Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/396/2024 du 28.05.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1799/2023 ATAS/396/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 28 mai 2024 Chambre 10 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1978, ressortissant iranien, père d’un enfant né en 2004, a exercé différentes activités professionnelles dans son pays d’origine, en dernier lieu celle de conducteur indépendant. Il est arrivé en Suisse en décembre 2015 et a obtenu une autorisation de séjour pour des réfugiés et des apatrides. Depuis lors, il a suivi des cours de français et effectué des stages, notamment au Caré du 4 juin au
13 novembre 2018 et auprès d’IPT du 22 mars au 7 mai 2021. Il a cotisé en tant que personne sans activité lucrative dès le 1er janvier 2016. Depuis le
1er mars 2021, il bénéficie d’une aide financière accordée par l’Hospice général.
b. Le 12 octobre 2021, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), faisant état de douleurs chroniques au ventre, d’une pancréatite auto-immune de type 2 et d’une dépression majeure.
c. Par rapport du 10 janvier 2022 adressé à l’OAI, la docteure B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué des troubles de l’adaptation avec réaction dépressive prolongée (F43.21). Elle a indiqué que son patient avait migré en Suisse en 2015 pour échapper à la prison en raison de son adhésion à un parti de l’opposition. Il gardait un souvenir traumatique du départ et du périple migratoire. Séparé de son épouse, il avait quitté le domicile familial en 2021 et vivait actuellement dans une chambre d’hôtel prise en charge par l’Hospice général. La relation avec son fils de 17 ans était parfois conflictuelle. Il avait bénéficié d’une prise en charge psychothérapeutique entre novembre 2017 et octobre 2018, et était suivi par une psychologue et médecin psychiatre depuis janvier 2020. Il prenait un traitement d’amitriptyline au vu de son état anxio-dépressif. Le patient avait présenté une forte résistance à l’introduction d’un traitement antidépresseur proposé par les différents référents médicaux, signe classique d’un état dépressif sévère. Il était peu stimulé malgré ses efforts pour occuper ses journées. Ses principales activités consistaient à marcher, aller à l’église, voir son fils ou des amis, ou se rendre aux différents rendez-vous médicaux. Il était difficile d’évaluer ses atteintes, car il était complétement désinséré de la vie active. Il était pénible pour lui de lire ou regarder un film, car la concentration et la mémoire étaient diminuées. Son état dépressif était renforcé par sa situation sociale, un engagement professionnel pourrait contribuer efficacement à une évolution positive. Son état de santé était lié à sa situation d’émigré réfugié en attente de normalisation, le déracinement, les deuils, la désinsertion de la vie active, le divorce, la solitude s’entrelaçaient et diminuaient fortement ses capacités à être performant. La possibilité d’accéder à une intégration dans la société pourrait favoriser une amélioration significative de son état et de sa capacité de travail. Une activité à 50%, avec une progressive augmentation jusqu’à 100%, pouvait être envisagée. L’assuré ne présentait pas de diminution fonctionnelle et son état était stabilisé grâce à sa compliance au suivi, exemplaire. Depuis l’introduction de l’antidépresseur, l’évolution était de plus en plus positive, le sommeil et l’appétit améliorés, et l’assuré avait plus d’élan vital pour entamer des initiatives afin d’améliorer sa situation sociale.
d. Dans un rapport du 10 février 2022, la docteure C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a indiqué à l’OAI que le traitement avait débuté le 11 janvier 2021. À titre de diagnostics ayant une incidence sur la capacité de travail, elle a retenu une pancréatite auto-immune en 2019, un probable syndrome somatoforme douloureux à confirmer avec un psychiatre, et un état anxio-dépressif en 2020. Elle a également signalé, sans incidence sur la capacité de travail, une colopathie fonctionnelle. La situation était en amélioration par rapport à 2021. Les symptômes consistaient en des accès de douleurs paroxystiques localisées aux flancs droit et gauche. Le patient était suivi par la Consultation de la douleur et poursuivait un sevrage immunosuppression, ainsi qu’un travail psychothérapeutique et psycho éducationnel sur les aspects somatoformes. S’agissant de son potentiel de réadaptation, elle a indiqué que l’assuré pourrait raisonnablement travailler six heures par jour. Son pronostic sur le potentiel de réadaptation était bon, mais une thymie et une gestion des accès douloureux pourraient y faire obstacle.
Elle a joint une lettre du 11 janvier 2022 reçue de la docteure D______, cheffe de clinique au service de gastroentérologie et d’hépatologie des hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), suite à une consultation de l’assuré. En dehors de l’anxiété générée par son divorce, le patient semblait aller mieux sur le plan clinique. Il avait été décidé de diminuer la posologie du CellCept à un comprimé de 500mg par jour pendant trois mois et elle le reverrait afin de discuter de l’arrêt définitif du traitement en l’absence de récidive. Concernant son insuffisance pancréatique exocrine, il jonglait sur les différentes posologies du Créon en fonction de la richesse de son alimentation.
e. Dans une note du 7 mai 2022, l’OAI a considéré qu’il paraissait fort vraisemblable que sans ses soucis de santé, l’assuré aurait exercé une activité professionnelle afin de subvenir à ses besoins financiers et sortir de l’aide sociale.
