Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/408/2024 du 03.06.2024 ( LCA ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/201/2024 ATAS/408/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 3 juin 2024 Chambre 6 |
En la cause
A______ représenté par Me Raphaël ROUX, avocat
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demandeur |
contre
GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA
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défenderesse |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1994, a été employé de la société B______ SA en tant que charpentier à compter du 3 septembre 2012. Il était, à ce titre, couvert contre la perte de gain maladie dans le cadre d'une police d'assurance collective d'indemnités journalières conclue par l'employeur auprès d'AVENIR ASSURANCE MALADIE SA (ci-après : l'assureur ou AVENIR).
b. Selon le formulaire « déclaration d'incapacité de travail maladie » du 4 mai 2022, l'assuré a présenté une incapacité de travail en raison d'une dépression nerveuse dès le 26 avril 2022.
c. Dans un questionnaire préétabli par l'assureur, que la docteure C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a complété le 30 juin 2022, elle a posé le diagnostic d'épisode dépressif sévère avec symptômes psychotiques (F32.3).
d. Dans un rapport du 28 juillet 2022, le docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a diagnostiqué, avec répercussion sur la capacité de travail, un épisode dépressif et une dépendance au THC depuis le 25 avril 2022.
e. Le 21 octobre 2022, l'assureur a invité l'assuré à déposer une demande de prestations de l'assurance-invalidité.
f. À la demande de l'assureur, en date du 30 novembre 2022, l'assuré a été examiné par le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Dans un rapport du 6 décembre 2022, l'expert a retenu, avec effet sur la capacité de travail, des troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de dérivés du cannabis, syndrome de dépendance (F12.2), et sans effet sur la capacité de travail, un trouble dépressif d'intensité légère (F32.0). Les limitations fonctionnelles (manque d'énergie, troubles de la pensée, et troubles de la concentration) entraînaient une baisse de la capacité de travail de 75% « peu de temps après la réaction à l'annonce du licenciement » survenue deux ou trois semaines auparavant. Une récupération de 50% de la capacité de travail devrait être obtenue dans les deux à trois semaines avec les mesures thérapeutiques préconisées (tentative du sevrage de la consommation de cannabis, recours plus systématique au traitement antipsychotique). La capacité de travail complète pourrait être récupérée dans les six semaines en fonction de l'évolution des troubles de la pensée à distance de la consommation de cannabis.
g. Dans un procès-verbal du 14 décembre 2022, le médecin-conseil psychiatre de l'assureur a fait siennes les conclusions de cette expertise.
B. a. Par courrier du 26 avril 2023, l'assureur a informé l'assuré qu'il mettrait un terme à ses prestations au 31 mai 2023.
b. Par pli du 24 mai 2023, l'assuré, sous la plume du syndicat UNIA, a contesté l'expertise précitée et sollicité la poursuite du versement des indemnités journalières, ainsi que la mise en œuvre d'une nouvelle expertise.
c. Par lettre du 26 mai 2023, l'assuré, agissant seul, a indiqué avoir réussi son sevrage depuis un mois, mais son état de santé ne s'était pas encore amélioré. Il s'étonnait qu'une nouvelle évaluation n'ait pas été réalisée. Il n'était pas en mesure de reprendre son travail actuellement, selon son propre ressenti. Il priait l'assureur de bien vouloir prolonger le versement des prestations.
Il a joint :
- un rapport du 23 mai 2023 établi par Monsieur F______, psychologue spécialiste en psychothérapie et en addictologie, attestant que l'assuré le consultait depuis le 23 mars 2023 pour un sevrage de cannabis et un suivi psychothérapeutique, dans un contexte de dépression sévère invalidante. L'assuré, totalement abstinent depuis le 1er mai 2023, aurait besoin de six mois de plus pour consolider son abstinence, reprendre confiance en lui, régulariser ses affaires administratives et in fine récupérer son aptitude au travail ; et
- un rapport du 31 mai 2023 de la Dre C______, certifiant suivre l'assuré depuis le 17 juin 2022 en raison d'un épisode dépressif sévère (F32.3). Les difficultés attentionnelles, la faible résistance psychique, la présence d'une impulsivité émotionnelle et des moments de recrudescences anxieuses avec tension interne voire des idées suicidaires ne permettaient pas une reprise de l'activité professionnelle au 1er juin 2023.
d. Selon les décomptes au dossier, l'assureur a versé à l'assuré des indemnités journalières, moyennant un délai d'attente de deux jours, jusqu'au 31 mai 2023. Le montant journalier était fixé à CHF 150.60.
e. Dans un procès-verbal du 19 juin 2023, le médecin-conseil de l'assureur a mentionné que les documents précités n'apportaient pas de nouveaux éléments objectifs.
f. Le 10 juillet 2023, l'assureur a maintenu sa position.
g. Le 1er août 2023, la psychiatre traitante a établi un certificat attestant d'une capacité de travail nulle jusqu'au 31 août 2023, et le 29 août 2023 jusqu'au 30 septembre 2023.
h. Le licenciement de l'assuré a pris effet le 15 septembre 2023.
