Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/363/2024 du 23.05.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/4042/2023 ATAS/363/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 23 mai 2024 Chambre 5 |
En la cause
A______ représentée par la Docteure C______, mandataire
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1973, de nationalité turque, mariée, mère de quatre enfants nés en 1993, 1995, 1998 et 2006, est arrivée en Suisse en 1996. Sans formation professionnelle, elle a été engagée au mois de mai 2002 comme dame de buffet roulant auprès des B______ (ci-après : B______), à hauteur de 40% selon le curriculum vitae de l'intéressée.
b. L'assurée a été victime d'un accident professionnel le 10 décembre 2002 ayant occasionné un traumatisme lombaire.
c. Par décision du 3 décembre 2003, l'assureur-accidents compétent a mis un terme au paiement de l'indemnité journalière et des soins médicaux avec effet au 31 juillet 2003 et considéré le cas comme étant liquidé, les troubles ultérieurs n'étant pas en relation de causalité avec l'accident du 10 décembre 2002.
B. a. L'assurée a déposé une première demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI ou l'intimé) en juillet 2007, en vue d'une orientation professionnelle et d'une rente.
b. Par décision du 13 mai 2008, l'OAI a rejeté la demande de prestations, après avoir soumis l'assurée à un examen clinique rhumatologique et psychiatrique au sein de son service médical régional (ci-après : le SMR). L'assurée, qui était une personne active à 40% et se consacrait pour le reste à ses travaux ménagers, présentait, en effet, un degré nul d'invalidité, compte tenu du résultat de la comparaison des revenus, le revenu sans invalidité étant inférieur à celui avec invalidité. La mise en œuvre d’une enquête à domicile était par ailleurs superflue, compte tenu du défaut d’invalidité dans la sphère professionnelle, les empêchements dans les travaux habituels ne pouvant être supérieurs à l’invalidité fixée dans la sphère professionnelle.
c. Le recours interjeté par l'assurée contre la décision du 13 mai 2008 a été rejeté par la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), par arrêt du 23 décembre 2008 (ATAS/1510/2008). Celle-ci a confirmé le refus de rente d'invalidité en raison d'une perte de gain nulle, reprenant le calcul de l'OAI à ce propos, ainsi que le refus de mesures de réadaptation, une aide au placement devant toutefois être accordée à l'assurée sur demande.
d. Le 18 mars 2014, l'OAI a réceptionné une deuxième demande de prestations de l'assurée, celle-ci se plaignant de douleurs très fortes dans le dos, les bras et les jambes.
e. Dans un avis du 21 avril 2015, le SMR a retenu une aggravation de l'état de santé de l'assurée sur le plan psychiatrique et rhumatologique (lombalgies et discopathie), justifiant une incapacité totale de travailler dans toute activité à compter de 2013.
f. Une première enquête économique sur le ménage a été réalisée au domicile de l'assurée le 25 août 2015, lors de laquelle cette dernière a répondu à un questionnaire sur son statut, le gestionnaire de l'OAI ayant demandé à l'infirmière spécialisée d'aborder ce point. À teneur du formulaire rempli avec l'aide de la fille de l'assurée, celle-ci aurait exercé une activité lucrative sans atteinte à la santé, afin d'entretenir financièrement ses enfants, mais à un taux et dans un secteur d'activité qu'elle ne pouvait projeter.
Selon le résultat de l'enquête économique sur le ménage, l'empêchement total de l'assurée pondéré dans les différents champs d'activité était de 44.7%. Compte tenu de l'exigibilité des proches (mari et trois enfants) de 28%, l'empêchement total final était de 16.7%.
g. Par décision du 4 février 2016, l'OAI a accordé à l'assurée une demi-rente d'invalidité dès le 1er septembre 2014, l'invalidité totale étant de 50% compte tenu de la pondération des empêchements dans la sphère professionnelle (empêchement de 100% pour une part de 40%) et des travaux habituels (empêchement de 16.7% pour une part de 60%).
h. En février 2019, procédant à la révision de la rente en raison de l'introduction au 1er janvier 2018 de la nouvelle méthode d'évaluation de l'invalidité des assurés exerçant une activité à temps partiel, l'OAI a fait établir une nouvelle enquête économique sur le ménage aboutissant à la conclusion que l'assurée avait un empêchement dans ses différentes activités de 54.7%. En tenant compte de l'exigibilité des proches (mari et deux enfants) fixée à 30.6%, l'empêchement total était de 24.1%. L'OAI a au surplus retenu que le statut mixte de l'assurée (part professionnelle de 40% et ménagère de 60%) avait été confirmé par la chambre de céans dans son arrêt du 23 décembre 2008 et a fixé l'invalidité totale de l'assurée à 54% dès le 1er mai 2018. Le droit à la demi-rente d'invalidité était ainsi maintenu, selon communication du 18 février 2019.