f. Par rapport du 16 mai 2022 adressé à l’OAI, la Dre D______ a relaté une bonne évolution de la pancréatite auto-immune sous CellCept, avec toutefois la persistance de douleurs abdominales d’allure fonctionnelle, invalidante avec une répercussion sur la qualité de vie. Elle a également signalé un syndrome dépressif en cours de prise en charge et une insuffisance pancréatique exocrine nécessitant un traitement de supplémentation par Créon. La pancréatite auto-immune était en rémission sous immunosuppresseur avec sevrage du traitement sans récidive, mais la persistance d’un syndrome douloureux d’allure fonctionnelle sur un terrain de syndrome dépressif était relevée. Le syndrome douloureux au niveau abdominal, dont la prise en charge était difficile avec un recours aux antalgiques quotidiennement, pouvait s’intégrer dans un tableau psychosomatoforme. Un soutien psychologique était nécessaire. L’invalidité était secondaire aux douleurs rapportées par le patient avec une gêne sur la réalisation d’actes quotidiens. La capacité de travail dans une activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles était évaluée entre 50 et 80%.
Elle a annexé une lettre qu’elle avait envoyée le 13 avril 2022 à la Dre C______, mentionnant que le CellCept avait été complètement arrêté le 5 avril 2022. Le patient avait parfois recours au Tramal pour calmer ses douleurs qui, malgré une amélioration décrite en début d’année, semblaient s’intensifier de nouveau. Parallèlement, une atteinte psychosomatique avec un patient très anxieux et dépressif était notée, raison pour laquelle son psychiatre avait initié un traitement par Saroten 25mg deux fois par jour, traitement qui semblait moins efficace pour le moment. Secondairement à sa pancréatite auto-immune, l’assuré présentait une insuffisance exocrine pour laquelle un traitement par Créon avait été mis en place. Devant l’ensemble de ces données, elle maintenait le diagnostic de colopathie fonctionnelle associée. Il lui semblait que le versant psychologique était prédominant, raison pour laquelle elle encourageait le patient à discuter d’une optimisation du traitement de son anxiété et de sa dépression.
Elle a également transmis un rapport de coloscopie du 19 juillet 2019 et un rapport d’écho endoscopie du 29 novembre 2019.
g. Le 18 octobre 2022, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI a considéré que la capacité de travail était de 100% sur le plan psychiatrique, comme mentionné par la Dre B______, et de 80% sur le plan digestif, comme indiqué par la Dre D______. En conclusion, la capacité de travail s’élevait à 80% en raison de la persistance de douleurs abdominales liées à une probable colopathie fonctionnelle. La pancréatite auto-immune existant depuis 2019 et traitée par immunosuppresseur, était en rémission dès avril 2022. Le SMR a conclu à une capacité de travail de 0% dès 2019 et de 80% dès le 16 mai 2022.
B. a. Le 22 février 2023, l’OAI a informé l’assuré qu’il envisageait de lui octroyer une rente entière sur la base d’un degré d’invalidité de 100% du 1er avril au 31 août 2022. L’incapacité de travail avait été totale dès 2019, mais la rente ne pouvait être versée qu’à compter du mois d’avril 2022, la demande de prestations ayant été déposée le 12 octobre 2021. À partir du 16 mai 2022, il avait recouvré une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée. Après comparaison des gains sans invalidité (CHF 60'635.-) et avec invalidité (CHF 48'165.-), la perte de gain s’élevait à CHF 12'470.-, correspondant à un degré de 21%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente. Cette dernière était donc supprimée à compter du 31 août 2022.
b. Le 15 mars 2023, l’assuré a contesté ce projet de décision. Il s’était soumis à tous les traitements médicamenteux prescrits, mais n’avait malheureusement pas constaté de changement positif. Il avait dû arrêter presque toutes ses activités en raison de ses douleurs insupportables. En outre, il souffrait de dépression et était devenu extrêmement sensible. Il ne comprenait pas pour quelle raison la décision avait été favorable pour quelques mois, puis rejetée.
c. Par courrier du 17 mars 2023, l’OAI a invité l’assuré à compléter son opposition par de nouveaux éléments médicaux, tels que des courriers de ses médecins, avant le 18 avril 2023.
d. Par décision du 27 avril 2023, l’OAI a confirmé son projet du 22 février 2023, l’assuré n’ayant pas apporté d’éléments complémentaires.
e. Dans une seconde décision du 27 avril 2023, l’OAI a accordé une rente complémentaire pour enfant, liée à celle de l’assuré, du 1er avril au 31 août 2022.
C. a. Par actes du 23 mai 2023, l’assuré a interjeté recours contre les décisions précitées auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (A/1799/2023 et A/1804/2023). Il a soutenu que rien n’avait changé dans sa vie le 31 août 2022, qu’il prenait les mêmes médicaments, avait le même suivi auprès de sa psychologue, souffrait des mêmes douleurs, avec le même degré d’intensité et la même fréquence, qui le contraignaient à prendre des antidouleurs. Sa maladie auto-immune était incurable et il était obligé de prendre des enzymes de pancréas en comprimés. Sa qualité de vie était vraiment pénible, car il y avait énormément de choses qu’il avait envie de faire, mais qu’il ne pouvait pas. Il souffrait en outre d’une dépression majeure à cause des symptômes de cette maladie et devait prendre des antidépresseurs et vivre avec leurs effets indésirables.
