, les autres médecins – à l’exception du médecin-conseil F______ – considèrent celle-ci comme d’origine non dégénérative et comme relevant donc de la LAA.
6.3.2 En outre, ladite conclusion du médecin-conseil de l’intimée est fondée en grande partie sur des facteurs généraux, à savoir que les lésions méniscales isolées seraient, à l’âge du recourant, rares et habituellement associées à des lésions ligamentaires ou osseuses, de nature dégénérative, très souvent asymptomatiques.
Ces considérations, abstraites et théoriques, sont insuffisantes pour exclure l’éventualité d’une cause traumatique (même si celle-ci serait moins fréquente que celle dégénérative) et pour conclure, dans le présent cas concret, à une cause relevant de manière prépondérante de l'usure ou d’une maladie et donc à une absence d’accident ou de lésion assimilée à un accident (cf., par analogie, concernant la détermination du délai du retour au statu quo sine en lien avec le lien de causalité d’une atteinte avec un accident, arrêts du Tribunal fédéral 8C_481/2019 du 7 mai 2020 consid. 3.4 ; 8C_97/2019 du 5 août 2019 consid. 4.3.1. et 4.3.2 ; 8C_473/2017 du 21 février 2018 consid. 5).
6.3.3 Les autres considérations du Dr F______, reposant sur des éléments concrets du dossier médical de l’assuré, selon lesquelles l’IRM du 15 février 2023 montrerait une lésion de type IIIb « Grade 3 : hypersignal horizontal atteignant un bord libre du ménisque » de nature dégénérative et que le kyste poplité – ou de Baker – relevé par le radiologue ne pourrait qu’être aussi de nature dégénérative, sont contestées de manière circonstanciée par le Dr G______, certes également uniquement sur la base du dossier et non d’un examen clinique.
Aucun élément ne permet de retenir la valeur probante des appréciations et conclusions de l’un de ces deux spécialistes plutôt que de l’autre.
Dans ces circonstances, les rapports du Dr G______, qui confirment ceux des médecins traitants concernant une origine traumatique, laissent subsister des doutes quant à la fiabilité et la pertinence des appréciations et de la conclusion du médecin-conseil de la caisse.
6.3.4 Au demeurant, certains éléments concrets du dossier pourraient le cas échéant plaider en faveur d’une cause relevant dans une certaine mesure d’un accident ou d’une lésion assimilée à un accident : en particulier, absence d’antécédent au niveau du genou, très bonne condition physique initiale de l’assuré selon le chirurgien orthopédiste traitant et caractère soudain du craquement qui a été suivi des fortes douleurs au genou gauche qui ont été les premiers symptômes de la lésion du ménisque en cause.
6.4 Ainsi, au regard de l'ensemble des éléments figurant au dossier et sous l’angle de l’art. 6 al. 2 let. c LAA, l’intimée n’a en l’état pas apporté la preuve que la lésion du ménisque en cause est manifestement due de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie, de sorte que des clarifications complémentaires apparaissent nécessaires.
6.5 Conformément à la jurisprudence citée plus haut, un renvoi à l'administration reste possible quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici.
En l'occurrence, l'intimée s'est contentée jusqu'à présent de recevoir des rapports des médecins traitants et du Dr G______, d'en critiquer les conclusions ainsi que de conclure que la lésion en cause est due de manière prépondérante à la maladie ou à l’usure, via son médecin-conseil, qui n’a pas effectué d’examen clinique et dont la valeur probante des appréciations est en l'état insuffisamment établie. Elle n’a ainsi pas pris les mesures d’instruction nécessaires ni recueilli les renseignements dont elle a besoin (cf. art. 43 al. 1, 1ère phr., LPGA a contrario), mais elle a laissé très peu instruite la question – centrale pour l’instant et préalable aux autres questions – de savoir si la lésion du ménisque survenue le 12 février 2023 a ou non été causée par un accident au sens des art. 6 al. 1 LAA et 4 LPGA et/ou constitue une lésion assimilée à un accident au sens de l’art. 6 al. 2 let. c LAA ou est de manière prépondérante d’origine dégénérative.
La cause lui sera en conséquence renvoyée pour instruction complémentaire approfondie puis nouvelle décision.
Cette instruction complémentaire analysera non seulement le cas sous l’angle de l’art. 6 al. 2 LAA mais également sous celui des art. 6 al. 1 LAA et 4 LPGA en examinant de la manière la plus précise possible le déroulement des mouvements qui ont conduit aux douleurs et symptômes au genou gauche lors des exercices de karaté du 12 février 2023, étant donné qu’un accident au sens de l’art. 4 LPGA, sous forme éventuellement de « mouvement non coordonné » par exemple, ne peut en l’état pas être totalement exclu.
Ladite instruction complémentaire comprendra à tout le moins une expertise au plan orthopédique (cf. art. 44 LPGA).
Si un accident ou une lésion assimilée à un accident étaient retenus au plan médical, l’évolution de l’état de santé du recourant en lien avec l’événement du 12 février 2023 ainsi que ses éventuels effets en matière de traitements et de capacité de travail devront aussi être examinés.
7. Vu ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision sur opposition querellée sera annulée et la cause sera renvoyée à l'intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.
8.
8.1 Le recourant obtenant gain de cause sur ses conclusions subsidiaires, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
8.2 Par ailleurs, les conclusions de la réplique (du 24 octobre 2023) du recourant contiennent la demande de prise en charge par l’intimée des frais d’établissement du rapport du Dr G______, médecin-conseil de la société mandataire, du 5 septembre 2023.
Les frais occasionnés par les mesures d'instruction indispensables à l'appréciation du cas sont pris en charge par l'assureur (cf. art. 45 al. 1 LPGA). Tel est notamment le cas lorsque l'état de fait médical ne peut être établi de manière concluante que sur la base de documents recueillis et produits par la personne assurée, si bien que l'on peut reprocher à l'assureur de n'avoir pas établi, en méconnaissance de la maxime inquisitoire applicable, les faits déterminants pour la solution du litige (ATF 115 V 62 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_136/2012 du 20 août 2012 consid. 5 ; I 1008/06 du 24 avril 2007 consid. 3.1). Les frais d'expertise privée peuvent être inclus dans les dépens mis à la charge de l'assureur social lorsque cette expertise était nécessaire à la résolution du litige (ATF 115 V 62 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_523/2022 du 30 mars 2023 consid. 7.2 ; 9C_519/2020 du 6 mai 2021 consid. 2.2).
En l’occurrence, dès lors que le rapport du Dr G______ en question, reposant notamment d’une analyse du cas et d’une étude d’articles et ouvrages de littérature médicale, pour un montant (CHF 1'200.-) qui n’a pas été contesté par la caisse, a constitué un élément déterminant pour l'issue du litige car étant le seul à remettre en doute de manière circonstanciée les appréciations et conclusions du médecin-conseil de l’intimée, ladite demande de prise en charge doit être admise.
8.3 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet partiellement.
3. Annule la décision sur opposition rendue le 11 juillet 2023 par l'intimée.
4. Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.
5. Alloue au recourant une indemnité de dépens de CHF 2'500.-, à la charge de l'intimée.
6. Met les frais du rapport du docteur G______ du 5 septembre 2023 de CHF 1’200.-, selon la note d’honoraires du 8 septembre 2023, à la charge de l’intimée.
7. Dit que la procédure est gratuite.
8. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Christine RAVIER |
| Le président
Blaise PAGAN |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le