Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/452/2024 du 13.06.2024 ( AI )
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1764/2024 ATAS/452/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt incident du 13 juin 2024 Chambre 6 |
En la cause
A______ représenté par Me Thierry ULMANN, avocat
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. Par décision du 23 avril 2024, l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a réduit l’allocation pour impotent (ci-après : API) alloué à l’enfant A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 2013, d’un degré moyen à un degré faible. La décision indique qu’elle entre en vigueur après écoulement du délai de recours.
b. Le 24 mai 2024, l’assuré, représenté par sa mère, elle-même représentée par un avocat, a recouru à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à son annulation et à l’octroi d’une API de degré moyen depuis le 1er février 2024. Préalablement, elle a requis la restitution de l’effet suspensif au recours. Le recours ne paraissait pas, a priori, dépourvu de chances de succès et la décision litigieuse la plaçait dans une situation économique désastreuse. En particulier, elle contestait que l’assuré soit autonome pour les actes de manger, se vêtir, se dévêtir, se lever, s’assoir et se coucher, ainsi qu’aller aux toilettes.
Elle a notamment communiqué un rapport du 21 mai 2024 de la docteure B______, médecin cheffe de clinique au centre de consultation spécialisé en autisme, selon lequel l’assuré nécessitait la présence de sa mère pour s’habiller, se laver, manger, se lever et se coucher, ainsi qu’aller aux toilettes.
c. Le 6 juin 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours et de la demande de restitution de l’effet suspensif, au motif qu’une enquête à domicile du 22 février 2024 concluait à un besoin d’aide de l’assuré uniquement pour deux actes ordinaires la vie.
Figure au dossier de l’OAI, un rapport d’enquête concernant l’impotence et le degré d’assistance du 26 février 2024 mentionnant que l’assuré est autonome pour se vêtir et se dévêtir, se lever, s’assoir et se coucher, manger et aller aux toilettes, mais pas pour se laver, ni pour entretenir des contacts sociaux et se déplacer à l’extérieur.
Figure en outre au dossier un questionnaire pour la révision de l’API du 13 septembre 2023, rempli par la mère de l’assuré.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [(LPA-GE - E 5 10)].
2. Le recourant a conclu préalablement à la restitution de l’effet suspensif au recours.
2.1 À teneur de l’art. 49 al. 5 LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2021, dans sa décision, l’assureur peut priver toute opposition ou tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces. Les décisions ordonnant la restitution de prestations versées indûment sont exceptées.
Ces principes s’appliquent également aux décisions sur opposition (cf. art. 52 al. 4 LPGA entré en vigueur le 1er janvier 2021).
Selon le message du Conseil fédéral du 2 mars 2018 concernant la modification de la LPGA (FF 2018 1597), l’art. 49 al. 5 LPGA correspond à l’ancien art. 97 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, qui s’appliquait par analogie à l’assurance-invalidité et aux prestations complémentaires (cf. art. 66 LAI et 27 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires du 6 octobre 2006 [LPC – RS 831.30] dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020), et selon la jurisprudence, également par analogie à l’assurance-chômage et à l’assurance-maladie. Il était alors possible, par une application étendue de l’art. 55 al. 2 de la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA - RS 107.021) en relation avec l’art. 55 al. 1 LPGA, de priver de l’effet suspensif tout recours éventuel contre une décision qui ne portait pas sur une prestation en espèces. De plus, conformément à la jurisprudence et à la majorité de la doctrine, mais contrairement à la lettre de la loi, seule une décision qui engageait son destinataire à une prestation en espèces était considérée comme une décision portant sur une prestation en espèces. Par conséquent, les décisions d’octroi de prestations des assurances sociales ne constituaient pas des décisions portant sur une prestation en espèces au sens de la PA. Si une prestation en espèces (durable ou non) était interrompue ou réduite, l’effet suspensif pouvait donc être retiré. Le Conseil fédéral a estimé que pour prévenir tout flou juridique dans ce domaine – puisqu’il est courant, dans les assurances sociales, de qualifier de prestations en espèces des prestations comme les rentes, les indemnités journalières, l’allocation pour impotent, etc. (cf. à ce sujet la définition des prestations en espèces à l’art. 15 LPGA) –, il était nécessaire d’élaborer une base légale claire pour toutes les assurances sociales soumises à la LPGA. La nouvelle réglementation assure ainsi la sécurité juridique et elle est essentielle, notamment en lien avec la règle relative à la suspension des prestations à titre provisionnel prévue par le nouvel art. 52a LPGA, entré en vigueur le 1er janvier 2021. La pratique fondée sur l’ATF 130 V 407, qui n’autorise pas le retrait de l’effet suspensif en cas de créances en restitution de prestations indûment perçues, n’est en revanche pas modifiée en vertu de cette harmonisation de la LPGA (cf. art. 49 al. 5 2e phrase LPGA).
Les dispositions de la PA continuent à s’appliquer pour les questions liées à l’effet suspensif qui ne sont pas réglées par l’art. 49 al. 5 LPGA (cf. art. 55 al. 1 LPGA). Le juge saisi du recours peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré ; la demande de restitution de l’effet suspensif étant traitée sans délai, conformément à l'art. 55 al. 3 PA.
2.2 Selon la jurisprudence, le retrait de l’effet suspensif est le fruit d’une pesée des intérêts qui s’inscrit dans l’examen général du principe de la proportionnalité, lequel exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 et la référence).
La possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération ; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).
L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3 et les références). La jurisprudence a également précisé que le retrait de l'effet suspensif prononcé dans le cadre d'une décision de diminution ou de suppression de rente à la suite d'une procédure de révision couvrait également la période courant jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit rendue après le renvoi de la cause par le tribunal cantonal des assurances pour instruction complémentaire, pour autant que la procédure de révision n'a pas été initiée de façon abusive (ATF 129 V 370 consid. 4 ; voir également arrêts du Tribunal fédéral 9C_ 846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 7.1 et 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3).
3. En l’espèce, les pièces au dossier ne permettent pas de retenir que, selon toute vraisemblance, le recourant obtiendra gain de cause. En effet, la décision de réduction de l’API se fonde sur un rapport d’enquête à domicile du 26 février 2024 et les éléments soulevés dans le rapport médical de la Dre B______, du 21 mai 2024, ne permettent pas d’infirmer les conclusions du rapport d’enquête, ce d’autant que celles-ci prennent en compte les renseignements donnés par la mère du recourant dans le questionnaire pour la révision de l’API du 13 septembre 2023, lequel mentionne que l’assuré a besoin de l’aide ponctuelle de sa mère mais s’habille et se déshabille seul, se lève, s’assoit, se couche et va aux toilettes sans aide et arrive à manger seul, tout en présentant une alimentation sélective.
Au demeurant, la requête en restitution de l’effet suspensif au recours sera rejetée et la suite de la procédure réservée.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE
1. Rejette la requête en restitution de l’effet suspensif au recours.
2. Réserve la suite de la procédure.
3. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le