Le recourant a joint les pièces suivantes :
- un rapport du 23 mai 2023 de la Dre B______, diagnostiquant une sensation de douleur lancinante (ICM 11 W12) ; il était évident que la capacité réduite de s’engager dans une activité professionnelle n’était pas reconnue et que le patient était condamné à une exclusion de la vie active, son état psychosomatique ne pouvant que s’aggraver, ce qui engendrait une plus grande souffrance subjective et plus des coûts à la société ; pour ces raisons, une demande de reconnaissance d’invalidité à 50% était justifiée ;
- un certificat du 11 janvier 2023 de la Dre D______, indiquant qu’une aide régulière de plusieurs heures par semaine semblait nécessaire et adéquate pour la réalisation de certaines tâches physiques domestiques.
b. Le même jour, l’intéressé a également recouru contre la décision portant sur la rente complémentaire pour enfant liée à sa rente (A/1804/2023).
c. Dans sa réponse du 22 juin 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours. Les
Dres B______, C______ et D______ avaient rapporté une évolution favorable de la maladie auto-immune sous traitement et décrivaient des limitations fonctionnelles très limitées dans le quotidien de l’intéressé. Les pièces produites à l’appui du recours n’amenaient pas de nouveaux éléments objectifs. La Dre B______ n’avait en particulier pas décrit de limitation sur le plan psychique, mais faisait état d’éléments psychosociaux qui avaient des répercussions sur la vie du recourant. La Dre D______ indiquait que la maladie de son patient avait un impact sur son activité quotidienne. Les nouveaux rapports des médecins traitants ne permettaient pas de modifier l’appréciation du SMR, selon laquelle le recourant pourrait réaliser une activité adaptée à 80%, en tenant compte de ses douleurs abdominales.
d. Par ordonnance du 27 juin 2023, la chambre de céans a ordonné la jonction des procédures A/1799/2023 et A/1804/2023 sous le numéro A/1799/2023, dès lors que la décision du 27 avril 2023 portant sur la rente complémentaire pour enfant était liée à la rente accordée au recourant.
e. Le 25 juillet 2023, le recourant a été mis au bénéfice de l’assistance juridique.
f. Par réplique du 20 novembre 2023, le recourant, par l’intermédiaire d’une avocate, a conclu, sous suite de frais et dépens, à l’annulation des décisions du
27 avril 2023, à ce que soit confirmé son droit à une rente entière du 1er avril au 31 août 2022, à l’octroi d’une rente partielle dès le 1er septembre 2022, et à ce que l’intimé soit condamné à reprendre les versements de sa rente et de celle complémentaire pour enfant dès le 1er septembre 2022. Subsidiairement, il a conclu au renvoi de la cause à l’intimé pour complément d’instruction avec un nouvel examen médical, voire une expertise psychiatrique, puis nouvelle décision.
Contrairement à ce qui avait été retenu par le SMR, la Dre B______ n’avait pas attesté d’une capacité de travail de 100%. D’ailleurs, dans son rapport du 23 mai 2023, elle avait considéré qu’une demande de reconnaissance d’invalidité à 50% était justifiée. Dans un certificat du 10 novembre 2023, elle avait considéré que la capacité de travail était de 50% sur le plan psychiatrique et de 50% sur le plan digestif en raison des douleurs chroniques abdominales. Sur le plan digestif, la Dre D______ n’avait pas attesté d’une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée, mais avait retenu un taux compris entre 50% et 80%. De plus, elle avait indiqué le 11 janvier 2023 que la maladie avait un impact sur son activité quotidienne. La docteure E______, spécialiste en gastroentérologie et neurogastroentérologie à l’Hôpital de La Tour, qui avait repris le suivi gastroentérologique, avait retenu que la capacité de travail maximale n’était pas évaluable et que ce point devrait être apprécié avec l’équipe de la douleur. Une capacité de travail de 80% sur le plan digestif ne pouvait donc pas être retenue. La Dre C______ avait quant à elle indiqué qu’une capacité de travail maximale de 50% dans une activité adaptée lui semblait envisageable. Il avait tenu un journal quotidien du 30 octobre au 12 novembre 2023, et rapporté le nombre de fois où il avait eu mal, la durée de ses douleurs et l’effet de celles-ci sur sa santé psychique. Ce document permettait d’objectiver ses douleurs abdominales chroniques, mais aussi son état dépressif sévère, qui réduisaient drastiquement sa capacité de travail, laquelle ne pouvait pas dépasser un taux de 50%.
