Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/417/2024 du 30.05.2024 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/78/2023 ATAS/417/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 30 mai 2024 Chambre 3 |
En la cause
A______ représenté par Me Philippe GORLA, avocat
| recourant |
contre
SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1961, a travaillé dès juin 2020 en qualité de plâtrier-plaquiste.
A ce titre, il était assuré contre le risque d’accident auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : la SUVA).
b. Le 9 juin 2021, l’assuré a été victime d’un accident sur un chantier. Selon une déclaration de sinistre du 14 juin 2021, il transportait sur un chariot des plaques lourdes, qui ont glissé sur ses jambes dans une rampe, ce qui a entraîné des contusions à sa jambe.
Une radiographie de la jambe gauche réalisée le jour de l’accident n’a révélé aucune fracture, mais une ossification de la membrane interosseuse du tiers inférieur de la jambe gauche d’apparition récente. Un arrêt de travail complet a été prescrit à l’assuré jusqu’au 11 juin 2021.
Dans un rapport établi le 14 septembre 2021, la doctoresse B______ a mentionné un trauma de la jambe gauche et un œdème, ainsi qu’une douleur prétibiale avec des dermabrasions du membre inférieur gauche lors des premiers soins, dispensés le 9 juin 2021. Le diagnostic était celui de contusion tibiale gauche.
c. Par courriel du 29 juillet 2021, l’employeur a indiqué à la SUVA que l’assuré était parti en vacances du 28 juin au 19 juillet 2021.
d. La doctoresse C______ a attesté une nouvelle incapacité de travail totale du 21 au 23 juillet 2021.
Cette incapacité a ensuite été régulièrement prolongée par les médecins traitants de l’assuré, notamment par la doctoresse D______, spécialiste FMH en médecine interne.
e. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) de la jambe gauche a mis en évidence le 4 août 2021 une ossification de la région interosseuse tibio-fibulaire inférieure et une image cicatricielle d’un cal osseux post-traumatique de la membrane interosseuse.
Une échographie de l’épaule gauche réalisée le même jour a révélé un aspect compatible avec une rupture transfixiante du supra-épineux, pouvant justifier une arthro-IRM.
f. Dans un rapport du 12 août 2021, la Dresse D______ a mentionné un cal osseux post-traumatique et une membrane interosseuse du tibia de la jambe gauche. Lorsqu’elle avait vu l’assuré pour la première fois le 2 août 2021, puis le 13 août 2021, celui-ci souffrait encore de douleurs avec hyperesthésie, ce qui compliquait son travail de plâtrier.
g. Dans un rapport du 17 septembre 2021, la Dresse D______ a diagnostiqué une lésion transfixiante du sus-épineux de l’épaule gauche. Une arthroscopie était prévue. La fracture (sic) de la membrane interosseuse tibiale allait beaucoup mieux.
h. Dans un rapport du 2 septembre 2021, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a diagnostiqué une lésion subtotale du tendon sus-épineux et une suspicion clinique d’une lésion partielle sous-scapulaire de l’épaule gauche. Il préconisait une suture tendineuse sous arthroscopie. Dans l’anamnèse, il notait qu’à la suite de l’accident du 9 juin 2021, l’assuré s’était surtout plaint de douleurs à la jambe gauche, lors de sa prise en charge aux urgences. L’épaule gauche était également douloureuse, mais de manière moins importante. Par la suite, les douleurs de la jambe s’étaient estompées, mais la douleur de l’épaule avait peu à peu augmenté.
i. Le 24 septembre 2021, le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a conclu à une rupture massive de la coiffe de l’épaule gauche, dont l’origine était probablement liée à des surcharges chroniques de cette articulation. Selon lui, la causalité avec l’accident était possible, sans plus.
j. Une IRM de l’épaule gauche réalisée le 6 octobre 2021 par le docteur G______, spécialiste FMH en radiologie, a révélé un conflit sous-acromial associé à une lésion transfixiante insertionnelle externe du tendon du supra-épineux, avec un œdème plurifocal suggérant une lésion vraisemblablement post-traumatique à corréler avec l’anamnèse, une arthrose acromio-claviculaire sévère, et une bonne trophicité musculaire.
k. Par décision du 9 novembre 2021, la SUVA a nié à l’assuré le droit à des prestations dès le 21 juillet 2021, faute de lien de causalité vraisemblable entre les troubles de l’épaule gauche et l’évènement du 9 juin 2021.
l. Le 9 décembre 2021, l’assuré s’est opposé à cette décision en se référant au rapport d’IRM d’octobre 2021 évoquant une lésion vraisemblablement post-traumatique. Il faisait grief à la SUVA de n’avoir pas investigué le rapport de causalité entre cette lésion et l’accident.
