Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/345/2024 du 16.05.2024 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/2603/2023 ATAS/345/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 16 mai 2024 Chambre 5 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
AXA ASSURANCES SA
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1950, travaillait en qualité de responsable administratif, à un taux d’activité de 90%, auprès de la société B______ Sàrl (ci-après : B______), lorsqu’il a déclaré un accident, en date du 11 novembre 2020.
b. Par courrier du 12 novembre 2020, signé par une personne non identifiée sous l’appellation « Le Secrétariat », la permanence Swiss MC Medical Center (ci-après : Swiss MC) a fait une déclaration d’accident, attestant que l’assuré s’était présenté dans son centre, le 12 novembre 2020, à la suite d’un accident survenu le 11 novembre 2020. Il était demandé de fournir au patient la feuille de déclaration d’accident remplie ainsi que l’éventuelle feuille de pharmacie.
c. Dans sa déclaration de sinistre du 17 novembre 2020, destinée à l’assurance accidents de son employeur, AXA ASSURANCES SA (ci-après : AXA ou l’intimée), l’assuré a décrit qu’il remontait la rampe d’un parking lorsqu’une voiture descendant à vive allure lui avait fait perdre l’équilibre et qu’il s’était tordu la cheville ; il avait été pris en charge, le 12 novembre 2020, par la docteure C______, spécialiste FMH en médecine générale, chez Swiss MC. Dans le formulaire d’AXA, sous rubrique « description de l’accident » et daté du 3 décembre 2020, l’assuré a déclaré qu’il marchait dans la rampe d’accès du parking de la rue du Cendrier lorsqu’une voiture s’était engagée à vive allure en remontant la rampe sans s’arrêter et l’avait projeté de côté. Il avait heurté violemment l’arrête de la bordure latérale en béton de la rampe avec le pied droit et s’était tordu grièvement la cheville. Par courriel du 21 février 2022, il a corrigé sa version des faits, en expliquant qu’il descendait la pente du parking lorsqu’une voiture montant à vive allure lui avait fait perdre l’équilibre.
d. Un CT-scan du pied et de la cheville droite de l’assuré a été effectué en date du 27 novembre 2020 ; dans son rapport du 30 novembre 2021, le docteur D______, spécialiste FMH en radiologie, a décrit qu’il n’y avait pas d’évidence de lésion osseuse post-traumatique récente. Probable ancien petit arrachement à bord corticalisé au dos de la tête du talus. La structure osseuse ne présentait pas d’anomalie évidente. Suspicion d’un pied creux, à confronter néanmoins à une radiographie de profil en charge. En conclusion, il déclarait qu’il n’existait pas de lésion osseuse post-traumatique évidente.
e. Une IRM de la cheville et du medio pied droit a été effectuée en date du 22 septembre 2021 - annulant et remplaçant l’IRM du 16 septembre 2021 - par le Dr D______ ; ce dernier a conclu qu’il n’y avait pas de lésion ostéo ligamentaire post-traumatique évidente et qu’il notait une infiltration graisseuse très avancée de stade IV selon Goutallier des muscles intrinsèques du pied, s’accompagnant d’un œdème des muscles intrinsèques du pied. L’aspect était compatible avec des signes d’un œdème de dénervation, versus contusion musculaire, à corréler à la présentation clinique globale.
f. Dans un rapport médical intermédiaire LAA demandé par AXA, et daté du 30 septembre 2021, un médecin (non mentionné) de Swiss MC a écrit sous diagnostic : traumatisme du pied droit ; sous la rubrique évolution : amélioration des douleurs et de la mobilité du pied droit avec sensibilité à la palpation sur le dos du pied. La thérapie consistait en une physiothérapie et la prise de médicaments, notamment Irfen et Calcitonine. La durée probable du traitement était estimée à deux-trois mois « à réevaluer ». L’incapacité de travail était de 20%, du 1er juillet au 14 octobre 2021.