i. Le 15 décembre 2022, l'assurée a répondu au questionnaire adressé par l'OAI dans le cadre de la nouvelle révision de la rente entamée. Son état de santé s'était aggravé depuis l'automne 2020, tant sur le plan psychique que physique. Elle avait des oublis fréquents, des vertiges et des problèmes aux genoux l'ayant fait chuter. Elle n'arrivait plus à assumer ses tâches ménagères.
j. Dans un rapport du 9 janvier 2023, la docteure C______, spécialiste FMH en médecine interne générale et en endocrinologie-diabétologie, médecin traitante de l'assurée, a mentionné, à titre de diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail, une polyarthrite rhumatoïde avec polyarthralgies invalidantes, ainsi que des lombalgies et gonalgies sévères. Les limitations fonctionnelles en découlant (difficultés à la marche, qui s'effectuait avec des cannes, douleurs polyarticulaires rendant le réveil physique impossible), induisaient une capacité de travail nulle dans l'activité habituelle et dans une activité adaptée. La capacité de concentration, de compréhension, d'adaptation et la résistance de l'assurée étaient également limitées.
k. Dans un rapport du 31 mai 2023, la docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, psychiatre traitante de l'assurée, a indiqué que l'état de celle-ci s'était beaucoup aggravé depuis l'octroi de la rente. Elle avait été très traumatisée par les tremblements de terre survenus en février 2023 en Turquie, où elle s'était rendue pour visiter sa famille. Elle avait dû vivre dehors avec sa mère et le reste de sa famille, dans des conditions très précaires. Plusieurs membres de sa famille avaient péri et elle était encore sous le choc émotionnel et sujette à des fortes attaques de panique et des crises d'angoisse. Elle souffrait en outre d'un état dépressif : sa tristesse était constante, elle avait une perte importante de l'intérêt et du plaisir, n'avait plus de motivation, présentait un sentiment de dévalorisation, de culpabilité, de lassitude, et de désespoir et souffrait de troubles de la mémoire antérograde, oubliant ainsi souvent les tâches à effectuer. Elle souffrait aussi d'insomnie, de perte de l'appétit et n'avait plus la force de faire le ménage. Les diagnostics avec effet sur la capacité de travail étaient les suivants : trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques (F33.3), trouble panique (F40.0), stupeur dissociative (F44.2), état de transe et de possession (F44.3), troubles dissociatifs de la motricité et des organes des sens (F44.4-44.7), syndrome de dépersonnalisation et déréalisation (F48.1), syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4), trouble mixte de la personnalité « évitante (anxieuse) et dépendante » (F61.0), obésité (E66), lésion séquellaire dans la région frontale inférieure à gauche du cerveau, fibromyalgie, apnée du sommeil et insuffisance veineuse aux membres inférieurs. L'assurée bénéficiait d'une prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique intégrée et de consultations à raison de trois à quatre séances par mois. La compliance était bonne, selon le taux sérique. L'assurée était fragile et vulnérable au stress avec une chronicité de ses symptômes anxio-dépressifs. Elle se sentait vite démunie et désespérée face à ses troubles physiques, psychiques et aux évènements extérieurs. Ses troubles anxiodépressifs l'empêchaient de travailler et de s'organiser. Elle présentait une perturbation importante sur le plan émotionnel, n'arrivait plus à effectuer ses tâches quotidiennes et à fonctionner normalement. Elle présentait une baisse du rythme et du rendement de travail, ne la rendant plus apte à travailler, ni dans un atelier protégé, ni dans un travail lucratif. L'état psychique actuel de l'assurée devait donc être réévalué dans le but d'augmenter la rente d'invalidité à 100%. La capacité de compréhension de l'assurée n'était pas limitée, la capacité de concentration l'était modérément, tandis que celle d'adaptation et la résistance étaient sévèrement limitées.