Dans son complément d’opposition du 29 juin 2022, l’assuré a exposé que, lors de l’accident, il poussait un chariot transportant des planches qui s’était bloqué et que les planches avaient basculé. Il avait tenté de les retenir à l’aide des deux bras, le gauche en extension, sans y parvenir. Les planches avaient frappé, puis glissé sur sa jambe gauche. Il avait ressenti des douleurs à l’épaule gauche, rapidement masquées par les douleurs à la jambe gauche, raison pour laquelle il n’avait signalé que les secondes après l’accident. Après la reprise du travail, ses douleurs à l’épaule gauche avaient progressivement augmenté avec les activités quotidiennes impliquant le port de charges.
Il a produit les pièces suivantes :
- un courrier du 17 mai 2022 du Dr E______ indiquant que l’événement tel que décrit dans son opposition par l’assuré correspondait à la définition d’un accident selon la loi, que son mécanisme et sa cinétique avaient pu provoquer les lésions subies au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’épaule gauche de l’assuré était asymptomatique avant l’accident et en tirant la conclusion que les lésions de cette articulation étaient dès lors en lien de causalité naturelle et adéquate avec l’accident du 9 juin 2021 ;
- une attestation du 13 juin 2022 de la Dresse D______ confirmant qu’à sa connaissance, l’assuré n’avait jamais eu d’antécédent à l’épaule gauche avant l’accident du 9 juin 2021.
m. Le 16 septembre 2022, le Dr F______, après avoir analysé les documents d’imagerie, a retenu les diagnostics de contusion de la jambe gauche, d’ossification de la membrane interosseuse gauche organisée d’allure ancienne et de tendinopathie chronique avec rupture massive de la coiffe gauche des rotateurs. L’IRM d’octobre 2021 mettait en évidence une atteinte chronique, objectivée par un remaniement osseux de l’insertion des tendons, et une rupture d’allure massive avec une dégénérescence graisseuse, en tout cas du sus-épineux, qui était atrophique.
La contusion de la jambe gauche était vraisemblablement en lien de causalité avec l’évènement du 9 juin 2021. Ce diagnostic ressortait du rapport médical initial, lequel ne mentionnait pas d’autre problème que les douleurs prétibiales gauches. La contusion de la jambe gauche avait déployé des effets durant trois mois au plus, ce que confirmait le rapport de consultation du 2 septembre du Dr E______.
La notion d’épaule douloureuse n’apparaissait qu’à la consultation du Dr E______, trois mois après l’événement. Si l’assuré se disait asymptomatique avant l’accident, les examens radiologiques correspondaient bien à une imagerie de surcharge, aussi bien osseuse, au niveau de la grande tubérosité humérale, qu’au niveau du cintre gléno-huméral, qui était rompu, ce qui était le signe d’une atteinte chronique de la coiffe, ainsi qu’une dégénérescence graisseuse intra-musculaire associée à une atrophie du muscle sus-épineux. Tous ces éléments rendaient vraisemblable une atteinte préexistante liée à une maladie, voire à une usure. Le Dr F______ soulignait qu’en cas d’atteinte aiguë de la coiffe des rotateurs, survenaient une pseudo-paralysie de l’épaule blessée et des douleurs importantes, la plupart du temps au premier plan. Dans le cas de l’assuré, aucune atteinte aiguë à l’épaule n’avait été signalée lors du bilan réalisé le jour de l’accident. Il était peu vraisemblable que l’atteinte à la jambe ait masqué les douleurs de l’épaule. Le rapport de la Dresse D______ d’août 2021 ne mentionnait pas non plus de douleurs de l’épaule. Si l’assuré avait ressenti des douleurs du membre supérieur gauche à la suite de l’accident, le rapport médical initial en aurait probablement fait mention en précisant les zones concernées, alors que seul un trauma de la jambe gauche était signalé. Le Dr E______ indiquait que les douleurs avaient augmenté progressivement et qu’elles étaient liées aux activités du travail. Il ne mentionnait pas de pseudo-paralysie de cette épaule.
n. Le 22 septembre 2022, le docteur H______, spécialiste en médecine du travail auprès de la SUVA, après avoir décrit l’activité de plaquiste, a conclu à des lésions de l’épaule gauche évoluant probablement de manière chronique, ainsi que le révélaient la dégénérescence graisseuse intramusculaire et l’atrophie du muscle supra-épineux, chez un assuré présentant une arthrose acromio-claviculaire sévère. Cette arthrose touchait également d’autres articulations. Selon toute vraisemblance, l’évènement du 9 juin 2021 avait décompensé une pathologie préexistante principalement d’origine dégénérative. Les efforts physiques ne constituaient au mieux qu’un facteur aggravant ou déclenchant les douleurs, mais de manière non spécifique. Les causes d’une arthrose pouvaient être multiples, mais étaient en grande partie liées à l’âge ou à un terrain génétique. Il n’était pas possible de retenir une maladie professionnelle au sens de la loi.