C. a. Par acte du 18 janvier 2024, l'assuré, par l'intermédiaire de son nouveau conseil, a assigné l'assureur par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, sous suite de dépens, en paiement d'une somme de CHF 31'689.10 pour la période du 1er juin 2023 à présent, sous réserve d'amplification selon l'évolution de son état de santé. Préalablement, il a sollicité son audition, celle de ses médecins ou la mise en place d'une expertise judiciaire.
Il a nié la valeur probante du rapport d'expertise psychiatrique et fait valoir que les rapports de ses médecins attestaient de son incapacité de travail.
b. Dans sa réponse du 14 février 2024, la défenderesse a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet de la demande.
Elle a, à l'inverse, reconnu pleine valeur probante au rapport d'expertise précité, tout en soulignant avoir laissé beaucoup de temps au demandeur pour qu'il puisse terminer son sevrage et reprendre le travail. Le rapport du psychologue et celui de la psychiatre traitants, selon lesquels l'incapacité de travail de leur patient persistait au-delà du 31 mai 2023, n'apportaient pas de véritables éléments médicaux pour le démontrer et l'expliciter. Ils ne faisaient état d'aucune limitation fonctionnelle ayant un impact sur la capacité de travail du demandeur. Aucun indice au dossier ne permettait d'admettre que celui-ci souffrait d'une atteinte incapacitante durant la période litigieuse, contredisant en cela l'avis de l'expert psychiatre. Il était ainsi totalement exigible que le demandeur reprenne progressivement une activité professionnelle jusqu'à 100% dans cette même activité. Elle en a tiré la conclusion qu'il n'était pas établi, même au degré de la vraisemblance prépondérante, que le demandeur était en incapacité de travail totale après le 1er juin 2023.
c. Dans sa réplique du 21 mars 2024, le demandeur a persisté dans ses conclusions.
Il a allégué avoir été en arrêt complet jusqu'au mois de novembre 2023, puis à 50% jusqu'en janvier 2024 et s'être inscrit au chômage en décembre 2024 (recte : 2023). Cette période de rémission correspondait aux prédictions de son psychologue et de sa psychiatre traitants.
Il a produit :
- un courrier de l'office cantonal de l'emploi du 13 décembre 2023, mentionnant que le nombre de recherches d'emploi convenu était diminué de moitié dès le 1er décembre 2023 pour la durée de son incapacité ;
- les certificats émis par la psychiatre traitante, le 29 août 2023 pour une capacité de travail nulle du 1er au 30 septembre 2023, le 17 octobre 2023 pour une capacité de travail nulle du 1er octobre au 17 novembre 2023, le 8 novembre 2023 pour une capacité de travail nulle du 1er au 30 novembre 2023, le 28 novembre 2023 pour une capacité de travail de 50% du 1er au 31 décembre 2023, le 19 décembre 2023 pour une capacité de travail de 50% du 1er au 31 janvier 2024, et le 1er février 2024 pour une capacité de travail de 100% dès le 1er février 2024.
Sur le fond, le demandeur a exposé que l'expertise psychiatrique n'était pas un moyen de preuve, que les troubles dépressifs et de la personnalité constituaient des affections invalidantes justifiant à elles seules une diminution significative de la capacité de travail, et que, selon toute vraisemblance, un sevrage ne permettrait pas d'emblée de modifier le tableau clinique. Il avait été incapable de prendre un emploi pour une période plus longue que le pronostic posé par l'expert. En poursuivant le versement des prestations au-delà de la période indiquée par celui-ci, la défenderesse avait elle-même mis à mal la probité de ses conclusions, de telle sorte qu'elle ne pouvait plus, six mois ensuite, se fonder sur cette expertise pour justifier l'arrêt des prestations. Par ailleurs, l'expert n'avait pas été en mesure d'évaluer l'évolution de la symptomatologie dépressive indépendamment de l'addiction, respectivement du sevrage, contrairement aux médecins traitants. Une seconde expertise aurait été commandée par les circonstances tel que cela avait été suggéré par UNIA. Le demandeur en a déduit que les conclusions de l'expert concernant la reprise de sa capacité de travail étaient insoutenables, tout en ajoutant avoir respecté le suivi thérapeutique préconisé par ses médecins traitants ainsi que son devoir de collaboration envers la défenderesse.
d. Dans sa duplique du 16 avril 2024, la défenderesse a également persisté dans ses conclusions.