l. Une troisième enquête économique sur le ménage s'est déroulée au domicile de l'assurée le 18 septembre 2023. L'infirmière spécialisée a relevé que l'assurée et sa fille, dans un premier temps, puis l'époux dans un second temps, avaient donné les mêmes explications quant à l'organisation familiale et la manière dont se déroulaient les tâches ménagères. Les conclusions de cette enquête étaient que l'assurée présentait des empêchements de 57.1% dans ses tâches ménagères, avant déduction de l'exigibilité des proches, qui était, quant à elle, fixée à 42.8%. L'empêchement pondéré était donc de 14.3%. Les proches de l'assurée partageant son domicile étaient son conjoint, âgé de 57 ans, lui-même rentier de l'assurance-invalidité à 100% en raison de lombalgies chroniques et d'un état dépressif récurrent, et sa fille de 17 ans, étudiante ; la fille aînée avait quitté le domicile mais rendait visite presque quotidiennement à ses parents.
m. Par projet de décision du 5 octobre 2023, l'OAI a informé l'assurée qu'il avait constaté un changement du degré d'invalidité de 5% ou plus, de sorte que sa rente actuelle serait réduite dès le premier jour du deuxième mois suivant la notification de la décision. Son statut était toujours mixte, à raison de 40% pour la part professionnelle et 60% pour la part ménagère. L'invalidité dans la sphère professionnelle était toujours de 40% au vu de l'incapacité totale de travail dans toute activité. Quant à l'invalidité dans la sphère ménagère, elle s'élevait à 8.58% (14.3% x 60%). L'invalidité totale de l'assurée était donc de 49% et ouvrait le droit à une rente de 47.5%.
n. Par courrier du 20 octobre 2023 à l'attention de l'OAI, la Dre D______ a relevé que l'état psychique et physique de l'assurée ne lui permettaient plus de réaliser les activités de la vie quotidienne (vaisselle, cuisine, ménage, repassage, etc.), ni des tâches administratives. Elle n'arrivait plus à accomplir ces tâches, ni à fonctionner normalement.
o. Par décision du 16 novembre 2023, l'OAI a octroyé à l'assurée une rente correspondant à 47.5% d'une rente entière d'invalidité dès le 1er octobre 2023. Les arguments présentés par la Dre D______ dans son courrier du 20 octobre 2023 ne lui permettaient pas de revoir son appréciation, une incapacité totale de travail dans la sphère professionnelle ayant déjà été retenue. L'assurée devait restituer les prestations indûment versées, correspondant aux rentes avant réduction, versées durant les mois d'octobre et novembre 2023, soit CHF 96.-.
p. Dans un courrier du 21 octobre 2023 reçu le 17 novembre 2023 par l'OAI, l'assurée a sollicité une rente entière de l'assurance-invalidité, exposant que ses bras n'agissaient pas normalement, que ses genoux avaient été opérés il y avait de cela environ une année et demie, que son dos était affaibli, qu'elle s'était cassé deux côtes, qu'elle avait des vertiges violents, des complications neurologiques, des problèmes cardiaques, une tension artérielle haute et des attaques de panique. Elle souffrait aussi d'apnées du sommeil intraitables.
q. Le 21 novembre 2023, l'OAI a informé l'assurée que la procédure d'audition suite à son projet de décision était terminée, mais qu'elle pouvait faire recours à l'encontre de la décision définitive. De plus, les nouveaux éléments apportés ne permettaient pas de modifier ses conclusions, une incapacité totale de travail ayant été retenue et les empêchements dans le ménage ayant été réévalués.
C. a. Par acte du 30 novembre 2023, la Dre C______, représentant l'assurée, a interjeté recours à l'encontre de la décision du 16 novembre 2023 auprès de la chambre de céans. La recourante souffrait d'une polyarthrite rhumatoïde séropositive, provoquant des polyarthralgies importantes au niveau des mains, des genoux et de la colonne lombaire. Le diagnostic d'une spondylarthropathie séronégative avait aussi été avancé. À ceci s'ajoutaient des gonalgies, un syndrome métabolique sévère avec diabète, hypertension artérielle et obésité compliquant davantage son fonctionnement au quotidien. Elle était sujette à des vertiges provoquant des chutes, dont une récemment sur la voie publique. Elle souffrait aussi d'un état anxio-dépressif sévère, nettement aggravé dernièrement suite à des évènements tragiques familiaux (décès de proches lors du séisme en Anatolie), d'insomnies, de céphalées intenses et de stress post-traumatique lui provoquant des fortes attaques de panique jour et nuit. Cela engendrait des difficultés de concentration et d'attention, et un état d'épuisement, l'empêchant de travailler et de réaliser les activités de sa vie quotidienne (ménage, repassage, cuisine).