o. Le Dr F______ s’est une nouvelle fois déterminé le 15 novembre 2022. Le rapport du 17 mai 2022 du Dr E______ ne modifiait pas son appréciation, car l’imagerie de l’épaule gauche révélait des facteurs extrinsèques stressants pour la coiffe des rotateurs et une atteinte avec apoptose, qui suggérait un déficit fonctionnel chronique. S’agissant de la cinétique de l’accident, le geste consistant à retenir ou pousser une charge était un mouvement d’extension du membre supérieur, soit – en statique – une contraction isométrique du muscle grand dentelé, et – en dynamique – une contraction concentrique avec raccourcissement du muscle grand pectoral permettant de pousser une charge. La coiffe des rotateurs n’était pas impliquée dans ces mouvements. Une lésion traumatique de l’épaule était rendue vraisemblable dans le cas de violentes douleurs et d’une pseudo-paralysie du membre supérieur apparaissant immédiatement, voire quelques jours après l’évènement. L’absence de plaintes au niveau de l’épaule était peu probable, même avec une douleur importante de la jambe – qui, en l’espèce, n’avait souffert que d’une contusion. Or, lors de la consultation auprès de la Dresse D______ deux mois après l’accident, ce qui était un long délai, l’assuré ne se plaignait toujours pas de l’épaule gauche.
p. Par décision du 24 novembre 2022, la SUVA a partiellement admis l’opposition, en ce sens qu’elle a accepté d’allouer des indemnités journalières jusqu’au 9 septembre 2021. L’accident du 9 juin 2021 avait cessé de déployer ses effets trois mois après l'accident. Les troubles à l’épaule au-delà de cette date n'étaient plus d'origine accidentelle, mais dégénérative. L’atteinte à l’épaule gauche n’avait d’ailleurs été attestée qu’en septembre 2021.
La SUVA a écarté toute maladie professionnelle, le Dr H______ ayant estimé que les troubles à l'épaule gauche ne pouvaient être mis en lien avec le travail de l'assuré au degré de la vraisemblance prépondérante et que l’atteinte correspondait clairement à une atteinte dégénérative. En d'autres termes, il n’était pas vraisemblable que l'exercice de l'activité professionnelle ait eu une incidence prépondérante dans la maladie. Au demeurant, pour être prise en charge, on devait être en présence d'une affection typique de la profession, ce qui était le cas lorsque l’atteinte en question était quatre fois plus fréquente chez les professionnels de la construction que dans la population en général, ce qui n’avait pas été rendu vraisemblable en l'espèce.
B. a. Le 11 janvier 2023, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant, sous suite de dépens, préalablement à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire afin de déterminer l’origine accidentelle ou dégénérative relevant d’une maladie professionnelle de sa lésion à l’épaule gauche, principalement à l’annulation de la décision sur opposition, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’intimée pour instruction complémentaire.
Le recourant cite plusieurs articles de la littérature médicale sur le caractère dégénératif ou traumatique de la coiffe des rotateurs. Il conteste en substance la valeur probante de l’appréciation du Dr F______, auquel il reproche une surinterprétation de l’IRM du 26 octobre 2021 en rappelant que le Dr G______ a retenu une lésion vraisemblablement post-traumatique.
b. Dans sa réponse du 1er février 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours. Elle se réfère à un nouvel avis du Dr F______ du 20 janvier 2023, qui relève que le Dr E______ n’a qualifié la mécanique de l’accident que de possible explication aux troubles de l’épaule, ce qui relève d’une simple hypothèse. La littérature citée par le recourant est en outre très controversée selon la jurisprudence.
Le Dr F______ explique qu’il s’est écarté des conclusions du Dr G______ parce que l’imagerie révèle une atteinte chronique sur l’acromion, ayant eu pour effet d’aplatir et de scléroser sa partie distale. Cette modification n’apparaît qu’en cas de stress continu avec un syndrome d’impingement. A l’IRM, deux éléments permettent d’écarter un rapport avec le sinistre : l’atrophie musculaire de la coiffe, en particulier du muscle sus-épineux, et l’apoptose (une transformation du muscle en tissu adipeux signant la perte ou l’absence de fonction de la musculature). La possible lésion partielle du tendon sous-scapulaire et de la partie haute du sous-épineux évoquée par le Dr E______ entre dans le cadre du diagnostic différentiel de tendinopathie chronique des tendons du sous-scapulaire et du sous-épineux. Une éventuelle synovite ou épaississement de la capsule articulaire de l'épaule, phénomène relevant d'une inflammation chronique, entre également en ligne de compte. Il faut également relever que le muscle sous-scapulaire présente une dégénérescence graisseuse de stade Goutallier I à II, ce qui tend à démontrer que la coiffe n'était plus fonctionnelle avant l'évènement, car un tel phénomène se développe plusieurs mois après l'atteinte fonctionnelle. La présence de liquide dans la bourse sous-deltoïdienne lors d’une IRM ne permet pas de retenir une rupture transfixiante, une arthrographie étant nécessaire pour poser ce diagnostic. En effet, en cas d’atteinte chronique de type syndrome d’impingement avec arthrose acromio-claviculaire entrant en conflit avec la coiffe des rotateurs, une inflammation chronique ayant pour effet la production de liquide dans la bourse sous-deltoïdienne peut être observée et ouvre le diagnostic différentiel avec une atteinte transfixiante. La présence de ce liquide peut également être en rapport avec un traumatisme, ce qui est en l’espèce tout au plus possible au vu de la dégénérescence. S’agissant du mécanisme lésionnel, le fait de se retenir à un échafaudage ou de retenir des planches implique des mécanismes différents : se retenir à un élément est un mouvement impliquant une énergie bien plus importante et une contraction souvent excentrique, avec étirement de toute la structure locomotrice, connue pour entraîner des déchirures tendineuses et musculaires.