g. À la demande d’AXA, le docteur E______, spécialiste FMH en orthopédie et traumatologie au sein de la permanence médicochirurgicale du rond-point Plainpalais (ci-après : PMC), a complété un premier certificat médical en date du 1er novembre 2021. Il a mentionné sous la rubrique « déroulement de l’accident et douleurs », une « torsion du pied droit avec douleurs et gonflement par la suite d’une projection sur le trottoir ». S’agissant des constatations, il a noté œdème (illisible) du pied gauche avec douleurs à la palpation avec un diagnostic provisoire mentionnant une entorse du « pied gauche » (sic) avec syndrome d’algoneurodystrophie. S’agissant de l’incapacité de travail, il notait une incapacité à 100% dès le 23 novembre et jusqu’au 25 décembre 2020 et à 50% dès le 25 février (sans mentionner l’année).
h. Sur demande d’AXA du 31 décembre 2021, le Dr E______ a complété ses déclarations, mentionnant pour l’anamnèse qu’il s’agissait d’un accident du pied droit, avec un syndrome d’algoneurodystrophie par la suite ; que les troubles et/ou handicaps liés à l’accident étaient : un manque de mobilité et des douleurs à la marche sur terrain accidenté ; que selon les résultats objectifs de son examen, il y avait : une sensibilité à la palpation et une « réduction orteils ». Son diagnostic était : une contusion du pied droit avec syndrome d’algoneurodystrophie et infiltration graisseuse des muscles intrinsèques ; la capacité de travail était de 20% jusqu’au 31/12/2021, puis de 0% dès le 1er janvier 2022 ; appelé à décrire les traitements et thérapies suivies actuellement, il a mentionné : la physiothérapie, la prise d’Ecoforex et de vitamine C et l’application de Flectoparin, en indiquant que les résultats étaient favorables et qu’il fallait continuer la physiothérapie.
B. a. Par décision du 6 septembre 2022, AXA a mis un terme au versement de ses prestations en rapport avec l’événement du 11 novembre 2020, à compter du 2 décembre 2020. Il était renoncé à demander le remboursement des prestations versées à tort après cette date. Le service médical d’AXA ne reconnaissait plus de lien de causalité naturelle entre l’événement du 11 novembre 2020 et les troubles de la santé de l’assuré, à trois semaines de l’accident ; les examens radiologiques n’avaient révélé aucune lésion traumatique, ni l’œdème habituel des algoneurodystrophies.
b. Par courrier du 4 octobre 2022, l’assuré a fait opposition à la décision du 6 septembre 2022 en contestant que le lien de causalité entre l’événement et les troubles n’était plus établi. Il ajoutait qu’il constatait que Swiss MC n’avait pas remis à l’assurance le rapport de la Dre C______, qui avait pris en charge l’assuré, tout de suite après son accident, et alléguait qu’il allait relancer Swiss MC, afin de faire transmettre à l’assurance ledit rapport, ainsi qu’une radio qui avait été effectuée lors de la même consultation.
c. Dans un rapport médical du 2 mars 2023, le Dr E______ a confirmé qu’un CT-scan avait été effectué en date du 27 novembre 2020 sans montrer de lésion osseuse évidente. Le patient avait suivi un traitement antalgique, anti-inflammatoire et des séances de physiothérapie pour récupérer la mobilité et diminuer la douleur, mais la symptomatologie avait persisté durant une période importante. Les conclusions du Dr D______ après l’IRM du 16 septembre 2021 étaient mentionnées, ainsi que le fait que le patient avait continué les séances de physiothérapie et les traitements anti-inflammatoires dans un contexte d’algoneurodystrophie, suite à l’accident du 11 novembre 2020, « surtout qu’aucun autre accident ne s’était produit depuis ».
d. Par courrier de son mandataire, daté du 8 mars 2023, l’assuré a persisté dans son opposition et a demandé à l’assurance d’annuler sa décision du 6 septembre 2022 et d’accorder les prestations demandées, en soulignant qu’il ne s’agissait pas d’une contusion simple du pied droit et que les conclusions du médecin-conseil n’étaient pas suffisamment motivées et entraient en contradiction avec le rapport du médecin traitant du 2 mars 2023.