b. Une procuration justifiant des pouvoirs de la Dre C______ a été signée par la recourante le 8 décembre 2023.
c. Par mémoire de réponse du 9 janvier 2024, l'intimé a conclu au rejet du recours. L'enquête économique sur le ménage, réalisée au domicile de la recourante, avait pleine valeur probante. Il n'existait pas de divergences entre les résultats de l'enquête et les constatations d'ordre médical relatives à la capacité de la recourante d'accomplir ses travaux habituels, l'enquêtrice ayant pris en compte les pièces médicales figurant au dossier et les déclarations de cette dernière pour établir les tâches qu'elle était en mesure de faire et celles qui étaient de facto faites par son époux et sa fille. À l'appui de son recours, l'intimé a produit un avis du SMR du 4 janvier 2024 retenant que la recourante présentait une aggravation de son état de santé depuis la dernière révision. Sur le plan somatique, il avait été diagnostiqué une polyarthrite rhumatoïde motivant l'introduction de traitements médicamenteux qui n'avaient pour l'instant pas amélioré la symptomatologie, ainsi que des douleurs aux genoux. Sur le plan psychiatrique, l'état de la recourante s'était aussi aggravé, surtout depuis février 2023, avec augmentation des angoisses, et présence d'un trouble panique, le plus vraisemblablement dans le contexte d'un syndrome de stress post-traumatique. Les nouvelles atteintes (polyarthrose, atteinte aux genoux) et l'aggravation psychiatrique avaient été prises en compte par l'enquêtrice, laquelle avait donc retenu les limitations fonctionnelles actuelles de la recourante, mais tenu compte de l'exigibilité familiale.
d. Le 3 avril 2024, les pièces suivantes ont été versées au dossier par la représentante de la recourante :
- rapport de la Dre D______ du 20 octobre 2023 figurant déjà au dossier ;
- attestation médicale du 14 novembre 2023 du docteur E______, spécialiste FMH en médecine interne générale et en rhumatologie, attestant suivre la recourante depuis le mois de mars 2022. Il avait diagnostiqué une polyarthrite rhumatoïde séropositive et lui avait proposé un traitement de fond. La polyarthrite n'était pour l'instant toujours pas en rémission, mais les douleurs étaient légèrement en diminution. La recourante souffrait par ailleurs d'une gonarthrose varisante gauche lui occasionnant de vives douleurs à la marche, qui était effectuée avec une boiterie, et était suivie par un orthopédiste pour ce problème. Le traitement était pour l'instant conservateur, mais une arthroplastie prothétique serait à moyen terme nécessaire pour soulager les douleurs de manière plus efficace. La capacité de travail de la recourante était fortement limitée par la gonarthrose gauche et la polyarthrite rhumatoïde, qui entraînait des douleurs des mains et limitait les efforts de préhension. Il était donc nécessaire de revoir le taux d'invalidité reconnu par l'intimé à la lumière des problèmes rhumatologiques de la recourante, mais également de ses autres problèmes, notamment psychiatriques ;
- rapport de consultation ambulatoire initiale du 12 juin 2022 des docteurs F______ et G______, médecins au sein du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur des Hôpitaux universitaires de Genève, relevant que la recourante avait fait l'objet d'une méniscectomie du genou gauche le 4 mai 2022 et qu'elle présentait une persistance des douleurs. La flexion en actif n'était pas entière et les médecins préconisaient d'effectuer des séances de physiothérapie.
e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.
3. Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).
4. Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).
En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).
En l'espèce, aucun élément ne permet de penser que la modification de l'état de fait déterminant se serait produite avant le 1er janvier 2022, la révision d'office ayant été initiée en décembre 2022 et l'enquête économique sur le ménage – fixant les empêchements actualisés que rencontre la recourante dans sa sphère ménagère – ayant été réalisée en septembre 2023. Il sied ainsi d'appliquer les dispositions de la LAI en vigueur depuis le 1er janvier 2022.
5. Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
6. Le litige porte sur le taux d'invalidité de la recourante, respectivement sur la question de savoir s'il a subi une modification suffisante pour revoir son droit à la rente.