Elle a répété que le rapport d'expertise psychiatrique répondait aux réquisits jurisprudentiels pour se voir reconnaître pleine valeur probante. La capacité de travail du demandeur avait été correctement évaluée par l'expert qui avait tenu compte de l'aspect du sevrage dans son appréciation. Elle a conclu qu'elle pouvait se fonder sur ce document pour cesser de prester au 1er juin 2023, et en a inféré qu'il était superflu de mettre en œuvre une expertise judiciaire.
e. Copie de cette écriture a été transmise au demandeur pour information.
1.
1.1 Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).
Selon l'art. 3 des « Conditions générales de l'assurance collective d'une indemnité journalière selon la LCA », édition 01.01.2022 (ci-après : CG) ici applicables, le contrat est régi notamment par la LCA.
La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Sauf disposition contraire du CPC, pour les actions dirigées contre les personnes morales, le for est celui de leur siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.
En l'occurrence, l'art. 43 des CG prévoit qu'en cas de contestation, le preneur d'assurance, l'assuré ou l'ayant droit peut choisir soit les tribunaux de son domicile suisse, soit ceux du siège de l'assureur, soit ceux du lieu de travail suisse pour l'assuré domicilié à l'étranger.
Le demandeur, en sa qualité d'assuré, ayant son domicile à Genève, la chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la présente demande.
1.3 Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6 ; ATAS/577/2011 du 31 mai 2011), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).
1.4 Pour le reste, la demande respecte les conditions formelles prescrites par les art. 130 et 244 CPC ainsi que les autres conditions de recevabilité prévues par l’art. 59 CPC, de sorte qu’elle est recevable.
2.
2.1 À titre liminaire, il convient de se pencher sur la capacité pour défendre de GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA.
2.2 La question de la qualité pour défendre relève, comme dans un procès civil, du fondement matériel de l'action (ATAS/1277/2012 du 23 octobre 2012 consid. 4a et la référence citée). À la qualité pour défendre, ou la légitimation passive, la personne qui est débitrice du droit matériel allégué. La légitimation passive relève ainsi du droit de fond puisqu'elle a trait au fondement matériel de l'action, mais elle n'emporte pas encore décision sur l'existence de la prétention de la demanderesse, que ce soit quant à son principe ou quant à la mesure dans laquelle elle la fait valoir. L'absence de légitimation passive conduit au rejet de la demande (ATF 111 V 342 consid. 1c ; 114 II 345 consid. 3a).
2.3 En l'espèce, le demandeur a assigné AVENIR, en considérant qu'elle était débitrice des indemnités journalières revendiquées. Avant la présente procédure, la correspondance a effectivement été adressée au demandeur par AVENIR (cf. notamment les courriers des 28 juin 2022 « demande de renseignements médicaux », 26 avril 2023 « indemnisation de votre incapacité de travail » par lequel elle mettait un terme aux prestations au 31 mai 2023, et 10 juillet 2023 par lequel elle confirmait sa prise de position du 26 avril 2023). La chambre de céans a invité cette entreprise d'assurance à se déterminer sur la demande en paiement. Dans sa réponse du 14 février 2024, signée par GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA, cette dernière a indiqué être devenue l'assureur, en lieu et place d'AVENIR, dès le 1er décembre 2021 à la suite d'un avenant signé avec le preneur d'assurance concernant le personnel d'exploitation du second-œuvre. Ces deux sociétés sont membres du Groupe Mutuel Holding SA, et ont leur siège au même endroit. Dans ces circonstances, il y a lieu de prendre acte de la substitution des parties, à laquelle GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA a consenti en tout cas. La chambre de céans admettra donc que la demande en paiement est dirigée contre cette dernière entité.
3.
3.1 Sur le plan matériel, la LCA a fait l’objet d’une révision entrée en vigueur le 1er janvier 2022 (modification du 19 juin 2020 ; RO 2020 4969 ; RO 2021 357).
3.2 En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle qui était en vigueur lors de réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).
3.3 En l’occurrence, le contrat d'assurance a été conclu postérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions de la LCA applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
4. Le litige porte sur le droit éventuel du demandeur à des indemnités journalières au-delà du 31 mai 2023, date à laquelle la défenderesse a mis fin auxdites prestations.
5.
5.1 La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).
La jurisprudence applicable avant l'introduction du CPC, prévoyant l'application de la maxime inquisitoire sociale aux litiges relevant de l'assurance-maladie complémentaire, reste pleinement valable (ATF 127 III 421 consid. 2). Selon cette maxime, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces ; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a).
5.2 La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1). Pour toutes les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), en l'absence de règles contraires, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 133 III 323 consid. 4.1 non publié ; ATF 130 III 321 consid. 3.1 ; ATF 129 III 18 consid. 2.6 ; ATF 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (ATF 122 III 219 consid. 3c ; ATF 119 III 60 consid. 2c). Elle n'empêche pas le juge de refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves (ATF 121 V 150 consid. 5a). L'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c ; ATF 119 III 60 consid. 2c ; ATF 118 II 142 consid. 3a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, il ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et 128 III 271 consid. 2b/aa). Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa).