Le recourant a joint les documents suivants :
- un rapport du 6 juillet 2023 de la Dre E______, laquelle a signalé des douleurs prédominant à l’hypocondre gauche depuis 2019, sous la forme d’une pesanteur de fond s’intensifiant dès lors qu’il se mobilisait, en général dès la fin de matinée ; seule la position assise ou couchée permettait après plusieurs heures de soulager les plaintes ; de nombreux traitements médicamenteux avaient été tentés sans succès ; devant les caractéristiques des douleurs chroniques et l’arrêt du traitement de CellCept depuis plus d’une année, elle proposait de répéter l’IRM pancréatique afin de s’assurer de l’absence de récidive ou d’une évolution éventuelle vers une atteinte chronique ; il semblait que tous les critères ne soient pas formellement présents pour retenir un diagnostic certain de pancréatite auto-immune de type II ;
- un rapport du 18 septembre 2023 de la Dre C______ ; le patient avait développé des douleurs abdominales, dont les investigations avaient mené au diagnostic initial de pancréatite auto-immune ; il avait bénéficié d’un suivi spécialisé et d’un traitement immunosuppresseur durant de longs mois, arrêté en raison de signes de rémission ; les marqueurs d’activité de la pancréatite s’étaient atténués, mais les douleurs du patient n’avaient jamais disparu ; une partie de ses symptômes avait été attribuée à la pancréatite, mais cette dernière ne pouvait entièrement les expliquer ; de nombreuses investigations avaient été menées ces dernières années et il était désormais suivi par la Dre E______ et le docteur F______ ; le tableau clinique s’inscrivait dans un contexte dépressif chronique, évoluant lui aussi depuis plusieurs années ; comme fréquemment observé dans ce genre de situation, l’état psychique et physique étaient interdépendants, les douleurs chroniques aggravants les symptômes dépressifs et vice-versa ; elle ne pouvait pas dire que l’état de santé se soit amélioré les dernières années ; les crises de douleurs survenaient plusieurs fois par semaine, obligeant le patient à cesser toute activité et les médicaments pris à ce moment avaient peu d’effet ; le patient s’était rendu plusieurs fois aux urgences pour cette raison, où de fortes doses d’antalgiques avaient été nécessaires pour le soulager ; les limitations fonctionnelles étaient donc importantes lors de ces épisodes ; l’anticipation d’une nouvelle crise était source d’anxiété, de même que l’absence de cause évidente et de traitement curatif définitif ; sa souffrance psychique était persistante, quotidienne, avec des paroxysmes d’angoisse, de mal-être, d’où l’importance du suivi psychologique hebdomadaire ; dans un tel contexte, une capacité de travail maximale de 50% dans une activité adaptée semblait envisageable ; elle a souligné la rigueur et la compliance de son patient, ainsi que sa volonté d’essayer de nouvelles thérapies ou d’effectuer d’autres examens ;
- une attestation du 3 novembre 2023 de la Dre E______, indiquant que les dernières investigations retrouvaient un aspect discrètement hétérogène du parenchyme pancréatique sur une inflammation aiguë qui n’était pas retrouvée au bilan écho-endoscopique complémentaire ; elle constatait également une hépatite transitoire d’origine médicamenteuse probable actuellement résolue ; les douleurs étaient exacerbées par la position debout ou assise nécessitant que le patient se couche pendant plusieurs heures et le limitant de façon importante dans ses activités physiques : l’évolution était stable sur le plan digestif après la résolution progressive de l’inflammation pancréatique et des perturbations hépatiques ; de nombreux traitements avaient été tentés, mais seule la prise de Tramal semblait atténuer de façon très partielle les plaintes, motivant une demande de prise en charge par le service de la douleur de l’Hôpital de La Tour ; les douleurs chroniques avaient une influence directe sur la thymie du patient en plus des limitations physiques décrites ; tout acte nécessitant une position debout ou assise prolongée était actuellement difficile tant dans le quotidien personnel que professionnel ; les limitations fonctionnelles étaient importantes et la capacité de travail maximale n’était pas évaluable, ce point devant être apprécié avec l’équipe de la douleur ;
- une convocation pour une première consultation à la Clinique de la douleur le 9 novembre 2023 ;
- un rapport du 10 novembre 2023 de la Dre B______, rappelant que le patient avait souffert d’une pancréatite auto-immune en 2021, caractérisée par de fortes douleurs ; l’épisode inflammatoire auto-immune s’était résolu sur le plan strictement somatique, mais ce genre de pathologie était connu pour laisser des séquelles, tel qu’un syndrome somatoforme douloureux ; son statut de réfugié présupposait un substrat fait d’une suite d’évènements traumatiques qui se superposaient et rendait le patient très vulnérable ; du point de vue psychiatrique, il avait bien évolué par rapport à l’élaboration des deuils multiples, ainsi que la gestion du stress adaptatif de son parcours migratoire ; l’état anxio-dépressif était stabilisé par le traitement combiné (pharmacologique et thérapeutique) et représentait une limitation de 50% de sa capacité de travail ; cette capacité était donc de 50% en raison aussi du syndrome somatoforme douloureux ; ce dernier n’était pas reconnu et était la base de l’incapacité d’assumer une activité professionnelle qui n’en tienne pas compte, ce qui avait un impact pathologique majeur ; si la capacité réduite de s’engager dans une activité professionnelle n’était pas reconnue et que le patient était condamné à une exclusion de la vie active, son état psychosomatique ne pourrait que s’aggraver, engendrant une plus grande souffrance subjective en plus des coûts à la société.
g. Par duplique du 6 février 2024, l’intimé a persisté dans ses conclusions. Il a produit un avis du SMR du 15 décembre 2023, rappelant que la Dre B______ avait retenu le 10 janvier 2022 le diagnostic de troubles de l’adaptation avec réaction dépressive prolongée et une capacité de travail de 50% qui pourrait augmenter progressivement à 100%. Elle estimait désormais que la capacité de travail était limitée à 50% en raison des douleurs et décrivait que le trouble anxio-dépressif était stabilisé. La Dre D______ avait retenu le
16 mai 2022 une capacité de travail de 50 à 80% dans une activité adaptée, et la Dre C______ le 10 février 2022 une capacité de travail de six heures par jour dans une activité adaptée. Suite à ce dernier rapport, le SMR avait conclu le
18 octobre 2022 que la capacité de travail dans une activité adaptée était de 80%, soit six heures par jour. Les pièces médicales apportées n’amenaient pas de nouvel élément médical objectif, le recourant étant stable sur le plan psychiatrique et somatique. Dès lors, sa dernière appréciation du cas demeurait valable.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2.