c. Le 31 mars 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il conteste la valeur probante des appréciations du Dr F______, auquel il reproche de ne pas se prononcer sur l’entier des pièces du dossier, puisqu’il semble même ignorer l’intervention chirurgicale réalisée le 25 mai 2022, alors même que la rupture transfixiante a été constatée de visu par le médecin opérateur. Quant à la controverse dans la littérature, elle ne porte que sur la possibilité d'un traumatisme direct à l’épaule sans que le bras soit tendu. Il n’est pas question d’un tel mécanisme ici, de sorte que l’article cité conserve sa pertinence. La présence de douleurs avec syndrome pseudo-paralytique du membre immédiatement après la lésion transfixiante de la coiffe des rotateurs reste en revanche controversée.
Le recourant produit un avis émis le 7 mars 2023 par la doctoresse I______, radiologue aux HUG, afin d’étayer l’origine traumatique de la lésion de la coiffe du rotateur. Son examen confirme une rupture transfixiante jonctionnelle antérieure, c’est-à-dire du supra-épineux subscapulaire avec une qualité musculaire respectée, associée à une rétraction de grade II selon PATE, une luxation du biceps brachial qui présente des fissurations intrinsèques, mais pas d’évidence d’omarthrose. Une rupture traumatique qui décompense des lésions pré-existantes reste une hypothèse très plausible selon le contexte clinique.
d. Le 6 avril 2023, l’intimée a persisté dans ses conclusions.
e. La Cour de céans a entendu le Dr G______ le 8 février 2024.
Ce radiologue a déclaré que la radiographie qu’il a pratiquée a montré des anomalies dégénératives banales chez une personne de l’âge du recourant. L’IRM a confirmé l’arthrose et montré une anomalie transfixiante du tendon infra-épineux et sus-épineux à l’insertion humérale distale. Il lui semble clair que la lésion est post-traumatique. L’image était révélatrice d’une rupture relativement récente, d’une semaine, voire plus.
S’agissant de l’atteinte chronique sur l’acromion mentionnée par le Dr F______, le témoin ne la nie pas et admet qu’elle peut provoquer des douleurs à l’épaule, mais il la considère sans effet sur les tendons. Il n’a pas retrouvé d’argument pour une infiltration graisseuse à l’imagerie, contrairement au Dr F______. À son avis, l’image à laquelle s’est référé le médecin d’arrondissement pour retenir cette infiltration ne permet pas une telle conclusion. La graisse qui apparaît est hors des structures musculaires.
Le Dr G______ n’a pas examiné cliniquement le recourant, ce qui permettrait en conjonction avec l’évaluation fonctionnelle de diagnostiquer une apoptose, mais il n’a pas trouvé d’arguments en faveur de cette théorie à l’image.
Il conteste qu’une lésion transfixiante de la coiffe des rotateurs puisse induire un état pseudo-paralytique de l’épaule, car il faudrait pour cela que des nerfs soient touchés. Or, dans une telle atteinte, les tendons sont lésés, ce qui se traduit par une faiblesse mécanique.
Selon le radiologue, la présence de liquide dans la bourse sous-deltoïdienne ne permet pas de conclure à une lésion traumatique plutôt que dégénérative.
La douleur est subjective et attendre trois mois pour consulter semble de l’ordre du possible.
Quant à la lésion sous-scapulaire évoquée par le Dr E______, elle apparaît effectivement, mais elle est moindre que les autres lésions.
L’œdème au niveau du trochiter huméral ne permet pas de conclure de manière certaine en faveur d’un traumatisme.
f. Entendu à son tour, le Dr E______ a relevé qu’il a eu plusieurs versions de l’accident.