5.3 En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie, qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).
En principe, un fait est tenu pour établi lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation. La loi, la doctrine et la jurisprudence ont apporté des exceptions à cette règle d'appréciation des preuves. L'allégement de la preuve est alors justifié par un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot), qui se rencontre lorsque, par la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu'indirectement et par des indices (ATF 132 III 715 consid. 3.1 ; ATF 130 III 321 consid. 3.2). Tel peut être le cas de la survenance d'un sinistre en matière d'assurance-vol (ATF 130 III 321 consid. 3.2) ou de l'existence d'un lien de causalité naturelle, respectivement hypothétique (ATF 132 III 715 consid. 3.2). Le degré de preuve requis se limite alors à la vraisemblance prépondérante (die überwiegende Wahrscheinlichkeit), qui est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance (die Glaubhaftmachung). La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ou hypothèses envisageables ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2 ; ATF 132 III 715 consid. 3.1 ; ATF 130 III 321 consid. 3.3).
En vertu de l'art. 8 CC, la partie qui n'a pas la charge de la preuve a le droit d'apporter une contre-preuve. Elle cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve principale. Pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée, de sorte que les allégations principales n'apparaissent plus comme les plus vraisemblables (ATF 130 III 321 consid. 3.4). Le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble des éléments qui lui sont apportés et dire s'il retient qu'une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2011 du 26 avril 2011 consid. 2.1.1).
En ce qui concerne la survenance d’un sinistre assuré, le degré de preuve nécessaire est en principe abaissé à la vraisemblance prépondérante (en lieu et place de la règle générale de la preuve stricte ; ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3). Le défendeur conserve toutefois la possibilité d’apporter des contre-preuves ; il cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l’exactitude des allégations formant l’objet de la preuve principale (ATF 130 III 321 consid. 3.4).
Cependant, dans un arrêt du 31 août 2021, le Tribunal fédéral a modifié la jurisprudence précitée, en ce sens que l’existence d’un cas d’assurance constitué par une incapacité de travail est désormais soumise au degré de preuve de la preuve stricte (ATF 148 III 105 consid. 3.3.1 in fine). Par conséquent, la preuve est apportée lorsque le tribunal, en se fondant sur des éléments objectifs, est convaincu de l'exactitude d'une allégation de fait. Il suffit qu'il n'y ait plus de doutes sérieux quant à l'existence du fait allégué ou que les doutes qui subsistent éventuellement paraissent légers (ATF 148 III 105 consid. 3.3.1).
6.
6.1 Aux termes de l’art. 168 al. 1 CPC, les moyens de preuve sont le témoignage (let. a) ; les titres (let. b) ; l’inspection (let. c) ; l’expertise (let. d) ; les renseignements écrits (let. e) ; l’interrogatoire et la déposition de partie (let. f).
6.2 Le principe de la libre appréciation des preuves s'applique lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des prestations en matière d'assurance sociale. Rien ne justifie de ne pas s'y référer également lorsqu’une prétention découlant d'une assurance complémentaire à l'assurance sociale est en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 4.2).
Le principe de la libre appréciation des preuves signifie que le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de statuer sur le droit litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_253/2007 du 13 novembre 2007 consid. 4.2).
En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).
Concernant plus particulièrement l'appréciation du résultat d'une expertise, le juge n'est en principe pas lié par le rapport de l'expert, qu'il doit apprécier en tenant compte de l'ensemble des autres preuves administrées. S'il entend s'en écarter, il doit motiver sa décision et ne saurait, sans motifs déterminants, substituer son appréciation à celle de l'expert, sous peine de verser dans l'arbitraire (ATF 129 I 49 consid. 4). De tels motifs déterminants existent notamment lorsque l'expertise contient des contradictions, lorsqu'une détermination ultérieure de son auteur vient la démentir sur des points importants, lorsqu'elle contient des constatations factuelles erronées ou des lacunes, voire lorsqu'elle se fonde sur des pièces dont le juge apprécie autrement la valeur probante ou la portée (ATF 110 Ib 52 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4D_8/2008 du 31 mars 2008 consid. 3.2.1).
L’expertise en tant que moyen de preuve admis au sens de l’art. 168 al. 1 let. d CPC ne vise que l’expertise judiciaire au sens de l’art 183 al. 1 CPC. Une expertise privée n’est en revanche pas un moyen de preuve mais une simple allégation de partie (ATF 141 III 433 consid. 2.5.2 et 2.5.3). Lorsqu’une allégation de partie est contestée de manière circonstanciée par la partie adverse, une expertise privée ne suffit pas à prouver une telle allégation. En tant qu’allégation de partie, une expertise privée peut, combinée à des indices dont l’existence est démontrée par des moyens de preuve, amener une preuve. Toutefois, si elle n’est pas corroborée par des indices, elle ne peut être considérée comme prouvée en tant qu’allégation contestée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_626/2015 du 24 mai 2016 consid. 2.5).