2.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.
Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au
1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).
2.2 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du
19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du
3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961
(RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706).
En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).
En l’occurrence, les décisions querellées portent sur la suppression au
1er septembre 2022 de rentes octroyées à partir du 1er avril 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
3.
3.1 L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui – dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision – constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaqué. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 125 V 413 consid. 1b et 2 et les références).
Les questions qui – bien qu'elles soient visées par la décision administrative et fassent ainsi partie de l’objet de la contestation – ne sont plus litigieuses, d'après les conclusions du recours, et qui ne sont donc pas comprises dans l’objet du litige, ne sont examinées par le juge que s'il existe un rapport de connexité étroit entre les points non contestés et l’objet du litige (ATF 125 V 413 consid. 1b et les références).
3.2 En l’espèce, il est rappelé que, dans ses décisions du 27 avril 2023, l’intimé a accordé au recourant le droit à une rente d’invalidité entière et une rente complémentaire pour enfant, pour la période limitée du 1er avril au 31 août 2022, date à laquelle il a supprimé lesdites rentes, au motif que le degré d’invalidité était insuffisant.
Le recourant ne conteste les décisions litigieuses qu’en ce qui concerne la suppression des rentes et conclut à l’octroi de rentes partielles dès le
1er septembre 2022.
Le litige porte ainsi sur le droit du recourant à une rente d’invalidité au-delà du
31 août 2022.
4. Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 148 V 321 consid. 7.3.1 ; 145 V 209 consid. 5.3 et les références).
4.1 L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que la rente d'invalidité est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d'invalidité de l'assuré subit une modification d'au moins 5 points de pourcentage (let. a) ou atteint 100% (let. b).
4.2 Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA (ATF 149 V 91 consid. 7.5 et les références). La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important. Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à l'accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et les références).
Une amélioration de la capacité de gain ou de la capacité d'accomplir les travaux habituels de l'assuré n'est déterminante pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu'à partir du moment où l'on peut s'attendre à ce que l'amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu'un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu'une complication prochaine soit à craindre (art. 88a al. 1 RAI). Le fardeau de la preuve quant à cette amélioration de la capacité de travail incombe à l’administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2020 du 15 avril 2021 consid. 2.2 et les références).
5. Aux termes de l’art. 8 al. 1 LPGA, est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée.
Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable
(al. 2).
Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et 28 al. 2 LAI).
5.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).
Dans l'éventualité où des troubles psychiques ayant valeur de maladie sont admis, il y a alors lieu d'évaluer le caractère exigible de la reprise d'une activité lucrative par l'assuré, au besoin moyennant un traitement thérapeutique. À cet effet, il faut examiner quelle est l'activité que l'on peut raisonnablement exiger de lui. Pour admettre l'existence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à la santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré exerce une activité lucrative insuffisante ; il faut bien plutôt se demander s'il y a lieu d'admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle serait même insupportable pour la société
(ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 ; VSI 2001 p. 224 consid. 2b et les références). Ces principes sont valables, selon la jurisprudence, pour les psychopathies, les altérations du développement psychique (psychische Fehlentwicklungen), l'alcoolisme, la pharmacomanie, la toxicomanie et pour les névroses (RCC 1992 p. 182 consid. 2a et les références ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.237/04 du 30 novembre 2004 consid. 4.2)
5.1.1 La reconnaissance de l'existence de troubles somatoformes douloureux persistants suppose d'abord la présence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant lege artis sur les critères d'un système de classification reconnu (ATF 130 V 396 consid. 5.3).
Le diagnostic d'un trouble douloureux somatoforme doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargées d’appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. En particulier, l’exigence d’une douleur persistante, intense et s’accompagnant d’un sentiment de détresse doit être remplie. Un tel diagnostic suppose l’existence de limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée). Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d’exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281
consid. 2.1.1. et 2.2). Ainsi, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (ATF 131 V 49
consid. 1.2).
Une expertise psychiatrique est, en principe, nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail que les troubles somatoformes douloureux sont susceptibles d'entraîner (ATF 130 V 352 consid. 2.2.2 et 5.3.2). Une telle appréciation psychiatrique n'est toutefois pas indispensable lorsque le dossier médical comprend suffisamment de renseignements pour exclure l'existence d'une composante psychique aux douleurs qui revêtirait une importance déterminante au regard de la limitation de la capacité de travail.