Dans son premier rapport, il a décrit la chute d’une plaque de béton de plus de 25 kg sur l’hémicorps gauche. Le recourant a à ce sujet précisé que les plaques avaient commencé à basculer et avaient chuté sur sa jambe, qui était restée bloquée.
Le témoin a noté que les actions des muscles décrites par le Dr F______ sont intentionnelles, alors que, dans le cas d’espèce, l’élément de surprise a joué, de sorte que les muscles ont réagi différemment. Il ignore comment le Dr F______ fonde ses conclusions sur l’implication de tel ou tel muscle. Selon lui, l’évènement décrit est de nature à causer les lésions observées à un taux de 75% de vraisemblance.
L’absence d’une pseudo-paralysie immédiate ne permet pas d’exclure tout lien de causalité, mais la fait simplement retomber à 50%.
Il arrive fréquemment que, dans l’urgence, seul le traumatisme primaire soit investigué.
La théorie sur l’effet de la forme de l’acromion sur la fragilisation des tendons est désormais régulièrement critiquée par la littérature. La dégénérescence au niveau acromio-claviculaire ne saurait être mise en lien avec la dégénérescence des tendons.
S’agissant de l’infiltration graisseuse, il conclut pour sa part à un stade de Goutallier de I sur IV, soit un stade défini comme normal dans l’ensemble de la population et ne permettant pas de conclure à une lésion dégénérative. La prévalence des lésions tendineuses sans traumatisme, asymptomatiques et ayant pu être décompensées par l’évènement, est de 25 à 30% à l’âge du recourant.
Si celui-ci n’avait pas été blessé, il aurait pu continuer à travailler.
g. Par pli du 10 février 2024, le Dr E______ a adressé à la Cour de céans des explications sur la structure de la coiffure des rotateurs et sur les lésions de ces tendons. Il a notamment indiqué qu’une lésion partielle intra-articulaire du tendon sus-épineux est souvent observée dans le cadre d'un traumatisme, mais est également présente dans les cas dégénératifs de patients de plus de 40 ans. Le Dr E______ a exposé la prévalence d’atteintes transfixiantes en fonction de différents paramètres et résumé plusieurs recherches anciennes sur ce point. Une lésion de la coiffe n’est pas nécessairement symptomatique. Chez les personnes entre 60 et 69 ans, l’incidence de lésions asymptomatiques transfixiantes est, selon les études, de 25.6% ou de 26%. Le Dr E______ a énoncé divers chiffres tirés d’études établissant une corrélation entre un accident déclaré et une lésion symptomatique tendineuse. Il a précisé que la pseudo-paralysie peut également apparaître lors de lésions chroniques massives transfixiantes. L’imagerie ne suffit pas à établir la causalité d’une lésion. Le Dr E______ a fourni des explications supplémentaires quant aux différents critères diagnostiques de la structure de l’épaule, notamment l’acromion, et controverses doctrinales au sujet de leur portée pour déterminer la nature des lésions. Dans ce cadre, il a noté que l’angle critique et l'index acromial peuvent être utilisés comme facteurs de risque, mais ne suffisent pas à prouver la causalité. Il a décrit les résultats d’une étude sur l’arthrose ou l’arthropathie acromio-claviculaire, pour conclure à l’absence d’incidence d’une telle atteinte sur le développement d'une lésion de la coiffe, au vu de sa fréquence chez des sujets sans lésion. Une sclérose ou un épaississement de la corticale ne sont pas en corrélation avec une lésion de la coiffe. Un œdème du trochiter est souvent associé à une lésion de la coiffe après un événement traumatique comme une fracture occulte du trochiter (bone bruise). Une distance entre la tête humérale et l'acromion inférieure à 7 à 5 mm est représentative d'une lésion chronique tendineuse transfixiante et signe indirect d'une infiltration graisseuse et d'une hypotrophie musculaire. Le Dr E______ a exposé d’autres critères radiologiques pouvant être caractéristiques d’une lésion chronique des tendons de la coiffe résultant de changements dégénératifs articulaires, soit d’une arthrose gléno-humérale (cuff tear arthropathy, CTA). La présence d'une infiltration graisseuse de stade II et plus selon Goutallier du tendon sous-épineux évoque une atteinte de plus de six mois. Il a encore décrit certains facteurs permettant de différencier une lésion tendineuse fraîche d'une lésion chronique.
h. Dans ses déterminations du 16 février 2024, la SUVA s’est ralliée à une nouvelle appréciation du Dr F______ du 12 février 2024.