7. Depuis l'entrée en vigueur de la LAMal, le 1er janvier 1996, les assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale au sens de cette loi sont soumises au droit privé, plus particulièrement à la LCA ; ATF 124 III 44 consid. 1a/aa). Comme l'art. 100 al. 1 LCA renvoie à la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) pour tout ce qu'elle ne règle pas elle-même, la jurisprudence en matière de contrats est applicable. D'après celle-ci, les conditions générales font partie intégrante du contrat. Les dispositions contractuelles préformulées sont en principe interprétées selon les mêmes règles que les clauses contractuelles rédigées individuellement (ATF 133 III 675 consid. 3.3 ; ATF 122 III 118 consid. 2a ; ATF 117 II 609 consid. 6c)
La LCA ne comporte pas de dispositions particulières à l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie ou d'accident, de sorte qu'en principe, le droit aux prestations se détermine exclusivement d'après la convention des parties (ATF 133 III 185 consid. 2). Le droit aux prestations d'assurances se détermine donc sur la base des dispositions contractuelles liant l'assuré et l'assureur, en particulier des conditions générales ou spéciales d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 5C.263/2000 du 6 mars 2001 consid. 4a).
8.
8.1 Selon l'art. 2 al. 2 1ère phrase des CG, l'assureur accorde sa garantie pour les conséquences économiques d'une incapacité résultant d'une maladie.
Selon l'art. 4 al. 2 1ère phrase des CG, par maladie, on entend toute atteinte involontaire à la santé physique, mentale ou psychique, médicalement et objectivement décelable, qui n'est pas due à un accident ou à ses suites et qui exige un examen, un traitement médical ou engendre une incapacité.
Selon l'al. 4 de cette disposition, sauf indication contraire, le terme incapacité concerne autant l'incapacité de travail que l'incapacité de gain.
Selon l'art. 4 al. 5 des CG, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir les tâches habituelles de la profession exercée qui peuvent raisonnablement être exigées de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. Dès l'instant où la reprise de la profession n'est plus possible, le droit aux prestations dépend de l'incapacité de gain.
Selon l'art. 13 al. 4 let. a des CG, l'indemnité journalière est allouée proportionnellement au degré d'incapacité qui doit être d'au moins 25%.
Selon l'al. 6 let. b de cette disposition, l'assureur paie l'incapacité médicalement attestée et prouvée. Pour les incapacités de plus de trois jours, l'établissement d'un certificat médical est obligatoire. Une attestation du médecin, basée sur des consultations régulières au cabinet, doit être remise à l'assureur au moins une fois par mois.
Selon l'art. 13 al. 7 let. a des CG, l'indemnité journalière due est versée après l'expiration du délai d'attente choisi, pour chaque jour d'incapacité (dimanches et jours fériés y compris).
Selon l'art. 38 al. 7 des CG, l'assuré participe, dans les limites de ce qui peut raisonnablement être exigé de lui, à un traitement ou à une mesure de réinsertion professionnelle susceptibles d'améliorer notablement sa capacité de travail ou d'offrir une nouvelle possibilité de gain. L'al. 9 de cette disposition prévoit que le non-respect de ces obligations peut amener à des sanctions de la part de l'assureur pouvant aller jusqu'au refus des prestations conformément à l'art. 25 des CG.
8.2 En l'occurrence, la défenderesse admet que le demandeur bénéficie d'une assurance d'indemnité journalière en cas de maladie s'élevant à 80% du salaire assuré, versée pendant 730 jours au maximum, sous déduction d'un délai d'attente de deux jours.
Il n'est pas contesté que le demandeur s'est trouvé en incapacité de travail à 100% dès le 26 avril 2022 pour cause de maladie psychique et a touché de ce fait des indemnités journalières jusqu'au 31 mai 2023.
La défenderesse a cessé de prester à cette dernière date en s'appuyant sur un rapport d'expertise du 6 décembre 2022 du Dr E______, psychiatre, spécialiste de la discipline médicale ici pertinente.
Ce rapport se fonde sur l'anamnèse, l'examen clinique du demandeur et tient compte des plaintes exprimées par ce dernier. Si l'expert n'a que cité le rapport du médecin traitant généraliste du 28 juillet 2022, et semble ne pas avoir pris connaissance du rapport de la psychiatre traitante du 30 juin 2022, dans lequel elle posait le diagnostic d'épisode dépressif sévère avec symptômes psychotiques (F32.3), cela ne discrédite pas en soi les conclusions de l'expert, car il a dûment expliqué les motifs pour lesquels, au jour de son examen le 30 novembre 2022, il excluait la présence d'un trouble dépressif caractérisé ainsi que d'un trouble psychotique.