5.1.2 L'évaluation des syndromes sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique ne fait pas l'objet d'un consensus médical (arrêt du Tribunal fédéral 9C_619/2012 du 9 juillet 2013 consid. 4.1). Pour ces motifs, la jurisprudence a dégagé un certain nombre de principes et de critères normatifs pour permettre d'apprécier - sur les plans médical et juridique - le caractère invalidant de ce genre de syndromes. Selon la jurisprudence ayant cours jusqu’à récemment, ceux-ci n'entraînaient pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une invalidité (ATF 130 V 352 consid. 2.2.3). Il existait une présomption que de tels syndromes ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible
(ATF 131 V 49 consid. 1.2). Le Tribunal fédéral a toutefois reconnu qu'il existait des facteurs déterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendaient la personne incapable de fournir cet effort de volonté, et a établi des critères permettant d'apprécier le caractère invalidant de ces syndromes (ATF 131 V 49 consid. 1.2 ; 130 V 352 consid. 2.2). Au premier plan figurait la présence d'une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée. D'autres critères pouvaient être déterminants, tels que des affections corporelles chroniques, un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologie inchangée ou progressive), une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique, résultant d'un processus défectueux de résolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vue psychique (profit primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie), l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art (même avec différents types de traitement), cela en dépit de l'attitude coopérative de la personne assurée (ATF 132 V 65 consid. 4.2). En présence de tels syndromes, la mission d'expertise consistait surtout à porter une appréciation sur la vraisemblance de l'état douloureux et, le cas échéant, à déterminer si la personne expertisée disposait des ressources psychiques lui permettant de surmonter cet état. Eu égard à la mission confiée, les experts failliraient à celle-ci s'ils ne tenaient pas compte des différents critères mis en évidence par le Tribunal fédéral dans le cadre de leur appréciation médicale (ATF 132 V 65 consid. 4.2 et 4.3).
Dans un arrêt du 3 juin 2015 (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a abandonné la présomption qui prévalait jusqu’à ce jour, selon laquelle les syndromes du type troubles somatoformes douloureux et affections psychosomatiques assimilées peuvent être surmontés en règle générale par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 132 V 65 ; 131 V 49 ; 130 V 352). Désormais, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d’une part et les ressources de compensation de la personne d’autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). Il n'y a plus lieu de se fonder sur les critères de l'ATF 130 V 352, mais sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4). Ces indicateurs concernent deux catégories, à savoir celle du degré de gravité fonctionnelle et celle de la cohérence.
Ces indicateurs sont classés comme suit :
I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »
Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).
A. Axe « atteinte à la santé »
1. Expression des éléments pertinents pour le diagnostic et des symptômes
Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Par exemple, sur le plan étiologique, la caractéristique du syndrome somatoforme douloureux persistant est, selon la CIM-10 F45.5, qu’il survient dans un contexte de conflits émotionnels ou de problèmes psycho-sociaux. En revanche, la notion de bénéfice primaire de la maladie ne doit plus être utilisée (consid. 4.3.1.1).
2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers
Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation. Si des mesures de réadaptation entrent en considération après une évaluation médicale, l’attitude de l’assuré est déterminante pour juger du caractère invalidant ou non de l’atteinte à la santé. Le refus de l'assuré d'y participer est un indice sérieux d'une atteinte non invalidante. À l’inverse, une réadaptation qui se conclut par un échec en dépit d’une coopération optimale de la personne assurée peut être significative dans le cadre d’un examen global tenant compte des circonstances du cas particulier
(consid. 4.3.1.2).
3. Comorbidités
La comorbidité psychique ne joue plus un rôle prépondérant de manière générale, mais ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble somatoforme douloureux avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel
(cf. consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1), mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).
B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)
Il s’agit d’accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du
Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées
(consid. 4.3.2).
C. Axe « contexte social »
Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (consid. 4.3.3).
Des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).
II. Catégorie « cohérence »
Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (consid. 4.4).
A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie
Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (consid. 4.4.1).
B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation
La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée (consid. 4.4.2).
Le juge vérifie librement si l’expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l’atteinte à la santé et si son évaluation de l’exigibilité repose sur une base objective (consid. 5.2.2 ; ATF 137 V 64
consid. 1.2 in fine).
6. Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).
Dès lors qu'en l'absence de résultats sur le plan somatique, le seul diagnostic de troubles somatoformes douloureux ne suffit pas pour justifier un droit à des prestations d'assurance sociale, il incombe à l'expert psychiatre, dans le cadre large de son examen, d'indiquer à l'administration (et au juge) si et dans quelle mesure un assuré dispose de ressources psychiques qui - eu égard également aux critères pertinents - lui permettent de surmonter ses douleurs. Les prises de position médicales sur la santé psychique et sur les ressources dont dispose l'assuré constituent une base indispensable pour trancher la question (juridique) de savoir si et dans quelle mesure on peut exiger de celui-ci qu'il mette en œuvre toute sa volonté pour surmonter ses douleurs et réintégrer le monde du travail. Dans le cadre de la libre appréciation dont ils disposent, l'administration et le juge ne sauraient ni ignorer les constatations de fait des médecins, ni faire leur les estimations et conclusions médicales relatives à la capacité (résiduelle) de travail, sans procéder à un examen préalable de leur pertinence du point de vue du droit des assurances sociales. Cela s'impose en particulier lorsque l'expert atteste une limitation de la capacité de travail fondée uniquement sur le diagnostic de troubles somatoformes douloureux. Dans un tel cas, il appartient aux autorités administratives et judiciaires d'examiner avec tout le soin nécessaire si l'estimation médicale de l'incapacité de travail prend en considération également des éléments étrangers à l'invalidité (en particulier des facteurs psychosociaux et socio-culturels) qui ne sont pas pertinents du point de vue des assurances sociales, ou si la limitation (partielle ou totale) de la capacité de travail est justifiée par les critères juridiques déterminants (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 648/03 du 18 septembre 2004 consid. 5.1.3 et 5.1.4).
Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR
(ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 244/05 du 3 mai 2006 consid. 2.1). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du
4 mai 2012 consid. 3.2.1).
On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).
En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels ; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).
7. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ;
125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). Les faits survenus postérieurement doivent cependant être pris en considération dans la mesure où ils sont étroitement liés à l’objet du litige et de nature à influencer l’appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue
(ATF 99 V 102 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances
I 321/04 du 18 juillet 2005 consid. 5).
Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence en ce sens que lorsque les instances cantonales de recours constatent qu'une instruction est nécessaire parce que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise, elles sont en principe tenues de diligenter une expertise judiciaire si les expertises médicales ordonnées par l'OAI ne se révèlent pas probantes (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3). Cela étant, un renvoi à l'administration pour mise en œuvre d'une nouvelle expertise reste possible, même sous l'empire de la nouvelle jurisprudence, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
8. En l’espèce, le recourant a produit, dans le cadre de la présente procédure, plusieurs documents médicaux postérieurs au prononcé des décisions litigieuses. Ces rapports se rapportent toutefois aux atteintes à la santé préexistant à ladite décision, de sorte qu’ils doivent être pris en considération dans le cadre de la présente procédure.
8.1 Dans ses décisions du 27 avril 2023, l’intimé a retenu que le recourant avait présenté une totale incapacité de travail à partir de 2019 et qu’il avait recouvré une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée dès le 16 mai 2022, de sorte que son droit à une rente entière était limité à la période du 1er avril au
31 août 2022, étant rappelé que la demande de prestations avait été déposée le
12 octobre 2021.
Cette appréciation est basée sur la détermination du SMR du 18 octobre 2022, elle-même fondée sur les rapports des médecins-traitants du recourant.
8.1.1 Au niveau psychique, le SMR a indiqué qu’il retenait une capacité de travail entière, « comme le mentionne » la Dre B______.
La chambre de céans constate cependant que l’unique rapport alors rendu par cette médecin ne pouvait servir de base fiable pour tirer des conclusions quant à la capacité de travail du recourant, en raison d’incohérence concernant les limitations fonctionnelles et d’incertitude s’agissant de la capacité de travail. En effet, la Dre B______ a noté que le patient ne présentait pas de diminution fonctionnelle, mais elle a également fait état d’une concentration et d’une mémoire diminuées, et relaté de nombreux symptômes qui avaient un impact sur le quotidien du recourant. Elle a considéré que la capacité de travail de 50% pourrait progressivement augmenter jusqu’à 100%, compte tenu de l’évolution de plus en plus positive depuis l’introduction du traitement antidépresseur, tout en précisant que cette augmentation du taux devrait être évaluée « au fur et à mesure ».
L’intimé n’a toutefois plus sollicité l’avis de la psychiatre traitant avant de rendre ses décisions litigieuses le 27 avril 2023. S’il l’avait fait, il aurait été informé que cette médecin n’avait en définitive pas retenu de capacité de travail supérieure à 50%, puisqu’il ressort de son rapport du 10 novembre 2023 que le traitement avait certes permis de stabiliser l’état anxio-dépressif, mais que ladite capacité était toujours limitée à 50%.
De plus, dans son rapport du 10 février 2022, la Dre C______ a évoqué un probable syndrome somatoforme douloureux et indiqué que ce diagnostic devrait être confirmé par un psychiatre, ce qui était un élément supplémentaire qui aurait dû conduire le SMR à demander un nouveau rapport à la Dre B______. Cette dernière a d’ailleurs mentionné le diagnostic de syndrome somatoforme douloureux dans son rapport du 10 novembre 2023. De même, dans sa lettre adressée à la Dre C______ le 13 avril 2022, la Dre D______ a signalé une modification du traitement prescrit par la psychiatre en raison d’une atteinte psychosomatique, avec un patient très anxieux et dépressif. Elle a noté que ce nouveau traitement semblait moins efficace et a estimé que le volet psychologique était prédominant. Compte tenu de ces éléments, le SMR aurait dû solliciter des renseignements complémentaires auprès de la psychiatre traitant. Enfin, dans son rapport du 16 mai 2022, la Dre D______ a évoqué la persistance d’un syndrome douloureux au niveau abdominal et précisé que la prise en charge était difficile et pouvait s’intégrer dans un tableau psychosomatoforme, soulignant la nécessité d’un soutien psychologique. Elle a estimé que les douleurs, « invalidantes », avaient des répercussions sur la réalisation des actes quotidiens et entraînaient une limitation des sorties. À nouveau, ce document contenait des éléments qui requéraient de poursuivre l’instruction au niveau psychique.