7. À titre liminaire, il sied de rappeler que les dispositions transitoires adoptées dans le cadre de la modification de la LAI du 19 juin 2020 prévoient que la quotité de la rente des bénéficiaires dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de la modification et qui n’avaient pas encore 55 ans à son entrée en vigueur ne change pas tant que leur taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA. Aux termes de cette disposition, le rente d'invalidité est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d'invalidité de l'assuré subit une modification d'au moins cinq points de pourcentage (let. a) ou atteint 100% (let. b).
8. Aux termes de l'art. 28a al. 1 LAI, l’évaluation du taux d’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative est régie par l’art. 16 LPGA. Le taux d’invalidité de l’assuré qui n’exerce pas d’activité lucrative, qui accomplit ses travaux habituels et dont on ne peut raisonnablement exiger qu’il entreprenne une activité lucrative est quant à lui évalué, en dérogation à l’art. 16 LPGA, en fonction de son incapacité à accomplir ses travaux habituels (art. 28a al. 2 LAI). Enfin, selon l'art. 28a al. 3 LAI, lorsque l’assuré exerce une activité lucrative à temps partiel, le taux d’invalidité pour cette activité est évalué selon l’art. 16 LPGA. S’il accomplit ses travaux habituels, le taux d’invalidité pour cette activité est fixé selon l'al. 2. Dans ce cas, les parts respectives de l’activité lucrative et de l’accomplissement des travaux habituels sont déterminées ; le taux d’invalidité est calculé dans les deux domaines d’activité.
En vertu de l’art. 28b LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47,5% (cf. al. 4).
9. Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 24septies ss du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201]). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assuré, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et la référence) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).
Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références ; 141 V 15 consid. 3.1 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 125 V 146 consid. 2c et les références).
Selon l’art. 24septies RAI, le statut d’un assuré est déterminé en fonction de la situation professionnelle dans laquelle il se trouverait s’il n’était pas atteint dans sa santé (al. 1). L’assuré est réputé exercer une activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 1 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de 100% ou plus (al. 2 let. a) et est réputé exercer une activité à temps partiel au sens de cette même disposition dès lors qu'en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d'occupation de moins de 100% (al. 2 let. c).
Le taux d’invalidité des personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel est déterminé par l’addition du taux d’invalidité en lien avec l’activité lucrative et du taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels (art. 27bis al. 1 RAI). Le taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels est calculé en déterminant le pourcentage que représentent les limitations dans les travaux habituels par rapport à la situation dans laquelle l’assuré serait sans invalidité et en pondérant le pourcentage ainsi déterminé en fonction de la différence entre le taux d’occupation qu'aurait l'assuré s'il n'était pas invalide et une activité lucrative à plein temps (art. 27bis al. 3 RAI).
10. Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution – attestée médicalement – du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).
L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l'aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu'elle va au-delà du soutien que l'on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d'une atteinte à la santé invalidante n'entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu'elles constituent à l'égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).
Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 et 129 V 67 consid. 2.3.2 publié dans VSI 2003 p. 221 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et I 733/06 du 16 juillet 2007).
Il existe dans l'assurance-invalidité – ainsi que dans les autres assurances sociales – un principe général selon lequel l'assuré qui demande des prestations doit d'abord entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 et les références ; 140 V 267 consid. 5.2.1 et les références). Dans le cas d'une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l'obligation d'organiser son travail et de solliciter l'aide des membres de la famille dans une mesure convenable. Un empêchement dû à l'invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L'aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l'évaluation de l'invalidité de l'assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s'attendre sans atteinte à la santé. Il s'agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable, si aucune prestation d'assurance ne devait être octroyée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références). La jurisprudence ne pose pas de grandeur limite au-delà de laquelle l'aide des membres de la famille ne serait plus possible. L'aide exigible de tiers ne doit cependant pas devenir excessive ou disproportionnée (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.1 et les références).
Toutefois, la jurisprudence ne répercute pas sur un membre de la famille l'accomplissement de certaines activités ménagères, avec la conséquence qu'il faudrait se demander pour chaque empêchement si cette personne entre effectivement en ligne de compte pour l'exécuter en remplacement (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; 133 V 504 consid. 4.2). Au contraire, la possibilité pour la personne assurée d'obtenir concrètement de l'aide de la part d'un tiers n'est pas décisive dans le cadre de l'évaluation de son obligation de réduire le dommage. Ce qui est déterminant, c'est le point de savoir comment se comporterait une cellule familiale raisonnable, soumise à la même réalité sociale, si elle ne pouvait pas s'attendre à recevoir des prestations d'assurance. Dans le cadre de son obligation de réduire le dommage (art. 7 al. 1 LAI), la personne qui requiert des prestations de l'assurance-invalidité doit par conséquent se laisser opposer le fait que des tiers – par exemple son conjoint (art. 159 al. 2 et 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]) ou ses enfants (art. 272 CC) – sont censés remplir les devoirs qui leur incombent en vertu du droit de la famille (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.2 et les références).