e. Par décision sur opposition du 21 juin 2023, AXA a rejeté l’opposition et confirmé sa précédente décision du 6 septembre 2022, tout en renonçant à demander le remboursement pour les prestations octroyées à tort après le 2 décembre 2020. Selon AXA, les appréciations du médecin-conseil F______, spécialiste FMH en orthopédie, étaient confirmées par celles du médecin-conseil G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, expert médical certifié SIM. Aucun signe de traumatisme récent ne pouvait être observé sur les images du CT-scan réalisé deux semaines seulement après l’événement. De surcroît, l’examen IRM du 16 septembre 2021 avait mis en évidence une infiltration graisseuse très avancée, qui n’était pas compatible avec l’événement du 11 novembre 2020, le temps d’apparition d’une telle dégénérescence étant bien supérieur à neuf mois. Le rapport médical du médecin traitant daté du 2 mars 2023 n’apportait aucun élément objectif, le Dr E______ se contentant de reprendre les conclusions du rapport de l’IRM tout en tronquant le point d’interrogation qui terminait les conclusions du radiologue et montrait que ce dernier s’interrogeait sur l’occurrence d’une éventuelle algoneurodystrophie. Les conclusions des médecins-conseil présentaient une entière valeur probante et devaient être suivies.
C. a. Par acte de son mandataire, posté en date du 17 août 2023, l’assuré a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre la décision sur opposition du 21 juin 2023, concluant, préalablement, à ce qu’une comparution personnelle des parties et une expertise médicale judiciaire soit ordonnée et, principalement, à l’annulation de la décision contestée, la condamnation de l’intimée à prendre en charge les prestations et frais médicaux dus, notamment à partir du 2 décembre 2020, le tout sous suite de frais et dépens. L’assuré reprenait, en substance, l’argumentation déjà développée au stade de l’opposition et contestait la valeur probante des appréciations rendues par le médecin-conseil de l’intimée, tout en soulignant que l’instruction était lacunaire.
b. Par réponse du 29 septembre 2023, AXA a conclu au rejet du recours et a répété, dans les grandes lignes, l’argumentation à l’appui de la décision querellée. Il était rappelé que l’événement du 11 novembre 2020 n’était pas constitutif d’un « impact contusionnel », car cette dynamique n’avait pas été décrite par l’assuré et le dossier médical ne contenait aucune évidence d’une lésion cutanée (plaie, dermabrasion) qui pouvait laisser suspecter une telle dynamique. De plus, le dossier médical de l’assuré ne présentait aucune lésion ostéo ligamentaire post-traumatique, aucune lésion osseuse, ligamentaire, tendineuse, cutanée ou autre, documentée. Enfin, le diagnostic d’algoneurodystrophie soutenu par le Dr E______ n’était fondé que sur la présence de douleurs persistantes, mais il n’y avait aucune base clinique pour le retenir, car il n’existait, ni lésion, ni immobilisation prolongée de l’articulation, ni opération chirurgicale. De surcroît, ce type de pathologie guérissait normalement, dans la majorité des cas, entre douze et vingt-quatre mois et il était donc exclu qu’elle soit encore présente trois ans après l’événement. Enfin, l’instruction médicale était complète et une expertise judiciaire n’était pas nécessaire.
c. Par réplique du 27 décembre 2023, le recourant a produit des pièces médicales complémentaires certifiant que le recourant ne souffrait d’aucune maladie neurologique ni métabolique et qu’il n’était pas connu pour une maladie sous-jacente. Le Dr E______ confirmait qu’il existait bien, selon lui, un lien de causalité entre la symptomatologie actuelle et l’accident. Il était encore mentionné qu’en cas de doute, même léger, une expertise médicale externe devait être mise en place.