Ainsi, l'humeur du demandeur, légèrement déprimée, était systématiquement décrite dans le registre de l'« angoisse » ou de l'« anxiété », sans qu'un trouble anxieux spécifique ne soit retenu. Le demandeur ne présentait pas une diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir dans la plupart des activités habituelles (i.e. football, vie sociale). Il avait en effet repris le football au mois de septembre (2022) et fréquentait le groupe de ses amis d'enfance qu'il considérait comme une « famille soudée ». Le changement d'appétit, associé à une perte pondérale progressive de l'ordre de 1% par mois en moyenne au cours de l'épisode (« 5 kg ces derniers mois »), n'était pas sévère sur le plan psychiatrique. Les insomnies à caractère de troubles de l'endormissement ou de réveils nocturnes brefs n'étaient pas caractéristiques d'une dépression majeure de l'humeur. Il n'y avait pas de trouble de la vigilance, ni signe de fatigabilité physique. Il n'y avait pas non plus de ralentissement ni d'agitation significative sur le plan psychomoteur. Le demandeur pratiquait une activité physique régulière (bricolage, tâches ménagères, entraînement de football, promenade) limitée à une heure sur le plan de l'énergie. L'image de soi était instable, les idées méfiantes l'emportaient sur le sentiment de dévalorisation. L'expert précisait que de telles idées négatives de soi étaient presque toujours présentes même dans les formes légères de dépression. La concentration était fragile, avec des hésitations dans le discours et des phrases inachevées, sans pour autant perte du fil de la discussion. Les capacités de compréhension et de réflexion étaient en revanche dans la norme. Il y avait enfin eu des idées de mort peu concrètes ; l'expertisé envisageait de faire appel à « Exit ».
En définitive, l'expert a retenu un épisode de dépression d'une intensité légère, dont la présentation atypique était imputable aux effets probables de la consommation régulière et ancienne de cannabis. Le diagnostic de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de dérivés du cannabis, syndrome de dépendance (F12.2), avait un effet sur la capacité de travail du demandeur. Le manque d'énergie d'une intensité moyenne, sans que la reprise ultérieure de l'activité après une pause ne soit entravée, les troubles de la pensée d'une intensité moyenne, et les troubles de la concentration d'une intensité légère à moyenne entraînaient une baisse de la capacité de travail de 75% dans l'activité habituelle.
L'expert estimait le pronostic favorable (la capacité de travail pouvait être progressivement augmentée, d'abord à 50% puis à plein temps, en fonction de l'évolution des troubles de la pensée à distance de la consommation de cannabis, au moyen des mesures thérapeutiques préconisées). Le demandeur n'était donc pas confronté à un échec de toute thérapie médicalement indiquée. L'expert n'a pas retenu un trouble spécifique de la personnalité au sens d’une classification diagnostique reconnue. Pour ce qui était du contexte social, le demandeur, même s'il avait réduit sa vie sociale, continuait à fréquenter ses amis d'enfance. Enfin, l'expert a relevé que le comportement du demandeur était cohérent dans tous les domaines de la vie. Il assumait d'une part les tâches ménagères chez son père, s'occupait également du chat, et payait ses factures mais nécessitait d'autre part l'aide de sa mère pour certaines démarches administratives (impôts, échanges avec le syndicat). Si l'expert a relevé une certaine discordance entre la souffrance alléguée et le recours aux soins médicamenteux, cela pouvait cependant s'expliquer par la méfiance et un certain déni.
Selon le demandeur, l'expertise comporte des erreurs et incohérence. L'expert retenait que celui-ci n'avait pas de diminution marquée de l'intérêt dans la plupart des activités habituelles, alors qu'il n'avait pas totalement repris son activité sportive où il ne se sentait plus à l'aise, qu'il avait réduit sa vie sociale et qu'il ne faisait plus seul les commissions. L'expert indiquait qu'il n'y avait pas de signe observable de l'agitation subjective décrite, alors que les impatiences dans les membres inférieurs la nuit et une sudation nocturne excessive invoquées ne pouvaient manifestement pas être observées durant un entretien diurne. L'expert mentionnait également qu'il n'y avait pas de signe observable de la plainte de manque d'énergie, alors que le demandeur avait déclaré être fatigué après dix heures de sommeil et que le manque d'énergie d'intensité moyenne était retenu pour justifier la présence de limitations dans l'activité habituelle.