8.1.2 Sur le plan somatique, le SMR a retenu une capacité de travail de 80% dès le 16 mai 2022, « comme l’indique le gastroentérologue », ce qui suggère qu’il entendait suivre les conclusions de ce médecin traitant.
Or, dans son rapport du 16 mai 2022, la Dre D______ a certes relaté une bonne évolution de la pancréatite auto-immune, mais elle a également fait état de la persistance d’un syndrome douloureux. La capacité de travail dans une activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles était évaluée entre 50 et 80%. Ainsi, non seulement la gastroentérologue ne s’est prononcée que de manière vague sur la capacité de travail, mais elle n’était en plus pas compétente pour évaluer les répercussions du syndrome douloureux sur ladite capacité. On relèvera en outre que la Dre D______ a signalé, dans son courrier du 13 avril 2022, une intensification des douleurs suites à une amélioration décrite au début de l’année 2022, ce qui parle en défaveur d’une augmentation de la capacité de travail à partir du 16 mai 2022.
On rappellera encore que dans son rapport du 10 février 2022, la Dre C______ a quant à elle considéré que le recourant pourrait raisonnablement travailler
six heures par jour, ce qui ne correspond pas à un taux de 80%. En outre, elle a indiqué que le patient était suivi par la consultation de la douleur, ce qui aurait dû inciter le SMR a complété ses investigations. Enfin, elle a expliqué que son pronostic sur le potentiel de réadaptation était bon, mais que la thymie et la gestion des crises douloureuses pourraient y faire obstacle.
8.1.3 Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de constater que les conclusions du SMR, qui ne correspondent pas à l’évaluation des médecins traitants contrairement à ce qu’il a indiqué, ne reposent pas sur un dossier suffisamment instruit.
L’intimé ne pouvait donc pas retenir qu’un changement important des circonstances, propre à influencer le degré d’invalidité et donc le droit à la rente, était survenu au mois de mai 2022.
8.2 En outre, depuis le prononcé des décisions dont est recours, d’autres rapports ont remis en cause l’amélioration retenue par le SMR.
Ainsi, le 18 septembre 2023, la Dre C______ a indiqué que les douleurs du patient n’avaient jamais disparu et qu’elle ne pouvait pas dire que son état de santé se serait amélioré au cours des dernières années. Elle a considéré qu’une capacité de travail maximale de 50% dans une activité adaptée semblait envisageable.
Dans son rapport du 6 juillet 2023, la Dre E______ a suggéré que tous les critères n’étaient pas formellement présents pour retenir un diagnostic certain de pancréatite auto-immune de type II. La spécialiste a proposé de répéter l’IRM pancréatique afin de s’assurer de l’absence de récidive ou d’une évolution éventuelle vers une atteinte chronique. Le 3 novembre 2023, elle a relevé que les dernières investigations retrouvaient un aspect discrètement hétérogène du parenchyme pancréatique sur une inflammation aiguë qui n’était pas retrouvée au bilan écho-endoscopique complémentaire. L’évolution était stable sur le plan digestif après la résolution progressive de l’inflammation pancréatique et des perturbations hépatiques. Ces éléments ne permettent pas à la chambre de céans de savoir si le diagnostic de pancréatite auto-immune de type II a finalement pu être confirmé ou pas, cas échéant si cette atteinte peut toujours être considérée en rémission. La situation médicale n’est en l’état pas claire.
8.3 Par conséquent, le recours doit être admis et la cause renvoyée à l’intimé pour reprise de l’instruction, tant sur le plan psychique que somatique.
Il incombera à l’intimé de solliciter des rapports complets de la part des spécialistes qui suivent le recourant, dont les médecins de la Consultation de la douleur, cas échéant de mettre en œuvre une expertise bidisciplinaire, comportant des volets en psychiatrie et gastroentérologie. À cet égard, il est rappelé que la Dre C______ a exposé, dans son rapport du 18 septembre 2023, que l’état psychique et physique étaient interdépendants, les douleurs chroniques aggravants les symptômes dépressifs et vice-versa. Ceci ressort également des rapports de la Dre B______ et de la Dre E______, laquelle a relevé, dans son attestation du 3 novembre 2023, que les douleurs chroniques avaient une influence directe sur la thymie du patient en plus des limitations physiques décrites.
Enfin, il sied de rappeler que selon la jurisprudence relative aux troubles somatoformes douloureux, il y a lieu d’examiner si les répercussions fonctionnelles de l’atteinte à la santé constatée médicalement sont prouvées de manière définitive et sans contradiction avec une vraisemblance (au moins) prépondérante au moyen des indicateurs standards.
9. Au vu de ce qui précède, il convient d’admettre partiellement le recours, d’annuler les décisions du 27 avril 2023 en tant qu’elles suppriment, à partir du
1er septembre 2022, le droit à la rente du recourant et la rente complémentaire pour enfant, et de renvoyer la cause à l’intimé pour reprise de l’instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.
10. Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ;
art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule les décisions du 27 avril 2023 en tant qu’elles suppriment la rente d’invalidité du recourant et la rente complémentaire pour enfant à partir du
1er septembre 2022.
4. Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelles décisions.
5. Condamne l’intimé à payer au recourant la somme de CHF 2'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.
6. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le