d. Par duplique du 14 février 2024, AXA a exposé que les nouvelles pièces médicales avaient été soumises à son service médical ; l’absence de maladie métabolique ou neurologique ne permettait pas encore de prouver le lien de causalité entre l’événement et les troubles au pied droit du recourant, au-delà du 2 décembre 2020. S’agissant de l’appréciation du médecin traitant, le Dr G______ ne s’expliquait pas comment ce dernier, qui avait découvert, lors d’un examen CT-scan du 24 mars 2023, une fracture du quatrième orteil du pied droit, liait un traumatisme, qui avait eu lieu pendant le mois de mai 2023 et parvenait à établir un quelconque lien de causalité avec l’événement, objet de la présente affaire, survenu trois années auparavant.
e. Par observations spontanées du 7 mars 2024, le mandataire de l’assuré a estimé qu’une pleine valeur probante devait être accordée à l’appréciation du médecin traitant, le Dr E______, dès lors que ce dernier connaissait très bien le dossier médical de l’assuré et le suivait depuis de nombreuses années. Pour le surplus, la demande d’une expertise médicale était maintenue.
f. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
g. Les autres faits et informations seront mentionnées, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence matérielle pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.
3. Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).
4. Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.
5. Le litige porte sur le lien de causalité entre les troubles du pied droit du recourant et l'événement du 11 novembre 2020 et singulièrement sur la date de statu quo.
6. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.
La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).
Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 148 V 138 consid. 5.1.1). Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).
Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).
Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.
Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).
Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 143 II 661 consid. 5.1.2 ; 139 V 156 consid. 8.4.2). En présence d'une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l'assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a et 117 V 359 consid. 5d/bb ; arrêt du Tribunal fédéral U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).
7.
7.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).
7.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).
7.3 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).
Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4).
7.4 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).
7.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
8. Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, les autorités administratives et les juges des assurances sociales doivent procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raison pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Ils ne peuvent ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, ils doivent mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
De plus, il appartient en premier lieu à l'assureur-accidents de procéder à des instructions complémentaires pour établir d'office l'ensemble des faits déterminants et, le cas échéant, d'administrer les preuves nécessaires avant de rendre sa décision, en vertu de l'art. 43 al. 1 LPGA (ATF 132 V 368 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_696/2022 du 2 juin 2023 consid. 4.5 et les références).
9. En l'espèce, se fondant sur l'appréciation médicale de ses médecins-conseils, les Drs F______ et G______, l’intimée considère que l’événement du 11 novembre 2020 a cessé de déployer ses effets le 2 décembre 2020, soit trois semaines après l’événement.
L’assuré, en revanche, considère que l’instruction est lacunaire et, en se fondant sur les appréciations de ses médecins traitants, notamment le Dr E______, conclut que les prestations doivent être prises en charge au-delà du 2 décembre 2020, car la symptomatologie douloureuse du patient en date du 31 juillet 2023 serait encore due à l’accident.
9.1 À titre préalable, il convient d’observer le caractère variable des déclarations de l’assuré quant aux circonstances de l’accident.
Dans la déclaration de sinistre, il expose qu’il remontait la pente d’un parking lorsqu’une voiture descendant à vive allure lui avait fait perdre l’équilibre et qu’il s’était tordu la cheville. Dans le formulaire d’AXA, sous rubrique « description de l’accident », il déclare qu’il descendait la rampe d’accès lorsqu’une voiture s’est engagée à vive allure en remontant la pente sans s’arrêter et l’a projeté de côté. Il a heurté violemment l’arrête de la bordure latérale en béton de la rampe, avec le pied droit et s’est tordu grièvement la cheville. Dans le rapport de Swiss MC du 21 mars 2022 adressé à AXA, il est mentionné sous « Indications de la personne accidentée » : « Touché par une voiture sortant du parking ».
Or, le CT-scan, effectué par le Dr D______, seize jours après l’accident, soit le 27 novembre 2020, ne mentionne ni plaie, ni dermabrasion, ni œdème.