Le médecin d’arrondissement a maintenu ses précédentes conclusions. Il a cité la littérature sur la physiologie du muscle sur laquelle il fondait ses indications concernant la contraction musculaire, en exposant certaines données au sujet des différents mouvements. S’agissant du lien entre dégénérescence acromio-claviculaire et dégénérescence des tendons, le Dr F______ a maintenu que l’IRM montrait un rétrécissement de l'espace sous-acromial avec un tendon du muscle sus-épineux agressé par ce rétrécissement. De plus, tous les critères pour une atteinte dégénérative selon les études étaient positifs. Il était ainsi difficile d'admettre dans ce cas une causalité naturelle avec l’accident autre que possible. Le Dr F______ constatait des imprécisions dans le témoignage du Dr G______. La notion de pseudo-paralysie impliquait précisément que le nerf ne soit pas touché, d’où le préfixe « pseudo ». Le Dr F______ contestait que le patin acromial visible sur la radiographie et laissant supposer une CTA relève d’une atteinte banale, soutenant au contraire qu’il était le signe d’une atteinte chronique avancée.
i. Le 12 mars 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Le recours n’étant pas pendant à cette date, il est soumis au nouveau droit (art. 82a LPGA a contrario).
3. La modification du 25 septembre 2015 de la LAA est entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Dans la mesure où l’événement litigieux est survenu après cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 a contrario). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.
4. Le recours ayant été déposé selon les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), il est recevable.
S’agissant de certaines formulations du recours, dont l’intimée déplore la virulence, on rappellera que les art. 64 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) ne sanctionnent pas d’irrecevabilité un recours au motif qu’il serait inconvenant. Partant, l’éventuelle incompatibilité des propos du mandataire du recourant avec le « respect dû par un avocat aux autorités » (cf. art. 27 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 [LPAv - E 6 10]) – point que la Cour de céans n’examinera pas – n’a pas d’incidence sur la recevabilité du recours.
5. Le litige porte sur le droit du recourant à la prise en charge par l’intimée des conséquences de ses troubles à l’épaule gauche.
6. Aux termes de l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle.
La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle avec l'événement assuré (ATF 119 V 335 consid. 1).
6.1 L’art. 4 LPGA définit l’accident comme toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.
La notion d’accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable, le caractère soudain de l'atteinte, le caractère involontaire de l'atteinte, le facteur extérieur de l'atteinte et, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1). Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_26/2019 du 11 septembre 2019 consid. 3.1).
Suivant la définition même de l'accident, le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu'il excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.1). L'existence d'un facteur extérieur est en principe admise en cas de mouvement non coordonné, à savoir lorsque le déroulement habituel et normal d'un mouvement corporel est interrompu par un empêchement non programmé, lié à l'environnement, tel le fait de glisser, de trébucher, de se heurter à un objet ou d'éviter une chute. Le facteur extérieur – modification entre le corps et l'environnement extérieur – constitue alors en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_605/2020 du 8 juin 2021 consid. 3.1). Pour des lésions dues à l'effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l'effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2020 du 11 juin 2021 consid. 3.1).
6.2 Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a) ; les déboîtements d'articulations (let. b) ; les déchirures du ménisque (let. c) ; les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e) ; les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; les lésions du tympan (let. h). On précisera qu’une déchirure des tendons du sous- et du sus-épineux est une lésion au sens de l’art. 6 al. 2 let. f LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_412/2019 du 9 juillet 2020 consid. 5.1).
Dans son Message à l’appui de la révision de l’art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral a rappelé que l’exigence d’une cause extérieure pour les lésions assimilées à un accident avait été source de difficultés pour les assureurs-accidents et d’insécurité pour les assurés, raison pour laquelle une nouvelle réglementation faisant abstraction de l’existence d’une telle cause était proposée. En cas de lésion corporelle figurant dans la liste, il y a désormais présomption que l’on est en présence d’une lésion semblable aux conséquences d’un accident, qui doit être prise en charge par l’assureur-accidents. Ce dernier peut toutefois se libérer de son obligation s’il apporte la preuve que la lésion est manifestement due à l’usure ou à une maladie (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 30 mai 2008, FF 2008 4893). Le Tribunal fédéral a précisé que selon l’art. 6 al. 2 LAA dans sa nouvelle teneur, lorsqu'une lésion corporelle comprise dans la liste est diagnostiquée, l'assureur-accidents est tenu à prestations aussi longtemps qu'il n'apporte pas la preuve que cette lésion est due de manière prépondérante, c'est-à-dire à plus de 50% de tous les facteurs en cause, à l'usure ou à une maladie. Dans le cadre de cette preuve libératoire, la question de savoir s'il y a eu un événement initial reconnaissable et identifiable reste déterminante pour délimiter les obligations respectives de l'assureur-accidents et de l'assureur-maladie (ATF 146 V 51 consid. 8.6).