Les critiques que formule le demandeur ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation de l'expert, basée tant sur les déclarations de l'expertisé que sur les observations cliniques, donc objectives. Ainsi, l'expert a constaté que des signes d'intérêt étaient visibles à l'évocation du groupe d'amis et même du chat. Si le demandeur n'a participé qu'à quatre séances d'entraînement de football sur seize en raison du déclin de sa condition physique et du jugement de ses coéquipiers à ce sujet, raison pour laquelle il avait le sentiment de ne pas être bien intégré à l'équipe, il n'a toutefois pas complètement arrêté ce sport, étant de surcroît souligné que l'expert a précisément tenu compte du fait que les troubles de la pensée (méfiante) du demandeur limitaient son rendement. Même si le demandeur a réduit sa vie sociale du fait de se sentir « jugé » sous le regard des autres, il y a lieu d'admettre que le groupe d'amis d'enfance qu'il fréquente, qu'il décrivait comme une « famille soudée », lui procure des ressources mobilisables. Quand bien même le demandeur ne fait plus seul les commissions pour ne pas être « au milieu d'un supermarché rempli de gens » avec le souci de devoir supporter leur regard jugeant, à nouveau, le fonctionnement de la pensée du demandeur a déjà été pris en compte pour évaluer sa capacité de travail, étant relevé que le demandeur peut réaliser seul certaines tâches, raison pour laquelle l'expert n'a pas retenu une totale incapacité de travail. En ce qui concerne les impatiences dans les jambes et les sudations nocturnes, l'expert a mentionné que si les manques d'énergie et de concentration devaient persister après le sevrage de la consommation de cannabis, un trouble intrinsèque devrait alors être envisagé. Or, les médecins traitants du demandeur n'ont évoqué, au cours du sevrage ou postérieurement à celui-ci, aucun autre diagnostic (que ceux de la dépression et de la dépendance au THC). Enfin, quand bien même l'expert a observé que le niveau d'énergie était dans la norme sans signe de fatigabilité physique, il a néanmoins tenu compte du manque d'énergie allégué au quotidien pour évaluer la capacité de travail résiduelle du demandeur dans l'activité habituelle.
Comme le relève le médecin-conseil de la défenderesse, ni la psychiatre traitante ni le psychologue du demandeur n'ont fait état d'éléments médicaux objectifs, essentiels, qui auraient été ignorés par l'expert. Dans son rapport du 31 mai 2023, la première considérait que les difficultés attentionnelles, la faible résistance psychique, la présence d'une impulsivité émotionnelle, les moments de recrudescences anxieuses avec tension interne et les idées suicidaires ne permettaient pas une reprise de l'activité professionnelle au 1er juin 2023. Dans son rapport du 23 mai 2023, le second, que le demandeur consultait dans le cadre du sevrage de cannabis, parallèlement au suivi psychiatrique, mentionnait que la difficulté à démarrer la journée, le rempli social, le trouble du sommeil, la perte d'appétit et de poids, la perte d'élan vital et de confiance, la difficulté à s'occuper des besoins de base, et les idées sombres ne permettaient pas une reprise de travail avant six mois.
Force est de constater que ces spécialistes n'ont mis en avant aucun nouveau symptôme qui n'aurait pas déjà été décrit par l'expert. En effet, ce dernier a indiqué que le demandeur se levait entre 10h et 11h, négligeait sa toilette, avait réduit sa vie sociale, présentait des insomnies et manquait d'énergie, décrivait une angoisse fluctuante, rapportait des difficultés de concentration, de même qu'un appétit diminué avec une perte de poids, évoquait des idées de mort avec un moyen peu réaliste, était inquiet, se montrait irrité, manifestait une intolérance à la frustration, avec des signes d'imprégnation à une substance psychoactive dans la nervosité persistante, et sa thymie apparaissait dysphorique, plutôt anxieuse que déprimée.
Au demeurant, ni la psychiatre ni le psychologue traitants ne discutent les allégations figurant dans l'expertise psychiatrique. Autrement dit, les allégations contenues dans cette expertise, certes privée, ne font pas l'objet d'une contestation motivée.
En conséquence, l'expertise privée emporte la conviction.
Il est vrai que l'expert a employé le conditionnel pour se prononcer sur la capacité de travail résiduelle du demandeur au fil du temps. Cela est inhérent au caractère pronostique de ses conclusions, qu'il juge favorable au moyen des mesures médicales préconisées. Ainsi, si elles sont suivies avec succès, la capacité de travail du demandeur, 25% au jour de l'examen, passerait progressivement à 50% puis à 100%. Le fait que l'expert utilise le conditionnel quant au caractère fructueux des options thérapeutiques proposées (« la tentative du sevrage de la consommation de cannabis (…) devrait être fructueuse en quelques semaines (…) ») laisse à penser qu'il se réfère à une situation hypothétique, sans possibilité de connaître la date précise de la capacité de travail du demandeur d'abord à 50%, puis à 100%.