Ce point a d’ailleurs été relevé par le médecin-conseil G______, dans son évaluation du dossier LAA du 26 septembre 2023, p. 3 (pce M18 chargé intimée) « selon la déclaration du patient il n’y a pas d’écrasement du pied ni de choc. Pas de lésion cutanée non plus (plaie, dermabrasion) qui pourrait laisser suspecter une telle lésion, ni une autre lésion quelconque, qui pourrait corroborer un traumatisme musculaire ».
Le médecin-conseil F______ note également, dans son évaluation du dossier LAA du 26 juillet 2022, p. 3, qu’il veut bien « accepter une contusion simple du pied droit mais avec un statu quo à trois semaines (guérison habituelle). Mais le CT-scan du 27 novembre 2020 ne montre pas de fracture, ni de contusion osseuse et l’IRM probablement du 16 septembre 2021 ne montre pas de lésion ligamentaire, ni l’œdème habituel des algoneurodystrophies ».
Compte tenu de l’absence de plaie et de dermabrasion, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’il n’y a pas eu de choc entre le pied droit de l’assuré et l’arrête du trottoir ou le véhicule en marche. L’assuré s’est donc tordu la cheville.
9.2 S’agissant du diagnostic d’algoneurodystrophie, également appelé syndrome douloureux régional complexe (ci-après : SDRC), les médecins-conseils considèrent que celui-ci disparaît dans les douze à vingt-quatre mois qui suivent l’événement. Or, dans le cas d’espèce, le Dr E______ considère qu’il est toujours présent au mois de juillet 2023, soit deux ans et demi après l’événement.
Dans un article intitulé « Syndrome douloureux régional complexe : rôle du système nerveux central et implications pour la prise en charge » et paru dans la revue médicale suisse en date du 6 mai 2020, les auteurs mentionnent l’importance de poser un diagnostic selon les critères diagnostiques de Budapest.
Or, dans le cas présent, ni les médecins traitants, ni les médecins-conseils n’ont examiné les critères diagnostiques de Budapest pour retenir ou écarter l’existence d’un SDRC.
Étant rappelé que pour la validation du diagnostic, il est communément fait référence aux critères dits « de Budapest », qui sont exclusivement cliniques et associent symptômes et signes dans quatre domaines : sensoriels, vasomoteurs, sudomoteurs/oedème, moteurs/trophiques (arrêt du Tribunal fédéral 8C_234/2023 du 12 décembre 2023 consid. 3.2 et la référence).
Partant, il subsiste un faible doute sur la valeur probante des appréciations des médecins-conseils au vu du diagnostic de SDRC retenu par les médecins traitants de l’assuré et de l’apparente persistance des douleurs chez l’assuré.
9.3 La chambre de céans n'est donc pas en mesure d'apprécier si le lien de causalité entre l'accident du 11 novembre 2020 et les troubles du recourant ont déployé des effets au-delà du 2 décembre 2020, étant rappelé que lorsqu'un cas n'a pas fait l'objet d'une expertise au sens de l'art. 44 LPGA, il y a lieu de poser des exigences sévères quant à l'appréciation des preuves ; des doutes même minimes sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance doivent conduire à des investigations complémentaires (cf. consid. 7 ci-dessus). Compte tenu des conclusions contradictoires des médecins-conseils et des médecins traitants et du fait que l’éventualité d’un SDRC n’a pas été examinée conformément aux critères généralement admis, il se justifie, en conséquence, de poursuivre l'instruction du dossier et d'ordonner une expertise orthopédique du recourant, au sens de l'art. 44 LPGA.
Contrairement à ce que requiert le recourant, la cause sera néanmoins renvoyée à l'intimée afin qu'elle mette en œuvre cette expertise, dans la mesure où il lui appartient, en premier lieu, d'instruire le cas avant de rendre sa décision.
10. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision sur opposition du 21 juin 2023 sera annulée.
La cause sera renvoyée à l'intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants, puis nouvelle décision.
11. Le recourant obtenant partiellement gain de cause et étant assisté d’un avocat, une indemnité de CHF 2'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
12. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet partiellement.
3. Annule la décision sur opposition de l'intimée du 21 juin 2023.
4. Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
5. Condamne l'intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le