Lorsque l’assuré a subi un accident et souffre d’une lésion corporelle au sens de l'art. 6 al. 2 LAA, l’assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l'art. 6 al. 1 LAA. En revanche, en l'absence d'un accident au sens juridique, le cas doit être examiné sous l'angle de l'art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1). Ainsi, lorsqu’un événement est constitutif d’un accident, la cause doit être examinée exclusivement sous l'angle de l'art. 6 al. 1 LAA même en cas de lésion de la liste (arrêts du Tribunal fédéral 8C_459/2019 du 11 septembre 2020 consid. 5.1).
7. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration, ou le cas échéant le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1).
7.1 Selon le principe de la libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3; ATF 122 V 157 consid. 1c). Une expertise médicale établie sur la base d’un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d’appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l’assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d).
7.2 S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).
7.3 Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères (arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2). S'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 139 V 225 consid. 5.2).
8. En l’espèce, l’intimée s’est fondée sur l’avis du Dr F______ pour nier tout lien de causalité entre l’accident subi le 9 juin 2021 et les troubles à l’épaule gauche du recourant.
On relèvera en premier lieu qu’on peut s’interroger sur le point de savoir si le geste d’extension du bras afin de retenir des plaques qui étaient en train de tomber du chariot répondrait à la définition légale d’un accident s’il était analysé isolément, le critère du caractère extraordinaire d’un tel geste ne paraissant pas nécessairement réalisé. Cette question peut cependant rester ouverte, dès lors que l’intimée n’en tire pas argument et qu’elle ne conteste pas que l’événement du 9 juin 2021 constitue un accident au sens de la loi. Partant, conformément à la jurisprudence précitée, la cause doit être examinée exclusivement sous l'angle de l'art. 6 al. 1 LAA.
Le médecin d’arrondissement de l’intimée conclut à un phénomène dégénératif, en se fondant notamment sur le délai d’apparition des douleurs et sur l’analyse des documents radiologiques.
Il est vrai qu’aucun des rapports médicaux établis dans les suites proches de l’accident ne relate que le recourant aurait signalé des douleurs à l’épaule. Le médecin d’arrondissement et le Dr E______ – rejoint sur ce point par le Dr G______ –, divergent cependant sur la portée de l’absence de douleurs dans l’admission du caractère traumatique ou non de l’atteinte à l’épaule. Par ailleurs, on ne saurait retenir que les douleurs n’ont été alléguées qu’à la consultation du Dr E______ en septembre 2021. En effet, l’échographie de l’épaule a été réalisée le 4 août 2021 en raison d’une diminution de force d’élévation latérale et de douleurs à l’effort.
Quant aux conclusions que le médecin d’arrondissement tire de l’analyse des images, elles sont contredites de manière circonstanciée par le Dr E______, qui a étayé sa prise de position par de nombreuses références à la littérature et des statistiques. Si la prévalence moyenne dans certains segments de la population d’une atteinte déterminée ne suffit certes pas en soi à conclure à son caractère traumatique ou dégénératif dans un cas particulier, lequel doit être analysé en fonction des éléments concrets, la position contraire et les explications particulièrement fouillées du Dr E______ sont de nature à susciter des doutes sur les conclusions du Dr F______, quand bien même celles-ci ont été motivées.
A cela s’ajoute que le Dr G______ a déclaré privilégier lui aussi l’hypothèse d’une lésion traumatique, tant dans son rapport du 6 octobre 2021 que lors de son témoignage. On relèvera certes qu’il a dans ce cadre évoqué une rupture récente, d’une semaine ou plus, hypothèse qui semblerait incompatible avec une rupture survenue le 9 juin 2021. Cela étant, ce seul élément ne justifie pas qu’on exclue une origine traumatique de la rupture de la coiffe, au vu des autres avis au dossier. Le rapport établi par la Dresse I______ tend également à corroborer une origine traumatique de la lésion.
Compte tenu de ces éléments, il existe des doutes sur les conclusions du Dr F______, et la Cour de céans ne dispose pas d’éléments objectifs qui lui permettraient de départager les opinions des différents spécialistes qui se sont déterminés.
Dans ces circonstances, en l’absence d’expertise confiée par l’intimée à un médecin externe spécialisé en chirurgie orthopédique, il se justifie, conformément à la jurisprudence, de lui renvoyer la cause afin qu’elle mette en œuvre une telle mesure, conformément aux exigences prévues à l’art. 44 LPGA. Cette expertise devra être confiée à un spécialiste de l’épaule, par exemple le docteur J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, lequel pourra s’adjoindre le concours d’un radiologue spécialiste en radiologie ostéo-articulaire dans la mesure qu’il estime nécessaire.
9. L’intimée ayant également examiné le droit aux prestations sous l’angle d’une maladie professionnelle, il convient de rappeler ce qui suit.
9.1 L’art. 9 al. 1 LAA dispose que sont réputées maladies professionnelles les maladies (art. 3 LPGA) dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux. Le Conseil fédéral établit la liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections qu’ils provoquent.