Le Tribunal fédéral a récemment confirmé qu'il n'y a pas de motif de revenir sur le principe de l'obligation de diminuer le dommage tel que dégagé par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3 et les références).
Le facteur déterminant pour évaluer l'invalidité des assurés n'exerçant pas d'activité lucrative consiste dans l'empêchement d'accomplir les travaux habituels, lequel est déterminé compte tenu des circonstances concrètes du cas particulier. C'est pourquoi il n'existe pas de principe selon lequel l'évaluation médicale de la capacité de travail l'emporte d'une manière générale sur les résultats de l'enquête ménagère. Une telle enquête a valeur probante et ce n'est qu'à titre exceptionnel, singulièrement lorsque les déclarations de l'assuré ne concordent pas avec les constatations faites sur le plan médical, qu'il y a lieu de faire procéder par un médecin à une nouvelle estimation des empêchements rencontrés dans les activités habituelles (VSI 2004 p. 136 consid. 5.3 et VSI 2001 p. 158 consid. 3c ; arrêts du Tribunal fédéral I 308/04 et I 309/04 du 14 janvier 2005).
En présence de troubles d'ordre psychique, et en cas de divergences entre les résultats de l'enquête économique sur le ménage et les constatations d'ordre médical relatives à la capacité d'accomplir les travaux habituels, celles-ci ont, en règle générale, plus de poids que l'enquête à domicile. Une telle priorité de principe est justifiée par le fait qu'il est souvent difficile pour la personne chargée de l'enquête à domicile de reconnaître et d'apprécier l'ampleur de l'atteinte psychique et les empêchements en résultant (arrêt du Tribunal fédéral 9C_657/2021 du 22 novembre 2022 consid. 5.1 et la référence).
11. En l'espèce, concernant tout d'abord le statut de la recourante, il n'y a pas de motifs pour s'écarter de l'appréciation de l'intimé à cet égard, étant néanmoins relevé que, contrairement à ce qu'il indique, cette question n'a pas spécifiquement été analysée dans l'arrêt de 2008. La recourante n'élève en effet pas de grief à ce sujet, et, questionnée par l'intimé à ce propos, elle n'a pas été en mesure d'indiquer à quel taux elle travaillerait sans atteinte à la santé. Aucun autre élément au dossier ne permet de retenir qu'elle aurait augmenté son taux de travail par rapport à sa dernière (et première) activité professionnelle en Suisse. Dans ce contexte, et même si plusieurs de ses enfants ont désormais grandi et que la famille a une situation financière plutôt précaire, il n'est pas possible de s'éloigner du statut fixé en 2008, fondé sur les revenus qu'elle avait obtenus durant huit mois de travail pour les B______, sachant qu'elle ne disposait pas d'un poste fixe, et que le taux de travail de 40% résulte aussi de son curriculum vitae. Il faut ainsi considérer, sous l'angle de la vraisemblance prépondérante, que le statut mixte de la recourante, à hauteur de 40% consacré aux activités professionnelles et de 60% consacré aux activités ménagères, est correct.
12. S'agissant de l'évaluation de l'invalidité de la recourante, il sied de rappeler que l'intimé a considéré qu'elle était totalement incapable de travailler dans toute activité professionnelle et présentait des empêchements dans la sphère ménagère de 14.3%, ce qui, compte tenu de la pondération respective de ces deux sphères d'activités, conduisait à une invalidité totale de 49% (40% d'invalidité dans la sphère professionnelle et 8.58% dans la sphère des travaux habituels), contre 54% d'invalidité admise antérieurement, depuis le 1er mai 2018.
La recourante critique la diminution de son invalidité, ce qui revient à examiner si les conclusions de l'enquête économique sur le ménage sont probantes, l'invalidité totale dans toute profession étant établie.
Selon les conclusions du rapport d'enquête économique sur le ménage, la recourante présente des empêchements avant obligation de réduire le dommage (i.e. empêchements avant la prise en considération de l'exigibilité de ses proches) de 57.1%. L'exigibilité de ses proches est fixée à 42.8%, ce qui aboutit à un empêchement pondéré total de 14.3%.