Le demandeur a commencé le sevrage de cannabis le 23 mars 2023, comme l'atteste le psychologue traitant dans un rapport du 23 mai 2023. Il s'est donc conformé à son obligation de diminuer le dommage en suivant la mesure thérapeutique recommandée par l'expert. On ignore, faute de document au dossier, le moment où la défenderesse a communiqué le rapport d'expertise du 6 décembre 2022 au demandeur. En tout cas, elle a cité ce rapport dans son courrier du 26 avril 2023 par lequel elle a mis un terme au versement des prestations au 31 mai 2023. Dans ces circonstances, on ne saurait considérer que le demandeur aurait tardé à suivre cette mesure.
Le pronostic de l'expert ne s'est pas réalisé, puisque deux mois après le début du sevrage, la capacité de travail du demandeur ne s'était pas encore améliorée. Dans la mesure où les certificats d'arrêt de travail émis par la psychiatre traitante sont très sommaires, à l'inverse du rapport de celle-ci du 31 mai 2023, plus détaillé sans qu'il ne fasse toutefois état d'éléments médicaux objectifs nouveaux, et que la défenderesse n'a pas mis en œuvre une nouvelle expertise pour la période postérieure au 31 mai 2023, date de la fin de ses prestations, il est établi que la capacité de travail du demandeur est demeurée à 25% dans son activité habituelle jusqu'au 30 novembre 2023 puis a augmenté à 50% jusqu'au 31 janvier 2024. En d'autres termes, il y a lieu de suivre les conclusions de l'expert, convaincantes, en ce qui concerne le taux de la capacité de travail du demandeur dans son activité habituelle, et celles de la psychiatre traitante s'agissant des dates auxquelles cette capacité de travail a changé. Au passage, la remise du certificat médical le 17 octobre 2023 pour la période rétroactive dès le 1er octobre 2023, et le 8 novembre 2023 pour la période rétroactive dès le 1er novembre 2023 ne sont pas caduques, dès lors que la psychiatre traitante suivait le demandeur depuis le 17 juin 2022 et connaissait bien la situation de celui-ci.
8.3 Partant, le demandeur a droit aux indemnités journalières pour cause de maladie à hauteur de CHF 25'338.45 pour la période du 1er juin 2023 au 31 janvier 2024 ([CHF 150.60 × 75 / 100%] × 183 jours + [CHF 150.60 × 50 / 100%] × 62 jours).
9. Par conséquent, la demande en paiement est partiellement admise, en ce sens que la défenderesse sera condamnée à verser au demandeur le montant de CHF 25'338.45, représentant les indemnités journalières selon la LCA pour la période du 1er juin 2023 au 31 janvier 2024.
10. Au vu de ce qui précède, la chambre de céans disposant de tous les éléments nécessaires pour statuer sur le droit du demandeur à des indemnités journalières, il est superflu, par appréciation anticipée des preuves, d'organiser une audience de débats et de donner suite aux mesures d'instructions sollicitées par celui-ci (dans ce sens : ATAS/1016/2023 du 19 décembre 2023 consid. 9.2.2). Au demeurant, comme le demandeur est pleinement apte à travailler dans son activité habituelle depuis le 1er février 2024, l'expertise judiciaire permettrait difficilement d'établir son état de santé passé et l'expert serait à cet égard renvoyé aux renseignements médicaux au dossier, lesquels sont suffisants pour établir le droit du demandeur.
11. Le demandeur, représenté par un conseil, obtient partiellement gain de cause, de sorte qu’il a droit à des dépens.
11.1 Les cantons sont compétents pour fixer le tarif des frais comprenant les dépens (art. 96 CPC en relation avec l’art. 95 al. 3 let. b CPC). À Genève, le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10) détermine notamment le tarif des dépens, applicable aux affaires civiles contentieuses (art. 1 RTFMC). Ceux-ci sont, en principe, mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).
11.2 La valeur litigieuse, telle que définie par les conclusions du demandeur, s'élève à CHF 31'689.10, ce qui correspond à des dépens de CHF 5'185.80 selon l'art. 85 al. 1 RTFMC, auxquels il convient d’ajouter la TVA (8,1% ; art. 25 al. 1 et 115 al. 1 de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée du 12 juin 2009 [LTVA - RS 641.20] dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2024) et les débours (3%), de sorte que le montant total, arrondi, s’élève à CHF 5'761.40 (art. 25 et 26 al. 1 de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05] ; art. 84 et 85 RTFMC).
12. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 114 let. e CPC).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare la demande en paiement du 18 janvier 2024 recevable.
Au fond :
2. Constate la substitution des parties, en ce sens que GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA est assignée en lieu et place d'AVENIR ASSURANCE MALADIE SA.
3. Admet partiellement la demande en paiement.
4. Condamne la défenderesse à verser au demandeur le montant de CHF 25'338.45, représentant les indemnités journalières pour la période du 1er juin 2023 au 31 janvier 2024.
5. Condamne la défenderesse à verser au demandeur une indemnité de dépens de CHF 5'761.40.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le