Sur la base de l’art. 9 al. 1 LAA, le Conseil fédéral a énuméré à l'annexe 1 de l'OLAA (RS 832.202), à laquelle renvoie l'art. 14 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), les substances nocives et les maladies dues à certains travaux. Cette énumération est exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 8C_117/2016 du 27 janvier 2017 consid. 3.2.1).
9.2 Aux termes de l’art. 9 al. 2 LAA, sont aussi réputées maladies professionnelles les autres maladies dont il est prouvé qu’elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de l’activité professionnelle.
Il s'agit là d'une clause générale visant à combler les lacunes qui pourraient résulter de ce que la liste dressée par le Conseil fédéral à l'annexe 1 de l'OLAA ne mentionne pas soit une substance nocive qui a causé une maladie, soit une maladie qui a été causée par l'exercice de l'activité professionnelle. La condition d'un lien exclusif ou nettement prépondérant au sens de l'art. 9 al. 2 LAA – parfois appelé causalité qualifiée – n'est réalisée que si la maladie a été causée à 75% au moins par l'exercice de l'activité professionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_516/2020 du 3 février 2021 consid. 3.2.1). Ce taux de 75% signifie, pour certaines affections qui ne sont pas typiques d'une profession déterminée, qu'il doit être démontré, sur la base des statistiques épidémiologiques ou des expériences cliniques, que les cas de lésions pour un groupe professionnel déterminé sont quatre fois plus nombreux que ceux enregistrés dans la population en général (ATF 116 V 136 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_516/2020 du 3 février 2021 consid. 3.2.1 et 3.2.2 et les références). Cette condition vise à ne pas affaiblir la distinction entre une maladie au sens de l'assurance-maladie et une maladie professionnelle selon la LAA. Il est ainsi exigé que l'assuré soit exposé à un risque professionnel typique (ATF 126 V 183 consid. 2b). La question de savoir si l’exigence d’une relation exclusive ou nettement prépondérante est remplie doit être appréciée au vu de données épidémiologiques médicalement reconnues (Jean-Maurice FRÉSARD / Margrit MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 3ème éd., 2016, n. 164). S'il apparaît comme un fait démontré par la science médicale qu'en raison de la nature d'une affection particulière, il n'est pas possible de prouver que celle-ci est due à l'exercice d'une activité professionnelle, il est hors de question d'apporter la preuve, dans un cas concret, de la causalité qualifiée au sens de l'art. 9 al. 2 LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_215/2018 du 4 septembre 2018 consid. 3.2). Ainsi, dans la mesure où la preuve d'une relation de causalité qualifiée selon l'expérience médicale ne peut pas être apportée de manière générale (par exemple en raison de la propagation d'une maladie dans l'ensemble de la population, qui exclut la possibilité que la personne assurée exerçant une profession particulière soit affectée par une maladie au moins quatre fois plus souvent que la population moyenne), l'admission de celle-ci dans le cas particulier est exclue. En revanche, si les connaissances médicales générales sont compatibles avec l'exigence légale d'une relation causale nettement prépondérante, voire exclusive entre une affection et une activité professionnelle déterminée, il subsiste alors un champ pour des investigations complémentaires en vue d'établir, dans le cas particulier, l'existence de cette causalité qualifiée (arrêts du Tribunal fédéral 8C_73/2017 du 6 juillet 2017 consid. 2.2 et 8C_746/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5)
9.3 En l’espèce, la rupture de la coiffe des rotateurs ne figure pas dans la liste des atteintes au sens de l’art. 9 al. 1 LAA, de sorte que la survenance d’une maladie professionnelle doit être analysée selon la clause générale.
Le Dr H______ conclut à un état dégénératif tel que retenu par le Dr F______. Comme on l’a vu, la nature dégénérative de la lésion n’est à ce stade pas démontrée au degré de la vraisemblance prépondérante. Cependant, si les mesures d’instruction complémentaires à intervenir devaient confirmer cette hypothèse, il y aurait néanmoins lieu de nier que ladite lésion relève d’une maladie professionnelle, au vu de l’appréciation du médecin du travail. Celui-ci a en effet exposé que les causes d’une arthrose ne sont pas spécifiquement liées à l’activité exercée par le recourant, et aucun avis médical contraire ne permet de remettre en cause cette appréciation.
La décision de l’intimée doit ainsi être confirmée en tant qu’elle refuse la prise en charge des suites de la lésion de la coiffe des rotateurs au motif que celle-ci ne relève pas d’une maladie professionnelle.
10. Le recours est partiellement admis.
Le recourant a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement au sens des considérants.
3. Renvoie la cause à l’intimée pour mise en œuvre d’une expertise.
4. Condamne l’intimée à verser au recourant une indemnité de dépens de CHF 2'000.-.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Diana ZIERI |
| La présidente
Karine STECK
|
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le