Au sujet de l'exigibilité des proches, la chambre de céans constate qu'au moment de l'enquête, la recourante partageait son domicile avec son époux, né en 1966, lui-même bénéficiaire d'une rente entière d'invalidité en raison de lombalgies chroniques et d'un état dépressif récurrent, et avec sa fille cadette née le ______ 2006 – et ainsi âgée de 16 ans au moment de l'enquête, et non de 17 ans comme retenu par l'intimé –, étudiante en première année du secondaire II. En comparaison, lors des enquêtes sur le ménage, réalisées en 2015 et 2019, une exigibilité des proches respectivement de 28% puis de 30.6% avait été retenue, alors que le ménage était composé de cinq personnes en 2015 et de quatre personnes en 2019 (à savoir, en 2015, outre la recourante et son époux, un fils né en 1995, une fille née en 1998 et la fille cadette née en 2006, le fils ayant quitté le domicile parental lors de l'enquête de 2019). L'évaluatrice n'explique pas pour quelles raisons l'exigibilité des proches a été considérablement revue à la hausse entre 2019 et 2023 (passant de 30.6% à 42.8%, soit une augmentation de plus de 39%), alors que dans le même temps, la fille aînée du couple a quitté le domicile et que la seule enfant présente est désormais la cadette âgée de 16 ans. On doute par ailleurs que l'aide du mari de la recourante, qui était déjà rentier à 100% en 2015, ait pu évoluer dans des proportions importantes entre les trois enquêtes. Par ailleurs, certaines tâches font l'objet d'une exigibilité très importante des proches, telles que le poste « Nettoyer la cuisine au quotidien » (75%) et celui des « Travaux lourds » (91%). L'aide de la fille aînée est en outre prise en considération, à tout le moins pour le nettoyage de la cuisine au quotidien (il n'est pas précisé quelle fille aide pour les travaux lourds). Or, même si la fille aînée du couple continue de venir aider ses parents relativement fréquemment, l'on ne peut exiger d'elle une aide aussi conséquente que lorsqu'elle vivait au domicile de ses parents, ce d'autant plus qu'elle était alors sans emploi. Dans l'ensemble, une exigibilité de plus de 42% pour un ménage composé, outre la personne assurée, d'un adulte totalement invalide et d'une adolescente en formation paraît très importante, ce d'autant plus que ce taux est plus élevé que celui appliqué antérieurement, lorsque d'autres enfants plus âgés vivaient au domicile familial.
La chambre de céans remarque, par ailleurs, que les empêchements de la recourante n'ont que légèrement augmenté entre 2019 et 2023, alors que l'intimé admet que l'état de santé de la recourante s'est considérablement péjoré. Le taux d'empêchement de la recourante avant exigibilité est en effet passé de 54.7% à 57.1% (soit une augmentation de moins de 5%), tandis que des nouvelles affections médicales ont été diagnostiquées, à savoir essentiellement des gonarthroses bilatérales et une polyarthrite rhumatoïde. Or, à teneur de l'attestation du Dr E______ du 14 novembre 2023, cette affection diagnostiquée en 2022 entraîne, entre autres symptômes, des douleurs des mains, limitant notamment la préhension. Bien que le rapport d'enquête mentionne ces nouvelles atteintes à la santé dans les diagnostics et relate la difficulté de la recourante à préparer et cuire les aliments en raison de ses mains gonflées et du manque de force, il souligne a contrario que celle-ci n'a aucun empêchement pour mettre et débarrasser la table ou servir le repas, sans que cette différence entre deux activités nécessitant un certain effort de préhension ne soit explicitée. Par ailleurs, l'empêchement de la recourante à réaliser les tâches de lessive et d'entretien des vêtements a été jugé identique en 2019 et en 2023 (50%), quand bien même l'état de santé somatique s'est dégradé dans l'intervalle.
Au surplus, on ne discerne pas pourquoi le taux d'occupation consacré aux « Soins et assistance aux enfants et aux proches » est passé de 15% en 2019 à 16% en 2023, alors que la fille cadette de la recourante a grandi dans l'intervalle et nécessite en principe moins d'encadrement. De plus, cette enfant était déjà décrite comme très autonome et ayant une scolarité harmonieuse en 2019, mais un empêchement de la recourante de 30% pour cette activité avait alors été retenu, qui a été réduit à 0% dans l'enquête de 2023, sans que la différence ne soit expliquée. Au contraire, la dernière enquête souligne que la fille cadette a toujours été décrite comme autonome dans ses différentes activités.
Les éléments rapportés ci-dessus soulèvent des doutes irréductibles quant à la valeur probante de l'enquête économique sur le ménage de 2023. En outre, ce n'est pas seulement l'état physique de la recourante qui s'est aggravé depuis la dernière instruction, mais également son état psychique, fait admis par l'intimé.
Or, la Dre D______ a mentionné dans ses rapports médicaux, notamment ceux du 31 mai et du 20 octobre 2023, que l'état psychique de la recourante ne lui permettait pas d'accomplir ses diverses activités de la vie quotidienne, ce qui a également été relevé par la Dre C______ dans l'acte de recours. Si les médecins traitants n'ont, certes, pas détaillé et quantifié, poste par poste, les empêchements de la recourante, leurs déclarations font état d'une personne gravement atteinte dans sa santé mentale, n'ayant plus la capacité de s'organiser, de prendre des décisions, et de gérer son quotidien. Une telle entrave dans la vie quotidienne ne ressort pas de l'enquête économique sur le ménage. Dans la mesure où, en présence de troubles psychiques, les constatations d'ordre médical ont en principe la priorité sur les conclusions de l'enquête économique sur le ménage, l'intimé devait requérir des médecins traitants, en particulier de la psychiatre, des précisions complémentaires quant aux empêchements rencontrés par la recourante dans ses activités de la vie quotidienne, conformément à son devoir d'instruction (art. 43 LPGA). Cela paraissait d'autant plus nécessaire que, selon la jurisprudence, l'existence effective d'une divergence entre les résultats de l'enquête économique sur le ménage et les constatations d'ordre médical relatives à la capacité d'accomplir les travaux habituels ne peut être constatée de manière définitive que lorsque les deux évaluations ont été effectuées sous l'angle de critères identiques (« unter gleichen Vorzeichen »). Cela signifie que les appréciations médicales doivent se référer également aux différentes tâches domestiques et tenir compte de l'aide nécessaire et raisonnablement exigible des membres de la famille à la lumière des circonstances concrètes. Lorsque tel est le cas, si les médecins parviennent à une conclusion divergente, ils doivent encore examiner le rapport d'enquête économique sur le ménage et expliquer pourquoi ils sont parvenus à une autre conclusion (arrêt du Tribunal fédéral 9C_657/2021 du 22 novembre 2022 consid. 5.2 et les références).
Dans ces circonstances, il se justifie d'annuler la décision entreprise et de renvoyer la cause à l'intimé afin qu'il sollicite une prise de position, à tout le moins, de la Dre D______, laquelle devra se prononcer sur l'enquête économique sur le ménage, réalisée en 2023, chiffrer et motiver les empêchements de la recourante dans chaque activité déterminante, ainsi que se prononcer sur l'exigibilité des proches. Cela fait, l'intimé devra à nouveau statuer sur le droit à la rente de la recourante en requérant, le cas échéant, des informations actualisées sur l'évolution de ses atteintes à la santé, les pièces au dossier faisant aussi état, notamment, de vertiges en augmentation et de problèmes cardiaques. Au surplus, l’infirmière spécialisée ayant rédigé le rapport d’enquête économique sur le ménage devra expliquer les raisons pour lesquelles l’exigibilité des proches a augmenté, passant de 30.6% à 42.8%, alors même qu’il ne reste plus qu’une fille de 16 ans partageant le domicile de l’assurée et de son époux invalide.
À toutes fins utiles, la chambre de céans soulignera encore que la décision du 16 novembre 2023, réduisant la rente d'invalidité de la recourante depuis le 1er octobre 2023 et exigeant le remboursement de la différence, est contraire à l'art. 88bis al. 2 let. a RAI, aux termes duquel la diminution ou la suppression de la rente, de l’allocation pour impotent ou de la contribution d’assistance prend effet au plus tôt le premier jour du deuxième mois qui suit la notification de la décision.
13. Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision du 16 novembre 2023 annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour instruction au sens des considérants et nouvelle décision sur le droit à la rente de la recourante.
14. La recourante obtenant partiellement gain de cause et étant représentée par un mandataire professionnellement qualifié, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03] ; art. 9 al. 1 LPA).
15. Compte tenu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d’un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet partiellement.
3. Annule la décision de l'intimé du 16 novembre 2023.
4. Renvoie la cause à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.
5. Condamne l'intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.
6. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le